Tribunal administratif N° 50787 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50787 Inscrit le 22 juillet 2024 Audience publique du 8 octobre 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50787 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 2024 par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Intérieur du 5 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 août 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le vice-président, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Amadou NDIAYE, en remplacement de Maître Edévi AMEGANDJI, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er octobre 2024.
Le 20 février 2024, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée, dans un rapport du même jour.
Les 29 avril et 7 mai 2024, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 5 juillet 2024, notifiée à l’intéressé par courrier commandé en date du 8 1 juillet 2024, le ministre de l’Intérieur, désigné ci-après par « le ministre », résuma les déclarations de Monsieur … comme suit : « (…) Le 20 février 2024, vous vous êtes présenté au Ministère sous l'identité d'… et avez déclaré être né le … à … au Nigeria et être de nationalité nigériane.
Le même jour, lors de votre audition auprès du Service de Police Judiciaire, la comparaison de vos empreintes digitales avec la base de données « AE.VIS » a révélé qu'une demande de visa vous avait déjà été refusée le 31 janvier 2020 par l'ambassade allemande au Nigeria sous une autre identité. En effet, il a pu être découvert que lors de votre demande de visa introduite le 24 janvier 2020 vous aviez fourni un passeport nigérian sous l'identité d'…, né le …, de nationalité nigériane, passeport émis par les autorités nigérianes le 31 octobre 2019 et valable jusqu'au 30 octobre 2024.
Force est de constater que vous avez donc sciemment induit les autorités luxembourgeoises en erreur en vous faisant passer pour une autre personne lors de l'introduction de votre demande de protection internationale.
Les agents du Service de Police Judiciaire ont encore pu découvrir que le dénommé … s'était porté garant lors de votre demande de visa introduite en 2020. Une vérification du Facebook de ce dernier a permis de retrouver votre propre profil Facebook. Une vérification supplémentaire dans la base de données « AEIMM » a également permis de relever que la conjointe du dénommé … porte le même nom de famille que le vôtre, Monsieur, de sorte qu'il y a de « fortes chances qu'il y ait bien un lien de famille entre » vous et la conjointe de Monsieur … (p.2/3 du rapport de police).
Confronté par les agents de police à ces constatations, vous restez dans l'incapacité de donner une explication ou encore refusez de répondre aux questions posées.
2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Le 20 février 2024, lors de l'introduction de votre demande de protection internationale vous avez rempli manuscritement sur votre fiche des données personnelles vous nommer …, être né le … à … au Nigéria, être de nationalité nigériane et avoir dernièrement vécu dans la ville de … », qui se situe dans l'Etat de Lagos (cf. fiche de données personnelles).
Lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale des 29 avril et 7 mai 2024, et suite aux informations ressortant de la base de données « AE.V1S », vous avez déclaré vous nommer en réalité …, être né le « … » à « … » dans l'Etat d'Edo du Nigéria et avoir dernièrement vécu dans le village « … ; … » (p.2-3/19 du rapport d'entretien), version qui ne correspond pas à celle que vous avez initialement renseigné auprès des autorités luxembourgeoises quelques mois en amont.
Lors des différentes phases de procédure de votre demande de protection internationale, vous avez encore, d'une part, déclaré ne jamais avoir été en possession d'un passeport (p.2/3 du rapport de police et fiche de données personnelles) et, d'autre part, vous être fait voler votre sac par un inconnu lors de votre présentation au Ministère, sac contenant tous vos documents et notamment votre passeport (p.3/19 du rapport d'entretien).
2 En cas de retour dans votre pays d'origine vous craindriez pour votre vie, alors que vous n'y seriez pas en sécurité. Vous craindriez que les autorités nigérianes et plus précisément les membres du parti politique d'opposition au pouvoir, le All Progressives Congress (ci-après « APC ») s'en prennent à vous (p.7/19 et 10/19 du rapport d'entretien). A cet égard, vous précisez notamment que certains membres du APC se seraient présentés à votre domicile en demandant après vous à trois reprises, à savoir en juillet 2021, en septembre 2021 et en décembre 2021 sans qu'il ne vous arrive cependant quelque chose concrètement (p.11/19 du rapport d'entretien) Vous justifiez votre crainte d'être recherché par les membres du APC en affirmant, dans un premier temps, leur avoir posé une question fâcheuse lors d'un de leur rassemblement tenu dans votre village en février-mars 2021 (p.10/19 du rapport d'entretien), pour ensuite dans un deuxième temps, affirmer être recherché parce que vous seriez un membre et « mobilizer (sic) » du parti politique adverse, le People Democratic Party (ci-après « PDP »). Ils auraient d'ailleurs également brûlé votre maison (02/19 et p.15/19 du rapport d'entretien).
En « 2020 », vous auriez porté plainte auprès des autorités nigérianes contre les agissements des membres du APC « because they were after me » (p.16/19 du rapport d'entretien).
En février 2024, vous auriez décidé de quitter définitivement votre pays d'origine depuis l'aéroport international de Lagos, Vous auriez d'abord rejoint l'Espagne, muni d'un visa et y seriez resté pendant une semaine. Vous n'auriez cependant pas souhaité rester en Espagne alors que « there are so many Nigerians in Spain » (p.10/19 du rapport d'entretien), de sorte que vous auriez décidé de prendre un autre avion pour rejoindre le Luxembourg (p.9/19 du rapport d'entretien).
A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :
- votre permis de conduire nigérian - un article de journal du quotidien « The Nigerian Observer» intitulé « Political violence : Bandits, suspected thugs attack opposition Member » à la page 5. (…) ».
Le ministre informa ensuite Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 alors qu’il n’aurait, en déposant sa demande et en exposant les faits, soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. Au fond, le ministre refusa la demande de protection internationale comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire à compter du jour où la décision sera devenue définitive.
Le ministre motiva ses décisions sur le constat que Monsieur … ne ferait pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015. Ce constat est motivé comme suit :
« (…) Premièrement, il ressort de votre dossier administratif que vous avez menti aux autorités luxembourgeoises en ce qui concerne votre identité, de sorte que vous ne jouez 3 manifestement pas franc jeu depuis le début de l'introduction de votre demande de protection internationale.
En effet, force est de constater que vous vous êtes identifié sur votre fiche des données personnelles remplie par vos soins en date du 20 février 2024 comme vous nommant …, né le … à … au Nigeria, de nationalité nigériane et avoir dernièrement vécu dans la ville de « … », qui se situe dans l'État de Lagos (cf. fiche de données personnelles). Or, l'agent du Service de Police Judiciaire a découvert à travers la comparaison de vos empreintes digitales avec la base de données « AE.VIS » qu'une demande de visa vous avait déjà été refusée le 31 janvier 2020 par l'ambassade allemande au Nigeria sous une autre identité à savoir celle d'…, né le …, de nationalité nigériane.
Confronté par l'agent de police à ces constatations, vous restez dans l'incapacité de donner une explication cohérente ou encore crédible et êtes dans l'impossibilité de répondre aux questions posées et pour quelles raisons vous n'auriez pas indiqué votre réelle identité.
Lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale réalisé en date des 29 avril et 7 mai 2024 vous changez de version en affirmant cette fois-ci, certes, vous nommer …, mais cependant être né le « … » à « … » dans l'Etat d'Edo du Nigéria et avoir dernièrement vécu dans le village « … ; … », version qui ne correspond à nouveau pas avec celle que vous avez initialement faite auprès des autorités luxembourgeoises quelques mois en amont.
Interrogé par l'agent ministériel en ce qui concerne ces contradictions évidentes eu sujet de votre identité, de votre date de naissance et de votre lieu de séjour, vous répondez de manière non-constructive et sans réellement expliquer pour quelles raisons vous auriez rempli la fiche de données personnelles avec de fausses informations. Au contraire, vous avancez uniquement « I do not know » pour ensuite quand bien même expliquer « I want to use another identity in case my people trace me » (p.2/19 du rapport d'entretien), déclarations qui ne sauraient cependant emporter aucune conviction.
Effectivement, Monsieur, il convient de rappeler que selon l'article 12 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de coopérer avec le ministre en vue d'établir votre identité, ce que vous n'avez manifestement pas fait. De plus, il peut valablement être attendu d'une personne à la recherche d'une protection dans un pays européen et qui est réellement persécutée dans son pays d'origine, qu'elle dise la vérité dès le début de la procédure de sa demande de protection internationale et surtout concernant son identité.
Force est donc de constater que vous avez sciemment et en connaissance de cause induit les autorités luxembourgeoises en erreur en vous faisant passer pour une autre personne lors de l'introduction de votre demande de protection internationale et que vous avez indiqué différentes dates de naissance et différents lieux de séjour au Nigéria, de sorte qu'on ne saurait plus déceler le vrai du faux en l'espèce et cela d'autant plus que vous n'avez remis aucun document d'identité original et authentifiable, qui permettrait de clarifier votre situation et identité.
D'ailleurs, en ce qui concerne l'absence de vos documents d'identité, il convient de relever nue vous n'êtes également pas cohérent dans vos explications à cet égard, puisque vous avez tout d'abord déclaré, d'une part, sur votre fiche des données personnelles et, d'autre part, 4 auprès de l'agent de police, ne jamais avoir été en possession de documents d'identité. Or, vous revenez ensuite sur ces mêmes déclarations lors de votre entretien individuel en affirmant que vous auriez bel et bien été en possession de tels documents, mais que ceux-ci vous auraient été volés lorsque vous vous seriez présenté au Ministère.
Dans la suite logique de votre deuxième explication, il est cependant curieux de noter que vous avez alors été à même de remettre l'original de votre permis de conduire et un article de journal témoignant des violences politiques commises dans votre pays, alors que toutes vos autres affaires les plus importantes, dont votre passeport, se seraient trouvées dans ledit sac volé. Ainsi, il convient sérieusement de s'interroger si vous dites la vérité ou au contraire, si vous n'essayez pas à nouveau d'induire les autorités luxembourgeoises en erreur dans l'unique but de ne pas remettre votre passeport.
Une telle interrogation s'impose d'autant plus que vos explications sont des plus incohérentes et non-convaincantes dans ce contexte, puisque vous vous bornez à dire que votre permis de conduire se serait trouvé dans votre portefeuille, contrairement à votre passeport en raison de sa taille (p. 3/19 du rapport d'entretien), explication certes encore plus ou moins plausible. Or, votre explication concernant l'article de journal est totalement dérisoire alors que vous affirmez l'avoir gardé en mains pendant tout votre trajet depuis l'Espagne vers le Luxembourg (p.12/19 du rapport d'entretien) ; chose qui ne saurait tout simplement pas être crédible.
Force est encore de noter que le fait que votre permis de conduire, jugé comme un document authentique par l'Unité de la police de l'aéroport, indique comme date de naissance le « 25-06-1974 » ne saurait aucunement infirmer les constats effectués précédemment dont le principal est manifestement que vous avez menti en ce qui concerne votre identité et que vous avez essayé de vous faire passer pour une autre personne lors de votre arrivée au Luxembourg.
Dès lors, il est légitime de s'interroger pour quelles raisons vous n'auriez pas déclaré la vérité en ce qui concerne votre réelle identité, si ce n'est pour cacher votre demande de visa introduite en 2020 auprès de l'ambassade allemande au Nigéria, laquelle vous avez introduite, d'un côté, pour des raisons personnelles et familiales et, de l'autre côté, à une date antérieure à la survenance de vos prétendus problèmes politiques rencontrés dans votre pays d'origine en 2021 qui vous auraient poussé à quitter votre pays d'origine en 2024.
Deuxièmement, force est de constater que vos motifs de fuites doivent également être considérablement mis en cause, alors que nombreux de vos propos sont incohérents et contradictoires et ce tout au long de votre récit.
Tout d'abord, en ce qui concerne vos craintes vous n'êtes pas unanime sur la cause et les raisons de celles-ci. En effet, selon vous, les autorités nigérianes et plus précisément les membres du parti politique d'opposition APC seraient à votre recherche à la suite d'une question fâcheuse que vous leur auriez posée lors d'un de leur rassemblement politique tenu dans votre village en février-mars 2021 « to gather and win members to their side » (p.10/19 du rapport d'entretien). En ce sens, vous dites clairement que « they were talking "Muslim to Muslim ticket". I asked what the meaning is, because I didn't understand it, neither did the other people around. The APC members did not explain (…) Someone told me that I was the person who asked the meaning about "Muslim to Muslim ticket" and they took it to heart » (p.11/19 du rapport d'entretien). Or, force est de relever que vous changez ensuite les raisons pour 5 lesquelles les membres du parti politique d'opposition APC seraient effectivement à votre recherche puisque vous dites que la raison principale serait le fait que vous soyez un membre et « mobilizer (sic) » du parti politique adverse, le PDP (p.12/19 du rapport d'entretien).
Ainsi, Monsieur, vous n'êtes donc pas en mesure de vous accorder sur la cause et les raisons pour lesquelles les membres du parti politique d'opposition APC seraient véritablement à votre recherche, ce qui emporte des doutes considérables quant à la crédibilité de vos motifs de fuite. En effet, il est légitime d'attendre d'une personne prétendument persécutée dans son pays d'origine et dont la vie serait en danger, qu'elle soit en mesure de se rappeler de la cause et de la raison de ces problèmes et craintes alors qu'il s'agit en l'espèce d'un évènement des plus marquants de sa vie. Quand bien même tel ne devrait pas être le cas, il convient néanmoins d'attendre de votre part que vous gardiez un semblant de logique et d'uniformité et que vous n'avanciez pas deux versions différentes, respectivement rajoutiez des informations supplémentaires au compte goute.
Dans ce même sens, il convient de noter que vous avez été mis au courant que les membres du parti politique du APC seraient à votre recherche par votre voisin alors que ce dernier vous aurait prévenu, mais que vous personnellement n'étiez à aucun moment présent à votre domicile lors de la venue de ces personnes (p.11/19 du rapport d'entretien). Par conséquent, vos seules déclarations et suppositions à cet égard ne sauraient être suffisantes pour emporter une quelconque conviction sur la crédibilité de ces faits.
Ce constat est une nouvelle fois appuyé par le fait que vos prétendus problèmes auraient commencé après le « Meeting » tenu par les membres du APC en février-mars 2021 puisque ceux-ci se seraient ensuite présentés à votre domicile à trois reprises, notamment en juillet, septembre et décembre 2021 (p.11/19 du rapport d'entretien). Or, il est dès lors curieux de noter que vous avez déjà en « 2020 » été à même de porter plainte auprès des autorités policières de votre pays « against the APC members because they were after me » (p.16/29 du rapport d'entretien). Ainsi, il est plus qu'équivoque que vous ayez pu porter plainte contre des faits avant même leur survenance, de sorte qu'il est plus que logique que les autorités luxembourgeoises soient dubitatives quant à vos réels problèmes vous ayant poussés à quitter votre pays d'origine et vos réelles craintes en cas de retour dans votre pays d'origine.
Effectivement, de tels constats démontrent manifestement que vous n'êtes pas crédible concernant vos motifs de fuite et que vous inventez, respectivement construisez votre récit de toutes pièces en l'empreignant d'un motif politique pour augmenter vos chances de vous voir accorder une protection internationale, or, sans réel succès, puisque vous vous perdez vous-
même dans vos explications.
En outre, d'autres contradictions plus minimes pris dans leur globalité sont compromettantes pour votre crédibilité compte tenu des incohérences soulevées et de vos explications, qui sont de manière générale vagues et non-rationnelles.
En effet, vous expliquez qu'une personne vous aurait aidé pour l'obtention de votre visa espagnol « because I don't know the place, I don't know how to get a visa» (p. 7/19 du rapport d'entretien). Or, force est de constater qu'une telle affirmation ne saurait aucunement persuader les autorités luxembourgeoises alors que vous avez déjà effectué une demande de visa en 2020, de sorte que vous saviez pertinemment quelles démarches étaient à réaliser pour obtenir un nouveau visa et ce peu importe qu'il s'agisse d'une autre ambassade ou d'un autre 6 lieu. De plus, force est de relever que vous prenez votre temps pour répondre à plusieurs questions posées par l'agent du Ministère, dont notamment celle où il s'agit de savoir qui aurait réservé les billets d'avion vers Madrid, Or, les autorités ne sauraient s'expliquer pour quelles raisons vous mettez autant de temps à répondre à une telle question dont la réponse semble évidente (p,8/19 du rapport d'entretien). Toujours concernant des contradictions qui ressortent de votre récit et qui entachent la crédibilité de votre récit, il convient de relever qu'il n'est pas cohérent que, d'une part, vous ayez confié votre sac avec toutes vos affaires personnelles à une personne inconnue plutôt que de le garder avec vous et, d'autre part, que vous n'ayez pas jugé utile par la suite de faire une déclaration de vol auprès des autorités policières luxembourgeoises (p.9/19 du rapport d'entretien).
Quoiqu'il en soit, vos déclarations sont confuses et induisent en erreur les autorités luxembourgeoises.
Troisièmement, force est de relever que certains agissements de votre part viennent une nouvelle fois corroborer le constat que vos motifs de fuite ne sont pas crédibles et que vous ne craignez rien de la part des autorités de votre pays d'origine alors que votre comportement ne correspond pas à celui qu'une personne aurait raisonnablement adopté si elle devait réellement être persécutée pour des raisons prétendument politiques dans son pays d'origine.
En effet, force est de noter que vous avez, de manière tout à fait légale, quitté votre pays d'origine depuis l'aéroport internationale de Lagos du Nigeria vers l'Espagne et cela sans rencontrer le moindre souci quelconque sur place, de sorte que vous avez manifestement passé tous les différents contrôles de police et aéroportuaires avec votre passeport. Par conséquent, il est impossible et impensable que vous ayez réellement été recherché par le parti politique APC au pouvoir tel que vous le prétendez (p.6/19 du rapport d'entretien) auquel cas votre sortie du pays d'origine n'aurait pas pu se faire aussi facilement et limpidement.
Dans cette même lignée, il est également aussi improbable que les autorités nigérianes lesquelles auraient été à votre recherche depuis 2021, vous aient délivré un nouveau permis de conduire en 2023 sans autre conséquence majeure.
Toujours en ce sens, il n'est également pas crédible que vous soyez resté dans votre pays d'origine jusqu'en février 2024, alors que vous auriez prétendument été recherché depuis février-mars 2021 (p.6/19 du rapport d'entretien).
Finalement, il est incohérent que vous ayez été recherché et persécuté par les autorités de votre pays, mais que vous ayez laissé votre femme et vos enfants dans ledit pays alors que votre famille aurait également été à risque et ce d'autant plus que les membres du APC auraient brulé votre maison selon vos dires (p.15/19 du rapport d'entretien).
Ainsi, Monsieur, force est de relever que vos agissements sont en totale discordance avec les déclarations que vous avez pu faire auprès des autorités luxembourgeoises puisque ceux-ci ne s'accordent manifestement pas avec les agissements qu'auraient pu avoir une personne réellement persécutée et recherchée dans son pays.
En ce sens, l'article du journal « The Nigerian Observer » que vous remettez pour soutenir vos propos ne sauraient également pas être perçu comme étant crédible et doit être réfuté alors que vous avez très clairement essayé de duper les autorités luxembourgeoises avec cet article 7 vous concernant figurant à la page 5. En effet, il s'avère que de nombreuses irrégularités ont pu être constatées dans ce contexte.
Tout d'abord, le fait que la première et quatrième de couverture aient été imprimées en couleur alors que le reste des pages ont été imprimées en noir et blanc est déconcertant, d'autant plus, que toutes les autres versions de la quotidienne qui ont pu être retrouvées et consultées sur Internet sont toutes en version colorée. Par conséquent, il convient sérieusement de s'interroger pour quelles raisons l'édition que vous avez spécialement remise et qui vous concerne particulièrement et prétendument serait la seule à être différente. Pareil constat s'impose concernant les écritures imprimées sur la page 5, 6, 11 et 12, alors que les écritures sont différentes, plus noires et plus nettes contrairement aux autres pages et qu'on peut d'ailleurs également y retrouver une superposition d'articles scannées, à nouveau non-visible sur les autres pages du journal en question. Or, la page 5 concerne précisément le prétendu article qui vous cite, de sorte qu'il convient sérieusement de s'interroger si vous n'avez pas manipulé ledit journal respectivement payé quelqu'un pour le créer selon vos besoins.
De plus, force est de relever que si les faits y relatés devaient s'avérer être véridiques, quod non, il est des plus curieux de noter que vous avez initialement menti concernant votre identité, alors que l'article vous aurait nommé explicitement. En effet, il est totalement déconcertant que vous auriez menti à propos de votre identité si vous aviez réellement eu une preuve concrète prouvant vos déclarations.
Toujours à cet égard, il convient de relever que l'article de journal mentionne des problèmes et faits beaucoup plus graves que ceux dont vous-même avez fait part tout au long de votre demande de protection internationale et notamment lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande, ce qui parait totalement dérisoire si ces faits devaient s'avérer être réellement crédibles. En effet, il convient alors de s'interroger pour quelles raisons vous n'auriez pas fait part desdits faits mentionnés dans l'article, faits qu'une personne réellement persécutée dans son pays d'origine aurait manifestement raconté, puisque, selon l'article, vous auriez été torturé.
En outre, il est encore anodin que vous n'ayez pas été au courant de la publication de cet article de journal et que vous n'ayez à aucun moment de votre vie expliqué des détails concernant votre prétendue situation au Nigeria à l'auteur de cet article (p.12/19 du rapport d'entretien), de sorte qu'il convient sérieusement de s'interroger comment l'auteur de cet article aurait pu obtenir toutes ces informations personnelles sur votre vécu pour publier un tel article.
Finalement, il convient de rappeler que si les faits retranscrits dans l'article devaient être véridiques, quod non, vous ne seriez manifestement pas resté dans votre pays d'origine pendant encore trois années consécutives sans que rien ne vous arrive, que vous n'auriez manifestement pas réussi à quitter votre pays d'origine aussi simplement et légalement sans à nouveau rencontrer le moindre problème, respectivement que vous n'auriez rencontré aucune difficulté à vous faire renouveler votre permis de conduire en 2023.
Quatrièmement, le manque de crédibilité se traduit encore par le comportement que vous avez affiché et adopté depuis votre arrivée en Europe, lequel ne correspond manifestement pas à celui d'une personne réellement persécutée.
8 En effet, vous n'avez pas jugé nécessaire d'introduire une demande de protection internationale en Espagne lors de votre arrivée. Or, une telle attitude ne correspond pas à celle d'une personne qui se sent réellement en danger dans son pays d'origine, puisqu'au plus tard à partir du moment où elle se rend compte des risques qu'elle encourt dans son pays d'origine, elle devrait sentir le besoin d'introduire une demande de protection dans le premier pays sûr rencontré, ce qui dans votre cas aurait été l'Espagne. Or, vous affirmez explicitement ne pas avoir voulu introduire votre demande de protection internationale en Espagne parce que selon vous « there are so many Nigerians in Spain » (p.10/19 du rapport d'entretien), explication ne correspondant pas à l'attitude qu'on peut raisonnablement attendre d'une personne réellement persécutée.
Finalement, force est de souligner que votre demande de visa pour l'Allemagne, introduite en janvier 2020 pour des raisons personnelles et familiales, témoigne très clairement de votre intention et de votre souhait de quitter le continent africain en amont de la survenance d'un quelconque prétendu problème rencontré dans votre pays d'origine.
Au vu de tout ce qui précède, vos supposés problèmes politiques et prétendues craintes y afférentes ne sauraient être tenus pour étant crédibles, au contraire, ils s'apparentent plus à une construction de toutes pièces de votre part dans le but de vous voir accorder une protection internationale au Luxembourg.
Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 5 juillet 2024 de statuer dans le cadre de la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions déférées du ministre du 5 juillet 2024, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur explique qu’il ne pourrait pas retourner dans son pays d'origine où sa vie serait en danger, alors qu'il serait recherché par les autorités nigérianes, respectivement les membres du parti au pouvoir, à la suite de sa participation à une manifestation de l'opposition au pouvoir en place, en février-mars 2021 à l'occasion d'un rassemblement tenu dans son village. En effet, les membres du APC lui reprocheraient d’avoir posé une question fâcheuse lors de ce rassemblement.
9 De plus, il aurait été recherché du fait de sa qualité de membre et « mobilizer » du parti politique adverse, le People Democratic Party (PDP).
Le demandeur fait préciser que suite aux représailles qu’il aurait subies et notamment l’incendie de sa maison, il aurait porté plainte auprès des autorités nigérianes contre les agissements des membres du APC.
En droit, le demandeur fait plaider, en premier lieu, que ce serait à tort que le ministre aurait statué sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, sans démontrer en quelle mesure son récit serait sans pertinence, alors qu’il aurait bien fait état d’une crainte de persécutions de la part des membres du parti au pouvoir dans son pays d'origine.
Il reproche au ministre de s’être arrêté à ses déclarations sans avoir cherché à travers des questions supplémentaires, dans le but de mieux cerner sa demande, les raisons profondes des faits exposés.
Le demandeur donne à considérer que, contrairement à ce qui serait le cas du ministre, il lui serait impossible, de son côté, d'analyser la crédibilité d'un récit dans le cadre d'une procédure accélérée. Dans nombre de cas, la pertinence des faits qu’il aurait avancés dépendrait de la pertinence des questions qui lui auraient été posées.
Quant à la mise en cause de la crédibilité de son récit, le demandeur rappelle qu’il aurait tout fait pour expliquer son parcours, ainsi que les raisons l’ayant poussé à introduire sa demande de protection internationale, à savoir sa participation à un rassemblement tenu dans son village en février-mars 2021 contre le parti au pouvoir tout en y ayant manifesté ses opinions politiques en posant une question lui ayant ensuite valu des persécutions.
Ce serait à tort que le ministre estimerait qu’il aurait fourni des versions différentes de son récit dans le but d'induire en erreur les autorités luxembourgeoises, alors qu’il serait de bonne foi et ses déclarations seraient à considérer comme étant complémentaires et non pas contradictoires.
Quant à sa demande d’octroi d’un statut de réfugié, le demandeur rappelle avoir participé à un rassemblement tenu dans son village par l'opposition, et y avoir exprimé ses opinions politiques, ce qui aurait entrainé des persécutions de la part des membres du parti APC qui seraient à sa recherche et qui auraient mis le feu à sa maison, faits qui seraient suffisamment graves au regard des exigences légales.
Le demandeur fait encore souligner que le fait qu’il ait, par pure méfiance et peur de ses bourreaux, indiqué une fausse identité ne serait pas de nature à ébranler la crédibilité de son récit, lequel devrait être analysé de manière globale, et dans le cadre duquel il conteste avoir changé de versions. De même, le ministre ne justifierait pas son reproche d'incohérence dans ses déclarations, ni son analyse biaisée de l’extrait de l'article du journal « The Nigerian Observer », laquelle serait uniquement basée sur des détails improbables, sans en apporter de preuve certaine, notamment en ce qui concerne la problématique de la couleur des pages dudit journal.
10 Le demandeur en conclut que l'autorité administrative aurait fait une appréciation erronée des faits d'espèce sur base d’un examen superficiel, non approfondi et subjectif de sa demande de protection internationale.
Le demandeur ajoute que le fait, pour lui, d’être resté au pays après les faits litigieux, avant de partir, ne serait nullement pertinent pour conclure à l'absence de danger, alors qu’au contraire, il aurait pris toutes les précautions pour « bien » partir de son pays.
Il soutient que sa demande de protection internationale au Luxembourg devrait s'analyser dans le cadre d'une « force majeure », alors que suite à la fuite de son pays, il se serait déjà senti protégé par le seul fait de se retrouver en Espagne puis au Luxembourg, sans avoir eu besoin de demander une quelconque autre protection.
Quant à sa demande d’un statut de la protection subsidiaire, le demandeur estime en remplir toutes les conditions, alors que les membres du parti APC seraient à sa recherche et voudraient attenter à son intégrité, de sorte qu'il existerait de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité.
Quant à l'ordre de quitter le territoire, le demandeur en sollicite l’annulation pour les raisons évoquées ci-dessus constituant des motifs sérieux et suffisants de crainte de persécution en cas de retour dans son pays d'origine.
En plus, eu égard au principe de précaution, il resterait en tout état de cause préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où il y aurait lieu de craindre qu'elle encourt un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie au sens de la Convention de Genève et la loi du 18 décembre 2015, ce qui serait le cas en l'espèce.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.
Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au soussigné de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
11 Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.
Dans cet ordre d’idées force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée La décision ministérielle est en l’espèce fondée sur les dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles : « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.
Afin d’analyser si Monsieur … n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs 12 aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 13 En l’espèce, si le demandeur invoque en substance risquer des persécutions en raison de ses opinions politiques, de sorte à tomber a priori dans un des critères de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, force est cependant de relever que la décision déférée met en doute la crédibilité du récit du demandeur dans sa globalité.
En effet, il y a lieu de préciser que le juge doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
Il echet de rappeler que l'examen de crédibilité du récit d'un demandeur d'asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si le demandeur d'asile a présenté ou non des raisons pertinentes de craindre d'être persécuté du fait de l'un des motifs prévus par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, dénommée ci-après "la Convention de Genève", ou de risquer de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 19 décembre 2015. Il s’ensuit qu’il appartient au soussigné de se prononcer en premier lieu sur la question de crédibilité du récit, d’autant plus qu’en l’espèce, c’est la crédibilité générale du demandeur qui est mise en doute, influant nécessairement sur l’appréciation du caractère manifestement infondé ou non des différents volets du recours dont le soussigné est saisi.
A cet égard, il y encore lieu de relever que si des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.3 Or, cette présomption n’a pas vocation à jouer en l’espèce, alors que le soussigné se doit de constater que c’est à bon droit que le ministre a relevé que le récit du demandeur manque manifestement de cohérence. En effet, ce dernier s’est d’abord contredit notamment quant à son identité, alors qu’il a changé de nom, ainsi que de date et lieu de naissance en cours de procédure, notamment après avoir été confronté aux résultats des recherches y relatives de la part de la police grand-ducale.
L’affirmation selon laquelle il n’aurait pas voulu se présenter sous sa véritable identité lors du dépôt de sa demande de protection internationale au motif qu’il aurait eu peur d’être retrouvé par les siens4 laisse de convaincre, d’autant plus qu’il reste toujours en défaut d’expliquer pour quelle raison, son permis de conduire versé au ministère renseigne une autre année de naissance que celle qu’il avait lui-même marqué sur sa fiche, telle que cette dernière date se trouve d’ailleurs également sur le passeport qu’il avait dû présenter aux autorités 3 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 140 et les autres références y citées.
4 Rapport d’audition de Monsieur …, p. 2 : « I want to use another identity in case my people want to trace me.».
14 consulaires allemandes lors de sa demande de visa lui refusée en 2020, tel que cela ressort des recherches dans la base de données AE.VIS.
Il s’ensuit que la véritable identité du demandeur laisse d’être établie, étant relevé que ce dernier ne semble pas vouloir fournir d’autres efforts afin de documenter son identité, affirmant que son passeport lui aurait été volée par la personne l’ayant guidé vers le ministère pour y déposer sa demande de protection internationale, passeport qui lui aurait pourtant permis de quitter son pays d’origine sans le moindre problème pour l’Espagne.
A cela s’ajoute, tel relevé par la partie gouvernementale, que le récit du demandeur évolue au fil de son entretien, et notamment en vue de s’adapter au contenu d’un article de presse qu’il a seulement versé au cours de son audition, impliquant que les persécutions qu’il a invoqué de la part des membres du parti APC ne seraient plus simplement liés à une question qu’il aurait posée lors d’un rassemblement, mais seraient motivés par son appartenance au parti d’opposition DPD, pour lequel il aurait été désigné en tant que mobilisateur en vue des différentes élections, sans qu’il ne soit pourtant en mesure de répondre de manière convaincante aux questions d’ordre politique lui posées dans ce contexte.
Force est également de constater que face aux incohérences, zones d’ombre et doutes a priori valablement mis en avant par le ministre, tel que repris en intégralité ci-avant, la requête introductive d’instance du demandeur, en soulevant que ce dernier se trouverait dans l’impossibilité d’analyser la crédibilité de son récit, manque manifestement de prendre position de manière utile par rapport aux problèmes de crédibilité ainsi soulevés, de simples contestations y relatives n’étant pas suffisantes à cet égard. Il en va de même de la critique selon laquelle l’agent en charge de l’entretien n’aurait pas posé les bonnes questions, respectivement ne les aurait pas posées de la bonne manière, alors que le demandeur ne saurait se borner à garder une attitude passive et uniquement réactive dans l’instruction de sa demande de protection internationale, étant encore relevé qu’à la fin de l’entretien, il a encore été demandé au demandeur ainsi qu’à son mandataire y présent, s’il y avait encore des éléments relatifs à sa demande qui n’auraient pas encore été discutés, question par rapport à laquelle ces derniers ont tous les deux répondu par la négative.
Il y a dès lors manifestement un doute sur l’identité du demandeur, ainsi que sur la véracité et la gravité des faits invoqués, constat qui n’est nullement contrecarré par les explications de la requête introductive d’instance, laquelle se limite à de simples contestations et critiques générales de l’appréciation ministérielle sur ce point.
Il s’ensuit que le recours est à considérer comme étant manifestement infondé sur ce point, en ce qu’il ne met pas en cause le doute sur la crédibilité du récit du demandeur, tel que valablement soulevé par le ministre.
Etant donné qu’au vu des considérations qui précèdent, le recours est manifestement infondé en ce qui concerne le volet de la crédibilité du demandeur, laquelle est ainsi irrémédiablement compromise, il en va nécessairement de même pour le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, dans la mesure où, à défaut d’un récit crédible, le demandeur n’est manifestement pas en mesure d’étayer le caractère pertinent des faits invoqués au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte qu’il reste manifestement en défaut 15 d’invalider le choix du ministre de statuer sur le demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.
Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.
2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale En ce qui concerne le volet du recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, force est de rappeler que le soussigné vient ci-avant de retenir que la crédibilité générale du demandeur est irrémédiablement compromise, de sorte que c’était à bon droit que le ministre a décidé de refuser la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée. Or, à défaut d’un récit crédible, le demandeur n’est pas en mesure d’établir l’existence d’une persécution ou d’une atteinte grave, ou l’existence d’une crainte de persécution ou d’atteinte grave susceptible de justifier dans son chef la reconnaissance d’une protection internationale, de sorte que le recours relatif à ce deuxième volet de la décision ministérielle déférée est également à rejeter pour être manifestement infondé, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant.
C’est ainsi à bon droit que le ministre a partant refusé au demandeur une protection internationale, demande dont il est dès lors également à débouter dans le cadre du présent recours.
3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur …, impliquant qu’un retour du demandeur dans son pays d’origine ne l’expose ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir sa décision de refus d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution dont le demandeur se prévaut dans ce contexte.
Il s’ensuit et à défaut de tout autre moyen que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, 16 Le vice-président, siégeant en remplacement du premier vice-président, présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 5 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 octobre 2024, par le soussigné, Olivier Poos, vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 17