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02/01/2025 | LUXEMBOURG | N°52074

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 janvier 2025, 52074


Tribunal administratif N° 52074 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52074 2e chambre Inscrit le 10 décembre 2024 Audience publique du 2 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A1), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52074 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2024 par Maître Anna BRA

CKE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif N° 52074 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52074 2e chambre Inscrit le 10 décembre 2024 Audience publique du 2 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A1), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52074 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2024 par Maître Anna BRACKE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le … à … (Albanie), demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures, erronément attribuée au « ministre de l’Immigration et de l’Asile » du 22 novembre 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 décembre 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Anna BRACKE s’étant excusée et rapportée à ses écrits.

Il ressort du dossier administratif et plus particulièrement d’une demande de désignation d’un administrateur ad hoc du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration datée du 3 février 2023, que Monsieur (A1), mineur à l’époque, se présenta le même jour aux autorités luxembourgeoises pour présenter sa demande de protection internationale.

Par ordonnance du 31 mars 2023, le juge aux Affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg désigna Maître Anna BRACKE administrateur ad hoc de Monsieur (A1).

En date du 16 août 2023, Monsieur (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A1) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 24 janvier 2024, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, dans le cadre d’un entretien « relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’application du règlement Dublin III ».

Par requête du 6 juin 2024, le ministère introduisit une demande d’évaluation familiale auprès de l’Organisation Internationale pour les Migrations, ci-après désignée par « l’OIM », laquelle rendit son rapport le 23 juillet 2024.

En date du 11 novembre 2024, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 22 novembre 2024, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 26 novembre 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à sa demande de protection internationale pour les motifs suivants :

« […] En date du 16 août 2023, alors que vous étiez considéré à cette époque comme un mineur non accompagné, Maître Anna BRACKE, en sa qualité d’administrateur ad hoc, a introduit, pour votre compte, une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort des éléments de votre dossier que vous vous êtes présenté aux autorités luxembourgeoises début février 2023 en tant que mineur non accompagné aux fins d’introduire une demande de protection internationale. Dans ce contexte, vous avez noté sur votre fiche des motifs manuscrite ne pas vouloir retourner en Albanie alors qu’on vous aurait maltraité ce qui vous aurait causé « außergewöhnlichen Stress ». Vous voudriez faire des études au Luxembourg et vous intégrer.

Dans la mesure où il ressort de votre passeport albanais ainsi que de votre carte d’identité albanaise remis aux autorités que vous êtes né en date du 8 novembre 2006, vous avez été considéré comme mineur non-accompagné. Par ordonnance n° … du 31 mars 2023, le juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a désigné Maître Anna BRACKE administrateur ad hoc avec la mission de vous assister dans le cadre de l’examen de votre demande de protection internationale.

Le 16 août 2023, jour de l’introduction de votre demande de protection internationale, vous avez été entendu par un agent du Service de Police Judiciaire. Il ressort du rapport de police établi à cet égard que vous vous êtes présenté pour la première fois aux autorités luxembourgeoises en date du 1er février 2023. Vous avez encore affirmé avoir quitté votre pays d’origine alors que vous auriez été harcelé en raison de votre ethnie égyptienne. Vous auriez un frère en Allemagne, un dénommé Monsieur (A2), âgé d’environ 24 ans. Vous auriez néanmoins préféré ne pas le rejoindre et venir au Luxembourg pour étudier.

Il ressort encore dudit rapport de police que vous penseriez avoir quitté l’Albanie fin janvier 2023 en bus depuis Tirana. Vous auriez payé 150.- euros pour le billet. Vous auriez traversé la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie, l’Italie et la France pour arriver au Luxembourg. Vos parents n’auraient pas été au courant de votre départ. Une fois arrivé au Luxembourg, vous auriez contacté votre frère en Allemagne qui aurait mis vos parents au courant. Actuellement, vous ne seriez que très peu en contact avec votre frère et vous n’auriez plus de contact avec votre père. Vous seriez uniquement en contact avec votre mère.

Vous avez encore été entendu dans le cadre d’un entretien « relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’application du règlement Dublin III » en date du 24 janvier 2024. Vous déclarez dans ce contexte, par rapport à votre situation en Albanie, ne plus être en contact avec votre père depuis plus d’un an, mais il serait au courant de votre présence au Luxembourg. Votre relation avec votre père aurait été mauvaise alors qu’il ne se serait jamais occupé de la famille et aurait tout le temps été dans la rue. Vous seriez uniquement en contact avec votre mère, environ trois fois par semaine, avec laquelle vous auriez une bonne relation.

Votre frère se trouverait en Allemagne mais vous ignoreriez où exactement. Vous ne seriez plus en contact avec lui et il ne s’intéresserait pas à vous. Vous n’auriez également pas une bonne relation avec votre sœur qui séjournerait à Tirana.

Lors de ce même entretien, vous affirmez avoir été, en Albanie, victime d’intimidations par des copains. Ils vous auraient battu et insulté à cause de votre ethnie. Vous en auriez parlé à votre famille, mais votre père n’aurait rien fait pour vous, de sorte que vous auriez décidé de quitter l’Albanie.

Vous ne souhaiteriez en outre pas être réuni avec votre frère qui se trouverait en Allemagne alors que vous seriez bien au Luxembourg et les « gens de Caritas sont ma nouvelle famille » (entretien Dublin III page 6). Le premier but que vous auriez souhaité atteindre au Luxembourg aurait été celui d’aller à l’école. Vous vous sentiriez intégré au Luxembourg et ce pays vous plairait beaucoup. Vous auriez par ailleurs déjà trouvé trois patrons pour faire un stage. Il aurait toujours été important pour vous d’avoir une place pour travailler. Vous envisageriez de continuer à vivre au Luxembourg, de travailler et de créer une famille.

Le 6 juin 2024, une demande « Family tracing » a été adressée à OIM qui a été suivie d’un « Questionnaire and Guidance for family-assessment to UAM’s in Luxembourg » en date du 23 juillet 2024.

En date du 11 novembre 2024, vous avez été entendu sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande Monsieur, vous déclarez vous nommer Monsieur (A1), être né le … à …/Albanie, et être de nationalité albanaise. Vous seriez d’ethnie égyptienne, mais vous vous sentiriez vous-même comme d’ethnie albanaise.

En Albanie, vous auriez vécu à … avec vos parents et votre fratrie. Néanmoins, votre père aurait déménagé à Tirana, de même que votre sœur. Votre père aurait en outre vendu le domicile familial, de sorte que votre mère et vous-même seriez partis habiter chez vos grands-

parents dans le même quartier. Votre mère séjournerait toujours chez vos grands-parents.

En Albanie, vous auriez fréquenté l’école jusqu’à la 9ème classe et auriez fait un apprentissage pendant deux années. Après les cours, vous auriez parfois travaillé les après-

midis.

Vous déclarez ne pas pouvoir retourner en Albanie alors que vous auriez peur de gens inconnus auprès desquels votre père aurait contracté des dettes et qui pourraient vous kidnapper sinon tuer un jour.

Vous relatez ainsi avoir grandi dans une famille ordinaire. Votre père n’aurait pas toujours été à la maison, mais votre mère se serait toujours très bien occupée de vous. Votre père aurait été instituteur de musique et votre mère aurait travaillé en tant que femme de ménage. Or, vos parents auraient commencé à se disputer. Alors même que vos parents auraient tous les deux travaillé, « wusste niemand, wo das Geld hinging » (entretien page 3).

Un jour, il y deux ans et demi, respectivement trois ans (donc entre novembre 2021 et mai 2022) vous auriez découvert votre mère saignante et vous auriez remarqué qu’à votre domicile la télé, le canapé et le fauteuil n’auraient plus été là. Selon les dires de votre mère, votre père aurait vendu lesdites affaires. Cela vous aurait semblé bizarre alors que votre situation financière aurait été bonne.

Vous déclarez encore que, dans une chambre, votre père aurait eu un tiroir fermé à clé contenant des documents. Vous et votre mère auriez découvert qu’il se serait agi de documents aux termes duquel votre père aurait contracté des crédits à hauteur de 11 millions de LEK (environ 112 000 euros) auprès de plusieurs banques et vous rajoutez « er war spielsüchtig » (entretien page 4). A compter de ce jour, votre père aurait disparu. Des rumeurs dans ce contexte se seraient répandues à …, de sorte que vous auriez été traité de « Sohn des Spielsüchtigen » à l’école. Vous rajoutez encore que votre père aurait pareillement contracté des crédits auprès de personnes privées que vous ne connaîtriez pas. Il aurait eu des dettes auprès de 15 à 20 personnes à hauteur de 20 millions de LEK. Dans ce contexte, vous-même ainsi que votre mère auriez été abordés dans la rue par des gens qui vous auraient demandé où se trouverait votre père.

Ainsi, vous vous seriez senti menacé alors que des personnes inconnues vous auraient abordé dans la rue en vous disant que « wir werden deinem Vater deinen Kopf zuschicken, wenn er die Schulden nicht begleicht » (entretien page 4). Vous auriez eu peur et n’auriez presque plus quitté la maison. Vous seriez allé à l’école et immédiatement renté par la suite, sinon vous seriez encore allé travailler après les cours. Alors que vous auriez eu peur, vous auriez même eu une hache dans votre salon alors que votre mère ne pourrait pas se protéger contre ces gens puisqu’elle serait une femme. Votre mère aurait en outre reçu des appels téléphoniques menaçants.

Vous auriez été abordé par ces personnes six mois à un an avant que vous ne quittiez l’Albanie début 2023. Sur question afférente de préciser combien de fois tel aurait été le cas, vous déclarez « sehr oft. Fast jeden Tag » (entretien page 4). Vous ne connaîtriez pas ces personnes alors qu’ « es waren immer andere, angsteinflößende, mir unbekannte Männer » (entretien page 4).

Vous-même et votre mère ne vous seriez pas adressés à la police alors que vous auriez eu peur. La police en Albanie ne serait pas comme au Luxembourg et « manche Schuldeneintreiber » travailleraient même avec la police. La police serait en outre corrompue.

Convié à expliquer d’où vous auriez ces informations, vous ne répondez pas à la question et estimez avoir eu peur et que cela vous aurait causé des problèmes psychologiques.

Vous rajoutez encore qu’une fois, sinon à quatre ou cinq reprises, vous auriez été attrapé par l’épaule et poussé contre un mur par des personnes inconnues. On vous aurait menacé que si votre père ne devait pas réapparaître, on vous tuerait. Par après, votre père aurait vendu la maison, de sorte que vous et votre mère auriez été obligés d’emménager chez votre grand-mère.

Par rapport à ces menaces corporelles, vous ne vous seriez pas non plus adressé à la police alors que vous auriez eu peur et « ich war psychisch ein Wrack » (entretien page 5).

Vous auriez décidé de quitter l’Albanie alors que vous auriez, en raison de cette situation, été sous pression quotidiennement. Vous auriez ainsi pris la décision de fuir vos problèmes alors que ces gens auraient pu vous kidnapper un jour sinon vous tuer.

Votre mère, restée en Albanie, n’aurait en soi pas de problèmes, mais elle ne quitterait pas la maison. Elle aurait par ailleurs changé de numéro de téléphone.

Confronté à vos déclarations faites auprès de la police, à savoir que vous auriez quitté l’Albanie alors que vous auriez été harcelé à cause de votre ethnie égyptienne, vous déclarez avoir eu peur et que vous n’auriez pas osé dire la vérité. Invité à étayer si les motifs liés à votre ethnie alléguée ne se seraient donc pas produits, vous estimez alors que vous auriez été jeune à votre arrivée au Luxembourg et vous auriez eu peur « dass Kredithaie mich hier aufsuchen könnten » (entretien page 6). Sur question répétitive de l’agent en charge de votre entretien que « Du bist also nicht gemobbt worden wegen deiner ethnischen Herkunft » vous niez et confirmez que vos problèmes seraient uniquement liés à ces usuriers.

Vous auriez décidé de quitter l’Albanie une à deux semaines avant votre départ effectif fin janvier 2023. Vous n’auriez averti personne de votre départ, mais votre mère apprécierait que vous soyez parti. Vous ne vous seriez pas installé dans une autre région ou une autre ville de votre pays d’origine alors que ces criminels vous trouveraient plus rapidement que la police.

Il ne ferait ainsi pas de sens d’aller habiter à Tirana. Invité à expliquer comment ces personnes pourraient vous trouver dans une grande ville peuplée telle que Tirana, vous estimez que l’Albanie serait un petit pays et que les gens seraient très connectés, tout en rajoutant que « solche Sachen sind schon passiert » (entretien page 7).

A l’appui de votre demande, vous remettez votre passeport albanais valable du 11 janvier 2023 au 10 janvier 2033, ainsi que votre carte d’identité albanaise valable du 11 janvier 2023 au 11 janvier 2033. […] ».

Le ministre informa ensuite Monsieur (A1) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2024, Monsieur (A1) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 22 novembre 2024 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 22 novembre 2024, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui des trois volets de son recours, le demandeur expose, en substance, les faits et rétroactes tels que repris ci-avant.

En ce qui concerne la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur, en se référant à l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015, estime que le ministre n’aurait pas pu statuer dans le cadre d’une telle procédure.

Il se questionne encore quant à « l’utilité et les motivations réelles » du ministre de recourir à cette procédure, dans la mesure où il aurait introduit sa demande de protection internationale le 16 août 2023, mais que le ministre aurait rendu sa décision qu’un an plus tard, à savoir en date du 22 novembre 2024, dépassant ainsi le délai de traitement d’une demande de protection internationale, qui serait de six mois.

En ce qui concerne le bien-fondé de sa demande de protection internationale, le demandeur reproche au ministre d’avoir violé l’article 37 (3) de la loi du 18 décembre 2015, au motif que ce dernier se serait limité à affirmer que les faits à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas crédibles, faisant ainsi abstraction tant de son « statut individuel » que de sa situation personnelle. Tout en rappelant qu’il était mineur au moment des faits qui l’auraient poussé à quitter son pays d’origine, le demandeur explique qu’en raison de l’absence de son père, qui aurait « croulé » sous de nombreuses dettes causées par sa dépendance aux jeux, il serait lui-même devenu la cible des créanciers privés de son père, subissant à ce titre des menaces et des violences. Il critique, dans ce contexte, le ministre de ne pas avoir tenu compte du système de vengeance « Kanun » qui existerait toujours au nord de l’Albanie et en application duquel toute sa famille constituerait une cible potentielle pour les créanciers de son père tant que les dettes de ce dernier ne seraient pas considérées comme soldées.

S’agissant du statut de réfugié, et plus particulièrement de l’allégation du ministre qu’il aurait pu bénéficier d’une protection de la part des autorités albanaises, le demandeur explique que, compte tenu de son âge, il n’aurait pas eu connaissance de la possibilité de solliciter une protection auprès d’instances supérieures albanaises ou de l’Ombudsman albanais, tout en ajoutant que même s’il avait eu connaissance de l’existence de toutes ces autorités et de la protection qu’ils seraient susceptibles de lui octroyer, il estime toutefois que pour « ce genre de situation », il n’aurait pas pu obtenir de protection de la part de la police. Il avance encore avoir craint des représailles supplémentaires en cas de dépôt d’une plainte, alors que malgré les tentatives de réforme du système judiciaire albanais, les autorités locales resteraient corrompues, sinon profondément déstabilisées par la mise en œuvre d’éventuelles réformes.

En ce qui concerne l’ordre de quitter le territoire, le demandeur, après avoir cité l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », invoque une violation de l’article 19 de la Convention de New York sur les droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la Convention relative aux droits de l’enfant », et de l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », en précisant que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être pris en compte, même si cet enfant se trouvait en situation irrégulière. Il donne, dans ce contexte, à considérer que ses « encadrants » se seraient clairement exprimés en faveur de son maintien sur le territoire luxembourgeois. En se référant encore aux considérants 22 et 24 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », le demandeur conclut encore à une violation de l’article 5 de ladite directive par le ministre. Il ajoute ne pas bénéficier, en cas de retour en Albanie, d’une protection contre les violences et les menaces résultant d’un conflit d’ordre privé – situation dangereuse dans laquelle il se trouverait en raison de sa filiation – et qui seraient à l’origine de sa fuite. Un retour dans son pays d’origine ne serait, dès lors, pas dans son intérêt supérieur.

S’agissant, enfin, du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur, après avoir cité l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015, rappelle avoir fui son pays d’origine en raison des violences auxquelles il aurait été exposé et contre lesquelles les autorités albanaises seraient « inefficaces ». Il risquerait, dès lors, en cas de retour dans son pays d’origine, des atteintes graves à sa vie et à sa personne.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.

S’agissant d’abord du moyen du demandeur tenant à une violation de l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015, il échet de relever que suivant cette disposition : « 1) Compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, le mineur non accompagné n’est soumis à une procédure accélérée conformément à l’article 27, que:

a) s’il est originaire d’un pays qui satisfait aux critères requis pour être considéré comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 30; ou b) s’il a présenté une demande ultérieure de protection internationale qui n’est pas irrecevable conformément à l’article 32; ou c) s’il existe de sérieuses raisons de considérer qu’il représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public, ou a fait l’objet d’une décision d’éloignement forcé pour des motifs graves de sécurité nationale ou d’ordre public. […] ».

Force est de constater que le demandeur n’a pas autrement précisé dans quelle mesure cette disposition aurait été méconnue par le ministre, de sorte que ce moyen simplement suggéré encourt le rejet, étant donné qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la 1 Trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.

carence du demandeur en recherchant elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

A titre purement superfétatoire, la soussignée retient qu’il ressort, de manière non contestée, du dossier administratif que Monsieur (A1) est né le …, de sorte qu’il est devenu majeur en date du …. Il s’ensuit que Monsieur (A1) était majeur au jour de la décision déférée, date à laquelle il faut nécessairement se positionner en vue de vérifier la légalité de la base légale sur laquelle la décision litigieuse est fondée.

En effet, en cas de demande de protection internationale d’un mineur non accompagné devenu majeur entretemps, la majorité de ce dernier fait en sorte qu’au jour de la décision sur sa demande de protection internationale, la nécessité de la prise en compte d’une vulnérabilité particulière n’a plus lieu d’être, étant d’ailleurs relevé, dans ce contexte, que l’article 20 de la loi du 18 décembre 2015 prévoit même expressément la possibilité pour le ministre de ne pas faire procéder à la nomination d’un administrateur ad hoc si le « mineur non accompagné […] atteindra selon toute vraisemblance, l’âge de dix-huit ans avant qu’une décision ne soit prise par le ministre […] », de sorte que la date de la décision à prendre sur le sort de la demande de protection internationale est seule déterminante pour vérifier si une prise en compte spéciale de la vulnérabilité d’un demandeur en vertu de sa qualité de mineur non accompagné est toujours nécessaire. Par ailleurs, l’âge d’un demandeur de protection internationale est un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’analyse du bien-fondé d’une telle demande, analyse que le ministre doit réévaluer au jour où il statue, tel que cela ressort clairement de l’économie générale du 3ième paragraphe de l’article 37 de la loi du 18 décembre 20152.

Au vu du fait que Monsieur (A1) était majeur au jour de la décision déférée, le ministre n’était pas tenu d’appliquer les dispositions de l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015.

La soussignée relève encore qu’en tout état de cause, Monsieur (A1) est originaire d’un pays d’origine sûr, à savoir l’Albanie, tel que cela ressort du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », de sorte que la condition prévue à l’article 21 (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 est remplie et que le ministre pouvait statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A1) dans le cadre d’une procédure accélérée.

2 « (3) Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants:

a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués ;

b) les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécution ou d’atteintes graves;

c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave;

d) le fait que, depuis qu’il a quitté son pays d’origine, le demandeur a ou non exercé des activités dont le seul but ou le but principal était de créer les conditions nécessaires pour présenter une demande de protection internationale, pour déterminer si ces activités l’exposeraient à une persécution ou à une atteinte grave s’il retournait dans ce pays;

e) le fait qu’il est raisonnable de penser que le demandeur pourrait se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il pourrait revendiquer la citoyenneté. ».

Il suit de ces considérations que le moyen tenant à une violation de l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015 est manifestement non fondé et à rejeter.

S’agissant ensuite du moyen du demandeur ayant trait, de l’entendement de la soussignée, à une violation de l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015, en ce que le délai entre le dépôt de sa demande de protection internationale et la décision déférée aurait été de plus d’un an, il échet de relever qu’aux termes de l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015 : « Le ministre prend sa décision au plus tard dans un délai de deux mois à partir du jour où il apparaît que le demandeur tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1) qui précède.

[…] ».

Il résulte de la disposition légale qui précède que le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre d’une procédure accélérée est a priori de deux mois à compter du jour où il devient manifeste qu’un demandeur de protection internationale tombe dans un des cas prévus à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015.

En l’espèce, il est constant en cause que la demande de protection internationale de Monsieur (A1) a été introduite en date du 16 août 2023 et qu’une décision n’a été prise à son encontre qu’en date du 22 novembre 2024.

Il échet, à cet égard, de relever que le délai de deux mois tel que prévu à l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015 commence à courir à partir du moment où le ministre dispose de la globalité des motifs invoqués par un demandeur de protection internationale, c’est-à-dire à la fin de l’entretien, respectivement de la relecture de l’entretien de celui-ci, étant précisé que pour savoir si un demandeur de protection internationale tombe dans l’un de ces cas de figure prévus à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, il est nécessaire d’avoir connaissance de l’ensemble des éléments à la base de la demande de celui-ci. Ce n’est que lors de l’entretien auprès de la direction de l’Immigration, tel que prévu à l’article 13 de la loi du 18 décembre 2015, que le demandeur de protection internationale a la possibilité et même l’obligation d’exposer l’ensemble des faits à la base de sa demande, étant rappelé que le service de police judiciaire se limite d’après l’article 6 de la même loi à procéder à toute vérification de l’identité et de l’itinéraire d’un demandeur de protection internationale.

Il ressort du dossier administratif que le dernier entretien de Monsieur (A1) a eu lieu en date du 11 novembre 2024, de sorte que ce n’était qu’à cette date que le ministre disposait de la globalité des motifs invoqués et qu’il est devenu manifeste que le demandeur est susceptible de tomber dans un des cas prévus à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit que le 11 novembre 2024 est à considérer comme point de départ du délai de deux mois tel que prévu à l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 a en l’espèce commencé à courir au plus tôt le 11 novembre 2024 à minuit, soit le 12 novembre 2024, pour expirer le 12 janvier 2025, c’est-à-dire postérieurement à la prise de la décision déférée.

Force est, par ailleurs, de constater qu’il ne se dégage ni des travaux parlementaires relatifs à la loi du 18 décembre 2015 ni de la loi elle-même que le législateur ait entendu conférer un caractère contraignant au délai de 2 mois fixé à l’article 27 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que dans la mesure où ledit délai n’est, de surcroît, pas non plus assorti d’une sanction en cas de non-respect par le ministre, ce délai est à qualifier de délai d’ordre et non pas de délai de rigueur.

Il s’ensuit que le moyen relatif à un dépassement du délai de 2 mois prévu à l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter pour être manifestement infondé.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre. ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 a désigné l’Albanie comme pays d’origine sûr3 et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que Monsieur (A1) est de nationalité albanaise.

Il convient toutefois de relever qu’au vu du libellé de l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 394 de la loi du 18 décembre 2015 et de 3 Article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 : « (1) Sont considérés comme pays d'origine sûrs au sens de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection: […] - la République d'Albanie; […] ».

4 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

l’article 405 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

Il convient ensuite de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur de protection internationale, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

Il y a partant lieu d’analyser si le demandeur a soumis, conformément à l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, des raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie n’est pas un pays sûr compte tenu de sa situation personnelle.

En l’espèce, la soussignée constate tout d’abord que si le demandeur a expliqué, le jour du dépôt de sa demande de protection internationale, à l’agent de la police grand-ducale qu’il aurait quitté son pays d’origine, l’Albanie, au motif qu’il aurait été harcelé en raison de son ethnie égyptienne, il a toutefois déclaré de manière claire et non équivoque lors de son entretien du 11 novembre 2024 relatif à sa demande de protection internationale avoir quitté son pays d’origine en raison de dettes dues par son père à des créanciers publics, en répondant encore à la question de l’agent ministériel de savoir « Gibt es noch andere Gründe, weshalb du dein Herkunftsland verlassen hast ? » par « Das sind die einzigen Gründe »6. Suite au constat de l’agent ministériel qu’il a pourtant indiqué à l’agent de la police grand-ducale avoir été harcelé en raison de son ethnie, le demandeur a uniquement précisé avoir eu peur. Il a ensuite répondu par la négative à la question de l’agent ministériel de savoir s’il avait été harcelé en raison de son ethnie7. Il ressort, dès lors, manifestement du rapport de l’entretien du 11 novembre 2024 que ses problèmes liés à son ethnie ne constituent, pour le demandeur, pas un motif sur base duquel il sollicite une protection internationale au Luxembourg et que l’unique motif à la base de la demande de protection internationale de Monsieur (A1) repose sur les dettes contractées c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

5 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

6 Page 6 du rapport d’audition.

7 Page 6 du rapport d’audition : « Du bist also nicht gemobbt worden wegen deiner ethnischen Herkunft? – Nein. ».

par son père auprès de créanciers privés, constat qui est renforcé par les développements faits dans le cadre de la requête introductive d’instance.

En ce qui concerne la crainte du demandeur de subir des persécutions, sinon des atteintes graves de la part des créanciers privés de son père, la soussignée constate que le demandeur omet à l’évidence d’établir l’existence, dans son chef, de raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie ne serait pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale, telles que décrites ci-avant. Il ne se dégage, en effet, ni du rapport d’audition dressé lors de son entretien par un agent du ministère ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée que le demandeur ne pourrait pas obtenir une protection adéquate de la part des autorités albanaises.

La soussignée relève, à cet égard, que le demandeur n’a avancé aucune raison valable permettant de penser que ses droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans son pays d’origine, sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent lui fournir une protection appropriée.

Par ailleurs, il convient de relever que pour qu’un défaut de protection dans le pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, – ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves – cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, un demandeur de protection internationale ne saurait reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de l’aider.

En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et de violences, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, force est de constater que tant la requête introductive d’instance que le rapport d’entretien du demandeur ne fournissent manifestement aucun élément de nature à pouvoir conclure à une absence de protection en Albanie.

Bien au contraire, il ressort des explications fournies par Monsieur (A1) qu’il n’a pas déposé de plainte contre les individus qui l’auraient pris par l’épaule et menacé à plusieurs reprises afin qu’il rembourse les dettes contractées par son père auprès d’eux, et ce alors même que les menaces et l’agression dont le demandeur a fait état doivent être considérées comme émanant de personnes privées sans lien avec l’Etat albanais.

Or, à défaut d’avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine, l’Albanie, le demandeur n’est pas fondé à soutenir que les autorités albanaises ne seraient pas disposées ou ne pourraient pas lui accorder une protection adéquate.

La justification avancée dans ce contexte par le demandeur et selon laquelle il n’aurait pas cherché la protection dans son pays d’origine en raison du fait qu’il n’aurait pas eu connaissance des différentes autorités albanaises, celle-ci laisse de convaincre la soussignée, dans la mesure où le demandeur était âgé de … ans lorsqu’il a quitté son pays d’origine et qu’il déclare avoir été scolarisé et avoir même commencé une formation professionnelle avant son départ, de sorte qu’il doit être admis qu’il avait les capacités de se renseigner sur les autorités existantes dans son pays d’origine qui auraient pu lui accorder une protection.

Son inaction de ne pas avoir recherché de protection des autorités de son pays d’origine ne saurait pas non plus être justifiée par sa crainte de représailles supplémentaires en cas de dépôt d’une plainte, au motif que les autorités locales seraient corrompues, sinon, tel qu’il l’indique dans le cadre de sa requête introductive d’instance, profondément déstabilisées par la mise en œuvre d’éventuelles réformes, à défaut de se baser sur une quelconque publication, telle un rapport officiel, permettant de sous-tendre ces affirmations, de sorte que celles-ci restent à l’état de pures allégations.

A défaut d’avoir déposé une plainte auprès de la police ou d’une autre autorité albanaise, sinon d’avoir sollicité une protection auprès d’une autorité albanaise, aucune inaction ne saurait être reprochée aux autorités albanaises et les moyens présentés par le demandeur afin d’établir que les autorités de son pays d’origine, l’Albanie, ne seraient pas disposées, respectivement seraient dans l’incapacité de lui fournir une protection sont manifestement infondés.

La soussignée constate encore, dans ce contexte, que si le demandeur devait craindre des représailles supplémentaires de la part des autorités locales en cas de dépôt d’une plainte, il aurait pu se diriger, en Albanie, vers des instances supérieures ou encore saisir l’Ombudsman, tel que relevé à juste titre, sources internationales à l’appui, par la partie gouvernementale.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur, ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée à travers la requête introductive d’instance, ni des pièces du dossier, que les autorités albanaises aient refusé ou aient été dans l’incapacité de fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime, voire qu’il redoute en cas de retour dans son pays d’origine et que, de la sorte, l’Albanie ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr compte tenu de sa situation particulière.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays sûr dans son chef sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à l’analyse du point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’accorder une protection internationale La soussignée relève qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, précités, de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est encore de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, indépendamment de la qualification des faits invoqués à l’appui de la demande de protection internationale, respectivement de la gravité des faits avancés, le demandeur n’a manifestement pas établi que les autorités de son pays d’origine seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas lui fournir une protection appropriée par rapport aux agissements dont il déclare avoir été victime, respectivement dont il craint d’être victime en cas de retour dans son pays d’origine, étant relevé que dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion. Au vu de ce qui précède, il doit dès lors être conclu que l’une des conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie en l’espèce.

Dans ces circonstances, la soussignée conclut que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a a priori également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Ensuite, aux termes de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 invoqué par le demandeur :

« L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Il convient de relever que l’article 129 de la loi du 29 août 2008 renvoie à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (« CEDH ») aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ».

Or, la soussignée a conclu ci-avant que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que le demandeur ne risquait de subir ni des persécutions, ni des atteintes graves en cas de retour en Albanie, de sorte qu’il ne saurait pas non plus se baser sur les faits personnels invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale pour soutenir qu’un retour vers son pays d’origine serait contraire aux articles 129 de la loi du 29 août 2008 et 3 de la CEDH.

La soussignée constate, enfin, que le moyen relatif à une violation des articles 19 de la Convention relative aux droits de l’enfant et 24 de la Charte, relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant, est dénué de pertinence, dans la mesure où le demandeur était majeur au jour de la décision déférée.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 22 novembre 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 janvier 2025, par la soussignée, Annemarie THEIS, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Annemarie THEIS 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52074
Date de la décision : 02/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-01-02;52074 ?

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