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26/03/2025 | LUXEMBOURG | N°52455

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2025, 52455


Tribunal administratif N° 52455 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52455 3e chambre Inscrit le 3 mars 2025 Audience publique du 26 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52455 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2025 par Maître Aminatou KONE, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu...

Tribunal administratif N° 52455 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52455 3e chambre Inscrit le 3 mars 2025 Audience publique du 26 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52455 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2025 par Maître Aminatou KONE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 14 février 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée, de refuser de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 mars 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 mars 2025.

Le 20 juin 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection temporaire, au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », suite à la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire.

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

Par décision du 27 juin 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », refusa de faire droit à la demande de protection temporaire de Monsieur (A). Par décision séparée du même jour, le ministre déclara le séjour de Monsieur (A) illégal et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Toujours en date du même jour, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015.

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

En date du 8 janvier 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 14 février 2025, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée le 17 février 2025, le ministre résuma les rétroactes procéduraux ainsi que les déclarations de Monsieur (A) comme suit :

« […] 1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort de votre dossier administratif qu'en date du 20 juin 2024, vous avez introduit une demande en obtention d'une protection temporaire au Luxembourg.

A cet égard, vous vous êtes vu notifier une décision de refus quant à l'obtention de la protection temporaire en date du 27 juin 2024, tout comme une décision de retour, accompagnée d'un ordre de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à destination du pays dont vous avez la nationalité, la Guinée, ou à destination du pays qui vous aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d'un autre pays dans lequel, vous êtes autorisé à séjourner. Force est de constater que vous n'avez introduit aucun recours contentieux contre cette décision de refus devant les juridictions administratives, décision coulée en force de chose décidée, ce qui permet de conclure que vous avez accepté le contenu de ladite décision où une analyse de votre crainte en cas de retour dans des conditions sûres et durables a déjà été effectuée.

Au contraire, le même jour vous avez introduit une demande de protection internationale.

En date du 8 janvier 2025, un entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale a été mené avec un agent ministériel.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité guinéenne, d'ethnie Peul, de confession musulmane, respectivement athée et être né le …. Vous seriez né et auriez vécu à … avec votre mère jusqu'à votre départ définitif le 14 janvier 2014.

En cas de retour en Guinée, vous craindriez d'être condamné à une peine de prison.

En effet, concernant les raisons vous ayant poussé à quitter votre pays d'origine, vous déclarez initialement que vous vous seriez rendu en Ukraine principalement dans le but d'effectuer des études et que « je ne peux pas retourner en Guinée parce que j'ai contracté beaucoup de dettes là-bas » (selon le rapport de police dans le cadre de votre demande de protection internationale du 20 juin 2024).

Selon votre fiche de motifs remplie lors de l'ouverture de votre demande de protection internationale, vous prétendez ne plus pouvoir retourner dans votre pays d'origine en raison de vos dettes et que vous risqueriez donc la prison et étant donné que votre famille aurait rejeté votre « choix d'épouser une ukrainienne ».

En revanche, lors de votre entretien ayant eu lieu le 8 janvier 2025, vous expliquez avoir « déserté…ça veut dire que j'ai changé tout » (p.7/10 de votre rapport d'entretien). Dans ce contexte, vous déclarez, après plusieurs « long silence » et « euh » que vous auriez « changé de religion », que vous ne croiriez plus en rien depuis 2018 et que les autorités guinéennes pourraient « me dire que je suis espion » (p.7/10 de votre rapport d'entretien).

Convié à expliquer la raison pour laquelle vous avez indiqué être musulman lors de l'introduction de votre demande de protection internationale le 27 juin 2024, vous répondez « Euh…je ne sais pas…je suis né musulman, donc j'ai indiqué musulman comme religion » (p.8/10 de votre rapport d'entretien). Vous avez d'ailleurs indiqué la même confession religieuse dans le cadre de votre demande de protection temporaire et n'avez à aucun moment déclaré avoir un problème en raison de votre religion auprès du Service de la Police Judiciaire ou encore lors de l'entretien du 20 juin 2024.

Vous déclarez en outre qu'« en Ukraine, je suis demandeur d'asile depuis 2021 et j'ai obtenu la protection là-bas » (selon le rapport de police dans le cadre de votre demande de protection temporaire).

A l'appui de votre demande de protection internationale et temporaire, vous présentez les documents suivants :

- Votre carte d'identité consulaire guinéenne, N°…, délivrée en date du 14 mars 2022 et ayant expiré en date du 14 mars 2024 ;

- une copie de votre passeport guinéen, N°…, délivrée en date du 26 avril 2023 et valable jusqu'au 26 avril 2028 ;

- une copie d'un document ukrainien intitulé « à propos de la demande de protection en Ukraine », en langue ukrainienne ;

- une copie d'une carte intitulée « TK2 », en ukrainien, ayant expirée en date du 31 décembre 2022 ;

- une copie d'un document sur fond bleu, non traduit, en langue ukrainienne ;

- une copie d'une traduction assermentée portant le titre « formulaire pour attestation d'autorisation de séjour provisoire », établi le 1er mars 2022 ;

- une copie d'une déclaration de perte de votre passeport, en langue ukranienne et traduite vers le français.

Votre carte d'identité consulaire a été envoyée pour vérification à l'Unité de la Police de l'Aéroport qui, en date du 4 octobre 2024, a déclaré l'authenticité du document. […] ».

Le ministre informa ensuite Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire sans délai.

Pour motiver cette décision, le ministre releva avoir des doutes quant à la crédibilité de son récit, alors qu’il ne ferait pas état de manière crédible qu’il existerait des raisons sérieuses de croire qu’il encourrait, en cas de retour en Guinée, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Dans ce contexte, le ministre estima que les déclarations de Monsieur (A) changeraient et évolueraient au fil de la procédure relative à sa demande de protection temporaire, puis de sa demande de protection internationale, alors que celui-ci aurait, dans le cadre de sa demande de protection temporaire déclaré ne pas pouvoir retourner en Guinée en raison de dettes qu’il y aurait contracté et alors qu’il aurait entamé ses études, sans y mentionner ni un problème familial sur base du motif qu’il souhaiterait épouser une femme ukrainienne, ni un problème en relation avec un abandon de la confession musulmane dans son chef, respectivement le fait même qu’il aurait abandonné cette confession du tout. A cet égard, le ministre souligna encore que Monsieur (A) aurait indiqué sur la fiche d’introduction de sa demande de protection internationale être de confession musulmane.

Or, il ne serait pas cohérent pour l’intéressé de ne pas mentionner de tels éléments, ni dans le cadre de sa demande de protection temporaire, ni sur la fiche d’introduction de sa demande de protection internationale, alors même que ceux-ci constitueraient les raisons qui l’empêcheraient de retourner dans son pays d’origine, le ministre en déduisant que l’intéressé aurait, suite au refus d’une protection temporaire lui adressé, inventé ces éléments dans un but d’aggraver sa situation et d’augmenter ses chances d’obtenir un des statuts prévus par la protection internationale et de régulariser ainsi sa situation administrative au Luxembourg et de pouvoir ainsi continuer ses études.

Ce même constat s’imposerait en ce qui concerne les craintes exprimées par Monsieur (A) d’être dans le collimateur des autorités guinéennes en raison, d’une part, de son abandon de la confession musulmane et, d’autre part, de son absence prolongée de son pays d’origine, éléments sur lesquels les autorités guinéennes s’appuieraient pour le qualifier d’espion. A cet égard, le ministre souligna que mise à part le constat que ce motif n’aurait été soulevé qu’à l’occasion de son entretien sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale, Monsieur (A) aurait indiqué cet élément seulement après un long silence, parmi d’autres, et sans qu’il aurait d’avantage développé lesdites craintes, le ministre précisant que Monsieur (A) aurait tout au long de son entretien fait de longues pauses avant de répondre, ce qui indiquerait qu’il n’aurait pas réellement conscience des craintes par lui alléguées.

Le ministre en conclut que Monsieur (A) ne jouerait pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises en faisant état d’un récit contradictoire et incohérent, et déclara son récit comme n’étant pas crédible, de sorte qu’aucune protection internationale ne saurait lui être accordée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2025, Monsieur (A) a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 14 février 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prise dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître, dans le cadre de l’article 35, paragraphe (2) précité, du recours en réformation dirigé contre les trois décisions du ministre du 14 février 2025 telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui des trois volets du recours, le demandeur expose les faits et rétroactes repris ci-avant, en expliquant plus particulièrement qu’il serait né dans la commune de …, à … en Guinée, issu d’une famille musulmane et d’ethnie Peul, sans se considérer lui-même comme musulman. Il y aurait vécu ensemble avec sa mère jusqu’au 14 janvier 2014, date à laquelle il aurait définitivement quitté la Guinée pour effectuer ses études en Ukraine, puis pour y travailler, le demandeur ajoutant qu’il aurait contracté de nombreuses dettes en Guinée. Il explique avoir rencontré son ex-compagne en Ukraine, laquelle il aurait souhaité épouser et qu’ils auraient ensemble quitté ledit pays suite à l’invasion russe le 28 février 2022. Dans ce contexte, ils auraient d’abord vécu en Hongrie, ensuite en Allemagne et en France, avant qu’il serait venu seul au Luxembourg pour y déposer d’abord une demande de protection temporaire, puis une demande de protection internationale.

En droit, le demandeur relève tout d’abord que ce serait à tort que le ministre aurait analysé sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il aurait procédé à un examen sommaire et expéditif de sa demande et aurait omis de poser plus de questions quant aux motifs à la base de sa demande de protection internationale. Dans ce contexte, le demandeur cite « la position du Conseil de l’Europe du 4 mars 1996 » suivant laquelle le bénéfice du doute devrait être appliqué dans le chef d’un demandeur de protection internationale, sans qu’il soit nécessaire de chercher la confirmation détaillée des faits invoqués par celui-ci, principe qui ressortirait d’ailleurs également de l’article 4, point 5 de la directive (UE) 2011/95/11 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte), de même que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Le demandeur estime à cet égard qu’il n’y aurait, en l’espèce, aucune bonne raison qui s’opposerait à lui accorder le bénéfice du doute, alors que son récit serait « imprégné » de nombreuses étapes et événements qui auraient été difficiles pour lui. Ainsi, il précise qu’il aurait vécu dans des conditions difficiles non seulement dans son pays d’origine, mais également en Ukraine au moment de l’invasion par les forces armées russes. Puis, arrivé au Luxembourg, il aurait été incertain quelle protection il devrait demander, raison pour laquelle il aurait d’abord introduit une demande de protection temporaire. Il ajoute que suite à la procédure relative à sa demande de protection temporaire, l’entretien relatif aux motifs à la base de sa demande de protection internationale aurait eu lieu en date du 8 janvier 2025, de sorte que « la présente procédure » se serait étalée sur sa durée. Il en conclut qu’il serait difficile pour lui de se remémorer avec exactitude la chronologie respectivement les détails spatio-temporels des événements qu’il aurait vécus et que, contrairement à l’analyse ministérielle, il ne ressortirait d’aucun élément de son récit qu’il aurait construit celui-ci. Il conteste encore que le fait qu’il aurait pris du temps avant de répondre aux questions posées serait un élément en sa défaveur, alors qu’au contraire il aurait simplement souhaité bien réfléchir avant de répondre au lieu de mentir. Dans un même ordre d’idées, le fait que certaines de ses réponses seraient imprécises ne signifierait pas que son récit ne serait pas crédible en sa globalité.

Quant au refus du ministre de lui octroyer le statut de réfugié, le demandeur, après avoir cité la législation y afférente, fait valoir qu’il serait menacé en Guinée en raison de ses choix de vie, notamment de son choix d’épouser une femme ukrainienne et celui de ne plus se considérer comme musulman. Il s’y ajouterait qu’il aurait contracté de nombreuses dettes dans son pays d’origine, le demandeur précisant qu’il ne saurait dès lors plus espérer y exercer une activité salariée, y poursuivre des études ou s’y établir de manière durable faute de garanties de sécurité suffisantes pour y construire une existence. Il risquerait dès lors d’y subir des actes de persécutions, notamment de la part des autorités guinéennes et plus particulièrement de la junte qui y aurait pris le pouvoir récemment. Le demandeur cite à cet égard un extrait de son rapport d’entretien et précise qu’il ne saurait déposer une plainte en Guinée au risque de se mettre davantage en insécurité. Il conclut de l’ensemble de ces éléments que le statut de réfugié devrait lui être accordé.

Quant au refus du ministre de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur, après avoir cité les articles afférents de la loi du 18 décembre 2015, estime avoir fait valoir des motifs sérieux et avérés de croire qu’il court un risque réel de subir des actes graves au sens de l’article 48 de ladite loi et contre lesquels il ne saurait obtenir une protection de la part des autorité guinéennes, l’intéressé précisant qu’il ne serait pas en mesure de retourner en Ukraine en raison du contexte actuel de guerre.

Le demandeur conclut finalement encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, principalement comme conséquence de la réformation de la décision lui refusant l’octroi d’un des statuts conférés par la protection internationale et, subsidiairement, pour être contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », alors qu’il serait, en cas de retour en Guinée, exposé à un risque avéré de subir des traitements inhumains et dégradants.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en ses trois volets en reprenant, en substance, les motifs de la décision déférée.

1) Quant aux recours en réformation dirigés contre la décision du ministre du 14 février 2025 de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée ainsi que contre la décision du ministre de refuser l’octroi d’une protection internationale contenue dans le même acte Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Il convient tout d’abord de rejeter le moyen d’illégalité externe soulevé par le demandeur par lequel il reproche au ministre un examen sommaire des motifs à la base de sa demande de protection internationale, respectivement d’avoir procédé à une audition sommaire à cet égard.

En effet, pour autant que le demandeur ait entendu se baser sur les articles 10 et 15 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels prévoient que : « (1)L’examen d’une demande de protection internationale n’est ni refusé ni exclu au seul motif que la demande n’a pas été présentée dans les plus brefs délais.

(2)Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, le ministre détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire.

(3)Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:

a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement;

b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations;

c) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions connaissent les normes applicables en matière d’asile et de droit des réfugiés;

d) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions aient la possibilité de demander conseil à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre.

(4)Les juridictions saisies d’un recours en vertu de la présente loi, ont accès, par le biais du ministre, du demandeur ou autrement, aux informations générales visées au paragraphe 3, point b), nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

(5)A l’exception des documents d’identité, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l’allemand, le français ou l’anglais doit être accompagné d’une traduction dans une de ces langues, afin d’être pris en considération dans l’examen de la demande de protection internationale. », respectivement que « (1)Lors de l’entretien personnel sur le fond d’une demande de protection internationale, le ministre veille à ce que le demandeur ait la possibilité concrète de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande de manière aussi complète que possible, conformément à l’article 37. Cela inclut la possibilité de fournir une explication concernant les éléments qui pourraient manquer et toute incohérence ou contradiction dans les déclarations du demandeur.

(2)Le ministre veille à ce que chaque entretien fasse l’objet d’un rapport détaillé et factuel contenant tous les éléments essentiels de la demande. A la fin de l’entretien, le demandeur a la possibilité de faire des commentaires ou d’apporter des précisions soit oralement soit par écrit concernant toute erreur de traduction ou tout malentendu dans le rapport.

(3)Le demandeur est invité à confirmer que le contenu du rapport reflète correctement l’entretien. En cas de refus de cette confirmation, les motifs du refus sont consignés dans le dossier du demandeur. Un tel refus n’empêche pas le ministre de prendre une décision sur la demande.

(4)Si l’entretien personnel mené avec le demandeur fait l’objet d’un enregistrement audio ou audiovisuel, une transcription de l’enregistrement est versée au dossier du demandeur.

Dans ce cas, le demandeur n’est pas tenu de confirmer le contenu de la transcription, néanmoins il a la possibilité de faire parvenir par écrit des commentaires ou d’apporter des précisions au plus tard dans la huitaine suivant la transcription de l’enregistrement. », ces moyens sont manifestement infondés.

En effet, il ne ressort manifestement d’aucun élément du dossier administratif que l’agent en charge de l’entretien du demandeur sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale aurait omis de lui poser une quelconque question relative auxdits motifs, alors que l’intéressé a bien été prié d’exposer lesdits motifs de fuite, ses craintes en cas de retour en Guinée, ainsi que de confirmer à la fin de l’entretien s’il souhaitait ajouter des précisions qu’on aurait omis de lui demander, étant relevé, qu’il a d’ailleurs également été assisté de son mandataire à cette occasion, lequel a également indiqué ne pas souhaiter ajouter une question à poser à son mandant. La soussignée constate, par ailleurs, que dans le cadre de sa requête introductive d’instance le demandeur reste en défaut de fournir des détails à son récit, respectivement d’indiquer quels détails il aurait encore pu ajouter lors de son entretien au ministère, respectivement quelles questions supplémentaires auraient pu lui être posées audit entretien.

De même, il ne ressort manifestement pas de la décision déférée que le ministre aurait procédé à une analyse sommaire des motifs à la base de la demande de protection internationale du concerné, alors qu’il a bien pris en compte l’ensemble des motifs avancés par ce dernier, à savoir (i) le désaccord de sa famille par rapport à son mariage avec une femme ukrainienne, et (ii) ses craintes d’être perçu par les autorités guinéennes comme un espion, du fait, d’une part, de son abandon de la confession musulmane et, d’autre part, de son séjour prolongé en dehors de la Guinée.

Il s’ensuit que les moyens tenant à une violation des article 10 et 15 de la loi du 18 décembre 2015 sont à rejeter pour être manifestement non fondés.

Quant à la légalité interne, la décision ministérielle est en l’espèce fondée sur les dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles : « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-

fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Il y a lieu de préciser que le juge doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » En effet, l’examen de la crédibilité du récit d’un demandeur d’asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si ce dernier a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs prévus par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, ou risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la même loi3.

Il s’ensuit qu’il appartient à la soussignée de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit du demandeur, d’autant plus qu’en l’espèce, c’est la crédibilité générale dudit récit qui est mise en doute par la partie étatique, influant nécessairement sur l’appréciation du caractère manifestement infondé ou non des différents volets du recours dont elle est saisie.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.4 En l’espèce, la soussignée constate que c’est manifestement à bon droit que la partie étatique reproche au récit du demandeur d’être vague et incohérent, alors qu’indépendamment du constat que l’intéressé, au moment d’introduire sa demande de protection temporaire en date du 20 juin 2024, a omis d’indiquer tant sur la une fiche intitulée « Demande de protection temporaire – Questionnaire », qu’à l’occasion de l’audition par la police grand-ducale en date du même jour, l’un quelconque des motifs invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, les réponses données par le demandeur dans le cadre de son audition sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale sont manifestement succinctes et manquent de toute précision quelconque quant aux craintes exposés par celui-ci.

En effet, en ce qui concerne d’abord la crainte du demandeur en relation avec le désaccord de sa famille par rapport à son souhait de marier une femme ukrainienne, il ne ressort d’aucun élément de quelle façon ce désaccord se manifesterait, respectivement quels agissements il craindrait de la part de sa famille dans ce contexte.

Ce même constat vaut en ce qui concerne les craintes exprimées par l’intéressé en relation avec les autorités guinéennes, respectivement une junte qui aurait pris le pouvoir en Guinée, le demandeur restant en défaut d’expliquer en quelle mesure lesdites autorités risqueraient de le cibler en raison de son absence prolongée, sinon sur base de sa perte de foi, de même qu’il ne donne aucune précision quels actes il craindrait précisément devoir subir de leur part. C’est par ailleurs également manifestement à bon droit que le ministre a relevé que la crédibilité globale du récit du demandeur serait ébranlée par le fait pour le demandeur d’indiquer au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale, à savoir le 27 juin 2024, être de nationalité musulmane et ensuite, dans le cadre de l’entretien sur les motifs à la base de cette demande, d’indiquer comme motif de fuite son abandon de cette même religion depuis l’année 2018.

3 Trib. adm., 27 novembre 2006, n° 21556 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers n° 151 et les autres références y citées.

4 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 142 et les autres références y citées.

La soussignée constate ensuite que face à ces incohérences et face au reproche de n’avoir apporté aucun détail à son récit, le demandeur reste, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, en défaut, d’une part, d’expliquer pour quelle raison il n’aurait pas indiqué lesdits motifs à l’occasion de sa demande de protection temporaire et, d’autre part, d’apporter des détails à son récit afin de renforcer la crédibilité de celui-ci.

En effet, le demandeur se borne, à cet égard, de se référer de manière vague aux événements vécus par lui dans son pays d’origine ainsi qu’en Ukraine pour expliquer qu’il ne se souviendrait plus de détails ou de chronologies, sinon se prévaut, de manière non autrement circonstanciée par rapport à l’espèce, du bénéfice du doute qui devrait lui être accordé.

Or, s’il est en effet vrai qu’un état de détresse ou la vulnérabilité d’un demandeur d’asile peut affecter la chronologie et la cohérence de son récit, eu égard au vécu personnel et aux événements traumatiques qu’il a pu subir lors de son parcours migratoire, une telle prétendue vulnérabilité ne peut, comme en l’espèce, être invoquée pour contrer le manque de précision attaché au récit du demandeur, l’imprécision de son récit ne concernant, contrairement à ce qu’il allègue dans sa requête introductive d’instance, pas uniquement certains éléments de son récit, mais la globalité de son récit, alors qu’aucun détail quelconque n’en ressort en général.

Face à l’absence dans la requête introductive d’instance d’une quelconque explication circonstanciée quant aux problèmes de crédibilité soulevés par la ministre dans la décision déférée, la soussignée arrive à la conclusion que la crédibilité du récit du demandeur est manifestement ébranlée dans son ensemble et que Monsieur (A) n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que les conditions pour l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 sont remplies en l’espèce.

Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé.

En ce qui concerne le volet du recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse du recours dirigé à l’encontre de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur n’a soulevé que des faits sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale et que, dès lors, ledit récit ne saurait, de toute évidence, justifier ni l’octroi du statut de réfugié ni l’octroi de la protection subsidiaire. Etant donné que dans le cadre du présent recours dirigé à l’encontre du refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments lui permettant de se départir de cette conclusion, le recours en question est, lui aussi, à rejeter pour être manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Indépendamment du constat qu’il n’est pas contesté que le demandeur a, par décision ministérielle du 27 juin 2024, fait l’objet d’un premier ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours, décision qui ne fait pas l’objet du présent recours et à laquelle est coulée en force de chose décidée faute pour le demandeur d’avoir introduit un recours à son encontre, et dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de ce dernier en Guinée ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également, sans violer le principe de non refoulement prévu à l’article 129 de la loi du 29 août 2008, valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, Le premier juge siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 14 février 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, ainsi que contre celle portant refus d’une protection internationale ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces deux décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle du 14 février 2025 ;

au fond, le déclare manifestement infondé et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mars 2025, par la soussignée, Laura Urbany, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 mars 2025 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52455
Date de la décision : 26/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-26;52455 ?

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