Tribunal administratif N° 50911 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:50911 4e chambre Inscrit le 12 août 2024 Audience publique du 1er avril 2025 Requête introduite par la société à responsabilité limitée (AA), …, en présence du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, en matière de relevé de forclusion
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50911 du rôle et déposée le 12 août 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Florence DELILLE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA), établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai pour former recours contre une décision du 30 octobre 2023 du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines condamnant la société (AA) à une amende de 20.000 euros ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif par courrier électronique le 3 octobre 2024 par Maître Pierre GOERENS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA), préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 décembre 2024 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2025 par Maître Pierre GOERENS, préqualifié, au nom et pour le compte de sa mandante ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2025 ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Pascale MILLIM en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 mars 2025, Maître Pierre GOERENS s’étant excusé.
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En date du 30 octobre 2023, le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, ci-
après dénommés « le directeur », respectivement « l’ITM », infligea une amende de 20.000 euros à la société à responsabilité limitée (AA), ci-après désignée par « la Société », sur base de l’article L.614-13 du Code du travail, pour ne pas avoir pris toutes les mesures requises par 1l’injonction lui adressée en date du 13 septembre 2023. Ladite décision fut notifiée à la Société par courrier recommandé envoyé le 30 octobre 2023, envoi dont cette dernière fut avisée le 2 novembre 2023.
En date du 2 juillet 2024, le directeur infligea une nouvelle amende de 15.000 euros à la Société, sur base de l’article L.614-13 du Code du travail, pour ne pas avoir pris toutes les mesures requises par l’injonction lui adressée en date du 15 mai 2024, décision dans le cadre de laquelle le directeur se référa notamment à l’amende prononcée à l’encontre de la Société le 30 octobre 2023 afin de caractériser, dans le chef de cette dernière, la situation de récidive.
Par courrier électronique du 17 juillet 2024, la Société forma opposition à l’encontre des décisions directoriales précitées des 30 octobre 2023 et 2 juillet 2024.
Par courrier du 24 juillet 2024, le directeur informa la Société que « (…) les délais pour contester la décision du Directeur de l’Inspection du travail et des mines du 30 octobre 2023 ont expiré et que votre dossier ne peut plus faire l'objet d'un réexamen par nos services.
Par conséquent, nous vous informons que l'Inspection du travail et des mines considère le dossier comme clos.
Il est à noter que la présente ne vaut ni annulation, ni remplacement de l’amende administrative susmentionnée qui reste d'application. (…) ».
Par courrier électronique du 25 juillet 2024 de son précédent litismandataire, la Société sollicita la communication de la preuve de notification de la décision directoriale du 30 octobre 2023, demande à laquelle l’ITM fit suite par courrier du 26 juillet 2024 en communiquant les documents correspondants.
Par une requête déposée du tribunal administratif en date du 12 août 2024, la Société a formulé une demande de relevé de déchéance sur le fondement de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, ci-après désignée par « la loi du 22 décembre 1986 », en demandant suivant le dispositif de la requête introductive au tribunal de la relever de la déchéance résultant de l'expiration du délai pour former recours contre la décision précitée du directeur du 30 octobre 2023 et de fixer un nouveau point de départ pour les délais de recours.
A l’appui de sa requête en relevé de déchéance, la Société expose n’avoir eu connaissance de la décision directoriale du 30 octobre 2023 qu’à travers la référence faite à ladite décision par la décision directoriale du 2 juillet 2024. Suite à sa demande du 25 juillet 2024, elle aurait obtenu la communication de la décision litigieuse du 30 octobre 2023 en date du 31 juillet 2024, moment où elle aurait effectivement pu prendre connaissance de cette dernière.
Elle soutient, dans ce cadre, ne pas avoir reçu l’avis de passage l’invitant à récupérer le courrier recommandé ayant contenu la décision directoriale du 30 octobre 2023, tout en expliquant qu’au lieu de son siège social, se situeraient plusieurs logements et de nombreuses boîtes aux lettres, circonstance rendant, selon elle, plausible son affirmation selon laquelle elle n’aurait pas reçu l’avis de passage en question.
Tout en mettant en avant, d’une part, le fait qu’elle ne serait pas restée passive, en ce qui concerne l’amende prononcée à son encontre à travers la décision directoriale du 2 juillet 2024 et, d’autre part, la circonstance qu’elle aurait déjà reçu plusieurs amendes de la part de l’ITM qu’elle paierait actuellement, de manière échelonnée, elle fait encore valoir que l’amende prononcée à son encontre à travers la décision litigieuse du 30 octobre 2023 mettrait en péril sa survie économique et pourrait conduire à sa faillite et à la mise au chômage d’une dizaine de salariés.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse donne encore à considérer que l’ensemble des faits relatifs à d’autres amendes prononcées à son encontre par l’ITM ne ferait que démontrer le sérieux de son gérant qui aurait toujours agi avec diligence et dans les délais pour s’occuper des problèmes avec l’ITM, ce qui rendrait très probable qu’il n’aurait effectivement jamais reçu la décision litigieuse du 30 octobre 2023 avant le 31 juillet 2024.
La Société conclut de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions de se voir accorder un relevé de déchéance seraient remplies en l’espèce.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de la requête en relevé de déchéance pour ne pas avoir été introduit dans le délai de 15 jours prévu par l’article 3 de la loi du 22 décembre 1986, question par rapport à laquelle la Société n’a pas pris position.
L’article 1er de la loi du 22 décembre 1986, également applicable devant les juridictions de l’ordre administratif, dispose comme suit :
« Si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité à agir ».
Son article 3 dispose que la demande de relevé de forclusion « n’est recevable que si elle est formée dans les quinze jours à partir du moment où l’intéressé a eu connaissance de l’acte faisant courir le délai ou à partir de celui où l’impossibilité d’agir a cessé ».
Force est au tribunal de relever qu’il se dégage des documents officiels relatifs à la notification de la décision litigieuse du 30 octobre 2023 et plus particulièrement de l’avis rempli par le facteur des postes que la Société a été avisée en date du 2 novembre 2023, étant précisé que ledit courrier fut retourné à l’ITM en date du 21 novembre 2023 pour ne pas avoir été retiré par la demanderesse.
Il est ainsi constant en cause que la notification de la décision litigieuse du 30 octobre 2023 doit être considérée comme étant intervenue à la date où la Société en a été avisée, soit à la date du 2 novembre 20231, de sorte que la Société a bien eu connaissance de l’acte en question au plus tard au jour de l’avis de passage précité.
1 Par analogie, Cour adm., 18 décembre 2018, n° 41967C du role, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 363.
Dans ce contexte, le tribunal doit, en tout état de cause, constater que l’argumentation de la demanderesse selon laquelle elle n’aurait pas reçu l’avis de passage du facteur des postes est à rejeter pour constituer une simple allégation.
En effet, si la demanderesse a soumis au tribunal une photographie censée représenter les différentes boîtes aux lettres installées à son siège social, lequel serait établi dans un immeuble comportant plusieurs logements, pour soutenir que cette situation pourrait être la cause pour laquelle elle n’aurait pas reçu l’avis de passage du facteur des postes, force est de retenir que loin de constituer une explication, voire la preuve du défaut de réception de l’avis de notification de la décision litigieuse du 30 octobre 2023, le fait d’avoir sa boîte aux lettres installée de manière inappropriée - en l’occurrence les différentes boîtes aux lettres sont installées voire, pour certaines, simplement adossées, de manière désordonnée, à un petit muret - est tout au plus constitutif d’une faute de nature à exclure les dispositions de l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986.
Pour autant que de besoin, le deuxième cas de figure prévu par l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986, à savoir celui où, sans faute de sa part, l’intéressé s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir, ne se trouve pas non plus vérifié en l’espèce, à défaut de tout élément probant fourni en ce sens par la demanderesse.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête en relevé de déchéance encourt le rejet, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus avant, l’analyse des autres moyens étant devenue surabondante.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement et sans recours ;
rejette la demande en relevé de déchéance ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er avril 2025 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 4