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01/04/2025 | LUXEMBOURG | N°52552

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 avril 2025, 52552


Tribunal administratif N° 52552 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52552 3e chambre Inscrit le 18 mars 2025 Audience publique du 1er avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52552 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2025 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons

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Tribunal administratif N° 52552 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52552 3e chambre Inscrit le 18 mars 2025 Audience publique du 1er avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52552 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2025 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 7 mars 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

La soussignée entendue en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en sa plaidoirie à l’audience publique du 1er avril 2025.

Le 28 novembre 2023, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur (A) avait introduit une demande de protection internationale en France en date du 11 février 2019, ainsi qu’en Italie en date du 27 décembre 2021.

Le 1er décembre 2023, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu 1du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 17 janvier 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues italiens et français une demande de reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, respectivement sur base du point d) dudit article.

Le 29 janvier 2024, les autorités italiennes acceptèrent la demande de reprise en charge de Monsieur (A) sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, tandis que les autorités françaises refusèrent la reprise en charge de ce dernier par courrier du 31 janvier 2024.

Par courrier du 31 juillet 2024, le ministre informa Monsieur (A) que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de sa demande de protection internationale en vertu des dispositions de l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

En réponse à une demande de renseignements leur adressée le 6 août 2024 sur base de l’article 34 du règlement Dublin III, les autorités compétentes italiennes firent parvenir à leurs homologues luxembourgeois, par courrier du 20 août 2024, des informations relatives à la demande de protection internationale introduite par Monsieur (A) en Italie.

Le 25 février 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 7 mars 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé le 10 mars 2025, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] En date du 28 novembre 2023, vous avez introduit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort de votre dossier administratif et plus précisément de la base de données « Eurodac » que vous avez introduit des demandes de protection internationale en France le 11 février 2019, puis en Italie le 27 décembre 2021. En vue de déterminer l'Etat responsable pour le traitement de votre demande de protection internationale, vous avez été convoqué à un entretien en date du 1er décembre 2023.

2 Lors de cet entretien, vous avez indiqué détenir une carte d'identité consulaire, délivrée le 18 avril 2023 et valable jusqu'au 18 avril 2025, en précisant par ailleurs que vous n'avez jamais possédé de passeport. Vous affirmez avoir quitté votre pays d'origine, la Guinée, le 20 novembre 2018, afin de vous rendre au Sénégal. Ensuite, vous seriez allé en France où vous êtes resté jusqu'en 2021 avant de vous rendre en Italie pour une durée de huit mois. Enfin, vous auriez quitté l'Italie pour retourner en France pour une durée d'un an avant de venir au Luxembourg en date du 26 novembre 2023.

En date du 17 janvier 2024, les autorités luxembourgeoises ont partant adressé une demande de prise en charge aux autorités françaises et italiennes conformément aux dispositions de l'article 18 (1) point b) du règlement (UE) n°604/2013. Le 29 janvier 2024, les autorités italiennes ont accepté ladite demande de prise en charge en indiquant les formalités à respecter pour votre transfert. Par la suite, le 31 janvier 2024, les autorités françaises ont indiqué ne pas être responsable de votre demande de protection internationale.

Etant donné que votre transfert n'a pas pu être exécuté dans les délais légalement prévus vers l'Italie, un courrier vous a été notifié le 31 juillet 2024, afin de vous informer que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable de l'examen et du traitement de votre demande de protection internationale en vertu des dispositions de l'article 29 (2) du règlement précité. En date du 6 août 2024, les autorités luxembourgeoises ont adressé une demande d'information dans votre chef auprès des autorités italiennes conformément à l'article 34 du règlement.

Par ailleurs, il ressort de votre dossier administratif et plus précisément de deux procès-

verbaux de police n°… du 2 mai 2024 et n°… du 14 février 2025 que d'une part, vous avez été dans un état d'ivresse à tel point que votre comportement serait devenu incontrôlable, et que d'autre part, un contrôle anti-drogue s'est avéré positif sur votre personne.

Finalement, vous avez été entendu sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale en date du 25 février 2025.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez vous nommer (A), être né le … à … en Guinée, être de nationalité guinéenne, d'ethnie Peul, de confession musulmane et avoir vécu à … avec votre mère, votre marâtre, votre sœur ainsi que les deux fils de votre marâtre (p.2/10 du rapport d'entretien).

Lors de votre entretien individuel, vous expliquez avoir quitté … en raison de votre état de santé lié à votre tuberculose et votre diabète. Vous ajoutez que vous vous seriez fait soigner au … en 2019 lorsque vous y êtes allé pour la première fois (p.3/10 du rapport d'entretien).

Vous ajoutez que vous souffririez trop par rapport à votre maladie, que vous vous piqueriez quatre fois par jour à l'insuline à cause de votre diabète et que vous ne pourriez pas courir en raison de vos poumons fragilisés par la tuberculose (p.7/10 du rapport d'entretien).

Par ailleurs, vous complétez vos affirmations par le fait qu'en cas de retour dans votre pays d'origine, vous ne pourriez pas vous soigner tout en précisant que « l'hôpital là-bas, ce n'est pas comme en Europe » (p.7/10 du rapport d'entretien). De plus, vous avancez qu'en raison de vos pathologies, vous risqueriez de mourir dans votre pays d'origine, à défaut de 3ressources financières suffisantes pour obtenir des soins. Enfin, vous soutenez que votre maison aurait été brûlée car « quelqu'un a tiré une balle sur la maison (…) » en mai 2018 (p.7/10 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, hormis votre carte d'identité consulaire, dont l'authenticité a été validée par l'Unité de Police de l'Aéroport, vous ne présentez aucun autre document susceptible de soutenir vos dires.

3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A, paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42, paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il convient de relever premièrement que vous auriez quitté votre pays d'origine en raison de votre état de santé lié à la tuberculose et le diabète, maladies que vous ne pourriez pas soigner dans votre pays d'origine selon vos dires.

4 Force est de constater que les faits dont vous faites état, ne relèvent pas du champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il n'existe aucune crainte de persécution liée à vos opinions politiques, votre race, votre religion, votre nationalité ou votre appartenance à un groupe social. En effet, il est évident qu'il s'agit en l'espèce, de simples motifs médicaux qui vous auraient poussé à quitter votre pays d'origine. Ces raisons médicales, respectivement le manque de moyens de soins dans votre pays d'origine, selon vos dires, ne sauraient cependant justifier l'introduction de votre demande de protection internationale, étant précisé qu'il existe des procédures spécifiques prévues dans la législation sur l'immigration permettant à un ressortissant de pays tiers d'obtenir un titre de séjour pour raisons médicales sous réserve de remplir les conditions y afférentes.

En ce sens, il est indéniable que les problèmes, respectivement les faits que vous décrivez ne revêtent pas non plus un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à un acte de persécution ou une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées. En effet, vous affirmez uniquement avoir quitté la Guinée en raison de votre tuberculose et de votre diabète, deux maladies que vous seriez dans l'incapacité de traiter adéquatement dans votre pays d'origine, faute de moyens financiers nécessaires pour accéder aux soins. Or, ces faits, certes regrettables, ne sauraient cependant être qualifiés d'actes de persécution ou crainte fondée de persécution.

De plus, bien que vous souligniez la difficulté d'accès aux soins, il appartient d'évoquer que des associations et structures internationales existent en Guinée et œuvrent activement pour la prise en charge des maladies comme la tuberculose et le diabète. A titre d'exemple, des organisations telles que l'Association Guinéenne de Lutte contre la Tuberculose (AGLT) et la Fondation Lutte Contre le Diabète - Maladies Non Transmissibles (MNT) ont pour mission de promouvoir l'amélioration de la prévention et de l'accès à des soins de qualité pour les personnes souffrant de tuberculose ou de diabète, de sorte qu'il vous aurait appartenu d'essayer de contacter lesdites associations pour trouver une solution à vos problèmes de santé.

En ce qui concerne deuxièmement, votre maison qui aurait été brûlée par une personne privée dont vous ne connaîtriez pas l'identité, ce fait n'est nullement empreint d'un des cinq motifs de fond énumérés par la Convention de Genève, à savoir votre race, votre religion, votre nationalité, vos opinions politiques ou votre appartenance à un groupe social alors qu'il s'agit d'un problème de droit commun, notamment une infraction pénale, commise par une personne privée du ressort des autorités de votre pays et punissable en vertu de la législation guinéenne.

De plus, cet incident constitue un fait isolé, respectivement un acte unique et non répété.

Par conséquent, il ne peut être considéré comme constitutif d'un acte de persécution au sens de l'article 42 de la Loi de 2015 alors qu'un acte de persécution doit être suffisamment grave, par sa nature ou sa répétition, pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l'Homme, ou encore résulter d'une accumulation de violations des droits de l'Homme suffisamment graves pour affecter un individu de manière comparable à ce qui est énoncé ci-

dessus. Or, ceci n'est manifestement pas votre cas en l'espèce.

En outre, il convient de souligner qu'outre l'absence d'identification de l'auteur de cet acte, les raisons et le contexte dans lequel cet acte aurait été commis, sont également inconnus.

Dès lors, si cet événement pouvait certes engendrer un sentiment d'insécurité à votre égard, ce seul sentiment général d'insécurité ne saurait être de nature à justifier dans votre chef l'octroi du statut de réfugié. A noter que ce fait datant de 2018 selon vos dires, et remontant donc à 5plus de cinq ans en arrière, n'est définitivement plus d'actualité en 2025, alors qu'il est manifestement trop éloigné dans le temps pour constituer une quelconque crainte de persécution.

Même à supposer que ce fait serait à qualifier d'acte de persécution motivé par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, quod non, il convient de constater que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, ceux-ci peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités guinéennes.

Dans ce sens, vous expliquez avoir porté plainte au commissariat de … en mai 2018, mais que les autorités de police ne vous auraient pas aidé, car selon vos dires « Tu dois avoir de l'argent pour les financer pour qu'ils fassent l'enquête » (p.7/10 du rapport d'entretien). Or, une telle explication ne saurait permettre de déduire une défaillance générale des autorités policières guinéennes, de sorte que si vous aviez réellement jugé votre situation d'une gravité telle à y rendre votre vie intolérable, il vous aurait appartenu de vous adresser à d'autres commissariats, respectivement à d'autres instances policières pour dénoncer ledit fait.

A toutes fins utiles, il convient de relever que vous avez introduit des demandes de protection internationale d'abord en France, puis en Italie, pays dans lesquels vous avez séjourné pendant un certain temps. Votre demande de protection internationale ayant été refusée par les autorités françaises selon vos dires, et bien que la procédure de votre demande de protection internationale auprès des autorités italiennes était encore en cours, vous avez quitté l'Italie pour retourner en France, sans attendre l'issue de ladite procédure. A cet égard, vous dites explicitement « Des amis m'ont dit d'aller en France, mais j'étais bête. J'étais bien en Italie, mais quand je suis retourné au …, je me suis rendu compte que j'avais fait une bêtise (…) » (p.6/9 du rapport d'entretien). Malgré le fait que vous vous seriez senti bien en Italie, vous avez décidé de venir au Luxembourg pour y introduire encore une autre demande de protection internationale. Or, Monsieur, une personne dont la vie est en danger dans son pays d'origine introduit sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr tout en y attendant la fin de la procédure et ne choisit pas l'Etat par lequel elle souhaiterait voir sa demande traitée, un tel comportement étant constitutif de pratique du forum shopping.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015, « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

6 L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande d'octroi du statut de réfugié. Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, respectivement que les autorités guinéennes seraient dans l'impossibilité de vous offrir une protection.

Enfin, vous restez également en défaut d'établir qu'il existerait dans votre chef un risque réel d'être la victime de menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2025, Monsieur (A) a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 7 mars 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions précitées du ministre du 7 mars 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur, outre de rappeler certains des rétroactes passés en revue ci-avant, explique qu’il aurait quitté la Guinée en raison de son état de santé fragile nécessitant un suivi médical constant, en précisant à cet égard qu’il souffrirait 7de diabète, ainsi que d’une tuberculose nécessitant un suivi médical strict. Il ajoute qu’en mai 2018, son domicile aurait été incendié, ce qui l’aurait conduit à vivre dans la peur et l’insécurité, tout en mettant en exergue qu’il n’aurait pu prétendre à aucune protection de la part des autorités guinéennes, défaut de protection qui serait d’ailleurs « aggravé par des violences récurrentes à l’égard des individus considérés comme vulnérables ».

En droit, et quant à son état de santé, le demandeur reproche au ministre d’avoir tiré des conclusions hâtives quant à sa situation. A cet égard, il insiste sur le fait que son état de santé serait extrêmement préoccupant, en ce qu’il souffrirait de diabète nécessitant un traitement par insuline à raison de quatre injections par jour et de tuberculose nécessitant un suivi médical rigoureux. Or, dans la mesure où l’accès aux soins serait très limité en Guinée, il estime que sa survie serait gravement compromise en cas de retour dans ledit pays, et ce en violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

Quant à sa demande de protection internationale, le demandeur fait ensuite valoir que l’attaque qu’il aurait subie en mai 2018, à savoir l’incendie criminel de son domicile qui l’aurait privé de toute sécurité, constituerait un acte de persécution. Il ajoute dans ce contexte que les autorités guinéennes n’auraient pas mené d’enquête sérieuse et ne lui auraient dès lors offert aucune protection efficace, ce qui démontrerait une défaillance structurelle de l’Etat guinéen.

Il en conclut qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il serait exposé à des risques graves, sans aucune garantie de sécurité de la part des autorités guinéennes.

Quant à l’ordre de quitter le territoire, le demandeur conclut à son annulation en relevant que la Guinée serait marquée par une instabilité politique persistante et une répression sévère des opposants politiques et des individus considérés comme vulnérables.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet.

Appréciation de la soussignée Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer. », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, 8englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant à la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant d’abord de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée relève que cette dernière décision a été prise sur base des dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs 9aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

10S’agissant, d’abord, des développements du demandeur relatifs à la situation générale régnant dans son pays d’origine, la soussignée relève qu’au vu des éléments soumis à son appréciation, il n’est clairement pas établi que celle-ci serait telle que tous les ressortissants guinéens courraient, indépendamment de leur situation personnelle et du seul fait de leur présence sur le territoire de la Guinée, un risque réel de subir des actes d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves, le demandeur restant en défaut de produire un quelconque élément probant à cet égard et se limitant à faire état d’une « répression sévère des opposants politiques et des individus considérés comme vulnérables », sans aucune mise en relation avec sa situation personnelle.

S’agissant, ensuite, de la situation personnelle du demandeur, la soussignée constate qu’à l’appui de sa demande de protection internationale, Monsieur (A) invoque (i) une absence d’accès aux soins dans son pays d’origine et (ii) l’incendie criminel de son domicile en mai 2018, le demandeur ayant encore déclaré dans ce contexte, lors de son entretien sur les motifs à la base de sa demande, que quelqu’un aurait « tiré une balle sur [s]a maison »3.

En ce qui concerne tout d’abord les difficultés alléguées d’accès aux soins de santé en Guinée, il échet de relever que de tels motifs ne tombent pas, de par leur nature, dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-

après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur n’ayant, à cet égard, pas non plus fait état d’un quelconque traitement discriminatoire basé sur sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social, dont il aurait été victime dans son pays d’origine.

Le même constat s’impose en ce qui concerne le motif lié à l’incendie criminel et au tir de balle sur le domicile du demandeur en mai 2018. A cet égard, il échet de relever, à l’instar de la partie étatique, que ce motif ne tombe pas non plus dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, dès lors que l’identité et la motivation des auteurs reste inconnue, le demandeur étant, en effet, resté en défaut d’alléguer et a fortiori d’établir que cet incident aurait été motivé par l’un des critères de fond définis par la Convention de Genève et la loi du 18 décembre 2015, précités.

En ce qui concerne le statut conféré par la protection subsidiaire, il se dégage des dispositions légales précitées que l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire suppose, entre autres, que les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale atteignent un certain degré de gravité - lequel est déterminé, s’agissant de la protection subsidiaire, par l’article 48 de la même loi, qui précise la notion d’« atteinte grave ».

Force est de constater qu’en l’espèce, le demandeur n’allègue pas risquer de subir la peine de mort ou l’exécution au sens de l’article 48, point a) de la loi du 18 décembre 2015, ni des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens du point c) du même article, mais il estime, de l’entendement de la soussignée, que le fait d’être privé d’un accès aux soins médicaux dans son pays d’origine serait à qualifier de traitements inhumains ou dégradants au sens du point b) du même article, respectivement au sens de l’article 3 de la CEDH.

3 Page 7 du rapport d’entretien du 25 février 2025.

11Or, il y a lieu de relever que l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 se réfère à des traitements ou des sanctions « infligés », tandis que l’article 39 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’« atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que l’état de santé à lui seul, sinon avec la situation sanitaire et sociale du pays de destination, ou encore l’état de précarité, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligé ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Ce constat s’impose également au moyen ayant trait à une prétendue violation de l’article 3 de la CEDH, prévoyant lui aussi des peines ou traitements inhumains ou dégradants « infligés », de sorte qu’il est à son tour à rejeter.

La soussignée relève encore dans ce contexte qu’il ressort, en tout état de cause, des recherches ministérielles, non remises en cause par le demandeur, que des associations et organisations internationales, telles que l’ « Association Guinéenne de Lutte contre la Tuberculose (AGLT) » et la « Fondation Lutte Contre le Diabète Maladies Non Transmissibles (MNT) », existent en Guinée et œuvrent activement pour la prise en charge des maladies comme la tuberculose et le diabète, en promouvant l’amélioration de la prévention et de l’accès à des soins de qualité pour les personnes souffrant de tuberculose ou de diabète.

S’agissant ensuite de l’incendie criminel du domicile du demandeur, il échet de relever que si cet incident est certes condamnable, il ne s’agit toutefois que d’un incident isolé qui n’est, à lui seul, manifestement pas suffisamment grave pour retenir que Monsieur (A) risquerait de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine. En effet, il échet de rappeler que le demandeur ne connaît ni l’identité des auteurs de l’incendie ou du tir de balle sur son domicile, ni les motifs à la base de leurs agissements et qu’il reste, par ailleurs, en défaut d’expliquer dans ce contexte ce qu’il craint concrètement en cas de retour dans son pays d’origine, le concerné n’ayant fait état que d’un sentiment général d’insécurité, lequel est, à l’évidence, insuffisant pour établir l’existence, dans son chef, d’une crainte fondée de subir des atteintes graves.

Enfin, la soussignée se doit encore de rejoindre la partie étatique dans son constat que l’incendie du domicile du demandeur date de mai 2018 et est, dès lors, manifestement trop éloigné dans le temps pour fonder à l’heure actuelle l’octroi d’un des statuts prévus par la protection internationale, ce d’autant plus que le demandeur reste en défaut de faire valoir un quelconque fait récent qui serait survenu en relation avec cet incident.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur ne fait manifestement pas état d’une crainte fondée d’être victime d’actes de persécution ou d’atteintes graves en cas de retour en Guinée.

Dans ces circonstances, la soussignée conclut que c’est manifestement à bon droit que le ministre a estimé que les faits invoqués par le demandeur à la base de sa demande de protection internationale sont sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale.

12Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 est à déclarer manifestement infondé.

2) Quant à la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, la soussignée retient, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre du volet du recours visant la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, que les faits invoqués par ce dernier ne justifient manifestement pas l’octroi d’un statut de protection internationale, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande afférente du demandeur.

Dès lors, le recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’accorder au demandeur une protection internationale est à rejeter pour être manifestement infondé.

Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant à la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Finalement, quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de ce dernier en Guinée ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est, à son tour, à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 7 mars 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale du 13demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre celle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er avril 2025 par la soussignée Sibylle Schmitz, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Sibylle Schmitz Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52552
Date de la décision : 01/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-01;52552 ?

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