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05/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52764R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2025, 52764R


Tribunal administratif N° 52764R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52764R Inscrit le 28 avril 2025 Audience publique du 5 mai 2025 Requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par Monsieur (A), … (Belgique), contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics en matière de permis de conduire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 52764R du rôle et déposée le 28 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maît

re Albert JACO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembour...

Tribunal administratif N° 52764R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52764R Inscrit le 28 avril 2025 Audience publique du 5 mai 2025 Requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par Monsieur (A), … (Belgique), contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics en matière de permis de conduire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 52764R du rôle et déposée le 28 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert JACO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à …, tendant à voir prononcer le sursis à exécution et à instaurer une mesure de sauvegarde par rapport à un arrêté du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, du 24 janvier 2025 portant suspension du droit de conduire pour une période de 12 mois, un recours en annulation dirigé contre le même acte inscrit sous le numéro du rôle 52763 ayant été introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées et notamment la décision déférée ;

Maître Albert JACO et Madame le délégué du gouvernement Evelyne LORDONG entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 2 mai 2025.

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Le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, ci-après désigné par « le ministre » adressa en date du 21 janvier 2025 un courrier à Monsieur (A) pour l’informer du retrait de 6 points du capital dont est doté son permis de conduire suite à une décision judiciaire prononcée à son encontre le 6 novembre 2024 par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, et devenue irrévocable le 17 décembre 2024, tout en l’informant que, du fait d’un précédent retrait de 6 points opéré suite à une précédente condamnation judiciaire en date du 13 juin 2022, le nombre de points restant serait de zéro.

Par arrêté du 24 janvier 2025, notifié à l’intéressé par envoi recommandé en date du 28 janvier 2025, le ministre suspendit pour douze mois le droit de conduire un véhicule automoteur délivré à Monsieur (A), arrêté libellé comme suit :

« Vu les articles 2bis et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

1Vu l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Considérant que Monsieur (A), né le … à … et demeurant à …, a commis plusieurs infractions à la législation routière sanctionnées par une réduction du nombre de points dont son permis de conduire est doté en vertu de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 précitée ;

Considérant qu’à chaque infraction ayant donné lieu à une réduction de points, l’intéressé a été informé du nombre de points retirés et du solde résiduel de points ;

Considérant que le capital de points affecté au permis de conduire de l’intéressé est épuisé et qu’il y a donc lieu à application des dispositions du paragraphe 3 de l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 précitée ;

Arrête :

Art 1er. - Le droit de conduire un véhicule automoteur, délivré à Monsieur (A), préqualifié, est suspendu pour 12 mois sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Cette suspension vaut également à l’égard des permis de conduire internationaux délivrés à l’intéressé sur le vu de son permis de conduire national.

Art. 2. - Le présent arrêté sera notifié à l’intéressé sous pli fermé et recommandé, accompagné d’un avis de réception. Copie en sera expédiée à Madame la Ministre de la Justice avec prière de bien vouloir le porter à la connaissance de Madame le Procureur Général d’Etat afin de provoquer le signalement de l’intéressé.

Art. 3. - La suspension du droit de conduire produit ses effets à partir de la date où l’intéressé a accepté la lettre recommandée ou, à défaut, à partir du jour indiqué par les services postaux comme date de refus de l’intéressé d’accepter le pli recommandé ou d’expiration du délai imparti à celui-ci pour retirer le pli recommandé.

Art. 4. - La restitution du droit de conduire à l’échéance de la durée de suspension est subordonnée à la condition pour l’intéressé de participer pendant la durée d’application de la suspension du droit de conduire à la formation complémentaire prévue au paragraphe 4ter de l’article 2bis de la loi précitée du 14 février 1955.

Art. 5. - La présente est susceptible d’un recours gracieux à présenter par écrit au ministre de la Mobilité et des Travaux publics, Département de la mobilité et des transports.

Elle est en outre susceptible d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, à exercer par ministère d’avocat à la Cour endéans les trois mois à partir du jour de la notification de la présente. ».

Par requête déposée le 28 avril 2025, inscrite sous le numéro 52763 du rôle, Monsieur (A) a introduit un recours en annulation contre l’arrêté ministériel précité du 24 janvier 2025 et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 52764 du rôle, il a encore introduit un recours tendant à voir ordonner le sursis à exécution de l’arrêté ministériel en question et à se voir remettre son permis de conduire.

2Il estime qu’il serait exposé à un risque de préjudice grave et définitif, puisque le retrait de son permis de conduire pourrait mener à la perte de son emploi. Il expose encore qu’il devrait actuellement recourir à ses frais à des taxis et qu’il devrait ainsi exposer davantage de frais que d’ordinaire pour ses déplacements, situation qui ferait peser sur lui une charge considérable pour pouvoir répondre aux besoins de son entourage et de ses clients. Alors que sa carrière se serait construite au Luxembourg, qu’il serait difficile à presque 55 ans de se faire embaucher à nouveau à un poste de même responsabilité que celui qu’il occupe actuellement, il serait exposé à une situation financière, personnelle, matérielle et psychologique inextricable.

Monsieur (A) affirme encore que l’arrêt ministériel attaqué l’empêcherait d’exercer sa profession de superviseur de restaurants, profession qui le contraindrait à se déplacer sur tout le territoire luxembourgeois, alors que les sites qu’il devrait visiter se trouveraient sur tout le territoire luxembourgeois et seraient difficilement accessibles par les transports en commun ou en recourant au covoiturage.

Le requérant fait plaider devant les juges du fond, en substance, qu’il aurait bénéficié dans le cadre de sa condamnation pénale par le tribunal correctionnel de et à Luxembourg du 6 novembre 2024 certes à une interdiction de conduire sur toutes les voies publiques du Grand-

Duché de Luxembourg, pour une durée de 26 mois, mais avec la limitation que cette interdiction de conduire ne s’applique pas pour les trajets effectués dans l’intérêt prouvé de sa profession ni pour les trajets d’aller et retours effectués entre la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où il se rend habituellement pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail, tandis qu’en date du 5 mars 2025 la Chambre d’application des peines auprès de la Cour d’appel de et à Luxembourg aurait assorti de l’interdiction du droit à conduire l’autorisation d’exercer ce droit aux trajets effectués dans l’intérêt prouvé de sa profession ainsi qu’aux trajets d’aller et de retour effectué entre sa résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où il se rendrait de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et son lieu du travail.

Monsieur (A) considère dès lors que comme l’arrêté ministériel attaqué l’aurait frappé d’une invalidation complète et sans aménagement de son permis de conduire tandis que les décisions judicaires auraient aménagé son interdiction de conduire, il y aurait une contradiction entre la décision ministérielle attaquée et les décisions judiciaires invoquées.

Il fait en conséquence plaider que le ministre compétent aurait failli à son obligation de respecter le principe de proportionnalité, alors qu’il aurait pu lui adresser un avertissement ou encore lui imposer une restriction d’usage pour certains trajets ou horaires ou une restriction de validité, tout comme le ministre aurait failli à son obligation de prendre en compte son comportement global, le requérant donnant à cet égard à considérer ses contraintes professionnelles justifiant l’aménagement de son interdiction de conduire, le fait qu’il se serait volontairement inscrit à un stage de récupération de points, auquel il n’aurait toutefois pas pu participer à cause de problèmes de santé, sa volonté de changer ses habitudes de consommation d’alcool et de sa bonne foi, laquelle serait reflété par le fait qu’il se serait empressé de rendre son permis de conduire suite à l’arrêté ministériel du 24 janvier 2025.

Le délégué du gouvernement s’oppose à la demande en contestant tant le sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond que l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif.

3En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 28 avril 2025 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire ne saurait être considérée comme susceptible d’être plaidée et décidée à brève échéance.

En ce qui concerne la seconde condition devant être remplie pour pouvoir prétendre à une mesure provisoire, à savoir l’exigence que les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, des faits et des éléments doivent être invoqués ou ressortir de la requête ou du dossier administratif, démontrant directement que, pour avoir un effet utile, la mesure demandée doit être immédiatement ordonnée afin de satisfaire à cette condition de sérieux : dès lors, il faut mais il suffit qu’à première vue et eu égard aux circonstances de la cause, le recours puisse être déclaré recevable et fondé et, partant, donner lieu à la suspension de l’exécution de la décision attaquée, respectivement à l’instauration de la mesure de sauvegarde sollicitée. En d’autres termes, les moyens avancés doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde, doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.

L’irrecevabilité du recours en annulation, question soulevée conformément à l’article 30 de la loi du 21 juin 1999, et débattue contradictoirement lors de l’audience publique des plaidoiries, ne vise cependant pas spécifiquement la mesure provisoire, mais le recours introduit au fond contre la décision, ainsi qualifiée, que le requérant entend voir annuler.

4Ce moyen touche partant le fond du droit ; il relève plus précisément du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond et il est à examiner sous ce rapport.

Ceci dit, il semble, au stade actuel de l’instruction du litige, et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, que ce moyen devrait être favorablement accueilli par les juges du fond.

En effet, force est de constater que la requête tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel attaqué est adressée non pas au tribunal siégeant en composition collégiale, mais au président statuant sur base des articles 11 et 12 de la loi du 21 juin 1999, le dispositif de ladite requête s’adressant à « Monsieur le Président siégeant en matière de référé administratif auprès du tribunal administratif » et lui demandant d’annuler l’arrêté ministériel en question.

Or, il est patent que le président du tribunal administratif, effectivement compétent pour statuer sur une demande de sursis à exécution, voire une demande en instauration d’une mesure de sauvegarde, est cependant incompétent pour connaître au fond d’un recours en annulation d’une décision administrative individuelle.

S’agissant d’une question de saisine valable du tribunal compétent touchant à l’organisation juridictionnelle et relevant un caractère d’ordre public, les dispositions de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 sont inopérantes en ce que la question de la saisine de la juridiction compétente n’est pas une simple question de forme, même substantielle.

Il appert dès lors que les juges du fond, suivant en ce point l’enseignement de la Cour administrative, retiendront probablement dans ce cas de figure particulier que la juridiction compétente, à savoir le tribunal administratif, n’a pas été valablement saisi à travers la requête1, sans que les juges du fond ne puissent passer outre à cette irrégularité, alors que cela « reviendrait à devoir cautionner à ce qu’une requête introductive puisse s’adresser à n’importe quelle juridiction, même en dehors de l’ordre administratif, que ce soit une justice de paix ou la Cour de cassation et en mentionnant cette juridiction incompétente en entrée et en introduction de son dispositif, sans aucunement citer la juridiction effectivement compétente, mais en dirigeant un recours en annulation contre une décision administrative individuelle pourvu que le dépôt ait été fait au bureau d’accueil commun aux juridictions administratives dont relève le tribunal administratif effectivement compétent. En d’autres termes, peu importerait la juridiction à laquelle on s’adresse d’après le libellé de la requête, seule suffirait l’analyse concrète du recours véhiculé. Pareille solution aboutirait tout simplement à pouvoir omettre à l’avenir l’indication de la juridiction compétente à laquelle la partie requérante entend s’adresser. Or, le minimum requis dans le chef d’une requête adressée à une juridiction est de voir mentionner la juridiction compétente que la partie requérante entend saisir »2.

Dès lors, le recours au fond ayant été adressé erronément dans son dispositif au président du tribunal administratif et non au tribunal siégeant dans sa formation collégiale, ce dernier devrait se déclarer incompétent, de sorte que la requête en obtention d’un sursis à exécution, dont le sort est lié à celui du recours au fond, doit, dans ces circonstances, être considérée comme globalement insuffisamment sérieuse.

1 Cour adm. 16 mai 2024, n° 50168C.

2 Idem.

5Il échet ensuite, à titre superfétatoire, de constater que les moyens invoqués à l’appui du recours au fond ne paraissent pas, au stade actuel de la procédure, comme suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire, à supposer, quod non, que la mesure sollicitée au dispositif de la requête sous analyse, à savoir, « remettre son permis de conduire à Monsieur (A) », puisse être considérée comme mesure provisoire.

En effet, dans la mesure où le requérant, aux termes de ses écrits, critique le fait que la suspension de son droit de conduire, résultant du fait que le solde de points du capital dont est doté virtuellement son permis de conduire est devenu nul, ait été faite sans tenir compte de ses situations professionnelle et personnelle, et qu’il reproche au ministre une décision disproportionnée, le requérant sollicitant en effet la modulation de la suspension de son permis de conduire, il convient d’abord de constater que le requérant semble confondre le rôle du juge administratif, siégeant en tant que juge de l’annulation, en présence d’une compétence discrétionnaire, telle que par exemple dans le cadre de l’article 2, paragraphe 1er, de la loi du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, et celui du juge de l’annulation confronté à une compétence liée. A cet égard, pour rappel, lorsqu’une disposition légale ou règlementaire comporte des conditions objectives ne laissant aucune marge d’appréciation à l’administration quant à la décision à prendre, cette dernière agit dans le cadre d’une compétence liée. Dans pareil cas de figure, l’intervention de l’administration s’opère de manière mécanique voire automatique en ce qu’elle se limite à entériner une situation de fait ou de droit objective3 ; pareille compétence liée entrainant pour le juge l’impossibilité de contrôler des considérations d’opportunité à la base de l’acte4.

Or, il convient de relever que la jurisprudence a retenu à cet égard qu’il résulte de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la loi du 14 février 1955 que la question de l’adéquation et de la proportionnalité entre les circonstances de fait et les points réduits a été prise en compte par le législateur par la fixation dans le texte législatif de différents nombres de points à retirer en fonction des diverses infractions commises ainsi que par l’application de règles spécifiques en cas de concours réel d’infractions, règles limitant dans ce cas la réduction de points à un maximum de 6 points lorsqu’il s’agit exclusivement de contraventions, et à un maximum 8 points, lorsqu’il y a au moins un délit parmi les infractions retenues5.

Il résulterait encore de ce texte que la question de la proportionnalité ayant été prise en compte par le législateur, celui-ci aurait expressément retiré tout pouvoir d’appréciation au ministre en précisant que la réduction des points à opérer en fonction des prédites règles s’opère de plein droit6, approche à première vue avalisée par la Cour européenne des droits de l’homme7.

Partant, le nombre de points retenu et, in fine, la suspension du droit de conduire résultant de la perte de l’ensemble des points découlant a priori directement de la loi - l’article 2 bis, paragraphe 3, de la loi du 14 février 1955 précisant que la perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire entraîne pour son titulaire la suspension du droit de conduire et que cette suspension est constatée par un arrêté pris par le ministre -, tout pouvoir d’appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, des juges du fond, semble exclu, la jurisprudence afférente ayant ainsi retenue que la réduction de points est une mesure administrative grave qui 3 Trib. adm. 20 avril 2015, n° 33808, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 17.

4 Trib. adm. 9 décembre 2013, n° 29910, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 55.

5 Cour adm. 1er mars 2016, n° 37134C, Pas. adm. 2024, V° Transports, n° 83.

6 Trib. adm. 12 février 2007, n° 21678, Pas. adm. 2024, V° Transports, n° 84.

7 CEDH, 23 septembre 1998, Malige c. France, n° 68/1997/852/1059, point 49.

6intervient de plein droit, c’est-à-dire elle a lieu automatiquement, le ministre devant infliger le retrait des points chaque fois que les conditions d’application en sont réunies8, tandis que la perte de la totalité des points entraine a priori de plein droit la suspension subséquente du permis de conduire pour une durée de douze mois.

Il résulte dès lors de la jurisprudence9 que le tribunal administratif n’est pas autorisé à contrôler des considérations d’opportunité se trouvant à la base de l’acte attaqué ainsi qu’un éventuel défaut de proportionnalité, le nombre de points retenu découlant directement de la loi, de sorte à exclure tout pouvoir d’appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, du tribunal ; la question de savoir si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, découle dès lors en matière de permis de conduire, directement du texte de la loi qui a procédé dans ses dispositions à une évaluation des peines applicables10.

Partant, si le juge répressif prend nécessairement en compte différents aspects du comportement et de la personnalité du conducteur, aboutissant le cas échéant à aménager la sanction pénale à prononcer d’un sursis, il n’en va de même dans le cadre de la procédure administrative. Toutefois, le fait que la procédure administrative aboutisse le cas échéant à la sanction complémentaire de la suspension du permis de conduire, n’est pas incompatible avec le prononcé d’une sanction pénale unique moins lourde, étant relevé que le cas inverse d’une sanction pénale plus sévère que la décision administrative est également susceptible de se produire pour l’hypothèse où le juge pénal prononce une interdiction de conduire ferme pour une infraction à la législation sur la circulation routière et que le même fait n’entraîne au niveau administratif qu’un simple retrait de points du capital de points d’un permis de conduire sans pour autant entraîner une décision de suspension du droit de conduire un véhicule automoteur11.

Le soussigné, sur base d’un examen nécessairement sommaire, arrive dès lors à la conclusion provisoire que les moyens d’annulation tels que soulevés par le requérant ne présentent pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure sollicitée : le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention des mesures telles que sollicitées, 8 Trib. adm. 30 juin 2003, n° 16018, Pas. adm. 2024, V° Transports, n° 80.

9 Trib. adm. 12 février 2007, n° 21859 et 21966, Pas. adm. 2024, V° Transports, n° 82, et les autres références y citées.

10 Trib. adm. 29 janvier 2007, n° 21828, confirmé par Cour adm. 3 juillet 2007, n° 22672C, Pas. adm. 2024, V° Transports, n° 82.

11 Cour adm. 1er mars 2016, n° 37134C, trib adm. (prés) 31 décembre 2020, n° 45444, Pas. adm. 2024, V° Transports, n° 79.

7condamne le requérant aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2025 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52764R
Date de la décision : 05/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-05;52764r ?

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