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12/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2025, 52719


Tribunal administratif N° 52719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52719 1re chambre Inscrit le 17 avril 2025 Audience publique du 12 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 avril 2025 par Maître Marta DOBEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

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Tribunal administratif N° 52719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52719 1re chambre Inscrit le 17 avril 2025 Audience publique du 12 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 avril 2025 par Maître Marta DOBEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à …, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 2 avril 2025 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Dylan ARADA VELOSO, en remplacement de Maître Marta DOBEK, et Madame le délégué du gouvernement Evelyne LORDONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2025.

Il ressort du dossier administratif et plus particulièrement d’une demande de désignation d’un administrateur ad hoc du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, datée du 14 août 2023, que Monsieur (A), mineur à l’époque, se présenta le 11 août 2023 aux autorités luxembourgeoises pour présenter sa demande de protection internationale.

Par ordonnance du 21 août 2023, le juge aux Affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg désigna Maître Marta DOBEK administrateur ad hoc de Monsieur (A).

En date du 10 octobre 2023, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur (A) avait auparavant franchi irrégulièrement la frontière espagnole en date du 11 juillet 2023.

En date du 2 octobre 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, ci-

après désigné par « le ministère », dans le cadre d’un entretien « concernant la situation administrative de M. (A), plus précisément sur son identité ».

En date du 6 février 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 2 avril 2025, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à sa demande de protection internationale pour les motifs suivants :

« […] En date du 10 octobre 2023, vous avez introduit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort de votre dossier administratif qu’une demande de désignation d’un administrateur ad hoc a été effectuée par nos autorités en date du 14 août 2023. Selon l’Ordonnance de la Juge aux Affaires familiales, Simone GRUBER, Maître Marta DOBEK a été nommée en tant qu’administratrice ad hoc le 21 août 2023 afin de vous accompagner et représenter dans votre demande de protection internationale conformément aux dispositions des articles 5(4) et 20 de la loi de 2015 précitée. Le 15 janvier 2025, vous êtes devenu majeur.

Il ressort encore de votre dossier administratif et plus précisément des recherches effectuées dans la base de données « Eurodac » que vous avez franchi de manière irrégulière la frontière espagnole, plus précisément à …, en date du 27 juin 2023, et que vos empreintes ont été prises le 11 juillet 2023 sans que vous y ayez introduit une demande de protection internationale. Vous y avez notamment indiqué être né le … Un entretien afin de clarifier la situation concernant votre identité et plus précisément votre âge a été mené en date du 2 octobre 2024 et finalement, en date du 6 février 2025, un entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale a été mené avec un agent ministériel.

22. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité guinéenne, d’ethnie …, être né le … et avoir vécu à … jusqu’à votre départ définitif « vers 2022, 2023 » (p.4/10 du rapport d’entretien).

En cas de retour vers la Guinée, vous déclarez craindre pour votre intégrité physique.

En effet, concernant la raison vous ayant poussé à quitter votre pays d’origine, vous expliquez qu’autour du mois de décembre 2022, « j’ai une fille d’un Iman que j’ai mis enceinte.

C’est une fille d’Iman (B), lorsque j’étais là-bas, la famille de la fille venait m’agresser. Tout le temps ils venaient, ils ne nous laissaient pas tranquille. Son père voulait me tuer aussi. » (p.5/10 de votre rapport d’entretien).

Dans ce contexte, vous expliquez que la famille de (B) ne vous aurait pas laissé en paix sans que vous ne fassiez état d’un quelconque incident ou événement lié au problème que vous auriez eu avec elle. En effet, vous vous limitez à faire des déclarations selon lesquelles « ils vont venir dans notre famille comme ça…ils nous laissent pas dormir…ils, le père de la famille, sa famille vient me chercher… » (p.7/10 de votre rapport d’entretien).

Finalement, « lorsque la fille est tombée enceinte en 2022,», vous auriez pris la décision de quitter la Guinée (p.7/10 de votre rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

-

Une copie de l’extrait du registre de l’état civil, N°…, délivré en date du 15 février 2023 ;

-

une copie d’un jugement, N°…, du 18 janvier 2023.

3. Quant à l’application de la procédure accélérée Je tiens tout d’abord à vous informer que conformément à l’article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée alors qu’il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu’il ressort de l’analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s’avère que le point a) de l’article 27 se trouve être d’application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

3• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils n’émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous affirmez avoir quitté la Guinée en raison d’un souci que vous auriez eu car vous auriez mis enceinte la fille d’un Iman et que vous craindriez désormais pour votre vie en cas de retour.

À partir de ces informations, il ressort clairement de votre récit que vous n’avez pas rencontré lesdits problèmes en Guinée à cause de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de vos opinions politiques ou encore de votre appartenance à un certain groupe social.

En effet, il ressort sans équivoque de votre dossier administratif que vous avez rencontré ledit souci en raison d’une liaison romantique qui aurait résulté en une grossesse, raison qui n’est aucunement liée à l’un des cinq motifs de fond précités. Il sied notamment de soulever le fait que ledit problème aurait eu lieu dans un contexte de conflit d’ordre privé et que l’Iman souhaiterait désormais s’en prendre à vous en raison de son désaccord avec la grossesse. A cela s’ajoute que l’Iman est à considérer comme un personne privée ordinaire alors qu’il agit en tant que père de (B) et non dans un contexte religieux.

Quand bien même un tel lien existerait, quod non, il convient de noter que votre souci invoqué ne revêt pas un degré de gravité suffisant tel à pouvoir être assimilé à un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

En effet, quant aux craintes que vous exprimez par rapport à votre sécurité personnelle, il y a lieu de rappeler que vous, Monsieur, n’auriez été sujet à aucune agression ou autre incident portant atteinte à votre intégrité physique. Certes, vous évoquez que la famille de (B) ne vous aurait pas laissé en paix, mais force est de constater que vous restez très vague dans vos propos et ne relatez aucun événement concret qui vous serait arrivé.

4Partant, bien que ce souci constitue une situation malheureuse, elle ne revêt néanmoins pas un degré de gravité tel à permettre d’être considérée comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, et de retenir que vos conditions de vie en Guinée vous soient devenues intolérables et que vos craintes en lien avec (B) sont totalement hypothétiques.

Il y a en outre lieu de constater que vous êtes arrivé en Espagne en juin 2023, que vous vous seriez ensuite rendu en France avant d’arriver au Luxembourg, sans ne jamais avoir jugé opportun d’introduire une demande de protection internationale ni en Espagne, ni en France.

Vous justifiez notamment votre refus d’introduire une demande de protection internationale en France par « je n’avais pas envie de rester au campo (foyer) là-bas, parce que ce qu’on mangeait au campo, ça ne donnait pas envie de rester là-bas » (p.5/10 de votre rapport d’entretien).

Or, un tel comportement n’est pas compatible avec celui attendu d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et qui serait réellement à la recherche d’une protection internationale. En effet, alors qu’on peut attendre d’une telle personne qu’elle introduise sa demande de protection le plus tôt possible et dans les plus brefs délais après avoir quitté son pays d’origine dans le premier pays sûr rencontré, Monsieur, vous avez préféré traverser d’abord l’Espagne et puis la France avant de finalement choisir d’introduire votre demande de protection internationale au Luxembourg après votre arrivée dans l’espace Schengen.

Il y a par conséquent lieu de conclure que vous ne vous êtes manifestement pas trouvé dans une situation d’une gravité telle que vous tentez de le faire croire, auquel cas vous auriez introduit une demande de protection internationale dès la première rencontre avec des autorités d’un pays sûr, soit dans votre cas l’Espagne.

Finalement, même à supposer que vos différents problèmes seraient à qualifier d’actes de persécution motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, quod non, il convient de constater que s’agissant d’un souci émanant de personnes privées, ici le père de (B), celui-ci ne peut être considéré comme fondant une crainte légitime uniquement qu’en cas de défaut de protection de la part des autorités guinéennes.

Or, il y a lieu de soulever que vous n’avez pas jugé opportun de porter plainte contre les agissements du père de (B). Par conséquent, vous ne sauriez aucunement vous retrancher derrière votre défaut de plainte pour reprocher une quelconque défaillance, respectivement absence d’action aux autorités de votre pays d’origine et ce alors que les menaces sont bel et bien punissables dans votre pays d’origine à l’instar de l’article 282 du code pénal, qui stipule que :

« La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de 1 à 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 à 1.000.000 de francs guinéens ou de l’une de ces deux peines seulement, lorsqu’elle est soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.

La peine est portée à 5 ans d’emprisonnement et l’amende à 2.000.000 de francs guinéens ou à l’une de ces deux peines seulement, s’il s’agit d’une menace de mort.

Le coupable peut en outre être privé des droits mentionnés à l’article 53 du présent code pendant 5 ans au moins et 10 ans au plus à compter du jour où il aura subi sa peine ».

5Rien n’indique dès lors que vous n’auriez pas pu saisir les autorités policières guinéennes dans le but de porter plainte et de dénoncer le souci que vous auriez eu avec le père de (B) qui, selon vos dires, souhaiterait vous tuer en raison de la grossesse de sa fille.

En ce sens, rien ne permet de conclure que les autorités de votre pays d’origine ne seraient pas capables ou non disposées à vous fournir une protection suffisante alors que votre inaction a nécessairement mis les autorités compétentes dans l’impossibilité d’accomplir leurs missions. Aucune défaillance ou inefficacité ne saurait dès lors leur être reprochée alors qu’en l’état, il ne saurait pas être conclu à une absence dans le chef des autorités policières guinéennes d’engager des poursuites par rapport à vos doléances.

Finalement et à toutes fins utiles, en cas de retour, si vous étiez amené à rencontrer de nouveau un problème similaire quelconque avec la famille de (B), respectivement si votre souci devait gagner en ampleur à tel point de constituer une infraction pénale, il vous appartiendrait désormais de vous adresser aux autorités de votre pays d’origine, notamment policières, ou à une autre autorité aux fins de trouver une protection, une aide ou une solution à votre problème.

A toutes fins utiles, il convient de relever qu’étant donné que vous êtes majeur, vous n’êtes plus contraint de retourner vivre au même endroit que la famille de (B), de sorte que vous pourriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, vous établir par votre propre chef dans une autre ville, respectivement une autre région de la Guinée et y reconstruire votre vie loin des soucis dont vous faites état.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Monsieur, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié. Or, sur base des développements et 6conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n’invoquez aucun autre élément additionnel susceptible de rentrer dans le champ d’application de l’article 48 précité, et vous restez en défaut de faire état d’un risque réel de faire l’objet, en cas de retour dans votre pays d’origine, d’atteintes graves, respectivement que les autorités guinéennes ne seraient pas en mesure de vous accorder une protection.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d’une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l’article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 2 avril 2025 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. […] ».

Il convient de prime abord de relever qu’encore que le courrier ministériel du 2 avril 2025 contienne trois volets décisionnels et que suivant l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, il se dégage du dispositif de la requête introductive, telle que déposée le 17 avril 2025 au greffe du tribunal administratif, lu ensemble avec la motivation de ladite requête, que Monsieur (A) n’a pas dirigé son recours contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que la soussignée n’a pas à statuer sur le bien-fondé de ce volet de la décision du 2 avril 2025.

Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle refusant la protection internationale et l’ordre de quitter le territoire, étant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prise dans le cadre d’une procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les deux décisions du ministre du 2 avril 2025, telles que déférées, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

7A titre liminaire, et en ce qui concerne la demande en communication du dossier administratif formulée exclusivement dans le dispositif de la requête introductive d’instance, la soussignée constate que la partie étatique a déposé ensemble avec son mémoire en réponse une farde de pièces correspondant a priori au dossier administratif. A défaut pour le demandeur de remettre en question le caractère complet du dossier mis à disposition à travers le mémoire en réponse, la demande en communication du dossier administratif est à rejeter comme étant devenue sans objet.

A l’appui des deux volets de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base des décisions déférées, en reprenant, en substance, ses déclarations telles qu’actées lors de son audition par un agent du ministère, tout en ajoutant un « incident particulièrement significatif » à son récit qui prouverait le danger auquel il serait exposé en cas de retour dans son pays d’origine. En effet, alors qu’il se serait trouvé sur son lieu de travail, le frère de (B), accompagné de plusieurs autres individus, serait venu à sa rencontre, lui aurait proféré des menaces et tenté de l’intimider, voire de le violenter. Après sa fuite, le frère de (B), accompagné de ses amis, se serait régulièrement rendu au domicile de sa mère dans le but de s’approprier ses biens personnels.

En droit, et en ce qui concerne plus particulièrement le statut de réfugié, le demandeur fait valoir que ce serait à tort que le ministre qualifierait les faits litigieux d’un simple conflit d’ordre privé, sans lien avec l’un des cinq motifs prévus par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, appréciation qui ne reflèterait aucunement la réalité culturelle et sociale existante en Guinée où les grossesses hors mariage seraient qualifiées de « honte ». Ainsi, compte tenu du fait que dans la société guinéenne, les femmes ayant des enfants hors mariage et ces enfants eux-mêmes seraient fortement stigmatisés, il serait erroné de croire que les hommes impliqués dans de telles situations seraient, quant à eux, épargnés par la réprobation sociale ou les représailles. Etant donné que ses relations sexuelles avec (B) auraient conduit à la grossesse de celle-ci, il aurait été ciblé comme responsable de la « honte » infligée à la famille de (B). Dans une telle hypothèse, la famille de la concernée n’hésiterait toutefois pas à recourir à tous les moyens, y compris la violence, pour rétablir son honneur.

Dans la mesure où un imam jouirait d’une grande « autorité morale » sur la communauté, sa parole ne serait jamais remise en question. Il s’ensuivrait que le pouvoir du père de (B), qui serait un imam, ne serait pas simplement symbolique mais bien concret et menaçant. Celui-ci aurait d’ailleurs mobilisé d’autres personnes, y compris son fils et ses amis, afin de le traquer, allant jusqu’à exercer des violences physiques et à proférer des menaces de mort.

Le demandeur soutient ensuite que la possibilité de solliciter une protection policière en Guinée serait purement théorique, en raison des déficiences structurelles et matérielles de la police guinéenne, ainsi que de la réticence des agents de police à intervenir dans des affaires impliquant des personnalités influentes, telles que les imams. Il allègue dans ce contexte que les agents de police seraient placés sous l’autorité des imams.

Monsieur (A) met encore en avant qu’un conflit personnel pourrait rapidement prendre une dimension ethnique et dégénérer. Son appartenance ethnique serait d’autant plus préoccupante, dans la mesure où la mère de (B) serait d’ethnie soussou, tandis que lui-même serait d’ethnie …, dans un village qui serait dominé par l’ethnie …. Dans un tel contexte de rivalité ethnique, il serait presqu’impossible d’obtenir la protection des forces de l’ordre lorsqu’un conflit avec un personnage aussi influent que l’imam surviendrait.

8Ainsi, en raison de son appartenance ethnique et de son implication dans une relation considérée comme portant atteinte à l’honneur d’une famille religieusement et socialement influente, il serait perçu comme une personne déviante, appartenant à un groupe social stigmatisé et marginalisé au regard des normes sociales et religieuses en vigueur dans son pays d’origine.

S’agissant ensuite du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur donne à considérer que le fait d’entretenir une relation hors mariage avec une jeune femme et avoir un enfant constituerait une violation grave de la loi islamique. Il rappelle (i) qu’eu égard au fait que (B) serait la fille d’un imam influent, il serait manifeste qu’il serait non seulement exposé à l’humiliation mais également à des violences physiques en cas de retour en Guinée et (ii) l’absence d’une protection judiciaire et policière en Guinée en raison de la réticence ou l’incapacité des agents de police de protéger efficacement les victimes de violences liées à des motifs religieux ou sociaux, notamment lorsque ces violences impliqueraient des personnes « bien placé[e]s » dans la communauté. Cette absence totale de protection effective correspondrait précisément au cas envisagé par la protection subsidiaire, alors que les actes qu’il aurait subis et qu’il risquerait de subir en cas de retour en Guinée atteindraient le degré de gravité nécessaire pour être qualifiés de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015.

Monsieur (A) estime enfin que son évolution personnelle et sociale depuis son arrivée au Luxembourg devrait être prise en compte pour l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire. A cet égard, il fait valoir qu’il aurait manifesté une volonté claire de s’insérer dans la société et qu’il aurait adopté un mode de vie fondé sur les valeurs occidentales. Toutefois, ce mode de vie serait difficilement compatible avec les normes sociales et religieuses en vigueur en Guinée, où toute transgression des bonnes mœurs pourrait entraîner des sanctions pénales ou sociales.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 35 (2), alinéa 2 de la loi du 18 décembre 2015, « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

9Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale La soussignée relève qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne 1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

10veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Il y a ensuite lieu de préciser que dans la présente matière, le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

En l’espèce, la soussignée relève que le demandeur avance comme motif à la base de sa demande de protection internationale sa crainte d’être persécuté ou de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine en raison des relations sexuelles hors mariage qu’il a entretenues avec (B), la fille d’un imam, et qui ont conduit à la grossesse de celle-ci.

En ce qui concerne, tout d’abord, les deux faits en lien avec le frère de (B), à savoir l’incident qui se serait déroulé sur le lieu de travail du demandeur où ledit frère, accompagné d’autres individus, l’aurait menacé et tenté de l’intimider, voire de le violenter, ainsi que le passage dudit frère, accompagné d’amis, au domicile de la mère du demandeur pour lui voler des biens précieux, la soussignée est amenée à relever que Monsieur (A) n’a fait mention ni lors de son audition devant les agents de la police judiciaire ni dans la fiche remplie lors du dépôt de sa demande de protection internationale ni lors de son audition auprès de l’agent ministériel de ces deux faits qu’il invoque à présent dans sa requête introductive d’instance, tout en les qualifiant, du moins pour l’incident ayant eu lieu sur son lieu de travail, comme « particulièrement significatif » pour démontrer le danger auquel il serait exposé en cas de retour dans son pays d’origine.

11Or, il y a lieu de relever que Monsieur (A) a signé un document intitulé « Déclaration finale » certifiant qu’il n’avait aucun problème de compréhension lors de son audition, qu’il n’a retenu aucune information essentielle portant un changement significatif au contexte de sa demande, qu’il n’a pas donné d’informations inexactes et, surtout, qu’il n’existe plus d’autres faits à invoquer au sujet de sa demande de protection internationale.

Dans ce contexte, la soussignée relève qu’en vertu de l’article 37 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur de protection internationale a l’obligation de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande. Par ailleurs, un demandeur qui, tel que Monsieur (A), atteste lui-même par sa signature que le rapport d’audition constitue un résumé fidèle et complet des motifs de sa demande de protection internationale, est malvenu à contester le contenu de ce rapport3. En outre, le fait pour un demandeur de maintenir le silence quant à des éléments essentiels jusqu’au dépôt de la requête introductive d’instance jette un doute considérable sur sa crédibilité4.

En l’espèce, ces considérations amènent la soussignée à ne pas tenir compte des éléments fondamentalement nouveaux produits in tempore suspecto par le demandeur, à savoir les menaces qu’il aurait subies par le frère de (B) et les vols dont aurait été victime sa mère, ce d’autant plus que le demandeur reste en défaut de fournir la moindre précision quant au déroulement concret de ces deux faits.

En ce qui concerne ensuite les déclarations faites par le demandeur lors de son entretien ministériel, force est à la soussignée de constater qu’il n’a pas fait état d’une quelconque agression ou d’un autre incident portant atteinte à son intégrité physique. S’il indique que « la famille de la fille venait m’agresser. Tout le temps ils venaient, ils ne nous laissent pas tranquille. Son père voulait me tuer aussi »5, il n’a toutefois pas été en mesure de fournir des exemples concrets pour étayer ses affirmations. Ainsi, à la question afférente de l’agent ministériel, qui l’invitait à indiquer des situations concrètes, il a répondu qu’« Ils vont venir dans notre famille comme ça…ils nous laissent pas dormir…ils, le père de la famille, sa famille vient me chercher ». Or, ces faits tels que décrits par le demandeur ne sont manifestement pas d’une gravité suffisante pour être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves.

Quant aux menaces de mort de la part du père de la fille, dont le demandeur a fait état lors de son entretien ministériel, force est à la soussignée de constater que des menaces non suivies d’un quelconque acte concret, n’atteignent de toute façon pas à elles seules le seuil de gravité requis pour pouvoir être qualifiées d’actes de persécution, et ce, d’autant plus que le demandeur n’a pas fourni, que ce soit lors de son entretien ministériel ou dans le cadre de son recours, plus de précisions quant au nombre et à la nature de ces menaces.

Ce constat n’est, à l’évidence, pas ébranlé par l’argumentation du demandeur selon laquelle le pouvoir du père de (B), qui est un imam, ne serait pas simplement symbolique, mais bien concret et menaçant. En effet, cette simple affirmation générale et vague ne suffit manifestement pas à établir que le demandeur risquerait des actes d’une gravité telle qu’ils pourraient être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine. La soussignée relève, à cet égard, que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 16 juin 2016, invoquée par le demandeur dans ce contexte, n’est manifestement 3 Trib. adm., 10 novembre 2000, n° 12390 du rôle, confirmé par Cour adm., 11 janvier 2001, n° 12602C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 45 et les autres références y citées.

4 Voir en ce sens : trib. adm., 9 octobre 2013, n° 33202 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

5 Page 5 du rapport d’audition.

12pas pertinent en l’espèce, alors que, contrairement à Monsieur (A), la personne concernée avait subi des actes concrets contre son intégrité physique.

A titre superfétatoire, la soussignée rejoint le ministre dans son constat qu’en tout état de cause et compte tenu du fait que l’intéressé est entretemps majeur, rien ne l’empêche de s’installer dans un autre village, respectivement dans une autre région de son pays d’origine que celle où réside la famille de (B).

Enfin, quant à l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait adopté un mode de vie occidental, difficilement conciliable avec les normes sociales et religieuses en vigueur en Guinée, de sorte à craindre d’être exposé à des sanctions pénales ou sociales en cas de retour dans son pays d’origine, la soussignée constate qu’en l’absence de preuve que toute personne ayant adopté un mode de vie occidental risque des actes de persécution ou des atteintes graves en cas de retour en Guinée, il s’agit manifestement d’une simple affirmation non étayée.

Dans ces circonstances et au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, la soussignée est amenée à conclure que l’intéressé ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, de sorte que le recours contre la décision ministérielle de refus d’un statut de protection internationale est à déclarer comme manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

2. Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire La soussignée relève qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 132 avril 2025 portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces deux décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mai 2025, par la soussignée, Annemarie THEIS, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Annemarie THEIS Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52719
Date de la décision : 12/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-12;52719 ?

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