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14/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52728

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2025, 52728


Tribunal administratif N° 52728 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52728 3e chambre Inscrit le 18 avril 2025 Audience publique du 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consort, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52728 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2025 par Maître Lukman AN

DIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 52728 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52728 3e chambre Inscrit le 18 avril 2025 Audience publique du 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consort, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52728 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2025 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Kosovo) et Madame (B), née le … à … (Kosovo), tous les deux de nationalité kosovare et demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 2 avril 2025 de recourir à la procédure accélérée, de celle portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Mathieu WERNOTH, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 2025 à laquelle l’affaire a été refixée pour continuation des débats à l’audience publique du 13 mai 2025.

Le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Mathieu WERNOTH, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2025.

Il ressort des explications non contestées de la partie étatique qu’en date du 29 septembre 2003, Monsieur (A) et son épouse Madame (B), désignés ci-après par « les consorts (AB) », ont, accompagnés de leurs deux enfants nés en … et …, introduit une demande de protection internationale au Luxembourg, laquelle a fait l’objet d’une décision de refus ministérielle du 15 octobre 2004. Il en ressort encore que le recours introduit par les intéressés à l’encontre de ladite décision du 15 octobre 2004 a été définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 27 octobre 2005, inscrit sous le numéro 19979C du rôle.

Il en ressort encore que Monsieur (A) a introduit une demande de protection 1internationale, d’abord, en Norvège en date du 9 janvier 2006, et après avoir été rapatrié au Kosovo, en Suède le 21 septembre 2007. Toujours d’après les explications non contestées de la partie étatique, Monsieur (A) a été transféré en Norvège par les autorités suédoises en date du 28 février 2008, Etat membre responsable de sa demande de protection internationale, laquelle fut rejetée.

En date du 26 août 2008, l’épouse de Monsieur (A), Madame (B) a, accompagnée de ses deux enfants, introduit une demande de protection internationale en Suède et, en date du 18 mars 2010, Monsieur (A) a déposé une deuxième demande de protection internationale dans ledit pays, laquelle fut rejetée le 8 juin 2010.

Le 21 octobre 2010, Monsieur (A) introduisit une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg, laquelle fut considérée, par une décision ministérielle du 4 juillet 2016, comme implicitement retirée alors que l’intéressé ne s’était plus présenté depuis le 8 février 2011 pour prolonger son attestation de demandeur de protection internationale.

Le 24 janvier 2025 les consorts (AB) introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires des affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, désigné ci-

après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-

après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité.

En date des 29 janvier et 3 février 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (B) fut entendue à cette fin en date du 3 février 2025.

Par décision du 2 avril 2025, notifiée aux intéressés par courrier recommandé le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », résuma les déclarations des consorts (AB) comme suit :

« […] En date du 24 janvier 2025, vous avez introduit vos deuxième, respectivement, troisième demandes de protection internationale au Luxembourg sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-

après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort de votre dossier administratif qu'en compagnie de vos deux enfants nés en … et … au Luxembourg, vous avez introduit une première demande de protection internationale au Luxembourg en date du 29 septembre 2003, laquelle a fait l'objet d'un rejet par décision ministérielle du 15 octobre 2004. Monsieur, vous aviez indiqué avoir été agressé à plusieurs reprises par les cousins d'un dénommé …, un trafiquant de drogues influent. Vous auriez dénoncé ces faits à votre frère policier et la police aurait alors procédé à des arrestations.

Votre frère aurait par la suite été licencié pour s'être pris à … et vous auriez alors décidé de 2quitter votre pays d'origine. Madame, vous aviez prétendu que votre époux serait un espion de la police et aurait en tant que tel enquêté sur des bars et discothèques. Vous craindriez la vengeance des personnes dénoncées par votre époux.

Le 27 octobre 2005, vous avez été définitivement déboutés de vos premières demandes de protection internationale par arrêt de la Cour administrative (numéro 19979C du rôle). Le 28 décembre 2005, vous avez fait l'objet d'un retour assisté vers la Serbie-et-Monténégro.

Monsieur, il ressort ensuite du résultat des recherches effectuées dans la base de données Eurodac qu'en date du 9 janvier 2006, vous avez introduit une demande de protection internationale en Norvège, avant d'être rapatrié à une date inconnue. Le 21 septembre 2007, après ce rapatriement, vous avez introduit une demande de protection internationale en Suède.

Madame, le 26 août 2008, ensemble avec vos deux enfants, vous avez introduit une demande de protection internationale en Suède.

Monsieur, le 18 mars 2010, vous avez introduit une deuxième demande de protection internationale en Suède.

Le 21 octobre 2010, vous avez introduit une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg. Il ressort dans ce contexte d'une réponse des autorités suédoises du 13 décembre 2010, à une demande de reprise en charge sur base du règlement Dublin III des autorités luxembourgeoises, qu'en date du 28 février 2008, les autorités suédoises vous avaient transféré en Norvège, pays alors responsable du traitement de votre demande de protection internationale sur base dudit règlement. Votre demande avait été refusée en Norvège et vous avez été rapatrié le 19 septembre 2009. Vous êtes ensuite retourné en Suède et y avez introduit une nouvelle demande de protection internationale qui a été refusée le 8 juin 2010. Le 14 août 2010, vous avez été rapatrié par les autorités suédoises.

Vous aviez indiqué à la base de votre deuxième demande de protection internationale introduite au Luxembourg avoir été agressé par des gens inconnus au Kosovo qui auraient voulu vous tuer. Vous auriez dénoncé ces faits à la police avant de quitter votre pays à destination de la Norvège. Vous aviez ajouté qu'en Norvège, des assistants sociaux auraient voulu « kidnapper » vos enfants et que vous n'auriez plus eu le droit de voir vos enfants après que vous auriez été accusé de les avoir « touché ». Vous aviez encore signalé qu'après votre rapatriement depuis le Luxembourg en 2005, vous seriez resté vivre une semaine au Kosovo avant de partir avec votre famille en Norvège. Après le refus de vos demandes de protection internationale, vous seriez partis en Suède. Après le refus de vos demandes de protection internationales en Suède, vous auriez été transférés vers la Norvège. Les autorités norvégiennes auraient alors rapatrié votre épouse et vos enfants tandis que vous-même seriez resté vivre clandestinement en Norvège. Votre épouse et vos enfants seraient par la suite repartis pour la Suède. Après le refus de leurs nouvelles demandes de protection internationale, ils seraient partis en Norvège. Les autorités norvégiennes les auraient ensuite retransférés vers la Suède. Vous-même auriez séjourné pendant un an et demi en Norvège avant d'y demander une protection internationale. Après avoir été « inhaftiert » pendant deux mois, vous auriez été rapatrié au Kosovo. Vous seriez alors immédiatement reparti pour la Suède.

Les autorités suédoises vous auraient signalé que vous seriez « inhaftiert » en cas d'introduction d'une demande de protection internationale. Vous seriez alors venu au Luxembourg.

3Par décision ministérielle du 4 juillet 2016, votre deuxième demande de protection internationale a été considérée comme étant implicitement retirée alors que vous ne vous êtes plus présenté depuis le 8 février 2011 pour prolonger votre attestation de demandeur de protection internationale.

Madame, Monsieur, le 24 janvier 2025, vous avez introduit des nouvelles demandes de protection internationale au Luxembourg.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de vos demandes de protection internationale Monsieur, il est à noter que vous présentez vos motifs de fuite et, de manière générale, votre récit de façon très confuse et vague ; vos propos devant à de multiples reprises être cités directement, faute de pouvoir être résumés cohéremment.

Vous déclarez être de double nationalité kosovare et serbe, d'ethnie albanaise, marié et originaire de …, où vous auriez dernièrement vécu dans une maison louée. Depuis 2016, vous n'auriez plus travaillé au Kosovo. Après votre départ du Luxembourg en 2010, vous seriez parti vous installer en Allemagne et vous auriez passé les sept dernières années à faire des aller-retours entre le Kosovo et l'Allemagne, où vous auriez alors travaillé de manière clandestine. Pendant ce temps, votre épouse et vos enfants auraient vécu auprès de votre belle-

mère au Kosovo. En 2025, vous auriez décidé de quitter le Kosovo et de venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg pour pouvoir vous soigner et parce que votre père aurait menacé de tuer votre fils … (p. 6 du rapport d'entretien). Convié à préciser pourquoi vous auriez introduit une demande de protection internationale, vous commencez toutefois votre récit par le constat selon lequel « Mein Bruder arbeitet bei der Justiz » (p. 4 de votre rapport d'entretien) en ajoutant avoir été injustement incarcéré au Kosovo.

Ainsi, du 7 novembre au 4 décembre 2024, vous auriez été placé en détention provisoire à …, après que votre père, qui aurait selon vous besoin de soins psychiatriques, vous aurait accusé de l’avoir expulsé de sa maison. Vous expliquez toutefois aussi que « die Polizeikommissarin hat dem Richter von dem Fall erzählt, sie wollte mich beschuldigen, meinen Vater 4 Tage aus seinem Haus geworfen zu haben. Sie hat den Richter überzeugt, dass ich im Unrecht bin, und daraufhin hat der Richter beschlossen, mich zu inhaftieren. Er hat sich nicht die Mühe gemacht, sich mit dem Fall zu befassen » (p. 5 du rapport d'entretien). Vous sauriez cela parce que vous posséderiez des documents et que vous auriez parlé au juge en question, « ich war jedoch nicht bei Sinnen, da man mir Drogen gegeben hat im Gefängnis » (p. 5 de votre rapport d'entretien). Vous dites qu'en détention, « man hat mir Spritzen mit Methadon gegeben. Man hat mir Pillen gegeben » (p. 4 du rapport d'entretien) et depuis vous auriez mal au niveau de la poitrine tout en ajoutant aussi que «mein Bein ist aus der Position gesprungen. Ich bin nicht mehr in einem guten, gesundheitlichen Zustand. Ich musste mich nach meiner Entlassung aus der Haft von meinem Vater „trennen". Ich habe Hilfe vom Sozialamt bekommen. [Nach der Rückübersetzung: Nein, ich habe keine Hilfe bekommen.] » (p. 4 de votre rapport d'entretien).

Vous précisez encore que le tribunal vous aurait ordonné de quitter la maison de votre père bien que vous affirmiez aussi que vous ne sauriez pas si votre père a retiré sa plainte contre vous : « Ich weiß es nicht. Ich glaube nicht. Währenddessen hat die Richterin beschlossen, dass ich mich ihm nicht mehr als 100 Meter nähern darf. Und der Rest der Anzeige wurde aufgehoben von der Richterin.[Nach der Rückübersetzung: Mein Vater hat gefordert, 4dass ich mich ihn nicht mehr als 100 Meter nähern darf. Im Gericht hat man gemerkt, dass mein Vater nicht mehr bei Sinnen war. Die Richterin hat die Klage aufgehoben. Um mir zu schaden, hat sie (sic) doch verurteilt wegen den anderen, übrig gebliebenen Anklagepunkten.

Sie hat entschieden, dass ich ihn nicht weiter belästigen darf. Wenn ich dies noch einmal tun würde, würde ich noch härter bestraft werden.] » (p. 5 & 6 de votre rapport d'entretien). Vous n'auriez pas interjeté appel contre ledit jugement alors qu': « Ich hatte einfach keine Zeit, um Berufung einzulegen. (Sie hatten keine Zeit? Ich hätte mir Zeit aenommen, wenn ich mich unschuldig behandelt gefühlt hätte!) Ich habe donnerstags den Bescheid bekommen. Aber freitags und samstags war ich krank. [Nach der Rückübersetzung: Ich war in Haft und hatte keine Zeit. Ich hätte mir einen Anwalt anschaffen müssen, dies hätte 3-4 Tage gedauert] Ich hatte keine Zeit », l'agent en charge de votre entretien notant encore que « Der Antragsteller zeigt der Sachbearbeiterin ein Dokument, welches belegt, dass er aus der Untersuchungshaft entlassen wurde » (p. 6 du rapport d'entretien).

En cas de retour au Kosovo, vous craindriez d'être incarcéré alors qu' « Ich befürchte 8 Jahre Haft. Um es kurz und knapp zu sagen, mein Vater ist durchgedreht. Mein Vater hat eine Anzeige gegen mich erstattet, damit ich sein zuhause verlasse, anstatt mich einfach darum zu bitten » (p. 4 de votre rapport d'entretien). Vous dites toutefois aussi que votre père vous aurait accusé de l'avoir jeté de sa maison tout en précisant que la justice kosovare serait jalouse de vous parce que vous soutiendriez depuis six ans une dénommée … en participant activement à sa compagne électorale et qu'« Ich habe die Wahlen überwacht. [Nach der Rückübersetzung: Das stimmt nicht zu dem, was ich zuvor gesagt habe, die Jahre betreffend » (p. 5 du rapport d'entretien). Vous ajoutez à cela les propos suivants : « (Das sind Ihre Aussagen!) Zwischen 2011 und 2016 war ich (sic) Kosovo. Während dieser Zeit bekam ich Drohungen. Es kam zu Vandalismus in meinem Lokal, bis es geschlossen wurde. (Das liegt 10 Jahre zurück.) Ah, ok. Ich wollte das nur klarstellen wegen den Daten.] (Wie kommen Sie darauf ?)Ich habe der amerikanischen Botschaft mitgeteilt, dass es während den Wahlen zu Unregelmäßigkeiten kam. [Nach der Rückübersetzung: Ich war nie in einer Botschaft. Ich habe das nicht gesagt. Ich habe es mitgeteilt, ohne vor Ort gewesen zu sein.) » (p. 5 du rapport d'entretien). Vous prétendez encore que votre frère serait politiquement très actif et que vous auriez toujours combattu la corruption au Kosovo de sorte que « Man hat mich immer eingesperrt für einen Tag. Mein Vater zog in ein Hotel, um ein offizielles Dokument zu haben, dass er nicht zuhause gelebt hat » (p. 5 du rapport d'entretien).

Vous dites aussi que votre père vous menacerait quotidiennement et vous craindriez qu'il ne puisse déposer une nouvelle plainte contre vous, auquel cas vous risqueriez alors une peine de prison de huit ans. Vous craindriez toutefois aussi qu'une telle deuxième procédure aurait déjà été lancée contre vous (p. 7 de votre rapport d'entretien). Convié à préciser pourquoi vous ne vous seriez pas installé dans une autre région du Kosovo, vous répondez que vous auriez vécu en Serbie mais qu' « Ich wurde geschlagen. Überall könnte mich das Gefängnis erwarten » (p. 8 du rapport d'entretien).

Enfin, quant aux motifs de fuite de votre épouse, vous expliquez qu'elle aurait été impliquée dans un accident de la route et souffrirait depuis des nerfs et de problèmes psychiques, « Auch sie will eine Arbeitserlaubnis. Im Kosovo gibt es keine Zukunft für uns.

Niemand würde sie wegen den medizinischen Problemen einstellen » (p. 6 de votre rapport d'entretien).

Madame, vous signalez être de nationalité kosovare, d'ethnie albanaise, mariée et originaire de …, où vous auriez dernièrement vécu dans une maison louée avec votre « Partner 5(A) und meinem kleinen Sohn » (p. 2 de votre rapport d'entretien). Vous auriez travaillé dans un supermarché jusqu'en août 2023. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que « Wir haben Familienangehörige, die für den Staat arbeiten. Es handelt sich um den Bruder meines Partners » (p. 4 de votre rapport d'entretien). En janvier 2025, vous auriez décidé de quitter le Kosovo alors que la situation serait devenue « immer außergewöhnlicher » (p. 4 du rapport d'entretien), la police passant régulièrement chez vous à la maison pour voir si vous ou votre partenaire abusiez de votre (beau-)père en ajoutant que « Sie haben meinen Mann mitgenommen » (p. 4 du rapport d'entretien) en novembre 2024.

Vous précisez dans ce contexte avoir par le passé vécu dans une maison avec votre beau-père.

Vous ajoutez avoir vécu des conflits avec les institutions kosovares alors qu'elles n'auraient pas voulu reconnaître votre mariage en demandant régulièrement des attestations quant à la garde de vos enfants. On vous aurait en outre demandé de remettre un document « mit aktuellem Datum » (p. 4 du rapport d'entretien) et vous précisez encore avoir parlé à l'ambassade de ce problème. Conviée à préciser si vous aviez la garde de vos enfants, vous répondez que votre époux n'aurait pas toujours vécu auprès de vous alors qu'il aurait résidé illégalement en Allemagne ces sept dernières années. En 2024, votre beau-père aurait commencé à se comporter de manière inappropriée et il aurait alors été décidé en famille que son fils (A) s'occupe de lui et que vous vivriez ensemble à ….

De plus, au Kosovo, il n'y aurait pas de travail, respectivement, vous n'auriez plus pu trouver un emploi depuis votre accident de la route. Vous confirmez avoir besoin de soins médicaux depuis cet accident. (A) aurait payé pour vos soins au Kosovo alors qu'il n'y existerait pas d'aide étatique. Vous n'auriez pas non plus reçu une aide au chômage. Après cet accident datant de novembre 2022, vous auriez eu du mal à exercer votre ancien travail et auriez été forcée de démissionner alors que votre supérieur aurait attendu une relation sexuelle avec vous pour vous permettre de changer de travail au sein de l'entreprise.

Enfin, vous auriez également quitté le Kosovo parce que la police aurait faussement accusé votre fils … dans le cadre d'une affaire de stupéfiants. Vous dites que la police agirait de cette sorte pour s'en prendre à vous. Conviée à avancer des preuves pour cette thèse, vous répondez que depuis que vous auriez quitté le Kosovo, la police n'aurait plus embêté votre fils.

Madame, Monsieur, le 23 janvier 2025, vous êtes arrivés à l'aéroport de Luxembourg.

A l'appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Vos passeports et cartes d'identité kosovares ;

- une copie de votre acte de naissance, Madame, émis le 18 décembre 2024 à … ;

- une copie d'un document en albanais intitulé « Vendim » émis par votre ancien employeur, le groupe …, une copie de votre « declaration of unemployment » du 18 décembre 2024, ainsi qu'une copie d'un document en albanais intitulé « Deklaratë » que vous auriez signé le 18 décembre 2024, également en lien avec votre ancien travail ;

- une copie d'un document en albanais qui aurait été émis par le Ministère de la Justice qui constituerait une ordonnance de tribunal et deux autres copies de documents en langue albanaise en lien avec la justice, dont un document qui « belegt, dass er aus der Untersuchungshaft entlassen wurde » (p. 6 du rapport d'entretien). […] ».

A travers la même décision, le ministre informa les consorts (AB) qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure 6accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours à compter du jour où la décision deviendrait définitive sur base des motifs et considérations suivantes :

[…] Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous deux des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« b) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 30 de la présente loi; » En effet, vous êtes de nationalité kosovare et, en vertu de l'article 30 de la Loi de 2015 et du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi précitée, la République du Kosovo doit être considérée comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante, de persécution au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne le respect des droits de l'Homme au Kosovo, la Commission Européenne atteste que « The legal framework broadly guarantees the protection of human and fundamental rights in line with European standards ». En outre, plusieurs systèmes de recours contre les violations des droits de l'Homme et libertés ont été mis en place ainsi que des instances pour déposer plainte contre d'éventuels abus de pouvoir des forces de l'ordre. A cela s'ajoute que l'accord de stabilisation et d'association signé entre l'Union européenne et le Kosovo le 25 juillet 2014, est entré en vigueur le 1er avril 2016: « The EU-Kosovo Stabilisation and Association Agreement (SM) entered into force in April 2016. (…) Since 2016, five Stabilisation and Association Council meetings and seven cycles of subcommittee meetings took place. (…). On 31 March 2023, the government approved the National Programme for European Integration 2023-2027, subsequently endorsed by the Assembly on 15 June 2023. To further guide the implementation of reforms under the SAA, in November 2016, the Commission and Kosovo adopted the European Reform Agenda (ERA). It outlines priority actions in the fields of good governance, rule of law, (…), sustainable development, employment, education and health ».

On peut dès lors légitiment conclure que le Kosovo constitue de manière générale un pays d'origine sûr. Par ailleurs, le constat de pays d'origine sûr n'a pas pu être contredit par l'examen individuel effectué quant aux motifs invoqués à la base de vos demandes de protection internationale.

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse de vos demandes de protection internationale, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve également être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale 7Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant à la crédibilité de vos déclarations Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits ainsi que des craintes d'être victime de persécutions ou d'atteintes par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre les autorités en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, surtout lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

Il échet en premier lieu de rappeler, tel que déjà relevé ci-avant, que vous, Monsieur, présentez votre récit de manière totalement vague et superficielle, respectivement, de manière totalement confuse et qu'il n'est pas possible de tirer une compréhension cohérente de vos propos, lesquels ressemblent à deux récits différents mergés entre eux.

Il s'agit dans ce contexte évidemment de constater que vos propos tenus en lien avec vos prétendus soucis judiciaires, Monsieur, restent totalement énigmatiques. Il ne ressort d'ailleurs même pas clairement de vos dires si vous voulez parler de deux affaires distinctes qui auraient été ouvertes contre vous auprès d'un tribunal. Vous prétendez de plus d'un côté que vos soucis seraient nés parce que votre père vous aurait, selon vous, faussement accusé de l'avoir expulsé de sa propre maison mais de l'autre côté qu'un juge supposément jaloux de vous, aurait créé cette affaire pour vous nuire. Vous prétendez par ailleurs dans une première version des faits que vous auriez été accusé pour avoir jeté votre père hors de la maison tandis que vous prétendez vers la fin de votre entretien visant vos motifs de fuite craindre une incarcération ou des problèmes judiciaires au Kosovo parce que votre père « hat eine Anzeige gegen mich erstattet, damit ich sein Zuhause verlasse, anstatt mich einfach darum zu bitten ».

Il doit être retenu que vous faites part d'un récit nullement cohérent dans lequel vous englobez de manière manifestement pas convaincante des prétendues discriminations ou persécutions vécues de la part des autorités dans le but évident d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale et ceci dans le but tout aussi évident de ne pas uniquement faire part des considérations purement économiques, médicales ou de pure convenance personnelle qui expliquent sans aucun doute l'introduction de ces nouvelles demandes de protection internationale.

8Ce constat vaut d'autant plus que vous aviez donc déjà par le passé jugé opportun de venir introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg, tout comme vous avez déjà introduit plusieurs demandes de protection internationale en Norvège et en Suède, et que vous, Monsieur, avez de surcroît, pendant les sept dernières années, travaillé de manière clandestine en Allemagne tout en faisant des allers-retours au Kosovo. De plus, Monsieur, vous n'aviez dans le cadre de votre deuxième demande de protection internationale même pas jugé utile d'attendre la réponse des autorités luxembourgeoise en préférant disparaître sans laisser d'adresse.

Pour être complet sur ce sujet on peut encore ajouter que vous aviez déjà par le passé eu recours au Luxembourg à un nombre impressionnant de consultations médicales pour vous et vos enfants tandis que vous affirmez actuellement, Monsieur, qu' « Ich werde momentan behandelt, man hat mir hier in der Klinik weitere Untersuchungen in Aussicht gestellt, aber jedoch erst nach Erhalt der Antwort des Ministeriums. Wann können wir mit Ihrer Entscheidung rechnen? (Das kann ich Ihnen nicht sagen. Haben Sie sich im Kosovo behandeln lassen?). Ja, aber irgendwann hat mir das Geld für die Behandlungen gefehlt. Vor meiner Inhaftierung musste ich eine Operation meines Sohnes zahlen. Danach hatte ich nur noch 3 000 Euro. Und ich musste auch noch die Miete zahlen. [Sie hatten kein Geld mehr, um Ihre Behandlungen zu zahlen. Deswegen kamen Sie nach Luxemburg. Verstehe ich dies richtig?) Ja, genau. Und beim Sozialamt im Kosovo hat man mir gesagt, dass man mir keine Medikamente bezahlt, sie würden auch keine Miete zurückerstatten. Wir als Familie würden nur 160 Euro Sozialhilfe im Kosovo erhalten pro Monat, wenn sie meinen Antrag überhaupt annehmen würden » (p. 8 de votre rapport d'entretien).

Au vu de ce qui précède, il est en tout cas évident que vous n'hésitez pas à avoir recours de manière ouvertement abusive à la procédure d'asile prévue en Europe et que vous vous en servez visiblement à des fins de convenance personnelle ou de prise en charge médicale gratuite, motifs qui sont néanmoins totalement distincts de ceux prévus par la Convention de Genève ou encore la Loi de 2015, à savoir protéger des personnes persécutées ou à risque d'être persécutées dans leur pays d'origine. Ce constat est encore conforté par vos explications dénuées de toute logique selon lesquelles vous n'auriez pas voulu introduire de demande de protection internationale en Allemagne, Monsieur, pays dans lequel vous auriez pourtant vécu et travaillé clandestinement ces sept dernière années parce qu'« Ich habe mich an Luxemburg gewöhnt. Ich kenne mich hier aus » (p. 4 de votre rapport d'entretien). Il est évident que là-

encore vous n'êtes pas sincère en tentant de cacher les véritables réflexions qui vous ont poussé à venir au Luxembourg.

Il est évident aussi qu'un tel recours abusif à la procédure d'asile ne permet pas de donner plus de poids à la sincérité de vos allégations dans le cadre vos démarches actuelles en matière de recherche d'une protection internationale. Dans ce contexte, vos allégations en lien avec la justice kosovare qui serait jalouse de vous, les autorités qui vous administreraient des drogues, votre frère qui serait très actif en politique ou encore le fait que vous auriez toujours combattu la corruption au Kosovo ou soutenu activement la campagne électorale d'une dénommée … ressemblent dans ce contexte à des propos totalement vagues et superficiels que vous tentez à tout prix d'intégrer dans votre récit dans l'espoir de tomber sous un des critères prévus par la Convention de Genève et d'ainsi augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

Ce constat se trouve encore renforcé par vos propos notés sur vos fiches de motifs manuscrites selon lesquels, Monsieur, vous demanderiez une protection internationale à cause 9de « toutes les institutions étatiques, par exemple la police, la justice, nous traitent injustement.

Je fais partie d'une association qui prend des décisions politiques. J'ai toujours reçu des menaces de x personnes », tandis que vous, Madame, la demanderiez à cause du « business corrompu, la politique, les crimes organisés, le trafic d'êtres humains, à cause de la sécurité ». Ces propos ne concernent pour la plupart en rien vos propos ultérieurs tenus dans le cadre de vos entretiens visant vos motifs de fuite et démontrent que vous vous contentez surtout de faire état de manière désordonnée de mots-clés dans le cadre d'une demande de protection internationale pour ainsi justifier votre énième recours à la procédure d'asile prévue en Europe.

Dans le cadre des incohérences ressortant de vos dires, il échet aussi de noter qu'il paraît à première vue dénué de tout sens que vous ayez décidé de quitter le Kosovo lorsque votre père aurait menacé de tuer votre fils …, alors que vous auriez donc justement jugé bon de laisser …, « meinem kleinen Sohn », bien qu'entretemps majeur, derrière vous au Kosovo tandis que vous-même auriez jugé bon de partir en tant que parents. Force est par ailleurs de soulever que vous prétendez d'abord très clairement que votre fils aurait été inquiété par les autorités dans le cadre de cette affaire de stupéfiants tandis que vous prétendez par la suite, Madame, que ce problème serait né à cause des relations de votre fils avec une fille : « Die Antragstellerin redet von einem Mädchen, welches mit mehreren Männern geschlafen hätte.

Sie hätte sich an … gewendet. Mein Sohn hatte Mitleid, … hat sich an seine Freunde gewandt, um dem Mädchen zu helfen. Daraufhin hat er die soeben erwähnten Probleme bekommen » (p.

6 de votre rapport d'entretien).

Comme déjà brièvement susmentionné, il n'est par ailleurs nullement crédible ou plausible que les autorités kosovares vous aient administré des drogues dures en prison dans le cadre d'un simple conflit privé qui vous aurait opposé à votre père. Il faudrait dans le contexte de vos prétendus soucis judiciaires encore soulever qu'il n'est à nouveau nullement logique que vous prétendiez, Monsieur, que suite au jugement susmentionné, vous n'auriez tout simplement plus eu le temps de faire appel. Etant donné que vous auriez à ce moment séjourné au Kosovo, vous auriez évidemment eu la possibilité et le temps de faire appel, d'autant plus que vous n'auriez donc exercé aucune activité rémunérée. Il est évident qu'il s'agit en l'occurrence d'allégations totalement fictives mises en avant dans l'espoir de rendre votre vécu plus dramatique et ainsi augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

On peut encore soulever, Monsieur, que dans votre dossier administratif se trouve une carte de demandeur de protection internationale émise par les autorités suédoises vous définissant comme étant Albanais tandis que vous prétendez auprès des autorités luxembourgeoises être de double nationalité kosovare et serbe. Il faut en déduire que vous n'hésitez donc manifestement pas à vouloir induire en erreur les autorités européennes desquelles vous souhaitez vous faire octroyer une protection internationale. A cela s'ajoute que, jusqu'à preuve du contraire, les autorités luxembourgeoises ne sauraient pas reconnaitre votre prétendue nationalité serbe alors que vous avez uniquement remis des documents kosovars. Il n'est par ailleurs tout simplement pas crédible que vous possédiez simultanément la triple nationalité albanaise, kosovare et serbe.

Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

10A supposer que vos déclarations seraient crédibles, quod non, il échet de constater que vous ne remplissez, ni les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, ni celles pour l'octroi du statut conféré par fa protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, force est en premier lieu de soulever, et tel que cela ressort des considérations ci-dessus développées, que vos demandes de protection internationale reposent sur des motifs d'ordre économique ou médical, et donc, sur des motifs de convenance personnelle. Monsieur, vous confirmez avoir introduit cette troisième demande au Luxembourg parce qu'« Ich erwarte mir vom Staat, dass ich Unterstützung bekomme, um gesund zu werden.

Wenn möglich eine Arbeitserlaubnis » (p. 4 de votre rapport d'entretien). Il ressort en outre de votre rapport d'entretien que votre père vous aurait forcé à quitter sa maison, que vous auriez une dernière fois travaillé au Kosovo en 2016, que vous auriez encore récemment dû payer pour une opération médicale de votre fils tandis que vous-même vous trouveriez actuellement en soins médicaux au Luxembourg alors que vous n'auriez plus pu financer ces soins au Kosovo. Les autorités kosovares vous auraient en outre expliqué qu'elles ne pourraient pas prendre en charge vos médicaments ou votre loyer : « (Haben Sie nach Arbeit gesucht im Kosovo?) Ich nicht. Meine Frau. (Warum haben Sie sich nicht darum gekümmert, eine Arbeit zu finden?) Ich hatte meine Firma. (Bis 2016.) Ich ging danach nach Deutschland. … hat mich bedroht. Man hat ihn inzwischen umgebracht. (Dieses Problem hat sich somit erledigt.) Ja, genau. Das war 2016. (Möchten Sie noch etwas hinzufügen, zu irgendeinem Thema, (…)?) Ich werde momentan behandelt, man hat mir hier in der Klinik weitere Untersuchungen in Aussicht gestellt aber jedoch erst nach Erhalt der Antwort des Ministeriums. Wann können wir mit Ihrer Entscheidung rechnen? (Das kann ich Ihnen nicht sagen. Haben Sie sich im Kosovo behandeln lassen?) Ja, aber irgendwann hat mir das Geld für die Behandlungen gefehlt. Vor meiner Inhaftierung musste ich eine Operation meines Sohnes zahlen. Danach hatte ich nur noch 3 000 Euro. Und ich musste auch noch die Miete zahlen. (Sie hatten kein Geld mehr, um Ihre Behandlungen zu zahlen. Deswegen kamen Sie nach Luxemburg. Verstehe ich dies richtig?) Ja, genau. Und beim Sozialamt im Kosovo hat man mir gesagt, dass man mir keine 11Medikamente bezahlt, sie würden auch keine Miete zurückerstatten. Wir als Familie würden nur 160 Euro Sozialhilfe im Kosovo erhalten pro Monat, wenn sie meinen Antrag überhaupt annehmen würden. (Sie hätten eine Arbeit suchen können!) Sie haben Recht. Aber ich hatte auch Angst vor dem Gefängnis. Mein Vater hätte mir jeder Zeit Probleme bereiten können » (p. 7 & 8 de votre rapport d'entretien).

Monsieur, à cela s'ajoute que vous confirmez que les motifs de fuite de votre épouse seraient également de nature médicale et économique alors qu'elle aurait été victime d'un accident de la route en 2022 qui aurait occasionné des soucis médicaux. En plus, elle serait à la recherche d'une autorisation de travail alors qu'il n'y aurait pas d'avenir pour vous au Kosovo. Madame, vous affirmez dans ce contexte que vous n'auriez plus pu trouver du travail depuis cet accident, vous auriez besoin de soins médicaux en précisant qu'au Kosovo, il n'existerait pas d'aide étatique ou d'aide au chômage.

Hormis le constat que vous laissez de rapporter la moindre preuve de vos dires, notamment que vous ayez effectué une démarche quelconque pour trouver un emploi, ou pour obtenir une aide sociale, respectivement que les autorités kosovares vous auraient refusé une telle aide, il échet de relever que des motifs économiques, médicaux ou de pure convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne rentrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée à cause de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social.

Concernant ensuite vos prétendus soucis judiciaires, à les supposer établis sur base du peu qui peut être compris ou déduit à partir de vos propos, il échet tout d'abord de soulever que ceux-ci ne sont nullement liés à l'un des critères précités de la Convention de Genève ou de la Loi de 2015. En effet, bien que vous tentiez d'ajouter une connotation politique à votre récit en parlant d'un frère actif en politique ou encore de votre combat, Monsieur, contre la corruption au Kosovo et de votre soutien d'une politicienne lors d'une campagne électorale, vos propos n'emportent manifestement pas conviction et vos prétendus soucis judiciaires se limitent clairement à un conflit essentiellement privé et personnel que vous auriez eu avec votre père. Alors que vous accusez votre père de souffrir de problèmes psychiatriques pour expliquer la plainte qu'il aurait déposée contre vous, vous précisez aussi que vous auriez été brièvement placé en détention provisoire pour avoir expulsé votre père de sa propre maison, voire, vous expliquez que votre père aurait déposé plainte contre vous pour que vous quittiez sa maison.

Par ailleurs, vos prétendus problèmes au Kosovo ne revêtent clairement pas un degré de gravité tel à pouvoir être comparés à des actes de persécution au sens des textes précités.

En effet, Monsieur, vous ne faites pas part d'une quelconque agression ou menace personnelle en vous contentant de parler de menaces de mort que votre père aurait proférées à l'encontre de votre fils … né en … et qui serait resté vivre au Kosovo. Dans le cadre de vos soucis judiciaires, on peut encore ajouter que le fait de se retrouver pendant quelques semaines en détention provisoire pour avoir été accusé par les autorités d'avoir jeté son père de sa maison, voire, parce que votre père vous aurait accusé de l'avoir jeté de sa maison ne revêt pas non plus un degré de gravité tel à constituer un tel acte de persécution. De même, le fait qu'un tribunal vous aurait ordonné de quitter la maison de votre père, voire, aurait ordonné que vous n'auriez pas le droit de vous approcher de plus de cent mètres de votre père ne saurait manifestement pas, au vu du manque gravité, être perçu comme acte de persécution au sens desdits textes.

12 Dans ce contexte, on peut encore ajouter, tel que déjà susmentionné, qu'il ne saurait d'ailleurs nullement être retenu que vous ayez été drogué par les autorités kosovares pendant votre détention. A part le constat que la logique ou l'intention d'une telle pratique resterait totalement incompréhensible et que les recherches ministérielles ne trouvent pas non plus trace de telles pratiques au Kosovo, il faudrait encore ajouter vos explications supplémentaires, Monsieur, qui permettent de dédramatiser cette prétendue administration de drogues dures par les autorités : « [Nach der Rückübersetzung: Warum hätte man Ihnen Drogen und Medikamente verabreicht? Als ich in der Haft ankam, hatte ich Schmerzen. Um diese zu lindern, hat man mir Medikamente gegeben.] » (p. 5 du rapport d'entretien).

Le constat que vos deux enfants majeurs auraient décidé de rester vivre au Kosovo alors même que l'un deux serait, selon vos dires non prouvés, directement visé par les menaces de mort proférées par votre père, confirme encore davantage le non sérieux de vos prétendues craintes, le manque de gravité de votre situation et le constat que vous-même et votre épouse avez quitté le Kosovo sur base de considération purement économiques et médicales.

Monsieur, vos prétendues craintes en lien avec une condamnation future au Kosovo basées sur une éventuelle nouvelle plainte déposée contre vous par votre père doivent en tout cas être définies comme étant totalement spéculatives et hypothétiques et nullement suffisantes pour justifier dans votre chef une crainte fondée d'être victime d'actes de persécution au Kosovo, tel que prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015.

Finalement, il s'agit de constater qu'il ne saurait nullement être retenu que vous n'auriez pas pu trouver de protection auprès des autorités kosovares. En effet, il ne ressort pas de vos dires que vous ayez à un moment tenté de dénoncer votre père ou de déposer plainte contre lui si vraiment il vous avait faussement accusé de l'avoir expulsé de sa maison. Il n'est par conséquent pas non plus démontré que les autorités kosovares n'auraient pas pu ou pas voulu vous aider dans votre conflit vous opposant à votre père, voire, face aux menaces qu'il aurait proférées contre votre fils.

A toutes fins utiles, si vous deviez ne pas être satisfait du travail de la police ou être d'avis que la police ne respecterait pas vos droits, il vous appartiendrait de vous adresser à une instance supérieure, notamment l'Inspectorat de la Police du Kosovo (PIK) qui est un organe indépendant du Ministère de l'intérieur compétent pour le traitement des plaintes émises contre toute forme de mauvais comportement de la police. Vous pourriez aussi vous adresser à l'institution de l'Ombudsman pour faire valoir vos droits au Kosovo.

A cela s'ajoute que vous auriez donc bien eu la possibilité d'interjeter appel contre un jugement prononcé contre vous que vous estimeriez injuste mais que pour une raison incompréhensible, vous auriez été d'avis que vous n'auriez tout simplement pas eu assez de temps pour le faire.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays 13d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En effet, outre les conclusions ci-dessus retenues quant aux doutes évidents relatifs à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour au Kosovo un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

Vous omettez en effet d'établir qu'en cas de retour au Kosovo, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées dans le cadre d'une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Kosovo, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2025, Monsieur (A) et Madame (B) ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 2 avril 2025 d’opter pour la procédure accélérée, de celle du même jour ayant refusé de faire droit à leurs demandes de protection internationale, et de l’ordre de quitter le territoire prononcé à leur encontre.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est 14compétente pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 2 avril 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs font valoir être mariés et parents, être de nationalité kosovare et d’ethnie albanaise. Ils expliquent ensuite que le père de Monsieur (A), qui serait âgé de 80 ans et qui souffrirait « manifestement » de pathologies mentales aurait, en date du 7 novembre 2024, par l’intermédiaire d’une association spécialisée dans la défense et la protection des personnes vulnérables, dépose une plainte à l’encontre de Monsieur (A) pour des faits d’abus de confiance et de faiblesse, en l’accusant de l’avoir contraint à signer un acte notarié stipulant que la maison familiale lui appartiendrait désormais et qu’il l’aurait mis à la porte de la maison de sorte à avoir dû séjourner quatre jours à l’hôtel.

Suite à cette plainte, Monsieur (A) aurait immédiatement été arrêté et placé en garde à vue durant 48 heures et ce malgré le fait qu’il aurait clamé son innocence et précisé que son père serait atteint de troubles mentaux, les demandeurs mettant en exergue que ni la police, ni la justice aurait procédé à une expertise psychiatrique, ni même à une audition préalable de son père afin de vérifier la crédibilité des dires de celui-ci. Au contraire, la police aurait téléphoné à quatre reprises au procureur afin que Monsieur (A) soit placé en détention préventive. Les intéressés précisent encore qu’aucun de ces éléments n’aurait été pris en compte dans le cadre « du jugement intervenu le 15 novembre 2024 ». Ils ajoutent que « lors du jugement, le 19 novembre 2024 », Monsieur (A) aurait été souffrant, tandis que son père « s[e serait] montré plus que confus dans ses déclarations » et aurait fini par avouer que « cette histoire était fausse » et que son fils devrait être libéré. Les concernés précisent encore que la maison du père de Monsieur (A) serait équipée de caméras de vidéosurveillance qui établiraient clairement qu’il n’aurait jamais tenté de chasser son père de la maison.

Ils font ensuite valoir que Monsieur (A) aurait été condamné à une peine d’emprisonnement de six mois, assortie d’un sursis, ainsi qu’à une interdiction d’approcher la victime de 100 mètres, les concernés précisant que le juge lui aurait également indiqué qu’en cas de nouvelle plainte de la part de son père, Monsieur (A) risquerait une peine d’emprisonnement de huit ans. Ils expliquent encore que ce dernier aurait été libéré de prison le 3 décembre 2024, que son avocat aurait interjeté appel contre ledit jugement et que lui-même aurait déposé une plainte devant l’inspection Générale de la police du Kosovo en raison du comportement de la police, enquête qui serait actuellement encore en cours.

Les consorts (AB) font ensuite plaider que par SMS du 4 décembre 2024, soit un jour après la libération de Monsieur (A), le père de celui-ci l’aurait de nouveau menacé de déposer une plainte à son encontre et que le frère de Monsieur (A), avec lequel ils seraient actuellement en conflit, travaillerait auprès du ministère de la justice au Kosovo, de sorte qu’il disposerait d’un pouvoir d’influencer les autorités policières et judiciaires kosovares. Les concernés précisent finalement encore qu’ils seraient tous deux très malades et dès lors particulièrement vulnérables.

En droit, les demandeurs reprochent tout d’abord au ministre d’avoir statué dans le cadre d’une procédure accélérée telle que prévue à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et, plus particulièrement de s’être basé sur les points a) et b) dudit article.

15En ce qui concerne l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs font valoir que le ministre leur reprocherait un récit vague et incohérent qui ne serait corroboré par aucune pièce sans toutefois préciser en quelle mesure leur récit serait imprécis ou vague. Tout en estimant que le ministre aurait manifestement manqué d’objectivité et d’impartialité en basant sa décision de refus sur des considérations liées au fait qu’ils auraient déjà déposé plusieurs demandes de protections internationales dans différents pays, ainsi que leur état de santé et leur sollicitation du système de santé luxembourgeois, les demandeurs citent, les articles 2, point f) et 10 de la loi du 18 décembre 2015, et l’article 8, paragraphe (2) de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, désignée ci-après par « la CJUE », afférente.

Concernant le reproche qu’ils n’auraient pas déposé des documents corroborant leur récit, les demandeurs se réfèrent à divers arrêts de la CJUE, desquels il ressortirait que l’Etat membre compétent de l’examen d’une demande de protection internationale serait tenu de préalablement vérifier l’authenticité, la pertinence et le caractère probant des documents produits à l’appui d’une telle demande.

Concernant le reproche du ministre que leur récit ne serait pas crédible, les demandeurs citent l’article « 48/6 de la loi du 15 décembre 1980 », ainsi que la jurisprudence administrative relative à l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015 suivant laquelle des contradictions mineures seraient sans incidence sur la crédibilité du récit d’un demandeur de protection internationale.

Les demandeurs critiquent plus particulièrement le fait que le ministre aurait, d’une part, consacré plus d’une page des décisions déférées pour relater qu’ils auraient multiplié leurs demandes de protection internationale dans différents Etats membres et, d’autre part, basé son refus de leur accorder une demande de protection internationale sur leur état de santé et leur sollicitation du système de santé luxembourgeois et estiment que leur état de santé ne saurait à lui seul établir le caractère infondé de leurs demandes de protection internationale. Ils en concluent que le refus du ministre ne serait en réalité pas basé sur un prétendu manque de crédibilité de leur récit, mais davantage sur la volonté du ministre de limiter les dépenses du système de la sécurité sociale luxembourgeois au bénéfice des demandeurs de protection internationale, de sorte que les décisions déférées encouraient la réformation pour un manque d’impartialité et d’objectivité dans le chef du ministre.

Tout en renvoyant aux motifs à la base de leur demande de protection internationale, les demandeurs font ensuite valoir qu’ils auraient déposé de nombreux documents à l’appui de celle-ci, les intéressés précisant que si certes ceux-ci seraient volumineux et en langue albanaise, une traduction en langue française de ceux-ci serait actuellement en cours.

Ils estiment ensuite que la notion de pays sûr ne constituerait qu’une présomption et que le fait que le Kosovo serait à considérer comme tel ne saurait à lui seul suffire à faire échec à leurs demandes de protection internationale. Tout en renvoyant de nouveau aux motifs à la base de leur demande de protection internationale et en mettant à nouveau en exergue que le frère de Monsieur (A) travaillerait au ministère de la Justice kosovar, les demandeurs concluent qu’il ne saurait être retenu que le Kosovo constitue un pays sûr, alors que la police semblerait agir sous l’influence du frère de Monsieur (A) et procéderait à des arrestations arbitraires sur base de simples déclarations de personnes âgées et présentant des signes évidents de démence, 16de sorte que les autorités kosovares ne respecteraient pas les articles 3, 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH ».

Les demandeurs en concluent que la décision du ministre de statuer sur leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée encourrait la réformation.

En ce qui concerne le refus du ministre de leur accorder le statut de réfugié, après avoir cité les articles 2, point f), 39 et 42 de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que la jurisprudence de la CJUE relative à l’examen de crédibilité du récit d’un demandeur de protection internationale, les demandeurs se réfèrent aux motifs à la base de leur demande de protection internationale, tels qu’exposés ci-avant pour faire valoir qu’ils rempliraient toutes les conditions pour bénéficier du statut de réfugié et concluent que les décisions déférées devraient être réformées en ce sens.

En ce qui concerne le refus du ministre de leur accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, les consorts (AB) citent un extrait d’un arrêt de la CJUE du 17 février 2009, Meki Elgafaji et Noor Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie, C-465/07 pour faire valoir que le statut conféré par la protection subsidiaire peut être accordé en cas de menaces ou d’actes de violences de la part de membres de famille.

Ils estiment ensuite que Monsieur (A) risquerait en cas de retour au Kosovo de subir des atteintes graves, notamment une arrestation arbitraire et, suite à un procès non équitable, une condamnation à une peine d’emprisonnement de huit années pour des faits non prouvés et relatés par une personne atteinte de troubles mentaux. Les intéressés ajoutent encore qu’ils y risqueraient une atteinte à leur vie privée et familiale en raison de leur état de santé et qu’ils auraient besoin de soins. Ils en concluent que le refus de leur octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire équivaudrait à une violation des articles 2, 3, 5, 6 et 8 de la CEDH.

Les demandeurs concluent finalement encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire émis à leur encontre en se référant à leurs développements précédents.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 : « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

17Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer […]. ».

Il résulte de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

A cet égard, il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Il convient tout d’abord de rejeter le moyen d’illégalité externe soulevé par les demandeurs par lequel ils reprochent au ministre un examen sommaire des motifs à la base de leurs demandes de protection internationale, respectivement d’avoir manqué à son devoir d’impartialité et objectivité par le fait d’avoir basé sa décision d’examiner lesdites demandes dans le cadre de la procédure accélérée en prenant, d’une part, en compte tant leur parcours migratoire précédent, que leur état de santé et en estimant, d’autre part, qu’ils n’auraient versé aucun document qui corroborerait leur récit.

En effet, suivant l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 « (1) L’examen d’une demande de protection internationale n’est ni refusé ni exclu au seul motif que la demande n’a pas été présentée dans les plus brefs délais.

(2) Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, le ministre détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire.

(3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:

a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement;

18b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations;

c) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions connaissent les normes applicables en matière d’asile et de droit des réfugiés;

d) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions aient la possibilité de demander conseil à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre.

(4) Les juridictions saisies d’un recours en vertu de la présente loi, ont accès, par le biais du ministre, du demandeur ou autrement, aux informations générales visées au paragraphe 3, point b), nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

(5 )A l’exception des documents d’identité, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l’allemand, le français ou l’anglais doit être accompagné d’une traduction dans une de ces langues, afin d’être pris en considération dans l’examen de la demande de protection internationale. ».

La soussignée constate que c’est d’abord manifestement à tort que les demandeurs estiment que le ministre aurait procédé à un examen sommaire de leurs demandes de protection internationale, alors qu’il ressort au contraire des décisions déférées que le ministre a, outre leur parcours migratoire et leurs états de santé respectifs, bien pris en compte l’ensemble des motifs invoqués par ces derniers, à savoir, en ce qui concerne Monsieur (A) (i) sa crainte d’être poursuivi et emprisonné par les autorités kosovares sur base d’accusations de la part de son père et ce sans pouvoir bénéficier d’un procès équitable tant au niveau des autorités policières qu’au niveau des juridictions kosovares, (ii) sa crainte en relation avec son activisme politique par son support de la campagne électorale d’une dénommée …, (iii) sa crainte en relation avec son frère qui travaillerait au ministère de la justice au Kosovo et qui serait politiquement actif, et, en ce qui concerne Madame (B), (iv) les menaces de mort qu’aurait proférées le père de Monsieur (A) à l’encontre de leur enfant, (v) les problèmes qu’aurait rencontrés ledit enfant avec la police kosovare sinon en relation avec une fille de laquelle il serait tombé amoureux et (vi) leur situation économique.

Il s’ensuit que les développements des demandeurs relatifs à un défaut d’examen objectif et impartial de leurs demandes de protection internationale de la part du ministre, en ce que ce dernier se serait exclusivement basé sur leur état de santé et leur parcours migratoire dans le passé, sont à écarter pour être manifestement infondés, étant relevé que le bien-fondé de la prise en compte par le ministre desdits éléments dans le cadre de l’examen de la crédibilité de leurs récits relève de l’analyse au fond ci-dessous.

En ce qui concerne encore les documents produits par les demandeurs à l’appui de leurs demandes de protection internationale, c’est encore manifestement à bon droit que le ministre a estimé que ceux-ci ne sauraient être pris en compte dans la mesure où l’ensemble desdits documents sont rédigés en langue kosovare sans être traduits, élément non contesté par les intéressés, alors qu’aux termes de l’article 10 , paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l’allemand, le français ou 19l’anglais doit être accompagné d’une traduction dans une de ces langues, afin d’être pris en considération dans l’examen de la demande de protection internationale.

Ce constat n’est manifestement pas contredit par la jurisprudence de la CJUE citée par les demandeurs, celle-ci étant relative à la question de l’obligation des Etats membres compétents de l’examen d’une demande de protection internationale de vérifier l’authenticité des documents présentés à l’appui d’une telle demande. Or, en l’espèce, même à admettre que les documents versés par les intéressés à l’appui de leurs demandes de protection internationale constitueraient des documents authentiques, leur contenu ne se trouve, faute de traduction, pas pour autant établi, de sorte que c’est manifestement à bon droit que le ministre a estimé que les consorts (AB) sont restés en défaut de produire des documents susceptibles de corroborer leur récit, étant d’ailleurs relevé qu’en tout état de cause la traduction desdits documents a été versée par les intéressés à l’audience des plaidoiries du 6 mai 2025, de sorte à pouvoir être pris en considération dans le cadre de l’analyse par la soussignée ci-dessous.

Il s’ensuit que le moyen tenant à une violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter pour être manifestement non fondé.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Quant au fond, il y a lieu de relever que la décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

[…] a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi. Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par les demandeurs à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par ces derniers ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que 20le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser les demandes de protection internationale lui soumise dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr, pays dont les demandeurs ont la nationalité.

Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de leurs demandes de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si les demandeurs ne lui ont pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans leur chef, d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

21Il y a partant lieu d’analyser si les demandeurs ont soumis, conformément à l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, des raisons sérieuses permettant de penser que le Kosovo n’est pas un pays sûr compte tenu de leur situation personnelle.

Il échet, à cet égard de constater que pour conclure que les demandeurs n’auraient pas renversé la présomption que le Kosovo constitue, dans leur chef, un pays d’origine sûr, le ministre a estimé que ceux-ci n’auraient invoqué que des faits sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, alors que, d’une part, l’ensemble de leurs craintes en relation avec le père de Monsieur (A) et les autorités kosovares, ainsi que relatifs à leur enfant ne seraient pas crédibles et que, d’autre part, leurs craintes en relation avec leur situation économique et leur état de santé ne constitueraient pas des éléments susceptibles de fonder l’octroi d’une protection internationale, de sorte qu’il appartient à la soussignée de vérifier ces motifs de refus en premier.

Afin d’analyser si les demandeurs n’ont soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où 1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

22les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Il y a lieu de préciser que le juge doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En effet, l’examen de la crédibilité du récit d’un demandeur d’asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si ce dernier a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs prévus par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, ou risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la même loi3.

A cet égard, la soussignée constate qu’il ressort des auditions respectives des intéressés, ensemble leur argumentation apportée dans le cadre de leur requête introductive d’instance, que ceux-ci ont basé leur demande de protection internationale sur une multitude d’éléments, à savoir :

- la crainte de Monsieur (A) de faire l’objet d’une arrestation arbitraire ainsi que d’une condamnation à une peine d’emprisonnement de huit ans par la justice kosovare en raison de fausses accusations de la part de son père, les intéressés faisant valoir dans ce contexte un dysfonctionnement au niveau des institutions kosovares, notamment au niveau des forces de (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 3 Trib. adm., 27 novembre 2006, n° 21556 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers n° 151 et les autres références y citées.

23police et des juridictions kosovares, en expliquant (i) qu’aucune expertise psychiatrique n’aurait été effectuée sur la personne de son père, malgré les demandes de Monsieur (A) en ce sens, (ii) que Monsieur (A) aurait été drogué par les forces de l’ordre lors de la mesure de détention préventive à son encontre, (iii) qu’il aurait été jugé en son absence, (iv) que le juge en charge de son affaire aurait été partial, voire « jaloux », (v) qu’en cas de nouvelle plainte de la part de son père, il risquerait une peine d’emprisonnement de huit ans et que (vi) le frère de Monsieur (A) travaillerait au sein du ministère de la Justice au Kosovo de sorte à être en position d’influencer les autorités kosovares ;

- une crainte relative aux menaces de mort qu’aurait proférées le père de Monsieur (A) à l’encontre de leur enfant … ;

- une crainte relative à l’activisme politique de Monsieur (A), alors que celui-ci combattrait la corruption au Kosovo et soutiendrait la campagne électorale d’une dénommée … ;

- une crainte relative à des ennuis qu’aurait leur fils … dans leur pays d’origine en relation avec une fille qu’il y aurait rencontrée ;

- une crainte relative à des ennuis qu’aurait ce même enfant avec la justice kosovare en relation avec une affaire de stupéfiants, cette affaire ayant été, d’après les intéressés, fabriquée afin de les atteindre personnellement ;

- leurs situations économiques respectives ;

- leurs états de santé respectifs.

Il ressort ensuite des décisions déférées que le ministre a remis en doute la crédibilité de l’ensemble des motifs invoqués par les intéressés, mis à part leur situation économique et médicale.

Il s’ensuit qu’il appartient à la soussignée de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit des demandeurs, d’autant plus qu’en l’espèce, c’est la crédibilité générale dudit récit qui est mise en doute par la partie étatique, influant nécessairement sur l’appréciation du caractère manifestement infondé ou non des différents volets du recours dont elle est saisie.

Il échet à cet égard de constater que si, certes, les demandeurs ont, à l’audience des plaidoiries du 6 mai 2025, déposé les traductions françaises d’un certain nombre de documents, ceux-ci sont tous relatifs à la plainte déposée par le père de Monsieur (A) à son encontre et du procès dont il a fait l’objet à cet égard, sans qu’il ne ressorte un quelconque élément par rapport aux autres motifs invoqués par les consorts (AB) dont la crédibilité a été mise en doute par le ministre, étant relevé qu’il échet, par ailleurs, de vérifier si lesdits documents permettent d’établir la crédibilité de l’ensemble des éléments invoqués par les intéressés dans le cadre de leur crainte liée à une arrestation arbitraire de Monsieur (A) à cet égard.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves 24formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.4 Concernant plus particulièrement les menaces de mort qu’aurait proférées le père de Monsieur (A) à l’encontre de l’enfant des intéressés, c’est en effet manifestement à bon droit que le ministre a relevé qu’il ne fait a priori aucun sens pour ceux-ci de quitter leur pays d’origine sur base d’un tel motif tout en laissant l’enfant visé au Kosovo où résiderait le père de Monsieur (A), étant relevé que les demandeurs restent, par ailleurs, en défaut d’expliquer les circonstances desdites menaces, rendant ainsi leur récit sur ce point imprécis et vague.

A défaut pour les intéressés de prendre position à cet égard de manière circonstanciée dans le cadre de leur requête introductive d’instance, c’est manifestement à bon droit que le ministre a retenu que la crédibilité dudit motif de fuite est ébranlée, de sorte à ne pas être pertinent au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale.

En ce qui concerne les soucis qu’aurait rencontrés leur fils au Kosovo, mis à part le constat que les demandeurs restent en défaut d’expliquer en quelle mesure un tel élément les aurait motivés de quitter leur pays d’origine sans être accompagnés de leur fils, c’est encore manifestement à bon droit que le ministre a qualifié leur récit à cet égard comme incohérent, alors que la soussignée, à l’instar de la partie étatique, se trouve dans l’impossibilité de déceler à quels types de problèmes leur enfant, et par extension les demandeurs, devraient faire face.

En effet, il n'est pas cohérent d’affirmer que la police kosovare aurait tenté d’impliquer leur enfant dans une affaire de stupéfiants afin de nuire à ses parents, puis de changer de récit et d’expliquer que leur fils aurait rencontré une fille qui aurait eu des relations sexuelles avec de nombreuses personnes tout en insinuant de manière complètement énigmatique un cercle de traite des êtres humains ou de proxénétisme5.

Il s’ensuit qu’à défaut d’un quelconque élément versé en cause à cet égard, ni de prise de position circonstanciée dans le cadre de la requête introductive d’instance des intéressés, c’est manifestement à bon droit que le ministre a retenu que la crédibilité dudit motif est ébranlée.

La soussignée se doit ensuite de rejoindre le constat de la partie étatique suivant lequel les motifs invoqués par les demandeurs en lien avec une persécution de l’Etat kosovare, plus particulièrement le ministère de la Justice, les juridictions et la police kosovare à l’encontre de Monsieur (A) manquent de toute crédibilité.

En effet, si certes les demandeurs ont entretemps déposé des traductions françaises d’un certain nombre de documents émanant de la police et de la justice kosovare, il n’en ressort pas pour autant que les autorités kosovares auraient ciblé Monsieur (A) par des traitements inhumains et dégradants en raison d’un prétendu activisme politique de sa part.

4 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 142 et les autres références y citées.

5 Page 7 du rapport d’entretien de Madame (B) « […] Man wollte uns ein Haus gratis zur Verfügung stellen. Als wir uns mit den Eigentümern getroffen haben, habe ich dem Sohn des Polizisten gesagt, der auch vor Ort war:

„Du und …, ihr handelt mit Wohnungen und schickt die Mädchen dorthin.“ [Nach der Rückübersetzung: „Hier in dieser Wohnung hast du mit … die Nacht verbracht.“ Et hat dies angenommen.] Sie haben nicht erwartet, dass ich darauf kommen. […] ».

25Ainsi, la soussignée constate que si certes les documents versés en cause permettent, contrairement au récit des demandeurs, lequel est, tel que relevé à bon droit par la partie étatique tout à fait vague et énigmatique, de retracer les étapes procédurales devant les juridictions kosovares que Monsieur (A) a traversées suite au dépôt d’une plainte de son père à son encontre visant à l’éloigner de son domicile, il n’en résulte pas pour autant (i) que Monsieur (A) serait ciblé par la police et la justice kosovare en raison de son activisme politique, (ii) que son frère travaillerait au sein du ministère de la justice et aurait une influence sur les juridictions kosovares, (iii) que Monsieur (A) aurait été drogué lors de sa détention préventive ou que (iv) il aurait été jugé en méconnaissance de ses droits de la défense.

En effet, les intéressés restent en défaut de verser un quelconque élément établissant l’activisme politique même de Monsieur (A), ces derniers se contentant d’affirmer de manière non autrement circonstanciée qu’il aurait toujours combattu la corruption au Kosovo et qu’il aurait soutenu la campagne électorale d’une politicienne kosovare, sans même expliquer le rôle précis de Monsieur (A), ni ses activités concrètes dans ce contexte ou encore en quelle mesure son activisme politique serait mal perçu par les autorités de son pays d’origine.

Il en va de même de l’argumentation non autrement circonstanciée que le frère de Monsieur (A) travaillerait au ministère de la Justice kosovar et pourrait, en raison du fait qu’ils seraient actuellement en conflit avec celui-ci, influencer les autorités judiciaires kosovares.

Mise à part le constat que les intéressés restent en défaut d’établir que la séparation des pouvoirs ferait défaut au Kosovo, ils omettent d’expliquer de manière circonstanciée en quelle mesure ils seraient en conflit avec le frère de Monsieur (A) et en quelle mesure celui-ci serait en position de concrètement influencer les juridictions kosovares.

Il est par ailleurs manifestement incrédible que les autorités kosovares auraient donné des drogues dures à Monsieur (A) lorsque celui-ci se trouvait en détention préventive, l’intéressé ayant, par ailleurs, lui-même relativisé ces propos en expliquant après la relecture de son rapport d’entretien qu’on lui aurait administré des médicaments alors qu’il aurait souffert de douleurs6. Ce constat n’est pas énervé par le document versé en cause émanant de l’Inspection de la Police du Kosovo du 22 janvier 2025, alors que s’il en ressort certes que Monsieur (A) a déposé une plainte devant cet organe à l’encontre de « … », les motifs à la base de cette plainte ne ressortent pas dudit document, les intéressés restant notamment en défaut de verser le document même de cette plainte et des faits à la base de celle-ci prétendument dénoncés par Monsieur (A).

La soussignée rejoint, par ailleurs, le ministre dans son constat que ces éléments, à défaut de tout élément de preuve tangible à cet égard, ont manifestement été rajoutés au récit des demandeurs dans le but évident d’augmenter leurs chances d’obtenir une protection internationale.

Il s’ensuit que c’est manifestement à bon droit que le ministre a pu estimer que l’ensemble desdits motifs, faute d’être crédibles, ne seraient pas pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale.

Il s’ensuit que les seuls motifs à la base de la demande de protection internationale des consorts (AB) dont la crédibilité ne saurait être remise en doute constituent, d’une part, un 6 Page 5 du rapport d’entretien de Monsieur (A).

26conflit privé entre Monsieur (A) et son père devant la justice kosovare et, d’autre part, la situation économique et médicale des intéressés.

Quant au statut de réfugié En ce qui concerne tout d’abord le conflit entre Monsieur (A) et son père, c’est d’abord manifestement à bon droit que le ministre a relevé que lesdits faits ne sont pas motivés par un des critères de fond prévus par la Convention de Genève et l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social, l’ensemble des craintes des demandeurs reposant en effet sur un conflit familial d’ordre privé, constat non contredit par les demandeurs dans le cadre de leur requête introductive d’instance.

Il s’ensuit que c’est manifestement à bon droit que le ministre a estimé qu’au regard des conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, ledit motif n’était pas pertinent.

Le même constat s’impose en ce qui concerne les motifs de fuite liés à la situation économique des demandeurs, ainsi qu’à leur état de santé.

En effet, les demandeurs restent manifestement en défaut d’invoquer et a fortiori d’établir qu’ils auraient fait l’objet d’un traitement discriminatoire concret dans leur pays d’origine, l’absence d’accès à des soins médicaux dont ils se prévalent étant lié à des motifs économiques et n’étant manifestement pas motivé par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social, de sorte qu’il ne peut pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire En ce qui concerne ensuite les conditions à remplir pour l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, la soussignée constate que c’est manifestement à bon droit que le ministre a estimé que les intéressés restent en défaut d’établir qu’ils risqueraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, de faire l’objet d’atteintes graves telles que prévues à l’article 48, points a), b) et c) de la loi du 18 décembre 2015. La soussignée relève, à cet égard, que dans la mesure où les intéressés n’allèguent et a fortiori n’établissent pas de courir un risque de faire l’objet d’une exécution ou peine de mort, sinon de subir des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en leur qualité de civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens des points a) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, il échet en tout état de cause d’examiner les motifs mis en avant uniquement par rapport au point b) dudit article lequel prévoit le risque de subir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine.

En ce qui concerne à cet égard d’abord les motifs de fuite liés au différend entre Monsieur (A) et son père, il échet de constater qu’il ressort des pièces versés en cause et notamment d’un document intitulé « RAPPORT DE L’OFFICIER » qu’en date du 7 novembre 2024, Monsieur …, le père de Monsieur (A) a, suite à un différend avec celui-ci au sujet de la propriété de l’appartement dans lequel ils vivaient tous les deux, déposé une plainte à l’encontre de son fils, alors que ce dernier l’aurait maltraité psychologiquement et que par peur, il aurait séjourné 27quelques jours à un hôtel. Il en ressort encore que Monsieur … a demandé l’éloignement de son fils de son habitation sous forme d’une « ordonnance de protection ». Il ressort ensuite d’un document intitulé «

ORDONNANCE

SUR L’INTERPELLATION DU SUSPECT/PREVENU » établi par le procureur d’Etat kosovar le 7 novembre 2024, qu’à cette même date Monsieur (A) a fait l’objet d’une ordonnance de la part du procureur d’Etat fixant une mesure privative de liberté d’une durée de 48 heures à son encontre et que celui-ci a, tel qu’il ressort d’un document intitulé « RAPPORT POLICIER SUR L’AUDITION DU SUSPECT/PREVENU » établi le 7 novembre 2024 par la Direction régionale de la police …, été entendu par la police kosovare au regard des faits lui reprochés par son père, à savoir d’avoir exercé une pression psychologique à son encontre lors d’une altercation verbale entre lui et son fils, faits que l’intéressé a d’ailleurs avoués7. Il ressort ensuite d’une ordonnance du tribunal de première instance … du 8 novembre 2024 que suite à la demande de son père d’une « ordonnance de protection » contre son fils, Monsieur (A) a fait l’objet d’une mesure de détention préventive dont la durée a été fixée à un mois au motif qu’il existait « un doute avéré que le prévenu a commis les infractions pénales [Violence dans la famille] », et non pas, tel que le font plaider les demandeurs, au motif que Monsieur (A) aurait falsifié une signature sur un acte notarié relatif à la propriété de l’habitation de son père. La soussignée relève, par ailleurs, qu’il en ressort encore que celui-ci a été présent à ladite audience et qu’il a, en outre, été assisté par son avocat à cette occasion8.

Il ressort ensuite d’une ordonnance du même tribunal du 21 novembre 2024, que la demande du père de Monsieur (A) de prononcer une ordonnance de protection à l’encontre de ce dernier a été accordée pour une durée de six mois avec une obligation pour celui-ci « […] a) Qu’il arrête et qu’il ne recommence plus aucune action violente envers la partie protégée, b) Qu’il ne dérange pas de manière directe, à travers de tierces personnes ou toute forme de communication visant à harceler, déranger, manipuler, offenser, menacer, poursuivre ou observer la partie protégée » y étant encore précisé que « La violation d’une ordonnance de protection constitue une infraction pénale et est poursuivie d’office » et que Monsieur (A) a été entendu par le tribunal à cet égard en date du 19 novembre 20249. Suite à ladite ordonnance, le même tribunal a, par ordonnance du 3 décembre 2024, levé la mesure de détention préventive à l’égard de Monsieur (A).

Il se dégage dès lors desdits documents que si certes Monsieur (A) a fait l’objet d’une mesure de détention préventive de quelques semaines, (i) celui-ci a été arrêté sur base d’une ordonnance du procureur d’Etat du Kosovo, (ii) il a été entendu par la police au regard des faits lui reprochés par son père, (iii) il n’a pas contesté lesdits faits, à savoir de l’avoir intimidé par ses paroles, (iv) il a été entendu par le tribunal à diverses occasions pour se défendre par rapport aux reproches de son père et a été assisté d’un avocat, (v) des voies de recours sont ouvertes contre l’ensemble des ordonnances, (vi) le tribunal a ordonné une mesure de protection à l’encontre de Monsieur (A) l’empêchant de s’approcher de son père pendant une durée de six mois, sans qu’il n’en ressorte qu’une peine d’emprisonnement de six mois, tel qu’allégué par les demandeurs, aurait été prononcée à son encontre, (vii) la mesure de détention préventive a été levée suite à cette ordonnance et (viii) le père de Monsieur (A) est, sur base de l’ordonnance 7 « RAPPORT POLICIER SUR L’AUDITION DU SUSPECT/PREVENU » établi par la Direction générale de la Police …. « […] Question : Est-ce que vous avez menacé votre père avec les termes « Ne discute pas car l’habitation est désormais à mon nom et à partir d’aujourd’hui je sais ce que je fais. » Réponse : Oui, je lui ai dit car il avait envie que l’habitation soit enregistré au nom de mon fils … et pas à mon nom. […] ».

8 […] Le conseil du prévenu (A) […] a déclaré qu’il conteste […] Le prévenu (A) déclare […] ».

9 « PROCES-VERBAL DE L’AUDIENCE

ORDONNANCE

DE PROTECTION » du tribunal de première instance … du 19 novembre 2024.

28du tribunal de première instance … du 21 novembre 2024, légalement en droit d’exiger que son fils ne s’approche plus de lui durant la mesure de protection ordonnée par ledit tribunal.

Or, le fait d’avoir fait l’objet d’une mesure de détention préventive de quelques semaines, ce suite à un procès lors duquel Monsieur (A) a manifestement non seulement été entendu, mais a encore été assisté d’un avocat, l’intéressé admettant, par ailleurs, avoir eu l’occasion d’interjeter appel contre les différentes ordonnances prononcées à son encontre, ne revêt manifestement pas un degré suffisant pour pouvoir être qualifié de torture ou de traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, les demandeurs restant dès lors manifestement en défaut d’établir que les autorités de leur pays d’origine auraient méconnu les articles 2, 3, 5, 6 et 8 de la CEDH.

Ce même constat vaut en ce qui concerne la crainte des demandeurs que Monsieur (A) risquerait en cas de retour dans son pays d’origine une peine d’emprisonnement en cas de nouvelle plainte de la part de son père, alors que celui-ci est a priori, sur base de l’ordonnance prémentionnée du tribunal de première instance … du 21 novembre 2024, légalement autorisé à exiger de son fils que celui-ci ne se rapproche plus de lui, étant à cet égard relevé que le seul fait de ne pas vouloir purger une peine, notamment d’emprisonnement, encourue pour une infraction de droit commun ne saurait en tout état de cause justifier l’octroi d’une protection internationale.

C’est dès lors également à bon droit que le ministre a estimé que ledit motif manquait de pertinence au regard des conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, constat manifestement non contredit par les demandeurs dans le cadre de leur requête introductive d’instance, ces derniers restant en défaut de prendre position de manière circonstanciée par rapport à l’ensemble de ces éléments.

En ce qui concerne ensuite les motifs de fuite liés à la situation économique des demandeurs, ainsi qu’à leur état de santé, il y a lieu de relever que l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 se réfère à des actes de torture « infligés », tandis que l’article 39 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’« atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que l’état de santé à lui seul, sinon avec la situation sanitaire et sociale du pays de destination, ou encore l’état de précarité économique, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligé ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit que les difficultés d’ordre médical et financier mises en avant par les demandeurs n’ouvrent manifestement pas non plus droit à l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où c’est dès lors manifestement à bon droit que le ministre a estimé que les demandeurs n’ont soulevé à la base de leurs demandes de protection internationale que des faits sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts de la protection internationale, la soussignée constate que ces derniers restent également en défaut établir que le Kosovo ne serait pas à considérer comme pays sûr dans leur chef.

29Il s’ensuit que c’est manifestement à bon droit que le ministre a procédé à l’examen de leurs demandes de protection internationale sur base tant du point a) que du point b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et que le recours dirigé contre ladite décision ministérielle est à rejeter pour être manifestement non fondé.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient de retenir ci-avant, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que les demandeurs sont restés en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire, dans la mesure où ils sont restés en défaut d’invoquer un quelconque fait concret de nature à pouvoir être qualifié d’acte de persécution ou d’atteinte grave, respectivement un quelconque indice qu’ils risqueraient de faire l’objet de tels actes et qu’ils restent ainsi également en défaut de renverser la présomption que le Kosovo constitue dans leur chef un pays d’origine sûr.

Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre refusant l’octroi de la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de leur audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, que les intéressés ne remplissent manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et les demandeurs sont à débouter de leurs demandes de protection internationale.

3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des consorts (AB) impliquant qu’il a à bon droit pu retenir que le retour de ceux-ci dans leur pays d’origine ne les expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

30Il s’ensuit, à défaut de tout autre moyen, que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 2 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale, ainsi que contre celle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demandeurs de leur demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2025, par la soussignée, Laura Urbany, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 31


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52728
Date de la décision : 14/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-14;52728 ?

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