La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52788R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2025, 52788R


Tribunal administratif Numéro 52788R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52788R Inscrit le 2 mai 2025 Audience publique du 16 mai 2025 Requête en obtention d’un sursis à exécution sinon de mesures de sauvegarde introduite par Madame (A), …, contre une décision émanant de l’Université du Luxembourg en matière d’enseignement universitaire

__________________________________________________________________________


ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 52788R du rôle et déposée le 2 mai 2025 au greffe du tribunal admini

stratif par Maître Laurent HEISTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo...

Tribunal administratif Numéro 52788R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52788R Inscrit le 2 mai 2025 Audience publique du 16 mai 2025 Requête en obtention d’un sursis à exécution sinon de mesures de sauvegarde introduite par Madame (A), …, contre une décision émanant de l’Université du Luxembourg en matière d’enseignement universitaire

__________________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête, inscrite sous le numéro 52788R du rôle et déposée le 2 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent HEISTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, tendant à obtenir un sursis à exécution, sinon des mesures de sauvegarde par rapport à une décision de la Commission des litiges de l’Université du Luxembourg datée du 4 avril 2025 ayant rejeté son recours contre une décision du vice-recteur à la recherche de l’Université du Luxembourg du 9 janvier 2025 lui ayant refusé sa réinscription au programme doctoral et l’ayant informé de la fin de ses études doctorales avec effet au 15 février 2025, un recours en réformation sinon en annulation dirigé contre la prédite décision, inscrit sous le numéro 52787, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Tessy SIEDLER, demeurant à Luxembourg, du 2 mai 2025 portant signification de ce recours à l’Université du Luxembourg, établissement public d’enseignement supérieur ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 mai 2025 par Maître Mario DI STEFANO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Université du Luxembourg ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître Lejla MUJKIC, en remplacement de Maître Laurent HEISTEN, et Maître Quentin MARTIN, en remplacement de Maître Mario DI STEFANO, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2025.

___________________________________________________________________________

En date du 15 janvier 2020, Madame (A) s’inscrivit à l’Université du Luxembourg pour y préparer un doctorat en sciences de l’éducation, le sujet de la thèse de doctorat de Madame (A) portant sur l’éducation musicale et ayant pour titre « … ».

Elle expose avoir dans ce contexte rencontré de nombreux défis, notamment un manque de soutien adéquat de la part de son directeur de thèse et du Comité d’encadrement de thèse, ce qui aurait conduit à des retards et des difficultés dans la rédaction de sa thèse.

Il résulte des rétroactes et du dossier administratif que par décision du 9 janvier 2025, le vice-recteur à la recherche de l’Université refusa la réinscription de Madame (A) au programme doctoral et l’informa qu’en conséquence il serait mis un terme à ses études doctorales, ladite décision étant libellée comme suit :

« Having regards to the provisions of Art. 37 (5) of the modified Law of 27 June 2018 organising the University of Luxembourg, the thesis supervisory committee (comité d’encadrement de thèse, CET) can recommend to the Rector of the University of Luxembourg to refuse the reenrolment of the doctoral candidate, should the candidate’s work present serious shortcomings.

In the CET4 report dated 20/11/2024, your CET advised to put an end to your doctoral studies in the doctoral programme in Education at the University of Luxembourg.

As such, I regret to inform you that you cannot re-enrol in the same doctoral programme, and that your student status will come to an end on 15/02/2025.[…] ».

Suite à cette décision, Madame (A) s’adressa en date du 5 février 2025 à la Commission des Litiges de l’Université du Luxembourg qui rendit en date du 14 mars 2025 la décision suivante :

« Le 27 février 2025, la Commission des litiges (CL) s’est réunie pour statuer sur le recours que Madame (A) a introduit le 5 février 2025 contre le refus de réinscription au programme doctoral qui lui a été communiqué par courrier du Vice-Rectorat à la recherche en date du 9 janvier 2025, à la suite du quatrième Comité d’encadrement de thèse (CET 4) du 20 novembre 2024.

Faits et procédure :

Madame (A) est inscrite en doctorat en sciences de l’éducation et présenta ses travaux lors des différents CET. Le premier CET 4 du 9 novembre 2023 émit un avis négatif à la poursuite de ses recherches ce qui conduisit, le 4 décembre 2023, à une lettre de refus de réinscription au programme doctoral émanant du Vice-Rectorat à la recherche.

Mme (A) exerça un recours contre cette décision.

Par décision du 13 mars 2024, la CL déclara le recours recevable mais non fondé, notamment aux motifs que « l’article 37 (5) de la loi du 27 juin 2018 prévoit certes un "remaniement" du projet de thèse après un refus de soutenance ; encore faut-il toutefois qu’un tel "remaniement" soit possible, ce qui était loin d’être le cas en l’espèce, dans la mesure où la requérante avait encore à écrire 70% de sa thèse » Cependant, par une décision du 2 juillet 2024, le Rectorat réforma la décision de refus de réinscription qui mettait un terme aux études doctorales de Madame (A). Et, par exception à l’article 37 (5) de la loi modifiée du 27 juin 2018 sur l’Université du Luxembourg (ci-après, loi du 27 juin 2018), cette décision autorisait Mme (A) à représenter sa thèse à un CET, mais seulement dans la version adressée par la doctorante à son directeur de thèse via un e-mail du 18 mars 2024.

C’est donc expressément en considération de cette version que le CET 4 se prononça à nouveau sur le travail de Madame (A), le 20 novembre 2024, pour s’opposer derechef à la soutenance de thèse.

Par décision en date du 9 janvier 2025 rendue en application de l’article 37 (5) de la loi du 27 juin 2018, le Vice-Rectorat à la recherche tira les conséquences des conclusions du CET 4 et refusa la réinscription au programme doctoral de Madame (A), mit un terme à ses études doctorales et l’informa que son statut d’étudiant prendrait fin le 15 février 2025.

C’est la décision attaquée.

Arguant du manque d’équité et d’impartialité du CET 4 du 20 novembre 2024, Mme (A) demande une expertise extérieure de son travail, en vue d’être autorisée à soutenir sa thèse. En ce sens, la requérante soutient que le défaut d’autorisation de soutenir sa thèse est injuste et source de préjudice moral et financier : « Given the lack of procedural fairness and the CET’s compromised impartiality, the Petitioner requests an external review of the dissertation and an independent evaluation process for the defense, separate from the CET. Due to CET’s procedural violations, my thesis defense has been delayed, and despite submitting the final dissertation, I was unjustly denied approval for the defense. As a result, I am experiencing severe and ongoing career, psychological, and financial damages. These damages stem from CET’s neglect of responsibility and a flawed evaluation process, and I urgently request immediate corrective action ».

Au-delà d’un manque d’équité et d’impartialité, la requérante reproche au CET 4 de ne pas avoir pris en considération la dernière version de sa thèse (« The CET ignored revisions and improvements already incorporated into the final version and assessed the dissertation based solely on an earlier draft »), et de ne pas avoir reçu de retours sur son travail du 18 mars 2024 avant la tenue du CET ("after submitting my dissertation to my supervisor on March 18, neither my supervisor nor any member of the CET provided any feedback or support. This lack of response signaled their refusal to cooperate, effectively neglecting their responsibilities and obstructing my defense").

Pour statuer sur la légalité du refus d’inscription attaqué par la requérante, la CL a examiné le contenu de l’ensemble des pièces produites par Madame (A), au premier rang desquelles le rapport de CET 4 ayant motivé la décision de refus de réinscription attaquée.

Il résulte des pièces produites aux débats que l’argumentation de la demanderesse ne saurait aboutir, pour deux raisons.

Premièrement, Madame (A) ne peut pas utilement reprocher au CET 4 d’avoir pris en considération la version de sa thèse envoyée au Professeur … le 18 mars 2024. Comme il a déjà relevé, en effet, le retrait du refus de réinscription décidé par la décision rectorale du 2 juillet 2024 avait pour seul objet de permettre à Madame (A) de faire examiner ce travail bien précis par un CET 4. Par conséquent, contrairement à ce que soutient Madame (A), c’est à raison que l’examen du CET 4 s’est concentré sur la version du 18 mars 2024, sans tenir compte des modifications et/ou améliorations ultérieures apportées par Madame (A). Ceci explique aussi que, avant la tenue du CET 4, Madame (A) ne pouvait recevoir aucun retour sur la version de son travail en date du 18 mars 2024.

Deuxièmement, si la CL statue « sur les réclamations contre les décisions prises [par un organe de l’Université] sur base des dispositions prévues aux articles 32 à 37 ainsi qu’à l’article 39 » en application de l’article 46, paragraphe 1er, numéro 2, de la loi du 27 juin 2018, son rôle se limite à un contrôle de la légalité de la décision contestée. Il ne lui appartient pas de substituer sa propre discrétion à celle de l’organe de décision, ceci en particulier afin de ne pas empiéter sur la liberté académique (art. 19 de la loi sur l’Université). La Commission des litiges n’a pas non plus de rôle d’instance de médiation.

Or, au regard des éléments dont elle a eu connaissance, la CL n’a relevé aucune irrégularité qui entacherait la décision du CET validée par la décision du 9 janvier 2025 d’impartialité ou de manquements à l’équité. À ce propos, le simple fait que l’un des membres du CET ait été chef de département et collaborateur du directeur de thèse (« a former department chair and a close associate of the CET ») ne saurait à lui seul démontrer l’impartialité du CET.

Et cela d’autant moins que le rapport du CET 4 apparaît très complet, très détaillé et souligne clairement les nombreuses et graves lacunes du travail de Mme (A) : la structure apparaît défaillante (« the overall text is poorly organised, with certain sections appearing in places where they do not belong »), le contenu musicologique lacunaire (« Ms. (A)’s understanding of the … concept is incomplete »), la méthodologie incohérente (« In terms of the methodology, the draft contained numerous errors and a total lack of understanding the precise use for the design employed. (…). The candidate was unable to defend her choice of design and even unaware of the need to demonstrate the relationship between the various data collection tools. There was no framework of analysis, no awareness of the need for declaring or identifying a priority data set and no understanding of how the data would be managed in an ethical and accurate way. »), l’analyse des données défecteuse ("No pertinent literature on classroom observation and recordings is included in the work, despite repeated suggestions to fill that gap. This also reflects in the way Ms (A) presents and describes her classroom research, which is showing a lack in context, detail and depth »), et la forme insuffisante par rapport à ce que l’on peut raisonnablement attendre d’une thèse dans ce domaine (“… dissertations typically comprise around 60,000 to 100,000 words, excluding the appendix and bibliography.Ms. (A)’s dissertation project contains just under 44,000 words").

Par ailleurs, le rapport souligne à maintes reprises le refus de Madame (A) de suivre les recommandations qui lui étaient présentées dans les CET précédents, ainsi que l’incapacité de la requérante à expliquer et défendre son travail. Il en résulte que ce rapport, validé par la décision du 9 janvier 2025, a clairement mis en évidence que le travail de Madame (A) n’est manifestement pas en état d’être soutenu.

Certes, l’article 37 (5) de la loi du 27 juin 2018, susmentionné, prévoit un « remaniement » du projet de thèse après un refus de soutenance. Néanmoins, en l’occurrence, les lacunes du travail de la requérante relevées par le CET 4 du 20 novembre 2024 sont telles qu’un simple remaniement est hors de propos : « none of the chapters can be counted as being close to completion. In conclusion, the draft presented to the CET is far from ready and there is far too much work required to achieve the required standard in the time available".

Dispositif :

Pour ces motifs, la CL déclare le recours recevable mais non fondé.

La présente décision de la Commission des litiges peut, en vertu de l’article 48 de la loi du 27 juin 2018, faire l’objet d’un recours juridictionnel auprès du Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg dans un délai d’un mois à partir de sa notification (le ministère d’un avocat est obligatoire). ».

En date du 4 avril 2025, la Commission des Litiges de l’Université du Luxembourg prit une décision, laquelle « remplace intégralement la décision du 14 mars 2025 », motivée comme suit :

« Le 27 février 2025, la Commission des litiges (CL) s’était réunie pour statuer sur le recours que Madame (A) a introduit le 5 février 2025 contre le refus de réinscription au programme doctoral qui lui a été communiqué par courrier du Vice-Rectorat à la recherche en date du 9 janvier 2025, à la suite du quatrième Comité d’encadrement de thèse (CET 4) du 20 novembre 2024.

Constatant une potentielle difficulté de composition, la Commission des litiges a décidé de se réunir de nouveau le 4 avril 2025 afin de réexaminer d’office le dossier en adoptant une composition parfaitement conforme au prescrit légal.

La décision adoptée le 4 avril 2025 remplace intégralement la décision du 14 mars 2025.

Faits et procédure :

Madame (A) est inscrite en doctorat en sciences de l’éducation et présenta ses travaux lors des différents CET. Le premier CET 4 du 9 novembre 2023 émit un avis négatif à la poursuite de ses recherches ce qui conduisit, le 4 décembre 2023, à une lettre de refus de réinscription au programme doctoral émanant du Vice-Rectorat à la recherche.

Mme (A) exerça un recours contre cette décision.

Par décision du 13 mars 2024, la CL déclara le recours recevable mais non fondé, notamment aux motifs que « l’article 37 (5) de la loi du 27 juin 2018 prévoit certes un "remaniement" du projet de thèse après un refus de soutenance ; encore faut-il toutefois qu’un tel "remaniement" soit possible, ce qui était loin d’être le cas en l’espèce, dans la mesure où la requérante avait encore à écrire 70% de sa thèse ».

Cependant, par une décision du 2 juillet 2024, le Rectorat réforma la décision de refus de réinscription qui mettait un terme aux études doctorales de Madame (A). Et, par exception à l’article 37 (5) de la loi modifiée du 27 juin 2018 sur l’Université du Luxembourg (ci-après, loi du 27 juin 2018), cette décision autorisait Mme (A) à représenter sa thèse à un CET, mais seulement dans la version adressée par la doctorante à son directeur de thèse via un e-mail du 18 mars 2024.

C’est donc expressément en considération de cette version que le CET 4 se prononça à nouveau sur le travail de Madame (A), le 20 novembre 2024, pour s’opposer derechef à la soutenance de thèse.

Par décision en date du 9 janvier 2025 rendue en application de l’article 37 (5) de la loi du 27 juin 2018, le Vice-Rectorat à la recherche tira les conséquences des conclusions du CET 4 et refusa la réinscription au programme doctoral de Madame (A), mit un terme à ses études doctorales et l’informa que son statut d’étudiant prendrait fin le 15 février 2025.

C’est la décision attaquée.

Arguant du manque d’équité et d’impartialité du CET 4 du 20 novembre 2024, Mme (A) demande une expertise extérieure de son travail, en vue d’être autorisée à soutenir sa thèse. En ce sens, la requérante soutient que le défaut d’autorisation de soutenir sa thèse est injuste et source de préjudice moral et financier : « Given the lack of procedural fairness and the CET’s compromised impartiality, the Petitioner requests an external review of the dissertation and an independent evaluation process for the defense, separate from the CET. Due to CET’s procedural violations, my thesis defense has been delayed, and despite submitting the final dissertation, I was unjustly denied approval for the defense. As a result, I am experiencing severe and ongoing career, psychological, and financial damages. These damages stem from CET’s neglect of responsibility and a flawed evaluation process, and urgently request immediate corrective action ».

Au-delà d’un manque d’équité et d’impartialité, la requérante reproche au CET 4 de ne pas avoir pris en considération la dernière version de sa thèse (« The CET ignored revisions and improvements already incorporated into the final version an assessed the dissertation based solely on an earlier draft »), et de ne pas avoir reçu de retours sur son travail du 18 mars 2024 avant la tenue du CET ("after submitting my dissertation to my supervisor on March 18, neither my supervisor nor any member of the CET provided any feedback or support. This lack of response signaled their refusal to cooperate, effectively neglecting their responsibilities and obstructing my defense").

Pour statuer sur la légalité du refus d’inscription attaqué par la requérante, la CL a examiné le contenu de l’ensemble des pièces produites par Madame (A), au premier rang desquelles le rapport de CET 4 ayant motivé la décision de refus de réinscription attaquée.

Il résulte des pièces produites aux débats que l’argumentation de la demanderesse ne saurait aboutir, pour deux raisons.

Premièrement, Madame (A) ne peut pas utilement reprocher au CET 4 d’avoir pris en considération la version de sa thèse envoyée au Professeur … le 18 mars 2024. Comme il a déjà relevé, en effet, le retrait du refus de réinscription décidé par la décision rectorale du 2 juillet 2024 avait pour seul objet de permettre à Madame (A) de faire examiner ce travail bien précis par un CET 4. Par conséquent, contrairement à ce que soutient Madame (A), c’est à raison que l’examen du CET 4 s’est concentré sur la version du 18 mars 2024, sans tenir compte des modifications et/ou améliorations ultérieures apportées par Madame (A). Ceci explique aussi que, avant la tenue du CET 4, Madame (A) ne pouvait recevoir aucun retour sur la version de son travail en date du 18 mars 2024.

Deuxièmement, si la CL statue « sur les réclamations contre les décisions prises [par un organe de l’Université] sur base des dispositions prévues aux articles 32 à 37 ainsi qu’à l’article 39 » en application de l’article 46, paragraphe 1er, numéro 2, de la loi du 27 juin 2018, son rôle se limite à un contrôle de la légalité de la décision contestée. Il ne lui appartient pas de substituer sa propre discrétion à celle de l’organe de décision, ceci en particulier afin de ne pas empiéter sur la liberté académique (art. 19 de la loi sur l’Université). La Commission des litiges n’a pas non plus de rôle d’instance de médiation.

Or, au regard des éléments dont elle a eu connaissance, la CL n’a relevé aucune irrégularité qui entacherait la décision du CET validée par la décision du 9 janvier 2025 d’impartialité ou de manquements à l’équité. À ce propos, le simple fait que l’un des membres du CET ait été chef de département et collaborateur du directeur de thèse (« a former department chair and a close associate of the CET ») ne saurait à lui seul démontrer l’impartialité du CET.

Et cela d’autant moins que le rapport du CET 4 apparaît très complet, très détaillé et souligne clairement les nombreuses et graves lacunes du travail de Mme (A) : la structure apparaît défaillante (« the overall text is poorly organised, with certain sections appearing in places where they do not belong »), le contenu musicologique lacunaire (« Ms. (A)’s understanding of the … concept is incomplete »), la méthodologie incohérente (« In terms of the methodology, the draft contained numerous errors and a total lack of understanding the precise use for the design employed. (…). The candidate was unable to defend her choice of design and even unaware of the need to demonstrate the relationship between the various data collection tools. There was no framework of analysis, no awareness of the need for declaring or identifying a priority data set and no understanding of how the data would be managed in an ethical and accurate way. »), l’analyse des données défecteuse ("No pertinent literature on classroom observation and recordings is included in the work, despite repeated suggestions to fill that gap. This also reflects in the way Ms (A) presents and describes her classroom research, which is showing a lack in context, detail and depth »), et la forme insuffisante par rapport à ce que l’on peut raisonnablement attendre d’une thèse dans ce domaine (« … dissertations typically comprise around 60,000 to 100,000 words, excluding the appendix and bibliography.

Ms. (A)’s dissertation project contains just under 44,000 words").

Par ailleurs, le rapport souligne à maintes reprises le refus de Madame (A) de suivre les recommandations qui lui étaient présentées dans les CET précédents, ainsi que l’incapacité de la requérante à expliquer et défendre son travail. Il en résulte que ce rapport, validé par la décision du 9 janvier 2025, a clairement mis en évidence que le travail de Madame (A) n’est manifestement pas en état d’être soutenu.

Certes, l’article 37 (5) de la loi du 27 juin 2018, susmentionné, prévoit un « remaniement » du projet de thèse après un refus de soutenance. Néanmoins, en l’occurrence, les lacunes du travail de la requérante relevées par le CET 4 du 20 novembre 2024 sont telles qu’un simple remaniement est hors de propos : « none of the chapters can be counted as being close to completion. In conclusion, the draft presented to the CET is far from ready and there is far too much work required to achieve the required standard in the time available".

Dispositif :

Pour ces motifs, la CL déclare le recours recevable mais non fondé.

La présente décision a été prise à l’unanimité des membres de la Commission ayant siégé dans cette affaire.

La présente décision de la Commission des litiges peut, en vertu de l’article 48 de la loi modifiée du 27 juin 2018 ayant pour objet l’organisation de l’Université du Luxembourg, faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif de et à Luxembourg endéans le mois de la notification de la décision. Le recours doit obligatoirement être introduit par le ministère d’un avocat à la Cour. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2025, inscrite sous le numéro 52787 du rôle, Madame (A) a introduit un recours en réformation, sinon en annulation, dirigé contre la décision de la Commission des litiges du 4 avril 2025, tandis que par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 52788 elle sollicite l’obtention d’un sursis à exécution de la décision du 4 avril 2025, et, subsidiairement, l’obtention des mesures de sauvegarde suivantes :

« -

Le maintien de l’inscription de la requérante en doctorat -

Le déblocage de son dossier universitaire et de son compte-étudiant -

La constitution d’un nouveau CET composé de trois experts en éducation musicale proposés par la requérante -

L’évaluation complète et équitable de la version finale soumise le 15 décembre 2024 -

La fixation d’une date de soutenance avant la fin du mois de mai 2025 ».

Après avoir exposé les rétroactes de l’affaire, Madame (A) donne à considérer que l’exécution de la décision déférée de la Commission des litiges du 4 avril 2025 risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.

Elle expose que si elle ne pouvait soutenir sa thèse de doctorat qu’après la réformation sinon l’annulation de la décision attaquée, elle serait privée de sa possibilité de poursuivre une carrière professionnelle durant la période où elle devrait attendre la décision du tribunal administratif quant au fond, de sorte qu’elle serait sans emploi pendant une période prolongée, respectivement elle devrait poursuivre une activité professionnelle ne correspondant pas à ses compétences afin de subvenir, d’une façon ou d’une autre, à ses besoins. Le refus de soutenance de sa thèse entraînerait encore une perte irréversible d’opportunités académiques et professionnelles, notamment dans la mesure où à défaut d’avoir favorablement soutenu sa thèse, elle serait inéligible aux appels pour certains projets. Elle serait encore soumise à du stress psychique, ce qui mènerait à une dégradation de Sa santé mentale, tandis qu’elle subirait également une atteinte à sa réputation scientifique et à sa carrière internationale.

Elle estime encore, par référence à son recours au fond, que ses moyens invoqués contre la décision déférée apparaîtraient comme sérieux.

1.

Dans ce contexte, Madame (A) critique d’abord la décision déférée pour avoir été prise par la Commission des litiges irrégulièrement composée.

1.1.

Elle entend s’emparer à cet égard de l’article 46, paragraphes 2 et 3, de la loi modifiée du 27 juin 2018 ayant pour objet l’organisation de l’Université du Luxembourg, ci-après « la loi du 27 juin 2018 », pour soutenir que lorsque la Commission des litiges statue sur les réclamations prises sur base de l’article 37 contre l’organisation des études menant au grade de docteur, la Commission des litiges devrait être composée de deux représentants des professeurs, de deux représentants de la délégation des étudiants ainsi que d’un représentant du personnel administratif, financier et technique, tous nommés par le conseil universitaire pour un mandat de 3 ans renouvelable.

Or, lorsque la Commission des litiges s’était réunie une première fois pour prendre sa décision initiale datée du 14 mars 2025, aucun membre de la délégation des étudiants n’aurait fait partie de sa composition, ce qui aurait eu un impact négatif sur sa capacité à faire valoir ses droits, puisque sans la présence des représentants de la délégation des étudiants pour défendre ses intérêts et plaider en sa faveur, elle se serait retrouvée dans une position de désavantage.

Si suite à sa réclamation, la Commission des litiges se serait rendue compte de cette irrégularité et se serait réunie une seconde fois afin de réexaminer le dossier en adoptant une composition conforme au prescrit légal, Madame (A) estime toutefois que la Commission, dans sa nouvelle composition, n’aurait toujours pas respecté les prescriptions légales en vigueur, puisque lors de sa seconde délibération, la Commission aurait été composée de deux membres titulaires issus du corps professoral, d’un membre suppléant relevant du personnel administratif, financier et technique, ainsi que de deux membres titulaires représentant la délégation des étudiants. Aussi, même si des délégués étudiants y auraient été intégrés, la composition initiale de la Commission aurait toutefois été substantiellement modifiée, notamment par l’absence du Prof. Dr. …, du Prof. Dr. … et du Dr. …, tous trois membres de la première formation, de sorte que la composition n’aurait pas répondu aux exigences de l’article 46 de la loi du 27 juin 2018.

Or, comme les membres de la Commission des litiges seraient nommés par le Conseil universitaire pour un mandat de trois ans renouvelable, cette modification soulèverait des interrogations quant à sa légalité et à sa conformité aux dispositions applicables.

1.2.

Madame (A) relève ensuite que si la Commission des litiges affirme s’être réunie une nouvelle fois afin de réexaminer son dossier, il serait toutefois manifeste que cette seconde décision serait en tout point identique à la première décision datée du 14 mars 2025, à l’exception des signatures, désormais apposées par les membres de la nouvelle composition de la Commission, ce qui laisserait sérieusement douter de l’existence d’un réexamen effectif du dossier, tel que requis.

1.3.

La requérante donne encore à considérer que les signatures apposées sur la seconde décision soulèveraient de sérieux doutes quant au respect des formalités légales requises pour garantir la validité de ladite décision au regard de la législation applicable, alors qu’il s’agirait de signatures électroniques, dont certaines présenteraient un caractère manifestement irrégulier, et ce d’autant plus que l’une des signatures, à savoir celle de Monsieur (B), consisterait en une simple image, manifestement issue d’une capture d’écran, qui aurait été collée sur la décision datée du 4 avril 2025, ce qui contreviendrait à l’article 46, paragraphe 3, de la loi du 27 juin 2018 qui précise que : « Les décisions de la commission des litiges ne sont acquises que si trois membres au moins s’y rallient. Ni le vote par procuration, ni le vote par procédure écrite ne sont permis », de sorte que l’authenticité et la validité de la participation de Monsieur (B) à la réunion de la Commission apparaitraient comme incertaines.

2.

Madame (A) estime ensuite que la Commission des litiges aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

Ainsi, si la Commission des litiges avait confirmé son refus de réinscription à l’année académique prochaine, tout en lui refusant le bénéfice d’un remaniement de son projet de thèse, au vu du fait que le contenu et la forme de la thèse seraient insuffisants par rapport à ce que l’on pourrait raisonnablement s’attendre d’une thèse dans ce domaine, la requérante reproche toutefois à la Commission des litiges de ne pas avoir tenu compte de la qualité de l’encadrement dont elle aurait bénéficié durant son parcours doctrinal et de ne pas avoir pris en compte les circonstances extérieures qui auraient pu contribuer à des lacunes dans son travail.

La requérante rappelle à cet égard que le recteur l’avait autorisé en date du 2 juillet 2024, à titre dérogatoire, à représenter sa thèse devant un comité d’encadrement de thèse, mais que sa thèse aurait été évaluée sur la base d’une version ancienne, transmise le 18 mars 2024 à son directeur de thèse, soit plusieurs mois avant la décision rectorale qui autorisait précisément une nouvelle soumission. A aucun moment elle n’aurait été informée, préalablement ou postérieurement, que cette version intermédiaire servirait de base à l’évaluation de son admissibilité à la soutenance, de sorte qu’elle n’aurait pas été mise en mesure de soumettre une version actualisée, ni avertie qu’aucune autre version ne serait recevable.

Elle donne encore à considérer qu’elle aurait été confrontée à une absence totale d’encadrement, d’accompagnement académique et de réponse à ses nombreuses sollicitations, de sorte qu’elle aurait été contrainte de préparer seule son projet de thèse, dans une solitude académique injustifiable, tandis que l’Université, loin de remédier à ces manquements, aurait choisi de sanctionner la doctorante pour des défaillances internes qui lui seraient entièrement imputables.

Elle se prévaut encore du fait que l’article 37, paragraphe 5, alinéa 4, de la loi du 27 juin 2018, prévoirait qu’« en cas de refus de l’admissibilité, le doctorant peut remanier son projet de thèse et le soumettre de nouveau au comité », sans soumettre un tel remaniement à une quelconque limitation, de nature quantitative ou qualitative. Aussi, en affirmant que « les lacunes du travail de la requérante sont telles qu’un simple remaniement est hors de propos », la Commission des litiges aurait introduit, de manière totalement infondée, une condition qui n’existerait ni dans la loi, ni dans les règlements de l’Université, ce qui traduirait une volonté manifeste d’écarter arbitrairement la requérante du programme doctoral, en violation directe de la loi du 27 juin 2018.

Madame (A) insiste encore dans ce contexte sur le fait que le rapport du comité d’encadrement de thèse, sur lequel reposerait la décision de la Commission des litiges, se baserait sur une version de la thèse qui ne pouvait en aucun cas être considérée comme finale ni représentative du travail accompli par la requérante.

Enfin, elle critique la décision déférée de la Commission des litiges pour avoir omis de reconnaitre que le comité d’encadrement de thèse aurait recommandé un refus de soutenance sans possibilité de remaniement et que sur base de cet avis l’Université du Luxembourg a refusé sa réinscription, alors pourtant que l’article 37, paragraphe 5, de la loi du 27 juin 2018 prévoit qu’un refus de réinscription ne peut être recommandé qu’en cas de « lacunes graves ».

A cet égard, la Commission des litiges n’aurait pas pris en compte l’absence d’un encadrement adéquat par le corps professoral invoqué par la requérante et les circonstances extérieures indépendantes de son assiduité dans 1’appréciation du travail de la requérante, et ce en violation de la Charte des usagers annexée au Règlement des études de l’Université du Luxembourg approuvé par le Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche le 6 septembre 2022, la Commission des litiges ayant totalement omis de prendre en compte que Madame (A) avait sollicité le soutien de ses professeurs à plusieurs reprises et qu’elle n’aurait pas reçu l’encadrement dont elle avait besoin, tout comme la Commission des litiges n’aurait pas tenu compte du fait qu’au cours de sa troisième année de doctorat, la requérante aurait rencontré de nombreuses difficultés tout en effectuant des recherches en Hongrie et en Corée du Sud pour sa thèse, malgré la pandémie de COVID-19, la requérante ayant ainsi dû faire face à des défis importants et des retards dans la soumission de sa thèse, aggravés par un manque de support et d’orientation de la part de son directeur de thèse.

Le représentant de l’Université du Luxembourg estime que les conditions légalement prévues pour ordonner une mesure provisoire ne seraient pas remplies en l’espèce en contestant en particulier le sérieux des moyens invoqués. En effet, en ce qui concerne plus particulièrement les moyens opposés par la requérante à la décision déférée, l’Université du Luxembourg estime que ceux-ci ne présenteraient guère de sérieux.

Dans ce contexte, elle relève d’abord que certains arguments ne constitueraient pas des moyens admissibles, s’agissant de simples interrogations ou de doutes énoncés par la requérante.

Elle relève ensuite en substance que contrairement à ses affirmations, Madame (A) aurait pu bénéficier d’un suivi et d’un encadrement réguliers et adéquats, mais qu’elle n’aurait pas suivi les directives et conseils lui adressés par l’Université. Contrairement à ses accusations, il n’y aurait pas eu un vaste complot de la part de l’Université à son égard, mais il y aurait tout simplement eu des insuffisances, voire des lacunes graves au niveau du résultat de ses études doctorales, tandis que l’Université lui aurait néanmoins permis de bénéficier d’un traitement de faveur, notamment en prolongeant sa période d’études au-delà de la période règlementaire de 48 mois et en lui permettant de présenter à nouveau sa thèse dans une version et un format améliorés.

L’Université du Luxembourg, ayant ensuite pris position par rapport aux différents moyens lui opposés par Madame (A), considère finalement que les différentes mesures de sauvegarde sollicitées par la requérante ne constitueraient pas des mesures conservatoires susceptibles d’être prononcées par le juge du provisoire, tandis que certaines mesures sollicitées outrepasseraient largement les pouvoirs du juge des référés.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété par le président du tribunal ou le juge qui le remplace qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 2 mai 2025 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Force est au soussigné de constater que tel que soulevé par le représentant de l’Université, la requête sous analyse pose différentes questions de compétence, respectivement d’(ir)recevabilité, questions discutées contradictoirement à l’audience après avoir été plus particulièrement soulevée conformément à l’article 30 de la loi du 21 juin 1999.

Force est ainsi d’abord au soussigné de constater que la requête sous analyse tend principalement à l’obtention d’un sursis par rapport à la décision de la Commission des litiges du 4 avril 2025 ayant rejeté la réclamation, respectivement le recours gracieux (« an official appeal ») du 5 février 2025 de la partie requérante.

Il s’agit là toutefois d’une décision négative qui n’est pas susceptible d’un effet suspensif. En effet, une décision administrative négative qui ne modifie pas une situation de fait ou de droit antérieure ne saurait en effet faire l’objet d’une mesure de sursis à exécution, même si elle est en revanche susceptible de faire l’objet d’une mesure de sauvegarde, sollicitée en l’espèce à titre subsidiaire.

En ce qui concerne la demande formulée à titre subsidiaire et portant sur l’octroi de diverses mesures de sauvegarde, Madame (A) fait plaider que les conditions pour prétendre à une mesure de sauvegarde ne seraient pas les mêmes que celles pour prétendre à l’obtention d’un sursis à exécution, la requérante soutenant plus particulièrement qu’une demande de mesure de sauvegarde ne pourrait pas se voir appliquer la double condition prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la loi du 21 juin 1999, au même titre et avec la même intensité que ceux avec lesquels cette double condition est requise pour fonder une demande en sursis à exécution de la décision attaquée par le recours au fond, pour en déduire que dans le cadre d’une demande de mesure de sauvegarde le préjudice et le caractère sérieux des moyens invoqués au principal seraient à contrôler par le juge « de manière superficiel[le] simplement et avec un degré d’appréciation moins rigoureux », le juge pouvant, selon elle, se contenter de constater le seul caractère manifestement non irrecevable de la demande principale et manifestement non dépourvu de tout fondement en droit étant suffisant et que la preuve négative, selon laquelle le risque d’un préjudice grave et définitif n’est pas manifestement absent, serait suffisante.

Cette argumentation est toutefois à rejeter.

En effet, outre que la jurisprudence a déjà été amenée à réfuter une argumentation semblable basée sur la notion de « fumus boni juris », notion tirée du contentieux communautaire1, ainsi qu’une argumentation identique2, il convient de rappeler que sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde3.

1 Trib. adm. (prés.) 23 septembre 2016, n° 38387.

2 Trib. adm. (prés.) 13 novembre 2020, n° 45149.

3 Trib. adm. (prés.) 14 janvier 2000, n° 11735, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 631 et 827.

Il convient encore de rappeler que la possibilité d’accorder une mesure de sauvegarde n’a pas été instaurée par le législateur en tant que mesure autonome, mais uniquement afin de pallier au fait que la seule mesure provisoire initialement prévue, à savoir le sursis à exécution, ne pouvait pas être accordée par rapport à une décision administrative négative, telle qu’un refus, qui ne modifie pas une situation de droit ou de fait antérieure et, comme telle, ne saurait faire l’objet de conclusions à fin de sursis à exécution4, de sorte que dans un tel cas de figure, le justiciable ne disposait d’aucune procédure pour éviter un préjudice grave qui lui est causé par une décision administrative négative. La possibilité d’une mesure de sauvegarde s’entend dès lors comme une procédure complémentaire5 à celle de l’effet suspensif, soumise nécessairement aux mêmes conditions strictes. En effet, le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde, doivent rester une procédure exceptionnelle dans la mesure où ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives.

L’argumentation de la partie requérante, visant à vouloir contourner les conditions prévues pour l’obtention d’un sursis à exécution et à voir admettre par le soussigné un préjudice non définitif ou irréparable ainsi que des moyens seulement superficiellement non dépourvus de tout fondement, est partant à rejeter.

Il convient ensuite de constater que la partie requérante demande, dans ce contexte, à ce que le juge des référés ordonne qu’elle bénéficie du maintien de son inscription en doctorat, le déblocage de son dossier universitaire et de son compte-étudiant, la constitution d’un nouveau comité d’évaluation de thèse composé de trois experts en éducation musicale proposés par elle afin de garantir une évaluation équitable et indépendante, ainsi qu’une soutenance pleinement conforme aux normes académiques, la requérante demandant que ce comité soit composé d’un expert externe dans le domaine concerné et de deux professeurs titulaires internes. Elle sollicite encore l’évaluation complète et équitable de la version finale de sa thèse soumise le 15 décembre 2024 ainsi que la fixation d’une date de soutenance avant la fin du mois de mai 2025.

Force est toutefois de retenir que ces mesures, telles que libellées et sollicitées, constituent des mesures définitives et non pas des mesures de sauvegarde, nécessairement provisoires.

Or, en ce qui concerne une demande de suspension, le président, à l’instar du président du tribunal civil, ne peut pas prendre d’ordonnance qui porte atteinte au fond, c’est-à-dire qui établisse les droits et obligations des parties au litige : ce qui a été décidé, dans le cadre de la demande de suspension, doit, en théorie, pouvoir être défait ultérieurement, à l’occasion de l’examen du recours au fond, le juge des référés devant s’abstenir de prendre une quelconque décision s’analysant en mesure définitive qui serait de nature à interférer dans la décision du juge compétent au fond en ce qu’elle serait de nature à affecter la décision de celui-ci.

La même limite s’impose au président lorsqu’il est saisi d’une demande basée sur l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, ledit article limitant explicitement la compétence du président à des mesures provisoires qui, prononcées à titre conservatoire, ne doivent préjuger en rien la décision au fond, mesures provisoires qui doivent nécessairement cesser leurs effets lorsque survient la décision des juges du fond.

4 Proposition de loi 4326 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, avis du Conseil d’Etat, 9 février 1999, p.6.

5 Ibidem.

La mesure provisoire est par définition celle qui présente un caractère réversible, celle qui peut être remise en cause par le juge du fond. Toutefois, pour que la mesure prononcée présente bel et bien un caractère réversible, il est nécessaire que la possibilité de remise en cause de la décision ne soit pas seulement virtuelle mais effective, ce qui suppose, par conséquent, que le litige ne s’éteigne pas par le seul prononcé de cette décision6.

En conséquence, le juge des référés administratif ne peut prononcer aucune mesure présentant un caractère définitif.

Il convient ensuite de relever que si les pouvoirs du juge du provisoire en matière de mesures de sauvegarde sont certes larges, l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 prévoyant en effet à cet égard que le magistrat compétent peut « au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont un intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils », cette compétence est toutefois délimitée par la ou les décisions déférées aux juges du fond, le juge du provisoire ne pouvant ainsi pas ordonner de mesures allant au-delà du cadre tracé par ces décisions7, tout comme il ne saurait accorder de mesure provisoire allant largement au-delà de l’objet même de la demande et de la décision déférée8 : en l’espèce, comme la décision déférée émanant de la Commission des litiges a pour seul objet le recours administratif introduit par la requérante à l’encontre de la décision du vice-recteur à la recherche de l’Université du Luxembourg du 9 janvier 2025 lui ayant refusé sa réinscription au programme doctoral et l’ayant informé de la fin de ses études doctorales avec effet au 15 février 2025, le soussigné ne saurait ordonner de mesure de sauvegarde ayant un autre objet que la réinscription de la requérante au programme doctoral, et encore moins une mesure de sauvegarde impliquant une autre autorité, telle que le comité d’évaluation de thèse.

La seule mesure de sauvegarde pouvant dès lors être potentiellement et théoriquement accordée serait la réinscription à titre provisoire et conservatoire de la requérante au programme doctoral jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué sur le recours au fond, les autres demandes étant dès lors à rejeter.

Dans cette limite, en ce qui concerne à cet égard l’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués, celle-ci appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

En effet, en ce qui concerne les moyens avancés au fond, il échet à cet égard de rappeler que le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions 6 Trib. adm (prés.) 20 janvier 2017, n° 38954, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 605.

7 Trib. adm. (prés.) 28 mai 2020, n° 44455.

8 Trib. adm (prés.) 23 avril 2021, n° 45803.

administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge des référés est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire : en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie. Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale.

Le soussigné tient enfin à rappeler qu’il convient aussi de tenir compte du fait que la procédure de référé, fondée sur un examen prima facie, n’est pas conçue pour établir la réalité de faits complexes et hautement controversés : en effet, le juge des référés ne dispose pas des moyens nécessaires pour procéder à de tels examens et, dans de nombreux cas, il ne serait que difficilement à même d’y parvenir en temps utile.

1.1.

En ce qui concerne la première critique de la requérante, tirée de l’illégalité formelle de la décision de la Commission des litiges, force est de retenir au terme d’une analyse sommaire que ce moyen - à admettre qu’il s’agisse formellement d’un moyen, la requérante ne faisant en effet état dans ce contexte essentiellement que d’interrogations et de doutes, ce qui formellement ne constitue pas un moyen, et encore moins un moyen sérieux - ne convainc guère.

Force est en effet de constater au terme d’un examen superficiel de la décision déférée que celle-ci a, à première vue, été prise la Commission des litiges composée en l’occurrence de deux membres désignés parmi le corps professoral, d’un membre désigné parmi le personnel administratif, financier et technique et de deux membres désignés parmi la délégation des étudiants, de sorte à répondre à première vue aux conditions de composition prévues à l’article 46, paragraphe 2, de la loi du 27 juin 2018 qui prévoit que « La commission des litiges est composée de : 1° deux représentants des professeurs ; 2°deux représentants de la délégation des étudiants ; 3°un représentant du personnel administratif, financier et technique ».

Le fait que la composition initiale de la Commission ait été modifiée, ce qui soulèverait des interrogations quant à la légalité et à la conformité de la composition de la Commission des litiges aux dispositions applicables, ne constitue pas non plus un moyen sérieux, dans la mesure où il appert que le professeur …, membre suppléant désigné parmi le corps professoral, le professeur Dr. …, membre suppléant désigné parmi le corps professoral et le Dr. …, membre titulaire désignée parmi le personnel administratif, financier et technique, ont été remplacés dans la décision déférée par le professeur Dr. …, membre titulaire désigné parmi le corps professoral, et par Madame …, membre suppléant désignée parmi le personnel administratif, financier et technique, de sorte qu’il n’appert pas qu’il y ait eu, tel que semble le sous-entendre la requérante, de nominations suspectes en cours de mandat, mais uniquement des remplacements de membres titulaires par des membres suppléants, respectivement de membres suppléants par des membres effectifs.

Les critiques opérées par rapport au fait que la Commission des litiges aurait, dans sa nouvelle composition, arrêté une décision en tous points identiques à celle prise par la Commission des litiges en sa composition initiale, ne paraissent pas non plus constituer un moyen sérieux dans le sens que ce constat exclurait un réexamen effectif, au fond, du dossier de la requérante, alors que le constat d’une seconde décision, identique à la décision initiale, n’implique pas nécessairement que la nouvelle composition n’a pas réexaminé le dossier de la requérante, mais peut aussi signifier que la nouvelle composition est arrivée, après réexamen du dossier, à la même conclusion que la composition initiale, un réexamen n’impliquant en effet pas nécessairement une autre décision, différente dans la forme ou au fond de la décision initiale, et encore moins une décision nécessairement favorable à la requérante.

Quant aux doutes soulevés par rapport à la régularité des signatures apposées sur la seconde décision de la Commission des litiges, il est de jurisprudence constante9 qu’une signature ne doit répondre à aucune condition de forme ou de lisibilité, aucune disposition légale ne prescrivant qu’une signature doive avoir un aspect déterminé, mais elle doit uniquement constituer un signe distinctif, individualisé, attestant du fait que son auteur fait sien l’acte sur lequel il appose le signe en question.

9 Trib. adm. 7 janvier 2009, n° 24894 et 25055, Pas. adm. 2024, V° Acte administratif, n° 176.

Il n’appert dès lors pas de manière évidente que l’apposition de signatures électroniques soit de nature à entrainer l’irrégularité du document ainsi signé.

Quant à l’apposition d’une image scannée de la signature, il résulte d’une jurisprudence française10 que le recours à un tel procédé, à savoir « l'apposition de la signature manuscrite numérisée […] ne valait pas absence de signature ».

Dans la mesure où la requérante sous-entendrait toutefois que certains des signataires n’auraient pas effectivement participé à la séance de la Commission des litiges ayant arrêté la décision déférée, et en particulier que l’apposition d’une image scannée de la signature ne constituerait pas la manifestation effective du consentement du signataire présumé sur le contenu de la décision, il lui appartiendrait, non pas de suggérer des doutes non explicités, mais de recourir soit à la procédure en inscription de faux, soit à la procédure répressive.

En tout état de cause, il résulte d’une attestation testimoniale de Monsieur (B), versée aux débats, que celui-ci a bien assisté à la réunion du 4 avril 2025 muni de tous les documents relatifs à la réclamation de la requérante et que « au moment de prendre ma décision, j’ai été informé, et j’ai décidé en toute conscience ».

Il s’ensuit que le moyen tiré, sous plusieurs volets, d’une composition irrégulière de la Commission des litiges, ne présente pas, en l’état actuel d’instruction du dossier, le sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

2.

Dans la mesure ensuite où la requérante entend reprocher à la Commission des litiges une erreur manifeste d’appréciation pour ne pas avoir tenu compte, dans son appréciation, de la qualité de l’encadrement dont elle aurait bénéficié durant son parcours doctrinal et de ne pas avoir pris en compte les circonstances extérieures qui auraient pu contribuer à des lacunes dans son travail, il convient de relever que la Commission des litiges a limité son rôle, de façon non critiquée par la requérante, à un contrôle de la légalité de la décision contestée et a refusé de substituer sa propre discrétion à celle de l’organe de décision, ceci en particulier afin de ne pas empiéter sur la liberté académique (« si la CL statue « sur les réclamations contre les décisions prises [par un organe de l’Université] sur base des dispositions prévues aux articles 32 à 37 ainsi qu’à l’article 39 » en application de l’article 46, paragraphe 1er, numéro 2, de la loi du 27 juin 2018, son rôle se limite à un contrôle de la légalité de la décision contestée. Il ne lui appartient pas de substituer sa propre discrétion à celle de l’organe de décision, ceci en particulier afin de ne pas empiéter sur la liberté académique (art. 19 de la loi sur l’Université) ».

Il convient ensuite de constater que la Commission des litiges s’est basée sur le rapport du comité d’évaluation de thèse lequel soulignerait clairement les nombreuses et graves lacunes du travail de la requérante, constat que celle-ci, à première vue, n’a ni énervé, ni même contesté, mais a cherché à justifier par, en substance, les déficiences de son encadrement doctoral ainsi que par des circonstances extérieures. La Commission des litiges a encore retenu, toujours sur base du rapport du comité d’évaluation de thèse, le refus persistant de la requérante de suivre les recommandations lui présentées ainsi que l’incapacité de la requérante à expliquer et défendre son travail, lequel, de par sa qualité et son état très largement incomplet n’aurait manifestement pas été en état d’être soutenu.

10 Cass. fr., 14 décembre 2022, 21-19.841 Le soussigné constate à cet égard que l’approche adoptée par la Commission des litiges dans ce contexte précis d’un pouvoir exceptionnel discrétionnaire du recteur, respectivement du vice-recteur, n’est pas dissemblable de celle que les juges du fond, appelés à statuer en l’espèce en tant que juges de l’annulation conformément à l’article 48 de la loi du 27 juin 2018, sont susceptibles d’adopter.

En effet, il résulte à cet égard de la jurisprudence des juges du fond que si un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend non pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge, le contrôle afférent à exercer par le juge de l’annulation est limité aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité, alors que ce contrôle ne saurait avoir pour but de priver l’autorité, qui doit assumer la responsabilité politique de la décision, de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, si celle-ci est par ailleurs légale et n’est pas sujette à un recours en réformation11. En d’autres termes, lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il ne saurait pas, sous peine de méconnaître le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée en ce qu’il dispose d’une marge d’appréciation, se placer tout simplement en lieu et place de l’administration et substituer son appréciation à celle de l’administration. Cependant, dans le cadre du contrôle de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation est appelé à vérifier s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée12.

Ainsi, il appert que la Commission des litiges a adopté une approche similaire à celle du juge de l’annulation, lequel ne se contente pas non plus d’un contrôle purement légaliste et formel, mais néanmoins, confronté à un pouvoir discrétionnaire, refuse de substituer automatiquement son appréciation à celle de l’autorité, à moins que celle-ci n’ait versé dans un usage manifestement disproportionné, voire disproportionné de sa faculté d’appréciation, le juge de l’annulation, dans ce contexte, vérifiant également, notamment, l’absence de violation du principe de l’égalité devant la loi.

Ainsi, le pouvoir de contrôle du juge de l’annulation est, certes non pas inexistant, mais toutefois limité en présence d’un tel pouvoir discrétionnaire. Or, il découle de cette limitation apportée au pouvoir de contrôle du juge de l’annulation, qu’en ce qui concerne plus particulièrement le juge du provisoire, que celui-ci doit user avec une parcimonie extrême de ses pouvoirs lorsqu’une erreur d’appréciation manifeste ou la violation du caractère proportionné d’une décision administrative est reprochée à son auteur13; ainsi, un moyen reprochant à une autorité une erreur d’appréciation non manifeste, là où l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, voire d’un pouvoir discrétionnaire, ne constitue pas un moyen sérieux au sens de la loi du 21 juin 1999, puisqu’un moyen sérieux doit faire pressentir une annulation au terme d’un examen prima facie et qu’un simple doute quant à l’issue du recours n’est à cet égard pas suffisant.

11 Cour adm. 8 octobre 2002, n° 14845C, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 63.

12 Cour adm. 14 juillet 2011, n° 28611C et 28617C, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 38, et les autres références y citées.

13 Trib. adm. prés. 14 novembre 2006, n° 22110 ; trib. adm. prés. 30 mai 2013, n° 32344, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 691.

En tout état de cause, l’appréciation des circonstances externes invoquées par la requérante et leur éventuelle incidence sur le sort à réserver à la décision de la Commission des litiges telle que déférée requiert le cas échéant une analyse plus poussée et une discussion au fond, à laquelle le juge du provisoire ne saurait pas procéder.

Dès lors, l’argumentation développée par la requérante afin d’énerver la légalité de la décision déférée aux juges du fond ne s’impose pas en l’état actuel d’instruction du dossier et des éléments soumis au juge du provisoire, de sorte que le soussigné, sur base d’un examen nécessairement sommaire des différentes questions, arrive à la conclusion provisoire que les moyens tels qu’avancés par la requérante ne présentent pas le sérieux nécessaire pour justifier les mesures sollicitées : la requérante est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire, prise en ses différents volets, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant en effet être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique;

rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire prise en son double volet, condamne la requérante aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 mai 2025, par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence de Shania Hames, greffier.

s. Shania Hames s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52788R
Date de la décision : 16/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-16;52788r ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award