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04/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52828

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juin 2025, 52828


Tribunal administratif N° 52828 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52828 1re chambre Inscrit le 12 mai 2025 Audience publique du 4 juin 2025 Recours formé par Madame (A1), connue sous un autre alias, et consort, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52828 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mai 2025 par Maître Françoise NSAN NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), déclarant être née le … à …...

Tribunal administratif N° 52828 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52828 1re chambre Inscrit le 12 mai 2025 Audience publique du 4 juin 2025 Recours formé par Madame (A1), connue sous un autre alias, et consort, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52828 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mai 2025 par Maître Françoise NSAN NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), déclarant être née le … à … (Cameroun) et être de nationalité camerounaise, connue sous un autre alias, agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur (A2), né le … au …, de nationalité camerounaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 25 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à ces demandes de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Fideline BILOA BIBI, en remplacement de Maître Françoise NSAN NWET, et Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 juin 2025.

Le 27 décembre 2023, Madame (A1), connue sous un autre alias, ci-après désignée par « Madame (A1) », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction de l’Immigration générale, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

1Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que Madame (A1) avait franchi irrégulièrement la frontière italienne le 20 novembre 2023.

En date du 31 janvier 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues italiens une demande de prise en charge de Madame (A1), basée sur l’article 13 (1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

Le 20 février 2024, Madame (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 au nom et pour le compte de son enfant (A2).

En l’absence de réponse de la part des autorités italiennes à la susdite demande de prise en charge de Madame (A1), les autorités luxembourgeoises informèrent ces dernières, par courrier du 16 avril 2024, qu’elles considéraient l’Italie comme ayant tacitement accepté la prise en charge de l’intéressée en date du 1er février 2024, en application de l’article 22 (7) du règlement Dublin III.

Par courrier du 16 août 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame (A1) que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu des dispositions de l’article 29 (2) du règlement Dublin III.

Le 16 avril 2025, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par décision du 25 avril 2025, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre refusa de faire droit à leurs demandes de protection internationale pour les motifs suivants :

« […] En date du 27 décembre 2023, respectivement du 20 février 2024, vous avez introduit des demandes de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre compte ainsi que pour celui de votre enfant mineur, le dénommé (A2), né le … au …, de nationalité camerounaise.

Je suis dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Madame, vous êtes arrivée au Luxembourg accompagnée de votre partenaire, le dénommé (A3), qui a également introduit une demande de protection internationale pour son compte, laquelle a fait l’objet d’une décision séparée, lui envoyée le 9 avril 2025.

Il ressort de votre dossier administratif et plus précisément du résultat des recherches 2effectuées dans la base de données « Eurodac » le jour de l’introduction de votre demande que vous avez franchi de manière irrégulière la frontière italienne, plus précisément à … et …, en date du 20 novembre 2023 sans pour autant y introduire une demande de protection internationale immédiatement.

En ce sens, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes de la part des autorités luxembourgeoises en date du 31 janvier 2024. La prise en charge fut tacitement acceptée le 1er février 2024. Dans la mesure où la procédure de transfert n’a pas pu être menée à bien dans les délais légalement prévus par le règlement « Dublin III », les autorités luxembourgeoises sont devenues responsables pour l’examen et le traitement de vos demandes de protection internationale en date du 16 août 2024 et vous en avez été informée par courrier en date du 21 août 2024.

En date du 16 avril 2025, un entretien sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale a été mené avec un agent ministériel.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de vos demandes de protection internationale Madame, vous déclarez être de nationalité camerounaise, née le … à …, d’ethnie …, de confession … et … et avoir vécu avec votre partenaire à … jusqu’à votre départ définitif en date du 15 janvier 2022.

En cas de retour au Cameroun, vous craindriez « la prison » (p.7/12 de votre rapport d’entretien). Quant aux craintes liées à votre fils mineur, celui-ci serait également en danger « pour les mêmes causes » (selon la fiche de motifs de fuite remplie pour le compte de votre fils mineur).

En effet, concernant les raisons vous ayant poussée à quitter votre pays d’origine, vous faites d’abord état de soucis que votre compagnon aurait rencontrés au sein de sa famille (selon votre fiche de motifs de fuite et du rapport de police). A cet égard, vous déclarez qu’en août ou en septembre 2021, votre partenaire aurait été menacé par ses frères, respectivement une personne influente, car il aurait « décidé de ne plus travailler avec lui, il l’a menacé en disant que…euh…il y a eu fraude sur la marchandise, le cacao » (p.9/12 de votre rapport d’entretien), sans que vous ne relatiez un quelconque incident lors duquel vous auriez été menacée personnellement.

Vous faites ensuite état, après un long silence, que votre départ aurait également été à l’origine de « persécutions » (p.7/12 de votre rapport d’entretien). Dans ce contexte, vous expliquez que vous auriez agressé le mari de votre mère, se dénommant « (B) ». Selon vos dires, en mars 2019, respectivement lorsque vous auriez été âgée de 19 ans, ce dernier aurait essayé d’abuser de vous et vous vous seriez défendue en le blessant à la côte avec un couteau.

Il aurait ensuite déposé une plainte contre vous, également en 2019.

Invitée à expliquer la raison pour laquelle vous n’avez pas mentionné cet événement lors de l’introduction de vos demandes de protection internationales, vous répondez « euh…je ne sais pas…j’ai pas pensé à ça » (p.9/12 de votre rapport d’entretien).

A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous ne présentez aucun document. […] ».

3 Le ministre informa ensuite Madame (A1) qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2025, Madame (A1), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur (A2), a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 25 avril 2025 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à leurs demandes de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 25 avril 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui des trois volets de son recours, la demanderesse déclare être ressortissante camerounaise, ayant grandi et vécu à … ensemble avec sa mère et son père adoptif. Elle soutient avoir informé le ministre qu’elle aurait été victime (i) de violences physiques et psychologiques continues exercées par son beau-père depuis son enfance, (ii) de traite des êtres humains à des fins de prostitution, pour avoir été vendue par son beau-père à un homme alors qu’elle aurait encore été mineure, (iii) de l’autorité abusive et de la domination constante exercée par son beau-père, ainsi que (iv) d’un abus sexuel de la part de ce dernier en 2019.

Depuis cet évènement, elle aurait vécu dans une peur permanente, jusqu’à ce qu’elle aurait atteint la majorité et pu quitter le domicile familial pour s’installer chez une amie. Elle aurait, toutefois, continué à subir une pression psychologique intense de la part de son beau-père, qui l’aurait menacé de déposer plainte contre elle pour des blessures prétendument infligées par elle lors de l’agression de 2019. Craignant des poursuites pénales et une éventuelle incarcération, notamment en raison de l’influence sociale importante de son beau-père dans la société camerounaise, elle aurait été contrainte au silence. Dans une tentative de reconstruction personnelle, elle aurait emménagé en 2021 dans la ville de …. (Cameroun) avec son compagnon, Monsieur (A3). Cependant, elle aurait été confrontée à de nouvelles menaces, cette fois-ci émanant des agresseurs de son compagnon, qui se seraient concrétisées par une violente agression de ce dernier à leur domicile. Face à cette situation, ils auraient quitté le Cameroun le 15 janvier 2022.

En droit, et en ce qui concerne la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, la demanderesse reproche à celui-ci d’avoir omis de prendre en compte son genre, dans la mesure où il se serait abstenu d’examiner les violences subies par elle, et ce en violation de l’article 60 (2) de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, faite à Istanbul, le 11 mai 2011, ci-après désignée par la « Convention d’Istanbul ». Le ministre aurait encore omis de prendre en considération l’effet cumulatif de l’ensemble des violences et menaces subies, 4notamment celles liées aux agressions dont elle et son compagnon auraient été victimes, ce qui aurait conduit à une appréciation incomplète et erronée de sa situation personnelle.

La demanderesse soutient en outre que les décisions déférées auraient été prises par le ministre dans un délai particulièrement bref, de nature à compromettre le respect d’un délai raisonnable pour prendre une décision. Elle fait valoir qu’en l’absence d’une analyse approfondie de sa situation personnelle, du contexte social dans lequel elle se serait trouvée, ainsi que de la mise en œuvre par les autorités de son pays d’origine d’une protection effective, le ministre aurait méconnu les exigences découlant d’un droit à un procès équitable, tel que prévu à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

En ce qui concerne le bien-fondé de sa demande de protection internationale, et plus particulièrement le statut de réfugié, la demanderesse fait valoir qu’elle aurait exposé de manière suffisamment circonstanciée les traitements inhumains et dégradants qu’elle aurait subis en tant que jeune fille, notamment le fait d’avoir été traitée comme une marchandise, ayant été vendue à un homme par son beau-père. Elle affirme également avoir décrit comment le système judiciaire de son pays d’origine aurait été instrumentalisé à son encontre, contribuant à son isolement. Ces exactions auraient été commises en raison de son genre et de son âge. Elle reproche, à cet égard, au ministre de n’avoir, à aucun moment, établi de lien entre les violences alléguées – incluant des faits de traite des êtres humains, des menaces, des pressions psychologiques, ainsi que des atteintes physiques et sexuelles – et son appartenance à un groupe social particulier. La demanderesse souligne que le ministre n’aurait pas examiné les circonstances dans lesquelles elle aurait été réduite au silence, sous la menace de représailles de la part de son agresseur, ce qui l’aurait empêchée de témoigner des violences subies depuis son enfance. Elle estime que l’analyse menée par le ministre aurait été expéditive et superficielle, ce qui se refléterait notamment dans la conclusion selon laquelle les faits rapportés ne présenteraient pas un degré de gravité suffisant pour être qualifiés d’actes de persécution.

Madame (A1) insiste également sur le fait que les actes de traite des êtres humains à son encontre ainsi que les atteintes répétées à son intégrité physique et psychologique auraient été perpétrés dans un climat d’indifférence généralisée de la part des autorités de son pays d’origine. Elle affirme, en outre, que l’appareil judiciaire camerounais agirait comme un catalyseur des violences à l’égard des femmes.

Quant au refus du ministre de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, la demanderesse estime que les actes qu’elle aurait subis relèveraient de l’hypothèse visée à l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015. Elle fait valoir qu’eu égard aux violences répétées dont elle aurait été victime en raison de son genre, et à l’incapacité manifeste des autorités de son pays d’origine à lui assurer une protection adéquate contre ces violences, elle encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel d’être à nouveau exposée à des traitements inhumains et dégradants.

Enfin, à l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la demanderesse fait valoir que, compte tenu des persécutions et des atteintes graves auxquelles elle serait exposée en cas de retour dans son pays d’origine, son éloignement vers le Cameroun constituerait in fine une violation de l’article 3 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours.

5 Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

La soussignée n’est pas tenue de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut 6les traiter suivant un ordre différent1.

En ce qui concerne la légalité externe des décisions déférées, la soussignée relève que la demanderesse n’est manifestement pas fondée à reprocher au ministre d’avoir procédé à un examen superficiel des demandes de protection internationale en cause, au motif que les décisions déférées auraient été rendues « seulement sept jours ouvrables » après l’entretien sur ses motifs de fuite. En effet, l’article 10 (3) de la loi du 18 décembre 2015, dont la demanderesse invoque, de l’entendement de la soussignée, une violation, dispose que : « (3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:

a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ; […] ».

Force est à la soussignée de constater que l’argumentation de la demanderesse consiste à critiquer la rapidité avec laquelle les décisions déférées ont été prises, sans cependant fournir un quelconque élément concret duquel ressortirait une violation de la prédite disposition légale.

Il échet, au contraire, de constater qu’il ressort des éléments du dossier que le ministre a pris en compte l’intégralité des déclarations fournies par Madame (A1) (i) sur la fiche des motifs remplie lors du dépôt de sa demande de protection internationale, (ii) dans le cadre de son entretien ministériel sur les motifs sous-tendant sa demande de protection internationale, de même que (iii) dans l’entretien ministériel sur les motifs à la base de la demande de protection internationale de son enfant mineur. Il ne ressort, dès lors, manifestement pas des éléments à la disposition de la soussignée que les décisions déférées n’aient pas été prises individuellement, objectivement et impartialement, respectivement que le ministre aurait procédé à une analyse superficielle des demandes de protection internationale en cause, alors qu’il a bien pris en compte l’ensemble des motifs avancés par la demanderesse tant pour elle-

même que pour son enfant mineur.

Les reproches afférents sont dès lors manifestement non fondés, étant relevé que le fait que le ministre a statué dans le cadre d’une procédure accélérée respectivement a rejeté les demandes de protection internationale n’implique pas ipso facto un défaut d’instruction du dossier.

Au vu de ce qui précède, et dans la mesure où la demanderesse se base sur les mêmes considérations pour invoquer une violation de l’article 6 de la CEDH, le moyen afférent est également à rejeter pour être manifestement non fondé.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur le point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des 1 Trib. adm., 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 545 et les autres références y citées.

7questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Afin d’analyser si la demanderesse n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer si elle, respectivement son enfant mineur remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il échet de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 392 et 403 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

8 S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Il y a ensuite lieu de préciser que dans la présente matière, le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

Il échet également de relever que la Convention d’Istanbul et notamment ses dispositions qui incriminent la violence physique, l’excision et le mariage forcé à l’encontre des femmes, et à travers laquelle les Etats signataires se sont engagés à adopter un cadre légal susceptible de prendre en compte la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre comme forme de persécution, respectivement comme préjudice grave donnant lieu à une protection subsidiaire, ne confère pas un droit autonome et automatique à l’obtention du statut de réfugié à toute femme se prévalant de violences domestiques, mais il appartient au ministre et par la suite au juge administratif de procéder à une analyse au cas par cas et ce au regard des conditions de la Convention de Genève4.

En l’espèce, et en ce qui concerne, en premier lieu, la demande de protection internationale de Madame (A1), l’examen des déclarations faites par elle lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure qu’elle reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la Convention 4 Voir notamment Trib. adm., 19 octobre 2020, n° 42799 du rôle, confirmé par arrêt de la Cour adm., 4 février 2021, n° 45229C du rôle, Pas. adm. 2024, Etrangers, n°210.

9de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015.

S’agissant, tout d’abord, de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle aurait été vendue à un homme par son beau-père en tant que mineure d’âge et aurait été continuellement exposée à la domination ainsi qu’à des violences exercées par celui-ci, la soussignée est amenée à relever que Madame (A1) n’a fait mention ni dans la fiche remplie lors du dépôt de sa demande de protection internationale ni lors de son audition devant les agents de la police judiciaire ni lors de son audition auprès de l’agent ministériel de ces faits qu’elle invoque à présent dans sa requête introductive d’instance et auxquelles elle apporte désormais une importance significative en s’appuyant notamment sur le fait d’avoir été vendue à un homme pour mettre l’accent sur la gravité des actes qu’elle aurait subis et qui justifieraient, selon elle, l’octroi dans son chef d’une protection internationale.

Or, il y a lieu de relever que Madame (A1) a signé un document intitulé « Déclaration finale » certifiant qu’elle n’avait aucun problème de compréhension lors de son audition, qu’elle n’a retenu aucune information essentielle portant un changement significatif au contexte de sa demande, qu’elle n’a pas donné d’informations inexactes et, surtout, qu’il n’existe plus d’autres faits à invoquer au sujet de sa demande de protection internationale.

Dans ce contexte, la soussignée relève qu’en vertu de l’article 37 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur de protection internationale a l’obligation de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande. Par ailleurs, un demandeur qui, tel que Madame (A1), atteste lui-même par sa signature que le rapport d’audition constitue un résumé fidèle et complet des motifs de sa demande de protection internationale, est malvenu à contester le contenu de ce rapport5. En outre, le fait pour un demandeur de maintenir le silence quant à des éléments essentiels jusqu’au dépôt de la requête introductive d’instance jette un doute considérable sur sa crédibilité6.

En l’espèce, ces considérations amènent la soussignée à ne pas tenir compte des éléments fondamentalement nouveaux produits in tempore suspecto par la demanderesse, à savoir le fait d’avoir été vendue à un homme par son beau-père, ainsi que l’exercice de manière continue de domination et de violences à son égard par son beau-père, ce d’autant plus que la demanderesse reste en défaut de fournir la moindre précision quant au déroulement concret de ces faits.

La soussignée constate, ensuite, que la demanderesse a indiqué sur la fiche remplie lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, que son compagnon et elle auraient fait l’objet de menaces, de même que son compagnon aurait été agressé par des individus envoyés par le frère de celui-ci. Dans son entretien ministériel, elle fait toutefois uniquement encore état de menaces qu’ils auraient subis, en expliquant que « Le monsieur avec qui (A3) travaillait à …, il travaillait dans le cacao. Il nous a menacé. […] Lorsque (A3) a décidé de ne plus travailler avec lui, il l’a menacé en disant que…euh…il y a eu fraude sur la marchandise, le cacao. »7. A la question de l’agent ministériel ayant mené l’entretien de fournir des précisions quant à l’affirmation « Il nous a menacé », la demanderesse a répondu qu’elle n’était pas en mesure de fournir de telles précisions, à part : « Il lui a dit que (A3) a détourné 5 Trib. adm., 10 novembre 2000, n° 12390 du rôle, confirmé par Cour adm., 11 janvier 2001, n° 12602C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 45 et les autres références y citées.

6 Voir en ce sens : trib. adm., 9 octobre 2013, n° 33202 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

7 Page 9 du rapport d’audition.

10une somme d’argent, et que (A3) devait le rembourser. »8. Force est dès lors à la soussignée de constater qu’il ressort de ces déclarations que ces faits ont été vécus par son compagnon, la demanderesse restant en défaut de faire état d’une quelconque menace ou agression à son encontre. Or, des faits non personnels, mais vécus par d’autres personnes, en l’espèce le partenaire de la demanderesse, ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution, respectivement d’atteintes graves, au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. La demanderesse reste toutefois manifestement en défaut de faire état d’un incident personnel dont elle aurait été victime, ou d’établir un lien entre le traitement réservé à son compagnon et sa propre situation, de sorte qu’elle ne démontre pas un risque dans son chef d’être exposée à des actes similaires.

Cette circonstance se trouve encore renforcée par le caractère imprécis des déclarations de la demanderesse concernant les menaces alléguées, celles-ci étant tantôt attribuées au frère de son compagnon, tantôt à un certain « monsieur avec qui (A3) travaillait », sans qu’aucun élément concret ne vienne étayer ces affirmations. Force est, par ailleurs, à la soussignée de constater que la demanderesse n’a fait état de l’agression subie par son compagnon que dans la fiche relative aux motifs de fuite, telle que déposée lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, sans y apporter des précisions par la suite que ce soit lors de l’entretien ministériel ou dans le cadre de sa requête introductive d’instance. Il s’ensuit que ces faits tels que décrits par la demanderesse ne peuvent manifestement pas justifier l’octroi dans son chef d’une protection internationale.

S’agissant, enfin, de la crainte de la demanderesse d’être emprisonnée en cas de retour dans son pays d’origine, au motif que son beau-père aurait déposé plainte contre elle pour l’avoir blessé avec un couteau lorsqu’il a tenté de l’abuser sexuellement, la soussignée relève que si la tentative d’abus sexuel de la part du beau-père est, certes, condamnable, il n’en demeure pas moins que la demanderesse n’a exprimé, ni lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, ni au cours de l’entretien ministériel, la moindre crainte de subir un acte similaire en cas de retour dans son pays d’origine. En effet, elle indique dans son entretien ministériel uniquement redouter une éventuelle condamnation pénale en raison des blessures infligées à son agresseur dans le cadre de sa légitime défense. La soussignée constate toutefois que la seule crainte d’être emprisonnée n’est manifestement pas suffisamment grave pour justifier l’octroi d’une protection internationale, constat qui est renforcé par le comportement de la demanderesse qui n’accorde elle-même manifestement pas une importance particulière à la plainte déposée à son encontre par son beau-père. En effet, elle n’a fait part de sa crainte d’être emprisonnée pour s’être défendue contre son beau-père – et d’ailleurs de la tentative d’abus sexuel imputée à ce dernier – pour la première fois à l’occasion de son entretien ministériel. Il est à souligner, dans ce contexte, qu’interrogée sur les raisons pour lesquelles elle n’avait pas évoqué cette plainte, respectivement la tentative d’abus sexuel, lors de son audition par l’agent de police, elle a répliqué comme suit : « Euh…je ne sais pas…j’ai pas pensé à ça »9. La soussignée partage toutefois l’analyse du ministre selon laquelle, si la demanderesse avait réellement considéré que la plainte déposée par son beau-père, à la suite de la blessure qu’elle lui aurait infligée dans un contexte de légitime défense potentielle, ainsi que la tentative d’abus sexuel alléguée constituaient des motifs justifiant sa fuite de son pays d’origine, elle n’aurait vraisemblablement pas demeuré encore trois ans au Cameroun, période durant laquelle aucun incident concret en lien avec son beau-père ou ladite plainte n’est, d’ailleurs, rapporté. En outre, et surtout, elle aurait évoqué, dès l’introduction de sa demande 8 Idem.

9 Idem.

11de protection internationale, tant l’existence de cette plainte et sa crainte d’une éventuelle incarcération pour s’être défendue, que la tentative d’abus sexuel. L’absence de toute référence à ces éléments dès l’introduction de sa demande de protection internationale vient conforter le constat de la soussignée selon lequel la demanderesse ne considérait pas cette plainte – ni même l’incident à son origine – comme un élément déterminant de sa demande de protection internationale. Il s’ensuit que ces faits ne sont manifestement pas d’une gravité suffisante pour être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves.

Dans ces circonstances et au vu des faits et moyens invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, la soussignée est amenée à conclure que l’intéressée ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours de la demanderesse dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’elle a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

En ce qui concerne, en deuxième lieu, la demande de protection internationale de l’enfant mineur (A2), la soussignée constate que dans la mesure où sa demande de protection internationale est basée sur les mêmes motifs que ceux à la base de la demande de protection internationale de sa mère, dont la soussignée vient de retenir qu’ils ne sont pas pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, c’est sur base des mêmes constats que la soussignée retient que l’intéressé ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale. Il s’ensuit que le recours introduit au nom et pour le compte de l’enfant (A2) dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qui ont été présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

2. Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’accorder une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que Madame (A1) est restée en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.

Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par la demanderesse à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition respective, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que ni Madame (A1), ni l’enfant (A2) ne remplissent manifestement les conditions 12requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et la demanderesse et son enfant mineur sont à débouter de leurs demandes de protection internationale.

3. Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté les demandes de protection internationale de la demanderesse et de son enfant mineur, impliquant qu’il a à bon droit pu retenir que le retour de ceux-ci dans leur pays d’origine ne les expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire sans violer l’article 3 de la CEDH, tel qu’avancé par la demanderesse.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 25 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demandeurs de leurs demandes de protection internationale ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juin 2025, par la soussignée, 13Annemarie THEIS, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Annemarie THEIS Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52828
Date de la décision : 04/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-04;52828 ?

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