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04/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52851

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juin 2025, 52851


Tribunal administratif N° 52851 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52851 3e chambre Inscrit le 13 mai 2025 Audience publique du 4 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52851 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 mai 2025 par Maître Faisal QURAISHI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

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Tribunal administratif N° 52851 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52851 3e chambre Inscrit le 13 mai 2025 Audience publique du 4 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52851 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 mai 2025 par Maître Faisal QURAISHI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Inde), de nationalité indienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 25 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

La soussignée entendue en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Pascale MILLIM en sa plaidoirie à l’audience publique du 3 juin 2025, Maître Faisal QURAISHI s’étant excusé.

En date du 18 décembre 2023, Monsieur (A), de nationalité indienne, introduisit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-police des étrangers, dans un rapport du même jour. Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur (A) avait auparavant introduit une demande de protection internationale en Italie en date du 22 février 2023.

En date du 27 décembre 2023, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membrespar un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 9 janvier 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues italiens une demande de prise en charge de Monsieur (A), sur base de l’article 18, paragraphe (1) point b) du règlement Dublin III.

Faute de réponse de la part des autorités italiennes, les autorités luxembourgeoises les informèrent, par courrier du 8 février 2024, du fait qu’elles considéraient ladite demande de prise en charge comme ayant été tacitement acceptée le 24 janvier 2024, sur base de l’article 25, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

Par courrier du 25 juillet 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de sa demande de protection internationale introduite le 28 août 2023, en vertu des dispositions de l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

Le 10 avril 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 25 avril 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé le 30 avril 2025, le ministre informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le ministre résuma les faits et rétroactes ainsi que les déclarations du concerné comme suit :

« […] Il ressort de votre dossier administratif et plus précisément de la base de données « Eurodac » que vous avez introduit une demande de protection internationale en Italie le 22 février 2023. En vue de déterminer l'Etat responsable pour le traitement de votre demande de protection internationale, un entretien sur base du règlement (UE) n°604/2013 (« règlement Dublin III ») a été mené en date du 27 décembre 2023.

Lors de cet entretien, vous affirmez avoir quitté votre pays d'origine, l'Inde, en septembre ou octobre 2021, afin de vous rendre d'abord en Arménie pour une durée d'environ deux ou trois mois, puis en Serbie pendant un mois. Ensuite, vous auriez quitté la Serbie en bus en direction de la Bosnie-Herzégovine, puis vous seriez allé à pied en Croatie et en Slovénie.

Par la suite, vous vous seriez rendu en Italie, pays dans lequel vous auriez séjourné pour une durée d'un an et où vous auriez été hébergé dans un logement « que pour la nuit ». Vous ajoutez que vous y auriez travaillé pendant quatre mois avec une autorisation de travail qui vous aurait été délivrée par les autorités italiennes, mais que vous auriez décidé de quitter l'Italie car votre carte de séjour n'aurait pas été renouvelée par l'Etat italien.

Finalement, vous seriez arrivé au Luxembourg le 18 décembre 2023 en traversant la Suisse et la France (p.4/8 du rapport d'entretien Dublin III) et quelques jours après votre arrivée, vous auriez consulté un médecin qui vous aurait diagnostiqué l'Hépatite C, maladie pour laquelle vous nécessiteriez un traitement (p.2/7 du rapport d'entretien Dublin III).

2 En date du 9 janvier 2024, les autorités luxembourgeoises ont partant adressé une demande de prise en charge aux autorités italiennes conformément aux dispositions de l'article 18 (1) point b) du règlement précité. Or, les autorités italiennes n'ayant pas répondu dans le délai imparti et en application de l'article 25 (2) du même règlement, la demande de prise en charge a été tacitement acceptée.

Toutefois, étant donné que votre transfert n'a pas pu être exécuté dans les délais légalement prévus par l'Italie, un courrier vous a été notifié le 25 juillet 2024, afin de vous informer que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable de l'examen et du traitement de votre demande de protection internationale en vertu des dispositions de l'article 29 (2) du règlement précité.

En date du 6 août 2024, les autorités luxembourgeoises ont adressé une demande d'information dans votre chef auprès des autorités italiennes conformément à l'article 34 du règlement. Il en résulte que le 19 juin 2022, vous seriez entré de manière illégale sur le territoire italien et que vous auriez introduit une demande de protection internationale le 22 février 2023. Or, contrairement à ce que vous affirmez lors de votre entretien Dublin, à savoir que vous auriez bénéficié du statut de réfugié en Italie (p. 5/7 du rapport d'entretien Dublin Ill), votre demande en obtention d'une protection internationale n'aurait pas été examinée car vous avez déclaré aux autorités italiennes que vous auriez perdu votre passeport. L'Etat italien a également informé les autorités luxembourgeoises qu'il vous a accordé un permis de séjour temporaire lequel a expiré le 6 octobre 2023.

Vous avez été entendu sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale en date du 10 avril 2025.

2.

Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité indienne, d'ethnie Penjabi, de confession Sikh et avoir vécu de 2010 à 2021 à « … » avec vos parents, votre frère et son épouse (p.2/8 du rapport d'entretien individuel).

En cas de retour en Inde, vous craindriez de nouvelles violences physiques de la part de votre oncle et précisez que ces dernières pourraient aller jusqu'à la mort (p.6/8 du rapport d'entretien individuel).

En effet, quant à votre motif de fuite vous ayant poussé à quitter votre pays d'origine, vous évoquez un litige privé entre votre père et votre oncle au sujet d'un terrain situé dans le village de … dans le district de … (p.5/8 du rapport d'entretien). Vous précisez que vous vous seriez mêlé d'une dispute entre votre père et votre oncle au cours de laquelle ce dernier vous aurait « agressé physiquement », vous causant des blessures.

Vous déclarez également qu'un conseil de village se serait tenu en présence des « sages » du village afin de tenter de résoudre le conflit opposant votre père à votre oncle.

Cependant, au cours de cette assemblée, votre oncle aurait violemment agressé votre père sans que les sages ne soient intervenus. Face à cette injustice et à l'inaction des autorités traditionnelles, vous auriez exprimé votre opposition ce qui aurait aggravé la situation et fait peser des menaces supplémentaires sur vous.

3 En outre, vous évoquez qu'en 2021, six ou sept mois après votre première agression et peu de temps avant de quitter l'Inde, votre oncle vous aurait à nouveau « agressé violemment » dans la rue à plusieurs reprises, renforçant alors votre décision de quitter le pays pour assurer votre sécurité (p.5/8 du rapport d'entretien individuel).

Vous ajoutez avoir consulté un médecin car les agressions que vous auriez subies auraient provoqué une fracture au poignet et une luxation à votre épaule, mais que vous n'êtes pas en mesure de fournir un rapport médical. A cela s'ajoute que vous n'auriez pas porté plainte car « là-bas il n'y a que le conseil de village, il n'y a pas de police » (p.5/8 du rapport d'entretien individuel). Vous ne vous seriez pas installé dans une autre région ou ville de votre pas d’origine car vous n'auriez pas souhaité être loin de votre famille.

Finalement, vous affirmez que bien que vous auriez été victime de plusieurs agressions de la part de votre oncle, un retour dans votre pays d'origine ne poserait aucun problème. En effet, seul votre oncle pourrait constituer une menace pour vous car « si quelqu'un est capable d'agresser une personne plusieurs fois, il est capable d'agresser à nouveau » (p.5/8 du rapport d'entretien individuel).

En ce qui concerne les raisons pour lesquelles vous seriez spécialement venu au Luxembourg, vous déclarez avoir « fait des recherches sur internet par rapport au niveau de vie et avoir trouvé que le Luxembourg était mieux que l'Allemagne » (p.4/8 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Une copie de votre permis de séjour délivré par les autorités italiennes le 7 avril 2023 et valable jusqu'au 6 octobre 2023 ;

- une photo de votre passeport indien N°…, délivré le … et valable jusqu'au …. […]».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation (i) de la décision du ministre du 25 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 25 avril 2025, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

4 Moyens des parties A l’appui des trois volets de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

En droit et s’agissant de la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demander soutient que ce serait à tort que le ministre aurait estimé que ses déclarations ne soulèveraient que des questions sans pertinence et qu’il ne remplirait pas les conditions pour prétendre au statut de réfugié, « […] ce alors même qu’il n’[aurait] pas bénéficié d’une analyse de sa demande conformément à la loi du 18 décembre 2015 et [à] la Convention de Genève [du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après dénommée « la Convention de Genève »] […] ».

Il insiste sur le fait que ses déclarations auraient mérité une analyse et un examen concrets des faits à la base de sa demande de protection internationale.

Le demandeur reproche plus particulièrement au ministre l’usage de la procédure accélérée en retenant que les faits qu’il a invoqués seraient sans pertinence, alors qu’une persécution sinon crainte réelle de persécution, menaces sinon attentat à sa vie apparaîtraient clairement de ses déclarations. Il aurait en effet été agressé et menacé de mort par son oncle paternel dans le cadre d’un conflit opposant ce dernier à son père. Le demandeur précise plus particulièrement que dans le cadre de ce même conflit, lequel aurait concerné un terrain, il aurait pris la défense de son père, ce qui aurait amené son oncle à le menacer à plusieurs reprises et à le poursuivre. Dans la mesure où il ne saurait prétendre à une quelconque protection de la part des autorités indiennes, sa vie dans son pays d’origine serait devenue impossible. Le demandeur conclut que les faits invoqués justifieraient l’application d’une procédure « dite classique » à son égard, pour en déduire que le ministre, en décidant de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, aurait commis un abus de droit entachant la légalité de la décision déférée.

En conclusion, il soutient que la décision déférée devrait encourir la réformation pour défaut de motivation, excès de pouvoir, abus de pouvoir ou irrégularité formelle.

A l’appui de son recours dirigé contre la décision de refus de lui accorder une protection internationale, le demandeur invoque, en substance, la même argumentation que celle développée à l’appui du recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée.

Pour le surplus, il fait valoir que le ministre n’aurait pas pris en compte ses déclarations, de sorte que la décision déférée serait dépourvue de toute motivation et violerait son droit à un examen effectif de sa demande.

Il insiste sur le fait qu’il aurait dû fuir son pays d’origine en raison des menaces de mort « de la part de personnes inconnues » et du manque de protection de la part des autorités indiennes.

Par ailleurs, il reproche au ministre d’avoir fait une appréciation erronée et superficielle des faits de l’espèce et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées, compte tenu des menaces de mort dont il aurait été victime et qui justifieraient l’octroi du statut de réfugié, respectivement du statut de la protection subsidiaire dans son chef.

Il ajoute qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants dans un laps de temps plus ou moins court.

En conclusion, il soutient qu’il prétendrait à juste titre à l’octroi du statut de réfugié, sinon de la protection subsidiaire et que la décision déférée devrait encourir la réformation en ce sens.

Finalement, le demandeur sollicite la réformation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif, d’un côté, qu’il aurait invoqué des motifs sérieux et suffisants de crainte de persécution et, de l’autre côté, qu’eu égard au principe de précaution, il serait en tout état de cause préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où il y aurait lieu de craindre qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Appréciation de la soussignée Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé.

En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée retient que l’affirmation non autrement étayée du demandeur selon laquelle il « […] n’[aurait] pas bénéficié d’une analyse de sa demande conformément à la loi du 18 décembre 2015 et [à] la Convention de Genève […] » est à écarter, étant donné qu’il ne lui appartient pas de suppléer à la carence des parties et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Pour les mêmes motifs, cette conclusion s’impose également en ce qui concerne les moyens tirés d’un défaut de motivation, respectivement d’une irrégularité formelle, le demandeur étant resté en défaut de préciser dans quelle mesure la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée et de quelle irrégularité formelle elle serait entachée.

La soussignée relève ensuite que la décision ministérielle déférée a été prise sur base des dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel :

« […] Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, notamment s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement ledit point a) de l’article 27, paragraphe (1) précité et afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Il y a ensuite lieu de préciser que dans la présente matière, le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

Or, la soussignée partage en l’espèce l’analyse du ministre selon laquelle le demandeur n’a, en déposant sa demande de protection internationale et en exposant les faits, soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il se dégage en effet sans équivoque du dossier administratif, ainsi que de la requête introductive du demandeur que celui-ci base sa demande de protection internationale exclusivement sur le conflit qui opposerait son oncle à son père et dont il serait victime par ricochet pour avoir pris la défense de son père.

C’est dès lors manifestement à bon droit que le ministre a relevé que les faits tels que soulevés par le demandeur lors de son entretien sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale ne sont pas motivés par un des critères de fond prévus par la Convention de Genève sinon par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social, le demandeur restant en effet en défaut, et ce tant dans le cadre de son entretien sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale, que dans le cadre de sa requête introductive d’instance, d’établir que les agissements de son oncle seraient liés à l’un des motifs susvisés, ledit conflit étant manifestement un conflit familial d’ordre privé.

Au-delà de ces considérations, il y a lieu de préciser que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire relève de l’absence de protection dans le pays d’origine au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur doit fournir à cet égard la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque dans l’hypothèse où la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, elle n’a pas besoin de la protection internationale.

Dans ce contexte, il y a lieu de souligner qu’une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution et lorsque le demandeur a accès à cette protection. La disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions – cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

En l’espèce, il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que les autorités indiennes auraient refusé ou auraient été dans l’incapacité d’assurer la protection du demandeur, étant précisé à cet égard qu’il ressort des déclarations du concerné-même qu’il n’a jamais déposé une plainte ni recherché autrement une protection auprès des autorités indiennes.

Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protectioninternationale là où celle de l’État fait défaut1. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, le demandeur est resté en défaut de fournir des motifs valables pour justifier son inaction, mais se contente d’affirmer que « là-bas il n'y a que le conseil de village, il n'y a pas de police »2. Or, il résulte des explications circonstanciées et non utilement remises en cause de la partie étatique que le bureau de police le plus proche se trouve à seulement une demi-heure à pied du domicile du concerné.

Quant à l’affirmation du demandeur dans le cadre du recours sous analyse selon laquelle « qu'aucune autorité de son pays d'origine n'est prête à lui venir en aide », il convient de constater, outre le fait que celle-ci reste à l’état de pure allégation étant donné que le concerné n’a jamais essayé d’obtenir une telle aide, que celle-ci est en tout état de cause non fondée alors qu’il ressort des développements du délégué du gouvernement que la loi indienne réprime expressément les violences physiques infligées volontairement à une personne, l'article 323 du Code pénal indien disposant à cet égard que : « Whoever, except in the case provided for by section 334, voluntarily causes hurt, shall be punished with imprisonment of either description for a term which may extend to one year, or with fine which may extend to one thousand rupees, or with both ».

Dans ces circonstances, la soussignée est amenée à retenir qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur ni des pièces versées en cause que les autorités indiennes compétentes ne voudraient ou ne pourraient pas fournir au demandeur une protection appropriée contre les menaces et agressions dont il déclare avoir été victime.

En ce qui concerne, enfin, les problèmes de santé dont le demandeur a fait état au cours de la phase précontentieuse, à savoir le fait d’avoir eu une fracture au poignet et une luxation de l'épaule suite aux agressions subies par son oncle et d’avoir été diagnostiqué une hépatite C, - problèmes d’ailleurs non repris dans le cadre du recours sous analyse –, force est de constater que de tels motifs d’ordre médical ne sauraient manifestement justifier l’octroi ni du statut de réfugié ni de celui conféré par la protection subsidiaire pour ne pas être fondés sur un des critères visés par la Convention de Genève, respectivement par la loi du 18 décembre 2015 et pour ne pas entrer dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la soussignée conclut que le recours de Monsieur (A), dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement infondé.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale 1 Jean-Yves Carlier, « Qu’est-ce un réfugié ? », Edition Bruylant, 1998, p. 754 2 Page5/8 du rapport d’entretien du 10 avril 2025.

S’agissant ensuite du recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet de la demande de protection internationale de Monsieur (A) et, plus particulièrement, du reproche formulé par ce dernier selon lequel le ministre se serait abstenu de procéder à un examen effectif de sa demande, en ce qu’il n’aurait pas pris en compte ses déclarations, de sorte que la décision déférée serait dépourvue de toute motivation, force est à la soussignée de constater d’une part, que le demandeur est resté en défaut d’indiquer laquelle de ses déclarations n’auraient pas été prises en compte par le ministre et, d’autre part, que la décision déférée contient un résumé des motifs de sa demande de protection internationale, tels que ressortant de son audition, et qu’elle énonce de façon détaillée les raisons ayant amené le ministre à refuser ladite demande. Dès lors, l’argumentation afférente est à écarter pour manquer en fait.

S’agissant du bien-fondé de la décision de rejet de la demande de protection internationale de Monsieur (A), la soussignée retient, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre du volet du recours visant la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de celle-ci dans le cadre d’une procédure accélérée, que les faits invoqués par le demandeur ne justifient manifestement pas l’octroi, à l’intéressé, d’un statut de protection internationale, de sorte que c’est à bon droit, que le ministre a refusé de faire droit à la demande afférente du demandeur.

Dès lors, le recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’accorder au demandeur une protection internationale est à rejeter pour être manifestement infondé.

Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution, tel qu’invoqué par le demandeur.

Il s’ensuit et à défaut de tout autre moyen que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 25 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juin 2025 par la soussignée, Thessy Kuborn, premier vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52851
Date de la décision : 04/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-04;52851 ?

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