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05/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52838

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juin 2025, 52838


Tribunal administratif N° 52838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52838 2e chambre Inscrit le 12 mai 2025 Audience publique du 5 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A),…, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52838 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2025 par Maître Samira MABCHOUR, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A),

né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant actuellement à L-…, ...

Tribunal administratif N° 52838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52838 2e chambre Inscrit le 12 mai 2025 Audience publique du 5 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A),…, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52838 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2025 par Maître Samira MABCHOUR, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 25 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

La soussignée entendue en son rapport, ainsi que Maître Samuel BECHATA, en remplacement de Maître Samira MABCHOUR et Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 juin 2025.

Le 10 février 2025, Monsieur (A), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale dans un rapport du même jour.

Le 27 février 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 25 avril 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé en date du même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de 1l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Cette décision est libellée comme suit :

« […] En date du 10 février 2025, vous avez introduit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 10 février 2025, qu'à compter de 2013, vous avez fait l'objet de neuf signalements en Belgique pour « étranger en situation illégale ». Vous signalez auprès de la Police Judiciaire avoir quitté le Maroc en … à destination de l'Espagne. Après cinq ans de travail clandestin à …, vous seriez parti en France, en séjournant pendant trois ans à …. Ensuite, vous seriez parti en Italie, où vous auriez vécu « très longtemps » à … et travaillé clandestinement. Par la suite, vous auriez déménagé en Belgique et vécu « très longtemps » à … tout en y travaillant clandestinement. Vous ajoutez avoir purgé trois peines de prison en Italie et deux en Belgique. Le 4 février 2025, vous seriez arrivé au Luxembourg en train.

Vous auriez décidé d'introduire une demande de protection internationale parce que « je ne sais pas où aller et aussi pour régulariser ma situation ».

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité marocaine, célibataire, de confession musulmane et originaire de la « … » (p. 2 du rapport d'entretien), où vous auriez vécu avec vos parents et votre fratrie. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous voudriez être protégé « contre l'irrégularité » (p. 5 du rapport d'entretien), alors que vous n'auriez jamais pensé à légaliser autrement votre situation en Europe.

Confronté par l'agent chargé de votre entretien au constat non autrement développé que vous auriez bien des problèmes non autrement spécifiés au Maroc, vous ajoutez que vous auriez bu beaucoup d'alcool au Maroc et que le ramadan se serait approché, de sorte que des membres de famille ou des « gens de l'extérieur » (p. 5 du rapport d'entretien) auraient menacé de vous frapper sur les mains, voire, de vous couper les mains. En cas de retour au Maroc, vous dites pouvoir vivre chez vous mais avoir peur « d'autres gens » (p. 5 du rapport d'entretien) à cause de cette histoire d'alcool. Vous vous seriez par ailleurs habitué à vivre en Europe. Vous ajoutez de plus pouvoir vous installer ailleurs au Maroc mais que cela n'aurait pas constitué une option pour vous faute de moyens, « là-bas c'est difficile » (p. 6 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez aucun document tout en prétendant auprès de la Police Judiciaire avoir perdu votre passeport en Espagne et votre carte d'identité au Maroc, puis, dans le cadre de votre entretien visant vos motifs de fuite, avoir perdu votre passeport et votre carte d'identité en Espagne.

23. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Force est en premier lieu de soulever qu'il est évident que votre demande de protection internationale repose clairement sur des motifs d'ordre économique et de convenance personnelle.

En effet, vous affirmez non seulement auprès de la Police Judiciaire avoir pris le choix d'introduire une demande de protection internationale au Luxembourg pour régulariser votre situation en Europe et parce que vous n'auriez pas su où aller mais vous débutez de plus votre entretien visant vos motifs de fuite par le constat que vous rechercheriez une protection internationale pour vous protéger contre l'irrégularité de votre situation en Europe.

Vous confirmez en outre avoir préféré directement quitter votre pays pour ensuite résider et travailler clandestinement en Europe pendant plus d'une vingtaine d'années plutôt que de vous 3installer dans une autre région du Maroc parce que la situation serait « difficile » ailleurs et parce que vous n'auriez pas eu les moyens. Enfin, vous dites être habitué à vivre en Europe (bien que vous ayez donc déjà été condamné à cinq peines de prison au cours de vos seuls séjours en Italie et en Belgique, faisant par-là preuve d'un mode de vie manifestement non habituel et pas non plus représentatif d'une personne « habituée » à vivre en Europe).

Le constat que l'introduction de votre demande de protection internationale s'explique manifestement par votre situation économique personnelle et par des motifs de pure convenance personnelle est en outre confirmé par le comportement que vous avez adopté depuis votre départ de votre pays d'origine. Alors qu'on doit pouvoir attendre d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et qui serait vraiment à la recherche d'une protection, qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous avez toutefois opté pour le chemin inverse, en jugeant opportun de résider (et de travailler) clandestinement dans une multitude de pays de l'Union européenne pendant plus de deux décennies tout en n'éprouvant à aucun moment le réflexe d'y rechercher une forme quelconque de protection.

Il n'est en outre dans ce contexte manifestement pas crédible que vous n'ayez pendant ces … années vécues en Europe jamais entendu parler de l'existence de la procédure d'asile, tentative de justification que vous avancez pour expliquer votre totale inaction, tout en ayant donc apparemment directement entendu parler de cette procédure dès votre arrivée au Luxembourg.

Vous dites par ailleurs que même l'idée de régulariser votre situation en Europe autrement que par le biais d'une demande de protection internationale ne vous serait étonnement jamais passée par la tête, alors qu'une telle régularisation aurait depuis vingt-cinq ans constitué une solution à vos prétendus soucis.

Quoi qu'il en soit, des motifs d'ordre économique ou de pure convenance personnelle ne sauraient pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne rentrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée à cause de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social.

Quant à vos prétendus problèmes avec des membres de famille ainsi que des « gens de l'extérieur » pour avoir bu de l'alcool au Maroc avant votre départ pour l'Europe en … et à l'approche du ramadan, force est de constater que vous faites part de menaces qui auraient été proférées contre vous. En cas de retour au Maroc, vous auriez toujours peur de ces gens.

Il s'agirait en premier lieu de soulever que les problèmes mentionnés dateraient du coup d'au moins … années et que par conséquent absolument rien ne permet de retenir qu'ils seraient toujours d'actualité ou ne serait-ce que ces gens se souviennent toujours de vous. Vous ne mentionnez en effet pas le moindre autre incident, ni d'ailleurs de quelconques nouvelles menaces tout en confirmant être toujours en contact avec votre fratrie. Il faut en déduire que les soucis mentionnés seraient dès lors manifestement trop éloignés dans le temps pour encore pouvoir justifier l'octroi du statut de réfugié un quart de siècle plus tard en 2025.

Quand bien même ces soucis seraient toujours d'actualité, ce qui resté contesté alors que vous ne prétendez d'ailleurs même pas encore boire de l'alcool à l'heure actuelle, respectivement, dans le cadre de votre entretien visant vos motifs de fuite, en vous contenant de parler de vos habitudes précédant votre départ du Maroc en …, il s'agirait de constater que vous les liez à la 4religion musulmane, respectivement, à l'approche du ramadan, de sorte à ce qu'ils sont a priori susceptibles de tomber dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015. Force est toutefois de constater que les seuls craintes et problèmes mentionnés ne sauraient suffire pour justifier dans votre chef l'octroi du statut de réfugié.

En effet, il échet surtout de noter que, sur base des seuls éléments ressortant de votre dossier, il ne saurait être retenu que les incidents et craintes dont vous faites état, revêtiraient un degré de gravité suffisant pour pouvoir être perçus comme étant des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 ou comme justifiant dans votre chef des craintes fondées d'être victime de tels actes de persécution en cas de retour au Maroc. En effet, vous mentionnez des seules menaces vagues et au nombre inconnu qui auraient été proférées à une date inconnue par des gens qui feraient partie de votre famille ou par des « gens de l'extérieur ».

Ces incidents ne sauraient toutefois suffire pour constituer des actes de persécution au sens desdits textes. Vos seules prétendues craintes envers des membres de famille non autrement spécifiés ou encore des « gens de l'extérieur », à défaut de tout autre information ou précision, doivent être définies comme étant totalement hypothétiques, voire, non fondées et ne justifiant manifestement pas l'octroi du statut de réfugié.

Il est d'autant plus établi que la gravité de votre situation au Maroc doit être mise en doute et que vous n'y craignez rien de concret au vu de votre comportement que vous avez adopté depuis votre départ. En effet, tel que susmentionné, en totale opposition à une personne qui craindrait réellement pour sa vie et rechercherait n'importe quelle forme de protection disponible une fois en Europe, vous auriez donc préféré séjourner et travailler clandestinement pendant vingt-cinq ans en Europe avant de vous décider à entreprendre de telles démarches.

Il peut en outre être relevé que les menaces dont vous dites avoir été victime il y a plus d'une vingtaine d'années sont des actes perpétrés par des personnes privées n'ayant aucun lien avec les autorités marocaines. Un acte commis par un tiers ne peut toutefois être considéré comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du pays d'origine. Or, tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce alors que vous confirmez ne jamais avoir dénoncé les menaces proférées aux autorités et ce par peur de représailles.

A défaut de n'avoir jamais fait valoir vos droits et de n'avoir jamais recherché une protection auprès des autorités marocaines, il ne saurait évidemment pas non plus être retenu que celles-ci n'auraient pas pu ou pas voulu vous venir en aide et vous permettre de faire valoir vos droits au Maroc. En tout cas, si jamais, après votre retour au Maroc, vous devriez à nouveau rencontrer un problème quelconque avec des membres de famille ou des « gens de l'extérieur », il vous appartiendrait de porter plainte en bonne et due forme auprès de la police marocaine et de solliciter sa protection, constat qui vaut d'autant plus au vu de la forte popularité et confiance de la population dont peut se prévaloir la police marocaine.

Les menaces proférées seraient en tout cas à considérer comme des infractions de droit commun, commises par des personnes privées et punissables selon la loi marocaine, notamment les articles 425 à 431 traitant des menaces. Etant encore précisé que si vous deviez être d'avis que la police ne traiterait pas vos doléances avec le sérieux nécessaire, vous auriez toujours la possibilité de vous adresser à un autre commissariat de police, à des instances supérieures, ou encore au médiateur marocain.

5Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il y a lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour au Maroc, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d'établir qu'en cas de retour au Maroc, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Maroc, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2025, Monsieur (A) a fait déposer un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 25 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

6Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions précitées du ministre du 25 avril 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui des trois volets de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

En droit, concernant le recours à la procédure accélérée en application du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur estime que la conclusion de l’administration selon laquelle il aurait présenté des faits ne soulevant « que des questions sans pertinence » reposerait une lecture partielle, réductrice et juridiquement erronée du dossier, tout en avançant qu’il aurait exposé, de manière constante, circonstanciée et cohérente des faits graves et concrets qui incluraient deux agressions violentes perpétrées par ses oncles maternels en Algérie, la première impliquant une arme blanche, la seconde un objet contondant qui aurait entraîné une hospitalisation, agressions qui auraient été suivies de menaces répétées pendant plus d’un an, d’une tentative d’intimidation par la corruption de sa mère, d’une plainte déposée mais ignorée par les autorités et d’une procédure judiciaire inachevée en raison de la non-comparution des parties adverses. Il donne, dans ce contexte, à considérer que tous ces éléments seraient d’autant plus préoccupants qu’ils s’inscrivaient dans un climat d’impunité totale tout en ajoutant que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par la « CJUE », et plus particulièrement son arrêt J.N. c. Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, C-

63/15, énoncerait qu’une demande d’asile ne pourrait qu’être traitée dans le cadre d’une procédure accélérée, si elle ne présentait manifestement aucun lien avec les motifs prévus par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, désignée ci-après par « la Convention de Genève », ce qui ne serait manifestement pas le cas en l’espèce. Le demandeur avance, dans ce contexte, que dans son arrêt Singh et autres c. Belgique de 2012, la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après désignée par « la CourEDH », aurait rappelé qu’une procédure accélérée ne saurait, sans violer les articles 3 et 13 de la « Convention », écarter un examen approfondi lorsqu’une personne invoquerait des risques de traitements inhumains ou dégradants. Le demandeur conclut que le recours à l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 serait illégal en l’espèce dans la mesure où les faits exposés seraient non seulement pertinents, mais aussi suffisamment graves pour exiger une instruction au fond.

Quant à la décision déférée ayant refusé de lui accorder le statut de réfugié, le demandeur fait valoir que selon l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, qui transposerait l’article 1A, paragraphe (2) de la Convention de Genève, le statut de réfugié serait reconnu à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Il estime remplir toutes les prédites conditions, tant d’un point de vue factuel que juridique dans la mesure où il aurait quitté le Maroc en raison de menaces graves, explicites et réitérées, proférées à son encontre par des membres de sa propre famille et de son 7entourage communautaire, tout en précisant que les prédites menaces auraient été motivées par des comportements considérés comme contraires aux normes religieuses dominantes, notamment sa consommation d’alcool en période de Ramadan qui serait perçue comme un affront à la tradition et à la foi musulmane. Il ajoute encore avoir été expressément menacé de voir ses mains brisées, voire amputées, en guise de châtiment, tout en faisant valoir que de tels actes s’analyseraient juridiquement en persécutions graves et ciblées, telles que définies à l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où ladite disposition inclurait notamment parmi les actes de persécution les violences physiques ou mentales, les menaces graves et les sanctions extrêmes liées à des motifs religieux, tout en précisant que le lien direct entre les menaces subies et le motif religieux serait établi en l’espèce.

Le demandeur donne ensuite à considérer que la doctrine et la jurisprudence ne considéraient pas qu’il serait nécessaire que la persécution provienne de l’Etat lui-même, pourvu qu’il soit démontré que l’Etat en question est incapable ou non disposé à offrir une protection effective contre des persécutions infligées par des tiers privés. Le demandeur indique, dans ce contexte, n’avoir jamais reçu, ni sollicité la protection des autorités marocaines, par crainte de ne pas être entendu ou de subir un traitement défavorable, voire punitif en raison du « climat d’intolérance religieuse » qui régnerait dans certaines zones du Maroc, ainsi qu’en raison du manque d’indépendance dont les forces de l’ordre feraient preuve face à des actes à connotation religieuse, rendant vaine toute démarche en justice. Il explique que la « passivité » des autorités marocaines face aux violences dites « morales » infligées au nom de la religion serait documentée par les organisations non gouvernementales, telles que « Human Rights Watch » et « Amnesty International ». Il continue en expliquant qu’il aurait fui son pays d’origine parce qu’il se serait senti isolé, sans soutien familial et qu’il aurai été exposé à des représailles graves « dans un contexte de pression communautaire et religieuse exacerbée », tout en faisant valoir que « l’article 43 de la loi luxembourgeoise » prévoirait que les persécutions religieuses pourraient viser non seulement les « croyances internes », mais également les « comportements extérieurs interprétés comme déviants au regard d'une norme religieuse imposée ». Il explique que sa crainte serait à la fois « subjective (ressentie sincèrement) » et objectivement fondée dans la mesure où il aurait fui un pays dans lequel les normes religieuses seraient susceptibles d’être imposées de manière violente par des acteurs privés et non sanctionnés par l’Etat. Tout en affirmant que sa crainte serait accentuée par l’absence d’un recours judiciaire effectif et par le caractère durable du risque encouru, le demandeur donne à considérer que l’article 37, paragraphe (4) « de la loi luxembourgeoise » prévoirait que des persécutions antérieures feraient naître une présomption de crainte fondée pour l’avenir, à moins d’un changement de circonstances significatif et durable, changement qui ne serait pas démontré en l’espèce.

Le demandeur fait ensuite valoir que la décision déférée prétendrait qu’il aurait pu se réinstaller dans une autre région du Maroc, tout en donnant à considérer que cette affirmation serait déconnectée des réalités sociales et économiques dans la mesure où il serait sans famille, sans ressources, sans accès à un réseau de soutien et qu’il ne serait pas en mesure de se reconstruire dans un autre endroit du pays. Il ajoute que les mentalités seraient « relativement homogènes » sur le territoire de son pays d’origine, de sorte que le danger de dénonciation ou de stigmatisation « là où il aurait cherché refuge » serait réel, tout en avançant que l’article 41 « de la loi » requerrait que la réinstallation interne soit non seulement sûre, mais raisonnablement accessible et vivable, ce qui ne serait manifestement pas le cas en l’espèce.

Le demandeur affirme encore que la circonstance selon laquelle il aurait tardé à introduire sa demande de protection internationale ne saurait lui être opposée dans la mesure où la jurisprudence constante en matière de droit d’asile reconnaîtrait que le délai pour l’introduction 8d’une demande de protection internationale ne saurait préjuger du bien-fondé de la crainte exprimée, dès lors que celle-ci reposerait sur des faits objectifs et sur un contexte de menace constante. Il ajoute, dans ce contexte, qu’il ne serait pas rare que des personnes en situation irrégulière ou de grande vulnérabilité ne soient pas informées ou en capacité d’engager une procédure d’asile sans accompagnement.

Il conclut de ce qui précède que la décision déférée serait entachée d’une erreur manifeste et violerait les articles 2, 39, 42, 43 et 41 de la loi du 18 décembre 2015 ainsi que le principe de non-refoulement découlant de l’article 33 de la Convention de Genève.

Quant à l’ordre de quitter le territoire, le demandeur conclut à une erreur manifeste d’appréciation de sa situation particulière au regard de la situation générale prévalant au Maroc, alors qu’un renvoi ce pays serait contraire à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après « la CEDH », ainsi qu’aux articles 4 et 19, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », dispositions qu’il faudrait prendre en considération dans ce contexte, tel que l’aurait relevé l’European Union Agency for Asylum (« EUAA »), de même que la jurisprudence constante des juridictions administratives en la matière, ainsi que celle de la CourEDH.

Le demandeur fait, dans ce contexte, valoir que la protection offerte par les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte serait rendue illusoire si le Grand-Duché de Luxembourg devait être amené à l’expulser vers le « Cameroun », pays dans lequel il risquerait de subir des traitements interdits par l’article 3 CEDH, Il ajoute que le Haut Commissariat pour les Réfugiés aurait précisé que l’obligation de ne pas refouler un étranger serait également reconnue comme s’appliquant aux réfugiés indépendamment de leur reconnaissance officielle et couvrirait toute mesure attribuable à un État qui pourrait avoir pour effet de renvoyer un demandeur d’asile ou un réfugié vers les frontières d’un territoire où sa vie ou sa liberté serait menacés et où il risquerait une persécution. Ainsi, contrairement à la Convention de Genève qui n’accorderait sa protection qu’à un groupe restreint de personnes, la protection accordée contre le refoulement ne serait assortie d’aucune restriction ou dérogation, de sorte qu’elle serait absolue. Ainsi, il devrait pouvoir bénéficier, en tout état de cause, de la protection contre l’éloignement vers « le Cameroun » où il encourrait un risque réel et suffisamment grave d’atteintes pour sa vie et pour son intégrité physique et morale ou d’autres formes de traitements inhumains et dégradants. Par conséquent, la décision de retour violerait les articles 3 de la CEDH, 4 et 19, paragraphe (2) de la Charte, ainsi que le principe de non-

refoulement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer. », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

9A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant à la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant d’abord de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée relève que cette dernière décision a été prise sur base des dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant 10pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par : a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

11 Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire. Il y a ensuite lieu de préciser que dans la présente matière, le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

Or, la soussignée partage en l’espèce l’analyse du ministre selon laquelle le demandeur n’a, en déposant sa demande de protection internationale et en exposant les faits, soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, et indépendamment de la qualification des faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale sous analyse et de la question de savoir si les actes invoqués sont d’une gravité suffisante pour être qualifiés de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, force est de constater que les faits dont se prévaut le demandeur à la base de sa demande de protection internationale, à savoir les menaces qu’il a subies de la part de sa famille et de « gens d’extérieur 3» en raison du fait qu’il a bu de l’alcool à l’approche du Ramadan, se sont produits avant son arrivée en Europe en 2000, soit il y a plus de vingt-cinq ans et sont, dès lors, trop éloignés dans le temps pour être pris en considération dans le cadre de la présente demande de protection internationale. La soussignée est, dans ce contexte, encore amenée à préciser que le demandeur n’a pas fait état d’un quelconque autre incident, ni d’une quelconque autre menace qu’il aurait subis depuis lors et qui seraient liés au fait qu’il aurait bu de l’alcool à l’approche du Ramadan il y a plus de vingt-cinq ans.

A ceci s’ajoute que l’analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition ainsi qu’au cours de la présente instance, ne permet pas à la soussignée de retenir que celui-ci aurait apporté une raison valable de penser que ses droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans son pays d’origine sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent lui fournir une protection appropriée contre les menaces émanant de sa famille et de « gens d’extérieur 4».

Il y a, en effet, lieu de rappeler dans ce cadre que pour qu’un défaut de protection au pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le 3 Page 5 du rapport relatif à son entretien ministériel.

4 Ibid.

12demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, les demandeurs de protection internationale ne sauraient reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de les aider.

En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de maltraitances physiques et morales, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, force est toutefois à la soussignée de constater qu’il ressort des déclarations du demandeur émises dans le cadre de son entretien devant un agent ministériel du 27 février 2025 qu’il n’a jamais porté plainte auprès d’une autorité de son pays d’origine, ni par ailleurs recherché une quelconque protection auprès des autorités du prédit pays contre les menaces qu’il affirme avoir reçues de la part de sa famille, respectivement de la part de « gens d’extérieur 5».

Ainsi la soussignée est amenée à retenir que le demandeur, à défaut d’avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine, n’a pas fourni des éléments suffisants permettant de conclure que de manière générale, les autorités marocaines seraient impuissantes ou non disposées à lui offrir une protection contre les problèmes dont il fait état dans le cadre de sa demande de protection internationale.

Cette conclusion n’est pas énervée par les affirmations du demandeur selon lesquelles il n’aurait jamais sollicité la protection des autorités marocaines par crainte « de ne pas être entendu ou de subir un traitement défavorable, voir punitif », alors que « le climat d’intolérance religieuse dans certaines zones du Maroc, et le manque d’indépendance des forces de l’ordre face à des actes à connotation religieuse, rendent vaine toute démarche en justice » en raison de « la passivité des autorités marocaines face aux violences dites ʺmoralesʺ infligées au nom de la religion est bien documenté par les ONG internationales, y compris Human Rights Watch et Amnesty international […] », étant relevé que lesdites affirmations restent à l’égard de pure allégation dans la mesure où le demander est resté en défaut de verser au tribunal le moindre rapport émanant des prédites organisations non gouvernementales respectives « Amnesty International » et « Human 5 Page 5 du rapport relatif à son entretien ministériel.

13Rights Watch », voire toute autre élément de nature à démontrer une absence, voire une insuffisance de protection de la part des autorités marocaines concernant les actes « à connotation religieuse » dont il prétend avoir été victime de la part de sa famille et de « gens d’extérieur 6».

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

Ce constat n’est pas ébranlé par les déclarations du demandeur concernant (i) des agressions qu’il aurait subies par ses oncles maternels en « Algérie », lesquelles auraient été perpétrées à l’aide d’une arme blanche et d’un « objet contondant », (ii) des menaces répétées, (iii) une tentative d’intimidation « par la corruption de sa mère », (iv) une plainte déposée mais ignorée par les autorités et (v) une procédure judiciaire inachevée en raison de la non-comparution des parties adverses dans la mesure où lesdites déclarations ont été soutenues pour la première fois dans la requête introductive d’instance et qu’elles ne sont pas autrement détaillées, ni circonstanciées, étant encore relevé que le demandeur n’est pas originaire d’Algérie, mais du Maroc et qu’il n’a jamais indiqué avoir vécu dans ce pays, de sorte que la soussignée est amenée à conclure que les prédites déclarations sont issues d’une erreur matérielle contenue dans la requête introductive d’instance. En tout état de cause, force est à la soussignée de relever que le demandeur n’a développé aucun moyen par rapport aux prédites déclarations, étant précisé à cet égard que les seuls moyens contenus dans la requête introductive d’instance ont été développés par rapport aux menaces subies de la part de sa famille et de « gens d’extérieur 7» en raison du fait qu’il aurait bu de l’alcool aux alentours de la période du Ramadan.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant à la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, la soussignée retient, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre du volet du recours visant la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, que les faits invoqués par ce dernier ne justifient manifestement pas l’octroi d’un statut de protection internationale, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande afférente du demandeur.

Dès lors, le recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’accorder au demandeur une protection internationale est à rejeter pour être manifestement infondé.

Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

6 Page 5 du rapport relatif à son entretien ministériel.

7 Page 5 du rapport relatif à son entretien ministériel.

143) Quant à la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Finalement, quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de ce dernier au Maroc ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de non refoulement dont le demandeur se prévaut dans ce contexte. Il en va de même en ce qui concerne une éventuelle violation des articles 3 de la CEDH, respectivement 4 de la Charte.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est, à son tour, à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 21 mai 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi du statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juin 2025 par la soussignée, Caroline Weyland, premier juge du tribunal administratif, en remplacement du vice-président de la deuxième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Shania Hames.

s. Shania Hames s. Caroline Weyland 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52838
Date de la décision : 05/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-05;52838 ?

Source

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