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16/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52894

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juin 2025, 52894


Tribunal administratif N° 52894 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52894 2e chambre Inscrit le 21 mai 2025 Audience publique du 16 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52894 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2025 par Maître Lukman ANDIC, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur...

Tribunal administratif N° 52894 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52894 2e chambre Inscrit le 21 mai 2025 Audience publique du 16 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52894 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2025 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 5 mai 2025 de recourir à la procédure accélérée, de celle portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 juin 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le vice-président, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Mathieu WERNOTH, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2025.

Le 2 décembre 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à des recherches effectuées dans les bases de données AE.VIS et CCPD, que Monsieur (A) était détenteur d’un titre de séjour temporaire en France en tant qu’étudiant valable jusqu’au 18 octobre 2022, de même que d’un visa touristique émis par les autorités espagnoles valable du 15 juin au 11 décembre 2019.

Le 17 décembre 2024, un entretien a été mené auprès de la direction générale de l’Immigration en vue de déterminer l’Etat membre responsable pour le traitement de la demande de protection internationale de Monsieur (A) en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection 1internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

Le 19 décembre 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues français une demande de prise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III, laquelle fut refusée par lesdites autorités le 19 février 2024.

Par arrêté du 30 janvier 2025, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », assigna Monsieur (A) à résidence à … sise à L-

…, pour une durée de trois mois à partir de la notification de l’arrêté en question, arrêté qui fut rapporté le 28 février 2025.

Le 7 mars 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 5 mai 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), sous a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.

Le ministre estima tout d’abord que la demande de protection internationale de Monsieur (A) serait basée sur des motifs que le demandeur essayerait d’étoffer par une histoire qualifiée par le ministre de non convaincante concernant les persécutions qu’il craindrait subir au Maroc de la part d’anciens amis et de connaissances marocaines en France et au Maroc à cause de sa prétendue qualité de membre d’un parti sioniste, de ses croyances religieuses ou encore de son prétendu homosexualité, explications qui ne seraient pas crédibles au vu des déclarations incohérentes et du comportement du demandeur depuis son arrivée en Europe. Le ministre retint ensuite que les conditions d’une protection internationale ne seraient pas remplies dans le chef de Monsieur (A). A cet égard, le ministre releva tout d’abord que les motifs qui sous-tendraient la demande de protection internationale de Monsieur (A) ne revêtiraient pas un degré de gravité suffisant pour pouvoir être perçus comme étant des actes de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015, mais devraient être qualifiés de totalement hypothétiques. Il ajouta que dans la mesure où les différents problèmes dont Monsieur (A) a fait état seraient des actes émanant de personnes privées, ceux-ci ne pourraient être considérés comme fondant une crainte légitime de persécutions uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités marocaines, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Quant au refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le ministre constata que Monsieur (A) invoquerait les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande en obtention du statut de réfugié, tout en retenant qu’il resterait en défaut de faire état d’un risque réel de faire l’objet, en cas de retour dans son pays d’origine, d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, respectivement que les autorités marocaines ne seraient pas en mesure de lui accorder une protection.

Il résuma les déclarations de Monsieur (A) comme suit : « […] Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire établi à l’occasion de l’introduction de votre demande de protection internationale que vous étiez détenteur d’un titre de séjour temporaire en France en tant qu’étudiant valable jusqu’au 18 octobre 2022. Il ressort par ailleurs dudit rapport de 2police que vous êtes connu des autorités françaises pour usage de stupéfiants et conduite sans permis en 2023. Vous avez en outre été détenteur d’un visa touristique émis par les autorités espagnoles, valable du 15 juin 2019 au 11 décembre 2019. Le 19 décembre 2024, les autorités luxembourgeoises ont demandé aux autorités françaises votre prise en charge sur base du règlement Dublin III, demande qui a été refusée en date du 19 février 2025.

Vous signalez auprès de la Police Judiciaire avoir quitté le Maroc en 2019, à bord d’un bateau à destination de l’Espagne. Vous auriez par la suite pris le bus pour aller en France, où vous auriez suivi des études jusqu’en 2022. En 2020, vous auriez une fois passé une journée au Luxembourg. Il ressort en outre du rapport d’entretien Dublin III, que vous auriez étudié pendant un an à l’… pour recevoir votre diplôme de bachelor. Ensuite, étant donné que ces études ne vous auraient pas plu, vous seriez parti à … pour y faire un master en … ; vous auriez passé votre première année. Il ressort aussi de vos propos, qu’entretemps, en octobre 2021, vous seriez une fois retourné pour trois jours au Maroc. Il ressort ensuite du rapport d’entretien Dublin III, que votre « histoire » aurait commencé en 2021, lorsque vous auriez été viré de votre école en France et qu’aucune autre n’aurait voulu vous inscrire. Par la suite, il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire qu’en France, on vous aurait accordé « wiederholt Aufschub » qui aurait toutefois expiré en juin 2024. En février 2024, vous seriez retourné vivre à Rouen. En mai 2024, ne trouvant pas d’école et pas de travail, vous seriez du parti vivre en Belgique et y auriez travaillé clandestinement comme serveur, voire, comme chauffeur.

Vous prétendez avoir été menacé aussi bien en France qu’en Belgique alors qu’on vous aurait reproché d’être « Israelit ». Vous n’auriez jamais eu des soucis avec la police, vous n’auriez jamais touché aux drogues et vous seriez convaincu que le Luxembourg serait l’unique pays en mesure de vous aider. Il ressort encore dudit rapport « dass derselbe wirres Zeug redet, derselbe redete immer wieder davon verfolgt zu werden, da er beschuldigt wird lsraelit zu sein. Seine Aussagen ergaben zum Teil keinen Sinn, so dass darauf verzichtet wurde alles aufzuschreiben ».

Dans ce contexte, il ressort du rapport d’entretien Dublin III, que votre santé mentale se serait dégradée et que vous auriez pris rendez-vous chez un psychologue. Vous signalez de plus dans le cadre de cet entretien qu’après avoir été viré de votre école, vous auriez découvert que vous seriez suivi par un « grand réseau de mafieux qui gère de grands partis politiques…c’est (AA) ». Vous précisez de plus avoir travaillé à …, sans le savoir, dans le restaurant appelé (AA) appartenant à ces mafieux, voire, vous auriez été menacé par ces mafieux pour que vous travailliez pour eux comme serveur. En septembre 2023, votre contrat de travail aurait pris fin et « c’est là que les choses ont commencé », respectivement, « et c’est là qu’ils sont venus me menacer ».

Le 27, 28 ou 29 novembre 2024, vous seriez arrivé au Luxembourg en train. Le 12 décembre 2024, un agent de votre foyer d’accueil a appelé la police sur les lieux et déposé plainte contre vous pour menaces de mort et menaces avec un couteau. Le 17 février 2025, vous avez été signalé comme ayant disparu de votre d’accueil. Le 22 février 2025, vous avez réintégré votre foyer.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale 3Vous déclarez être de nationalité marocaine, célibataire, être musulman non pratiquant et originaire de Tétouan, où vous auriez vécu avec vos parents et votre fratrie. En 2019, à l’âge de … ans, vous auriez décidé de quitter le Maroc pour faire des études en France. Six ans après ce départ, vous avez décidé d’introduire une demande de protection internationale parce que vous craindriez pour votre sécurité en cas de retour chez vous.

Ainsi, après votre retour en France en 2021, voire, après la fin de votre contrat de serveur en France en septembre 2023, des anciens amis et des connaissances marocaines en France et au Maroc auraient commencé à répandre des rumeurs sur vous comme quoi vous seriez membre d’un parti sioniste et qu’ils attendraient votre retour dans le pays ; « En plus mes croyances religieuses et l’homosexualité » (p. 6 du rapport d’entretien) alors qu’ils auraient faussement prétendu que vous seriez homosexuel. Ils vous auraient menacé de mort dans la rue et par les réseaux sociaux et expliqué qu’il y aurait des « jihadistes qui appliqueraient le jihad sur moi » (p. 7 du rapport d’entretien). Vous expliquez la réaction de ces connaissances par le fait qu’elles n’auraient pas apprécié que vous auriez travaillé dans « ce restaurant avec une clientèle impliquée dans des sujets politiques » (p. 8 du rapport d’entretien), ainsi qu’à cause de votre croyance, bien que vous n’ayez jamais parlé à quelqu’un de ce sujet. Vous précisez dans ce contexte ne pas avoir de croyances spécifiques mais croire dans un créateur.

Vous n’auriez par ailleurs pas voulu introduire de demande de protection internationale en France « par peur » (p. 5 du rapport d’entretien) tandis que vous ne l’auriez pas fait en Belgique parce que vous auriez été menacé et que vous auriez remarqué qu’il y aurait beaucoup de crimes.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez une carte d’identité marocaine et un titre de séjour temporaire français expiré le 18 octobre 2022. Vous prétendez de plus qu’on vous aurait volé votre passeport en Belgique. Un inconnu l’aurait par la suite retrouvé, vous aurait recherché par Facebook et serait venu vous le ramener au Luxembourg. Peu de temps après, vous auriez toutefois perdu votre passeport au Luxembourg.

Vous ne vous rappelleriez pas de la date à laquelle on vous aurait remis votre passeport mais « ça ne fait pas longtemps quand-même » (p. 3 du rapport d’entretien). Ledit inconnu aurait en outre refusé de partager son identité tandis que son nom sur Facebook aurait été « bizarre ». Interrogé si vous avez du coup un profil sur Facebook vous répondez d’abord par l’affirmative en ajoutant toutefois « mais là je n’ai plus en fait. J’ai plus accès à tous les réseaux, j’étais piraté » (p. 4 du rapport d’entretien). Vous n’auriez par ailleurs pas fait de déclaration de perte de votre passeport en Belgique alors que vous n’auriez pas eu le temps et à cause de « mon histoire » tandis que vous prétendez avoir voulu faire une telle déclaration au Luxembourg mais que la police vous aurait expliqué que cela ne serait pas possible en tant que demandeur de protection internationale. Vous n’auriez en outre jamais demandé de nouveau passeport auprès de l’ambassade marocaine alors que « Je ne pouvais pas. Je n’ai pas essayé. En plus j’avais des problèmes, ça m’a freiné » (p. 4 du rapport d’entretien).

Vous aviez de plus versé une copie de votre visa touristique espagnol valable du 15 juin au 11 décembre 2019, une copie de votre visa français valable du 15 août 2019 au 15 août 2020, une copie de la première page de votre passeport marocain émis le 17 décembre 2018, ainsi qu’une attestation de votre inscription en master à l’… en septembre 2022.

Enfin, votre mandataire informe sur le fait que vous seriez suivi par un psychologue et que « (Ma question était de savoir : de quoi souffrez-vous ?) L’avocat fournira un certificat médical par la suite » (p. 9 du rapport d’entretien). […] ».

4 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre du 5 mai 2025 d’opter pour la procédure accélérée, de celle du même jour ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale, et de l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 5 mai 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique être de nationalité marocaine, de confession musulmane, non pratiquant, et avoir quitté son pays d’origine, le Maroc, le 25 août 2019. Il explique encore avoir fait des études de … à … en France dans le cadre desquelles il aurait obtenu son Master 1 en 2021. Il donne à considérer qu’il serait retourné une fois au Maroc en octobre 2021 pour visiter sa famille. Il continue en expliquant qu’à l’obtention de son Master 1, il aurait pris la décision d’aller exercer la profession de serveur dans un restaurant exerçant sous l’enseigne « (AA) », situé à …, jusqu’en septembre 2023, tout en insistant sur le fait que durant l’exécution de son contrat de travail, il aurait subi des injures et des menaces de mort de la part des propriétaires dudit restaurant lesquels appartiendraient à un réseau de criminels mafieux. Il avance que ces injures et menaces feraient suite à des rumeurs qui auraient été propagées sur lui comme quoi il serait membre d’un parti politique israélite sioniste et homosexuel, tout en soulignant que lesdites rumeurs se seraient répandues jusque dans son pays d’origine où il serait également menacé et considéré comme un terroriste jihadiste. Le demandeur met ensuite en exergue qu’il aurait également reçu des menaces de mort de la part d’anciens amis et de tiers du Maroc qui auraient appris sa prétendue homosexualité et sa prétendue appartenance à un parti politique sioniste israélite, tout en donnant à considérer que suite à ces menaces, il aurait fui la France en direction de la Belgique où il aurait travaillé de manière officieuse comme chauffeur, mais que comme lesdites menaces n’auraient pas cessé, il aurait également fui ce pays vers le Luxembourg.

En droit, quant à la décision d’avoir recours à la procédure accélérée, le demandeur reproche tout d’abord au ministre de ne pas avoir procédé à un examen individuel et objectif de sa situation de demandeur de protection internationale.

Il se prévaut à cet égard des articles 10 de la loi du 18 décembre 2015 et 8, paragraphe (2) de la directive 2005/85/UE du Parlement européen et du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », concernant l’examen auquel doivent procéder les autorités compétentes en matière de demandes de protection internationale, de même que de l’article 4, paragraphes (3), points a) à c), et (5) de la directive 2004/83/CE du Conseil du 529 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, duquel il se dégagerait que lorsqu’une personne remplit les conditions de fond prévues aux articles 9 et 10 ou 15 de la ladite directive pour bénéficier de l’octroi d’une protection internationale, les Etats membres seraient tenus, sous réserve des causes d’exclusion prévues par cette directive, d’octroyer la protection internationale sollicitée, sans ne disposer d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard.

Concernant le reproche du ministre selon lequel il n’aurait pas déposé des documents corroborant son récit, le demandeur se réfère à divers arrêts de la CJUE desquels il ressortirait que l’Etat membre compétent de l’examen d’une demande de protection internationale serait tenu de préalablement vérifier l’authenticité, la pertinence et le caractère probant des documents produits à l’appui d’une telle demande.

Il fait valoir que des contradictions mineures seraient sans incidence quant à la crédibilité générale de son récit, tout en se prévalant, à cet égard, de deux jugements du tribunal administratif du 16 janvier 2024 et du 28 février 2025, inscrits respectivement sous les numéros 49836 et 52319 du rôle, concernant la crédibilité du récit d’un demandeur de protection internationale et l’application, en droit des réfugiés, du principe du bénéfice du doute.

Il reproche dans ce contexte au ministre de ne pas fonder sa décision d’avoir recours à la procédure accélérée sur le point e) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 quand bien même il remettrait en cause la crédibilité de son récit, tout en ajoutant que ledit ministre n’expliciterait, de surcroît, pas en quoi son récit comporterait des incohérences.

Il en serait même du fait que le ministre relèverait qu’il aurait été arrêté pour usage de stupéfiants et « de conduite » sans toutefois motiver sa décision d’examiner sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée par l’article 27, paragraphe (1), point j) de la loi du 18 décembre 2015.

A cet égard, tout en donnant à considérer qu’il serait titulaire d’un permis de conduire marocain, il reproche au ministre de ne pas connaître les dispositions applicables en matière d’échanges de permis de conduire en France et souligne que comme il serait venu en France avec un visa étudiant, l’échange de permis ne serait pas obligatoire, de sorte que l’infraction ne serait pas caractérisée en droit français. En ce qui concerne l’usage de stupéfiants, il insiste sur le fait qu’il n’aurait pas été condamné pénalement pour cette infraction et que le fait d’être fiché dans les fichiers de la police française n’équivaudrait pas à un jugement de culpabilité, tout en rappelant dans ce contexte l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », selon lequel tout justiciable est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit démontrée.

En ce qui concerne le fait, tel que soulevé par le ministre, selon lequel il aurait causé des soucis au foyer de l’ONA et qu’il aurait été en fuite dudit foyer en date du 12 décembre 2024, il renvoie à un courrier qu’il aurait adressé le même jour audit foyer duquel il se dégagerait qu’il n’aurait « rien fait de mal » et « qu’on lui [aurait] injustement refusé de lui servir un repas ». Il met en exergue que les images de vidéosurveillance auraient démontré son innocence en ce qu’il n’aurait jamais été porteur d’un couteau et qu’il n’aurait agressé personne, tout en soulignant qu’aucune plainte pénale n’aurait été déposée et qu’aucun procès pénal ne serait en cours pour ces faits, mais qu’au contraire, il aurait pu réintégrer ledit foyer.

Le demandeur précise encore que le jour desdits faits, il aurait fait du bénévolat au sein de la 6fondation (CC), de sorte que ce serait à tort que le ministre aurait affirmé qu’il se serait enfui dudit foyer.

En ce qui concerne la perte de son passeport, le demandeur reproche au ministre de ne pas se baser sur les points c) et d) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, tout en renvoyant, à cet égard, à la copie des pages de son passeport ainsi qu’à la copie de la page de contact Facebook de la personne ayant retrouvé son passeport, à savoir un dénommé (B), versées en cause.

Quant au reproche du ministre selon lequel il n’aurait pas produit de documents établissant la véracité de son récit, le demandeur renvoie aux échanges de messages rédigés en phonétique arabe versés en cause desquels il se dégagerait qu’il serait insulté et menacé de mort en raison de sa prétendue homosexualité et de sa prétendue appartenance à un parti politique sioniste, tout en insistant sur le fait que suite à ces actes de menaces et d’injures, il aurait été psychologiquement perturbé, de sorte qu’à ce jour, il bénéficierait d’un suivi psychologique, tel que cela ressortirait d’une attestation de l’association (BB) du 12 mai 2025. Il s’ensuivrait que le reproche afférent du ministre serait non fondé et qu’il devrait bénéficier du doute compte tenu des efforts réalisés par lui pour prouver ses dires.

S’agissant du reproche selon lequel il n’aurait pas formulé de demande de protection internationale en France, le demandeur met en avant que les injures et menaces à son encontre auraient également été proférées dans ce pays, tout en soulignant qu’à cette époque, il aurait disposé d’un titre de séjour valable pour ledit pays, de sorte que l’argumentation ministérielle dans ce contexte serait sans pertinence. Il avance que comme il aurait également été menacé en Belgique, il n’aurait pas non plus formulé de demande de protection internationale dans ce pays. Il n’aurait, par ailleurs, pas recherché une protection au Maroc, alors qu’il y serait menacé par des personnes de son pays d’origine dont notamment des anciens amis à lui. Le demandeur explique ensuite qu’il n’aurait pas déposé plainte en France au motif que les autorités françaises poursuivraient rarement « ce genre de faits » et que les plaintes y seraient le plus souvent classées sans suites. Il s’ensuivrait de ce qui précède qu’il ne pourrait bénéficier d’une protection effective ni dans son pays d’origine, ni encore en France ou en Belgique.

Au vu de tout ce qui précède, le demandeur conclut que la décision déférée de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée serait à réformer.

Quant au refus de lui accorder un statut de réfugié, le demandeur, après s’être référé à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, reprenant l’article 1A, paragraphe (2) de la Convention de Genève, de même qu’aux articles 42 et 39 de la loi du 18 décembre 2015, ainsi qu’à la jurisprudence de la CJUE en la matière, réitère son argumentation selon laquelle les Etats membres devraient procéder à un examen individuel et rigoureux de la situation d’un demandeur de protection internationale, tel que cela aurait également été retenu dans un jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2019, inscrit sous le numéro 43696 du rôle.

Il fait valoir que l’article 24, paragraphe (1) de la directive 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) obligerait les Etats membres à évaluer, dans un délai raisonnable après la présentation d’une demande de protection internationale et avant qu’une décision ne soit prise en première instance, si le demandeur nécessite de garanties procédurales spéciales. Ces demandeurs devraient se voir accorder un soutien adéquat, y 7compris d’un délai suffisant, afin de créer les conditions requises pour qu’ils aient effectivement accès aux procédures et qu’ils puissent présenter les éléments nécessaires pour étayer leur demande de protection internationale. Il ajoute que les Etats membres seraient tenus de veiller à ce que le besoin de garanties procédurales spéciales soit également pris en compte s’il apparaît à un stade ultérieur de la procédure, sans qu’il faille nécessairement recommencer celle-ci, tout en soulignant que lesdites garanties procédurales renforcées devraient être appliquées en présence d’une personne vulnérable, tel que cela serait le cas en l’espèce au vu de ses troubles psychiques.

Le demandeur fait valoir qu’en l’espèce, il aurait été démontré qu’il aurait été persécuté en raison de sa prétendue appartenance à un parti politique israélite sioniste et de son homosexualité, donc en raison de convictions politiques et religieuses et de son orientation sexuelle, tout en mettant en avant qu’il ne pourrait être contesté que les groupes mafieux seraient susceptibles d’exercer une influence sur les autorités étatiques.

Il conclut que les motifs invoqués par lui entreraient dans les champs d’application de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que le statut de réfugié devrait lui être accordé.

En ce qui concerne le refus du ministre de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur cite un extrait d’un arrêt de la CJUE du 17 février 2009, Meki Elgafaji et Noor Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie, C-465/07, pour faire valoir que ledit statut pourrait être accordé à une personne en cas d’actes de violence par un membre de sa famille ou de sa communauté, en raison de la transgression supposée de normes culturelles, religieuses ou traditionnelles.

Il se réfère à un jugement du tribunal administratif du 16 janvier 2024, inscrit sous le numéro 49836 du rôle, concernant l’application du principe du bénéfice du doute conformément à l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi qu’à un jugement du même tribunal du 26 janvier 2021, inscrit sous le numéro 43395 du rôle, dans le cadre duquel il aurait été retenu que l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015 viserait toute personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

Dès lors, dans la mesure où il aurait été persécuté par des membres d’une organisation criminelle de type mafieuse, laquelle ferait courir la rumeur selon laquelle il serait un sioniste homosexuel et un jihadiste, il devrait être retenu qu’il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CEDH en cas de retour dans son pays d’origine.

Le demandeur met, à cet égard, en avant que l’article 489 du Code pénal marocain réprimerait l’homosexualité d’une peine de 6 mois à 3 ans d’emprisonnement ainsi que d’une amende de 120 à 1.200 dirhams et que, s’agissant des actes de terrorisme, la peine encourue pourrait aller jusqu’à la peine capitale suivant la gravité.

Il s’ensuivrait que la décision ministérielle portant refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire devrait être réformée.

A l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le demandeur fait valoir que le rejet de sa demande de protection internationale reposerait sur une appréciation erronée des faits et du droit. En se prévalant d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (« Cour EDH ») du 15 juin 2021, KURT c. Autriche, requête n° 62903/15, il conclut 8que dans la mesure où il risquerait une peine de prison voire la peine de mort en cas de retour dans son pays d’origine, l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre devrait, à son tour, être réformé.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses trois volets.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il ressort de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

La soussignée constate de prime abord que ni le texte légal ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé ».

Il appartient dès lors à la soussignée, saisie d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, en d’autres termes à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente. En d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas 9être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A titre liminaire, la soussignée est amenée à rejeter le reproche formulé par le demandeur suivant lequel le ministre n’aurait pas procédé à un examen approfondi, individuel et impartial de sa situation au sens de l’article 10, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel : « […] (3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que : a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement […] ». En effet, il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’il a été invité à exposer les raisons pour lesquelles il avait sollicité une protection internationale au Luxembourg, ainsi que les raisons de son départ de son pays d’origine, l’agent ministériel chargé de son audition l’ayant plus particulièrement interrogé sur les problèmes qu’il aurait personnellement rencontrés au Maroc, ainsi que sur les persécutions et atteintes graves qu’il y aurait subies ou qu’il craindrait y subir en cas de retour. Le ministre a, quant à lui, ensuite procédé à un examen approprié en fait et en droit des déclarations faites par Monsieur (A) au cours de son audition en motivant tant sa décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de l’intéressé dans le cadre d’une procédure accélérée que celle portant refus d’une protection internationale dans son chef.

Si le demandeur reproche encore au ministre de ne pas avoir pris en compte son besoin de bénéficier de garanties procédurales spéciales, force est de constater que les développements purement théoriques à cet égard et sans mise en relation avec sa situation personnelle sont à rejeter, la simple allégation selon laquelle il serait une personne vulnérable au vu de ses troubles psychiques sans expliquer la raison pour laquelle il aurait dû bénéficier de garanties procédurales renforcées étant, en effet, largement insuffisante à cet égard.

Quant au fond, la soussignée relève que la décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

10Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

S’agissant plus particulièrement du point a) de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 et afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il échet de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1)1 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 392 et 403 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où 1 « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être : a) l’Etat ; b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ; c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par : a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire. (2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes 11les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2, point g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

12Par ailleurs, il y a lieu de préciser que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire relève de l’absence de protection dans le pays d’origine au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur doit fournir à cet égard la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

En l’espèce, indépendamment de la qualification des faits invoqués, d’une part, et de la crédibilité du récit du demandeur, d’autre part, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure qu’il reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour au Maroc.

Force est de constater que Monsieur (A) a invoqué à l’appui de sa demande de protection internationale (i) le fait qu’il serait poursuivi par un grand réseau de mafieux, dénommé « (AA) », qui géreraient de grands partis politiques et qui lui auraient fait subir des injures et des menaces de mort durant l’exécution de son contrat de travail dans un restaurant à … notamment pour qu’il travaillerait avec eux comme serveur dans ce restaurant4 ainsi que suite à des rumeurs qui auraient été propagées sur lui selon lesquelles il serait membre d’un parti politique israélite sioniste, qu’il serait homosexuel et qu’il serait un terroriste jihadiste, (ii) le fait qu’il aurait été menacé en France et en Belgique alors qu’il lui serait reproché d’être « Israelit », ainsi que (iii) le fait que d’anciens amis et des connaissances marocaines en France et au Maroc5, lesquels n’auraient pas apprécié le fait qu’il ait travaillé dans le restaurant « (AA) » « avec une clientèle impliquée dans des sujets politiques »6, auraient commencé fin septembre 20237 à répandre des rumeurs sur lui selon lesquelles il serait membre d’un parti politique dangereux et qu’il serait homosexuel8, rumeurs qui auraient eu pour conséquence qu’il aurait été menacé de mort dans la rue et à travers des messages en arabe9 sur les réseaux sociaux10. Dans le cadre de son recours, le demandeur a encore fait état de sa crainte d’être condamné au Maroc à une peine d’emprisonnement ou à la peine capitale pour y être considéré comme un homosexuel, voire comme un terroriste jihadiste.

4 Page 4/9 du rapport d’entretien Dublin III.

5 Page 6/11 du rapport d’entretien.

6 Page 8/11 du rapport d’entretien.

7 « Quand exactement est-ce que les rumeurs ont commencé ? Quand j’ai fini de travailler avec ce restaurant, fin septembre 2023. », page 7/11 du rapport d’entretien.

8 Page 6/11 du rapport d’entretien.

9 « Comment est-ce que on vous a menacé ? A travers des contacts directs dans la rue, des messages en arabe par les réseaux sociaux. », page 9/11 du rapport d’entretien.

10 « Ils me menacent de mort si je retourne au Maroc. Ils disent qu’ils appartiennent à des groupes jihadistes. Il y aurait des jihadistes qui appliqueraient le jihad sur moi. Des gens me suivent. », page 7/11 du rapport d’entretien.

13 A titre liminaire, la soussignée constate que Monsieur (A) invoque des craintes de persécutions et d’atteintes graves tant par rapport à son pays d’origine, le Maroc, que par rapport à la France et la Belgique. Dans la mesure où la question de savoir si un étranger craint avec raison d’être persécuté ou de subir des atteintes graves doit être examinée par rapport au seul pays dont celui-ci a la nationalité11 et que Monsieur (A) a exclusivement la nationalité marocaine, seule sa situation en cas de retour au Maroc doit être prise en considération à l’exclusion des faits qui se seraient déroulés en France et en Belgique. Il s’ensuit que l’ensemble des faits invoqués par rapport à ces deux derniers pays, à savoir le fait qu’il aurait subi des injures et des menaces de mort durant l’exécution de son contrat de travail dans le restaurant « (AA) » à … de la part des propriétaires dudit restaurant qui seraient des mafieux du réseau portant le même nom ou encore le fait qu’il aurait reçu des menaces de mort dans la rue à cause des rumeurs qui courraient sur lui selon lesquelles il serait un membre d’un parti israélite sioniste, un homosexuel ou encore un terroriste jihadiste, sont d’ores et déjà à rejeter pour ne pas être pertinents.

En ce qui concerne ensuite la crainte de Monsieur (A) de retourner dans son pays d’origine à cause des problèmes auxquels il y serait confronté en raison des rumeurs qui y seraient répandues sur lui comme quoi il serait un membre d’un parti israélite sioniste, un homosexuel ou encore un terroriste jihadiste, le demandeur craignant, en effet, plus particulièrement d’y subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CEDH de la part d’anciens amis et des connaissances marocaines en raison desdites rumeurs sur son appartenance politique, ses croyances religieuses et son orientation sexuelle, force est tout d’abord de constater que la crainte ainsi avancée ne revêt en tout état de cause pas le degré de gravité requis pour être qualifiée d’acte de persécution ou d’atteinte grave au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015. En effet, le demandeur se contente de faire état de menaces de mort qui auraient été proférées à son encontre en 2023 via les réseaux sociaux de la part d’anciens amis et de connaissances en France et au Maroc, sans spécifier plus concrètement qui seraient ces personnes12, respectivement expliquer en quoi auraient précisément consisté ces menaces, étant, à cet égard, relevé que les seules photos versées en cause reproduisant des messages en langue arabe de la part de personnes non identifiées sont largement insuffisantes pour combler ce manque. Or, en l’absence de toute information plus circonstanciée concernant surtout l’identité des auteurs desdites menaces, les craintes invoquées par le demandeur doivent être considérées comme étant purement hypothétiques et non fondés.

Ensuite, force est de constater que les auteurs des menaces de mort qui auraient été proférées à l’encontre de Monsieur (A), à savoir d’anciens amis et de connaissances au Maroc non autrement spécifiés, sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat. Le demandeur ne peut dès lors faire valoir une crainte fondée d’être persécuté, respectivement un risque réel de subir des atteintes graves que si les autorités marocaines ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective contre les agissements dont il fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ou s’il a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine.

11 Trib. adm., 15 décembre 2004, n° 18573 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 129 et les autres références y citées.

12 « Ce sont des connaissances que je connaissais de loin, et des anciens amis à moi. », page 7/11 du rapport d’entretien.

14En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut13.

Or, force est de constater que le demandeur n’a jamais dénoncé ses agresseurs auprès de la police marocaine, respectivement auprès d’une autre autorité de son pays d’origine. En effet, à la question de l’agent ministériel de savoir si le demandeur a déposé une plainte auprès d’une autorité contre les agissements de ces anciens amis ou connaissances, celui-ci a répondu sans équivoque par la négative14. La soussignée relève, à cet égard, que si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas tenté lui-même formellement d’obtenir une telle protection. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’actes physiques ou mentaux, communément la forme d’une plainte. Ainsi, à défaut d’avoir déposé une plainte, le demandeur ne saurait reprocher aux autorités marocaines compétentes une absence de protection contre les agissements ces personnes.

A cet égard, la soussignée relève qu’il se dégage des explications de la partie étatique, pièces internationales à l’appui, que des menaces proférées sont à considérer comme des infractions de droit commun, commises par des personnes privées et punissables selon la loi marocaine et notamment en ses articles 425 à 431 du Code pénal marocain, de sorte qu’il doit être admis que les autorités marocaines sont bien compétentes pour accorder au demandeur une protection contre les menaces de mort proférées de la part de ces personnes.

Il s’ensuit que Monsieur (A) ne démontre pas qu’il ne pourrait pas rechercher une protection au Maroc contre les agissements de la part de ces anciens amis ou connaissances marocains. En tout état de cause, si jamais après son retour au Maroc, le demandeur devait être confronté à des représailles de la part de ces personnes, il lui appartiendrait de s’adresser aux autorités marocaines afin que celles-ci engagent des poursuites par rapport à ses doléances, étant à cet égard encore relevé que si Monsieur (A) était d’avis que la police ne traite pas ses doléances avec le sérieux nécessaire, il se dégage des explications étatiques non contestées par le demandeur qu’il aura toujours la possibilité de s’adresser à un autre commissariat de police, à des instances supérieures, ou encore au médiateur marocain.

Dès lors, la soussignée est amenée à conclure que le demandeur n’a manifestement pas établi un défaut de protection de la part des autorités étatiques marocaines, de sorte qu’au moins l’une des conditions d’octroi du statut de réfugié et du statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie dans son chef, étant relevé que les simples affirmations non autrement développées du demandeur dans son recours selon lesquelles il n’aurait pas recherché une protection dans son pays d’origine alors que des personnes, dont des anciens amis à lui, l’auraient également menacé15 ou encore que les groupes mafieux seraient 13 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

14 Page 7/11 du rapport d’entretien.

15 Page 9 du recours.

15susceptibles d’exercer une influence sur les autorités étatiques16 ne sont manifestement pas suffisantes pour retenir le contraire.

En ce qui concerne enfin ses craintes d’être condamné au Maroc à une peine d’emprisonnement voire à la peine de mort en raison de sa prétendue homosexualité, respectivement en raison de sa prétendue qualité de terroriste jihadiste, force est à la soussignée de constater que Monsieur (A) invoque cette allégation de manière vague et laconique sans produire un quelconque élément qui permettrait de retenir qu’il se trouverait effectivement dans le collimateur des autorités marocaines en raison de son orientation sexuelle ou de ses croyances politiques ou religieuses. Il s’ensuit que les craintes invoquées à cet égard par le demandeur sont à qualifier de purement hypothétiques, le demandeur ayant d’ailleurs affirmé lui-même lors de son entretien qu’il serait faussement accusé par des personnes non autrement spécifiées d’être homosexuel ou d’être un terroriste, tout en précisant, dans ce dernier contexte, qu’il n’aurait pas de croyances spécifiques mais de croire en un créateur17.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance. Dès lors, dans la mesure où il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre s’est basé sur le point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 pour statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, le reproche du demandeur selon lequel le ministre aurait omis de se baser sur les points c), d), e) ou j) de cette même disposition est à rejeter pour être non fondé.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur est resté en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.

16 Page 12 du recours.

17 Page 8/11 du rapport d’entretien.

16Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer les dispositions de l’article 3 de la CEDH.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 5 mai 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

17condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juin 2025 par la soussignée, Alexandra Bochet, vice-président au tribunal administratif, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52894
Date de la décision : 16/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-16;52894 ?

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