AFFAIRE : N RG 08 / 02132
Code Aff. : ARRET N J B. C G.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance d'ALENCON en date du 26 Juin 2006-
RG no 03 / 1150
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE
ARRET DU 18 NOVEMBRE 2008
APPELANT :
Monsieur Michel X...
...-61003 ALENCON CEDEX
représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assisté de la SELAFA BLAMOUTIER SALPHATI et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS plaidant par Me GOLDMIC
INTIMES :
Madame Marie, Lisette Y..., prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur Louis Z..., né le 21 / 01 / 1992 à ALENCON
... 75016 PARIS
Monsieur Philippe Z...
7 Rue Raffet 75016 PARIS
Monsieur Charles Z...
... 75016 PARIS
représentés par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistés de la SCP CHAPRON-YGOUF-LANIECE, avocats au barreau de CAEN
La SA AGF VIE
87 Rue de Richelieu 75002 PARIS
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués
assistée de Me LE MERCIER, avocat au barreau d'ALENCON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur,
Madame BEUVE, Conseiller,
Monsieur VOGT, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 16 Octobre 2008
GREFFIER : Madame GALAND
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2008 et signé par M. BOYER, Président, et Madame GALAND, Greffier
* * *
Par jugement du 26 juin 2006, le tribunal de grande instance d'Alençon a dit que M. Michel X..., agent général de la compagnie AGF, a manqué à son devoir de conseil envers Mme Y... et déclaré dans le principe la compagnie AGF civilement responsable envers Mme Y... des fautes commises par Monsieur X... dans l'exercice de son mandat dans l'hypothèse où ces fautes conduiraient à des condamnations financières, et sursis à statuer jusqu'en juin 2007 sur le surplus des demandes.
Le tribunal a relaté que :
– M. Georges Z... est décédé en 1998 laissant pour héritiers ses trois fils mineurs Charles, Louis et Philippe soumis à l'administration légale sous contrôle judiciaire de leur mère, Mme Y...,
– les mineurs étaient bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie souscrit par leur père et pour lequel Mme Y... s'est adressée à M. X..., lequel a proposé le placement des fonds sur un compte d'assurance-vie à taux minimal garanti, placement autorisé par le juge des tutelles sur un compte « module épargne »,
– puis Mme Y... ès qualités a été autorisée par ordonnance du 1er août 2000 à vendre pour un prix minimum de 8 500 000 F les actions que possédait M. Z... dans une société SOPA, à charge pour elle de déposer aussitôt le produit des fonds encaissés sur un compte productif d'intérêts ouvert au nom de chacun des mineurs et de présenter au juge des tutelles dans le délai d'un mois suivant ce versement une requête pour l'emploi de ces fonds,
– le 29 août 2000, Mme Y... a reçu au nom de ses trois enfants la somme de 6 700 000 F de la société Lecomte Publicité, acquéreur des actions de la société SOPA ; elle a encaissé ces fonds sur un compte à son nom personnel puis, dès le 31 août 2000, reversé ladite somme entre les mains de Monsieur X...,
– cette somme transmise le 31 août 2000 à la compagnie AGF par Monsieur X... a été investie sur un compte de capitalisation dénommé Tellus au nom de Madame Y... ; ce contrat souscrit pour une durée de huit ans était composé de différentes valeurs qualifiées " équilibre " à hauteur de 80 % et " dynamisme " pour 20 %.
Il faut préciser pour mieux comprendre la suite que le contrat Tellus était déjà ouvert, et que le versement de 6 700 000 F a fait l'objet d'un avenant.
Le tribunal a relevé des fautes commises par Mme Y... notamment en encaissant sur un compte personnel et en investissant sous son nom les capitaux appartenant à ses enfants mineurs en violation de la décision du juge des tutelles, sans protester lorsqu'il a été rendu compte de l'évolution de son compte, ni réagi aux courriers qui lui rendaient compte de la gestion de ces placements. Il a également relevé que de son côté M. X... avait conscience de cette situation, connaissant de longue date M. Z... et sa compagne qu'il appelait " Lisette " dans certain courrier.
Il a estimé que M. X... a manqué à son devoir de conseil. Il a aussi considéré que la compagnie AGF était civilement responsable vis-à-vis des consorts Z... des fautes commises par M. X....
Mais il a sursis à statuer en l'attente du terme du contrat module épargne.
Il a également sursis à statuer sur le préjudice allégué par Mme Y... à titre personnel et, sur le recours en garantie de la compagnie AGF, jugé qu'il ne pouvait être statué sur cette action récursoire tant que l'action principale ne pouvait être tranchée.
M. X... conclut à l'infirmation de la décision en ce que le tribunal avait décidé qu'il avait manqué à son devoir de conseil envers Mme Y... et demande de juger qu'il n'a commis aucune faute et que Mme Y... n'est pas fondée à recourir en son encontre parce que le préjudice résulte de sa propre attitude. Plus subsidiairement, il demande de juger qu'il n'est pas à l'origine de l'éventuel préjudice subi par les consorts Z... et de débouter la compagnie AGF de son action récursoire.
Il reproche au premier juge d'avoir, tout en stigmatisant les fautes de Madame Y..., déplacé la question en estimant qu'il avait commis une faute consistant à avoir laissé Mme Y... placer les fonds litigieux alors qu'il aurait nécessairement eu connaissance que ceux-ci appartenaient aux enfants, sans tirer les conséquences de droit qui s'imposaient du non-respect par Mme Y... des préconisations du juge des tutelles.
Il estime que se pose donc nécessairement la question de la validité du contrat d'assurance litigieux souscrit par Mme Y... sans y être autorisée par le juge des tutelles et que le tribunal n'a pas tiré les conséquences de cette situation « en prononçant la nullité du contrat ».
Il détaille l'attitude de Mme Y... et leur contradiction avec les décisions du juge. Il estime ne pas être personnellement responsable du fait que Mme Y... a agi comme elle l'a fait en violation de cette décision du juge et invoque la règle " nemo auditur propriam turpitudinem allegans " en faisant remarquer que si Mme Y... avait respecté ses propres obligations le débat n'aurait pas lieu d'être.
Enfin, il invoque la faute de Monsieur Thierry A... qui était inspecteur de la compagnie AGF, à qui il a retransmis le chèque de 6 700 000 F, qui aurait signé en lieu et place de Mme Y... le bulletin de versement, et qui a procédé à l'établissement d'un avenant constatant le nouveau versement alors qu'à réception de cet avenant lui-même s'est rendu compte qu'en dépit des indications qu'il avaient données, les 6 700 000 F avaient été investis sur les fonds « AGF équilibre » et « AGF dynamisme », supports qui avaient été retenus à l'occasion de la souscription initiale du contrat le 6 juillet précédent, et qu'il a demandé de placer ces sommes sur le fonds garanti. Il considère que si une faute a été commise, elle l'a été par Monsieur A... salarié de la compagnie AGF qui a eu en sa possession les mêmes éléments que son mandataire. Subsidiairement, il invoque une absence de faute causale étant selon lui démontré que Monsieur A... d'une part, a demandé sans y avoir été autorisé en remplissant aux lieux et place de Mme Y... un bulletin de versement, l'affectation des sommes sur les supports « AGF dynamisme » et « AGF équilibre », d'autre part et surtout n'a pas pris les dispositions nécessaires pour que les fonds soient réaffectés sur un support garanti alors qu'une telle demande lui avait été formulée sans délai, sa demande n'ayant pas été suivie d'effet.
La compagnie AGF conclut à la réforme de la décision dont appel et à sa mise hors de cause, et, subsidiairement, à la condamnation de M. X... à la garantir de toute condamnation.
Elle relate que :
- le 31 août 2000, M. X... a adressé à Monsieur A..., inspecteur AGF, une correspondance le priant de " bien vouloir trouver sous ce pli le placement Tellus à affecter... ",
- des correspondances ont été échangées avec M. X... sur son taux de rémunération,
- le 25 septembre 2000, la direction assurance des personnes des AGF a adressé à Mme Y... l'avenant de versement sur le compte Tellus retraite numéro... des 6 700 000 F répartis 80 % en AGF équilibre et 20 % AGF dynamisme, document reçu par Mme Y... et remis par celle-ci à M. X..., à qui il avait été aussi communiqué,
- le 17 octobre 2000, suite à une demande de Mme Y... un avenant est établi stipulant qu'elle serait bénéficiaire du contrat en cas de vie,
- le 8 mars 2001, M. X... a écrit à Monsieur A... en se plaignant d'erreurs de commissionnement et en ajoutant « je reste toujours dans l'attente de l'annule et remplace de la précédente affaire de 6, 7 M. F. »,
- le 8 février 2002, M. X... écrit à Mme Y...
« Chère Lisette,
Je fais suite à nos entretiens et te prie de bien vouloir trouver sous ce pli une situation arrêtée au 07. 02.
Au regard de cette situation, nous pouvons observer :
- Une parfaite performance de 11, 2 % des placements des enfants qui répond à nos attentes.
- Un quasi maintien global de la somme investie (nette de frais) de tes placements ce qui conforte l'orientation que nous avons voulue et atténue très largement les effets de la tourmente des places boursières à l'heure actuelle.
- Mon conseil sera donc d'opérer des retraits sur les contrats... et... dans l'attente d'une remontée annoncée des cours... »
- le 12 février 2002 un fax 21 AGF B... / A... porte « annule et remplace du contrat concernant les 6, 7 M. F. en reprenant le taux de chargement prévu. Placement sur fonds garanti car ces fonds appartiennent aux enfants dans l'attente du règlement de la succession. Nous ferons une ressortie et réaffectation après cette opération donc tout le monde y retrouve ses petits, non ? »
- le 6 novembre 2002, M. X... écrit aux AGF : « Je vous prie de bien vouloir trouver sous ce pli une demande pour rachat partiel du contrat... (il s'agit du contrat TELLUS de Mme Y...)... »,
- le 9 décembre 2002 Mme Y... a remis à M. X... une lettre contestant le placement et faisant mention de l'appartenance des fonds aux enfants,
- le 23 décembre 2002 Monsieur X... écrira à M. C... AGF assurances à Rennes affirmant avoir retourné le contrat pour un « annule et remplace ».
La compagnie souligne les fautes commises par Mme Y..., femme d'affaires avisée puisque présidente de société, et le caractère tardif de la réclamation intervenue le 23 décembre 2002 ; elle estime que sa véritable intention était de placer les fonds sur des unités de compte risquées pour réaliser des rendements importants.
Elle souligne également que c'est seulement le 9 décembre 2002 que Mme Y... a fait apparaître que les fonds appartenaient aux enfants. Alors que dans le courrier du 8 février 2002, M. X... faisait la distinction entre les placements des enfants et les placements de Mme Y..., soulignant que pour que M. X... " ait pu commettre une faute, il eû (t) fallu qu'il connaisse l'appartenance des fonds aux enfants mineurs et qu'il accepte malgré tout de transmettre les fonds pour placement ou non uniquement de Mme Y... et sur des placements à risque. "
Elle estime qu'il n'apparaît pas démontré que M. X... a commis une faute et que, s'il en avait commis une, la société serait fondée à solliciter sa garantie.
Elle conteste avoir commis une quelconque faute.
Elle s'oppose à toute indemnité au profit de Mme Y....
Mme Y... conclut à la confirmation de la décision sauf à préciser qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée.
Elle affirme avoir naturellement fait appel à M. X..., proche de la famille et dont l'épouse est la marraine d'un de ses fils, aux fins de placer les fonds, celui-ci suggérant des contrats d'assurance-vie pour une durée de huit ans dénommés modules d'épargne placements sans risques assis sur le fond général de la compagnie, et que « au terme d'une seconde ordonnance du Juge des tutelles en date du 1er août 2000, Madame Y... a été autorisée à vendre pour un prix minimum de 8 500 000 frs les actions que possédait Monsieur Z... dans une société SOPA à charge pour elle de déposer aussitôt le produit des fonds encaissés sur un compte productif d'intérêts ouverts au nom de chacun des mineurs et de présenter au juge des tutelles, dans les délais d'un mois suivant ce versement, une requête pour l'emploi des fonds. » et que le 29 août 2000, elle a « reçu au nom de ses trois enfants par deux chèques, la somme de 6 700 000 frs..., le prix des actions de la société SOPA pas qu'elle encaissera sur un compte personnel Athéna, ouvert spécialement sur les conseils de Monsieur X... pour des raisons présentées comme administratives (mais qui, en réalité, lui permettait de percevoir une commission) pour la reverser dès le 31 août entre les mains de Monsieur X... afin de placement en un chèque à l'ordre des AGF, » mais qu'elle a été stupéfaite de constater que le produit de cette cession avait été investi sur des supports risqués.
Elle s'affirme novice en affaires, et dépourvue de tout niveau d'études, démarchée par M. X... qui l'avait invitée à lui confier les fonds après le décès de son mari et explique par ce climat de confiance son absence de réaction lorsqu'elle a appris que les fonds avaient été placés sans qu'elle en ait donné l'ordre sur le compte Tellus.
Elle soutient ne pas avoir signé le bon de versement. Elle explique la modification de bénéficiaire en cas de décès en raison de discorde avec sa fille et invoque un document à l'en-tête de M. X... selon lequel ce versement avait été « effectué dans l'attente d'une réaffectation dont le montant serait déterminé d'une part au regard de la succession en cours et d'autre part de la décision de M. LE JUGE DES TUTELLES au profit des enfants Z... ». Elle invoque le courrier adressé par M. X... à la compagnie AGF, à l'attention de Monsieur Jacques D..., en date du 23 décembre 2002 en ces termes : « je fais suite à nos différents entretiens...
1) Il y a un versement d'une somme importante issue de la vente de la société SOPA dont les parts appartiennent aux enfants de Mme Y...
2) Il y a une demande de placement de ces fonds à titre provisoire auprès de notre agence sur un support sans risques compte tenu de ce qui précède. Thierry ne saurait ne pas reconnaître cette situation dans le sens où il connaissait particulièrement bien M. Z... de son temps, c'était un des meilleurs clients de l'agence avec qui nous entretenions des relations commerciales régulières.
3) j'adresse les fonds à l'inspection pour établissement du contrat. Établissement compagnie puisque je demandai une dérogation de statistique. Qui plus est je n'établissais pas les TELLUS en agence.
4) A réception du contrat je me rends compte d'une erreur de statistique et retourne le contrat à Thierry pour un annule et remplace. Je me rends compte ensuite d'une erreur de choix de support et téléphone et écris à Thierry qui se charge de contacter la Compagnie.
5) Après moult appels à Thierry, il me confirme qu'une dénommée Mme E... fait le nécessaire, j'attends toujours les documents.
A ce jour, un entretien a eu lieu avec la cliente qui, catastrophée me remet un courrier confirmant sa volonté originelle ainsi que la copie de l'Ordonnance du Juge des tutelles.
Je confirme donc l'ensemble de mes entretiens et courriers avec l'inspection qui avait, je le maintiens, obtenu par oral lors de son passage à la Tour Athéna, l'accord de remplacement de cette affaire. ».
Elle en conclut qu'il avait été convenu d'une annulation-remplacement de l'opération est estime établi qu'elle ait demandé un placement sur un support sans risques.
M. Philippe et Charles Z... concluent avec leur mère qui agit également pour son fils mineur Louis Z....
Par ordonnance du 3 septembre 2008, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture.
L'affaire étant venue à l'audience, il a dit son rapport avant les plaidoiries.
SUR QUOI
1) Sur la validité du placement et son annulation
Attendu que Madame Y... conteste avoir signé le bordereau de placement ; mais que les premiers juges ont justement apprécié son attitude ultérieure confirmant sa volonté de procéder à ce placement, notamment la réception de l'avenant portant sur le dépôt de 6 700 000 F, réception qui n'est pas contestée, et la demande de changement de bénéficiaire, Mme Y... en cas de vie, suivant courrier de la compagnie du 17 octobre 2000 ; que les explications de Mme Y... sur une difficulté relationnelle avec sa fille n'affectent pas cette réalité ;
Qu'en outre, la production de l'original n'a pas été demandée, et que la photocopie versée au dossier ne permet pas d'analyser la contestation de signature ;
Attendu que le fax du 12 février 2002, cité par la compagnie AGF, émane en réalité de M. X... ; que la mention de M. B... est en réalité " fait suivre par B... " ; qu'il ne s'agit donc que d'une demande de M. X... ; que si celui-ci mentionne l'accord de M. A..., cela n'établit pas que M. A... ait eu le pouvoir de procéder à cette annulation, et donc que l'accord de celui-ci dépasse l'engagement de procéder à des démarches en ce sens ;
Attendu que le document dont fait état Mme Y... et ses fils pour établir l'annulation du placement est un récapitulatif de démarches et de discussions rédigé par M. X... ;
Qu'il reste à savoir s'il engage la compagnie ;
Que dans ce document du 23 décembre 2002, M. X... ne fait que retracer un ensemble de discussions et de courriers ; qu'il se garde de prononcer l'annulation du contrat, ne prétendant pas en avoir le pouvoir ; que la seule affirmation est que " l'inspection " avait « obtenu par oral lors de son passage à la tour Athéna l'accord de remplacement de cette affaire » ; que M. X... était agent général et non inspecteur ; que l'inspecteur était M. Thierry A... ; que M. X... ne fait donc que témoigner des propos qui proviendraient de M. Thierry A... ;
Que par ailleurs, il affirme s'être rendu compte d'une erreur de choix de support, mais ne s'explique pas sur cette erreur dans la mesure où dans sa transmission du 8 mars 2001, il transmettait bien un contrat Tellus « je te prie de bien vouloir trouver sous ce pli la proposition de placement Tellus de MME Y... accompagné de son règlement de 1. 2 MF » ; qu'il est constant que ce type de contrat n'offrait pas de garantie ;
Attendu que le rapport est compliqué par les demandes multiples de M. X... qui sollicitait aussi des modifications de statistiques, terme sous lequel s'entendent les pourcentages de sa rémunération ;
Attendu surtout qu'il a fait état d'une modification des supports ; mais que la question n'est pas principalement celle des supports financiers qui ne font d'ailleurs l'objet d'aucune analyse, sans que M. X... ou une autre partie n'explicite quels autres supports moins risqués pouvaient soutenir le contrat Tellus ; que dans ces courriers, M. X... ne dit pas quels autres supports il aurait fallu retenir ; que la question principale est celle des garanties de revenus ou de cours dont le contrat devait bénéficier, s'agissant de fonds pupillaires ;
Qu'il n'est pas prétendu que ce contrat Tellus ait compris une telle garantie ;
Attendu qu'en réalité, la pièce concernant les démarches d'un éventuel changement de contrat consiste en un échange de mail entre M. A... et M. F... Commissaire à la direction technique assurances de personnes ;
Que le 23 mars 2001, M. A... écrivait à propos de ce contrat qui aurait été émis avec un taux de chargement érodé (erroné ?) « lors de mon passage à la Tour ATHENA et de mon entretien avec Mme E... au téléphone nous avions convenu d'un annule et remplace en date du 19 juillet 2000 afin de ne pas pénaliser la cliente et l'Agent » ; que la copie de la réponse de M. Commissaire versé au dossier, tronquée sur sa partie gauche, peut être lue ainsi « Pour moi, le versement a donc été émis correctement.
Le problème que poserait aujourd'hui une annulation puis une ré-émission de ce versement est qu'il nous oblige à annuler les 2 prélèvements des frais de gestion de 0, 25 % passés sur les contrats 23 / 10 / 2000 et 23 / 02 / 2001. Une telle annulation représenterait une perte d'environ 30 000 FRF pour la compagnie qui s'ajouterait à la renonciation à 1, 70 % de chargement sur prime soit environ 46 000 FRF, ce qui n'est pas acceptable pour nous.
Voici ce que je vous propose :
Pour le versement de 3. 000. 000 FRF, qui n'a semble-t-il pas été saisi, et les versements suivants, l'agent peut baisser sa commission (à 0, 2 % pour les 3. 000. 000 FRF par exemple et à un taux à définir pour les suivants) afin de compenser le surplus touché pour le versement de 6 700 000 FRF (surplus de 0, 70 % soit 46 900 FRF).
Qu'en pensez-vous ? » ;
Attendu que M. A... n'étant pas plus explicite sur la conversation lors de laquelle il aurait été convenu d'un " annule et remplace ", ces documents ne peuvent apparaître que comme des documents de travail internes n'engageant pas la compagnie AGF à l'égard de la cliente ;
Attendu en conséquence qu'aucune annulation conventionnelle ne peut être retenue ;
2) Sur la responsabilité de M. X... et de la compagnie AGF à l'égard de Messieurs Z...
Attendu que les conclusions prises par Mme Y... expriment que M. X... connaissait parfaitement la situation et qu'il savait donc que les destinataires des fonds étaient les enfants de M. Z... et de Mme Y...
Que le tribunal a fondé sa décision sur cette connaissance ;
Attendu qu'à aucun moment de ses conclusions, M. X... ne formule de démenti ;
Que la connaissance de la situation par M. X... est confirmée par les démarches qu'il avait effectuées auprès du juge des tutelles pour un placement antérieur conforme à la décision du juge ;
Que d'ailleurs, dans les courriers qu'il échange avec l'inspecteur et la compagnie, il ne prétend jamais avoir ignoré les destinataires des fonds, faisant seulement état d'une erreur qu'il ne décrit pas ;
Que la cour retient donc cette connaissance ;
Attendu que l'argumentation principale de M. X... est formulée à l'encontre de Mme Y... ; mais que cela n'affecte pas le préjudice éventuellement subi par les trois enfants de M. Z... ;
Qu'en connaissant la situation, M. X... a commis la faute de mettre en oeuvre un placement au nom d'une personne dont il savait qu'elle ne pouvait y consentir comme elle l'a fait ;
Attendu que M. X... ne prétend pas que Mme Y... ait sollicité la nullité du contrat et n'explique pas comment le tribunal aurait pu la prononcer sans qu'elle fût demandée ;
Que Messieurs Z... ne la sollicitent pas devant la cour ;
Attendu d'ailleurs que si un préjudice est constitué, il faudra le réparer avec ou sans nullité du contrat ; que cela n'affecte donc pas la caractérisation des fautes à ce moment de la procédure ;
Attendu par ailleurs que, outre sa connaissance des décisions du juge des tutelles, M. X... a commis la faute de procéder à un placement dépourvu de garantie alors que ce placement était destiné à des mineurs ayant reçu les fonds de leur père défunt, ce qui commandait une prudence particulière qu'il ne prétend pas avoir mise en oeuvre ; qu'il ne prétend à aucune mise en garde particulière sur ce placement et son absence de garantie ;
Attendu que ces fautes ont participé à la souscription de ce contrat et donc à la production du dommage si l'évolution du placement révèle un tel dommage ;
Que les fautes reprochées à Mme Y... ne font pas obstacle à l'éventuelle responsabilité de M. X... à l'égard de Messieurs Z... ;
Attendu en revanche que ces fautes engagent, sous la même réserve, la responsabilité de la compagnie AGF envers Messieurs Z..., M. X... ayant agi en qualité d'agent de cette compagnie, donc en tant que mandataire ;
Attendu que dans ses conclusions, M. X... ne reprend pas l'affirmation contenue dans ses courriers selon laquelle le placement résulterait d'une erreur ; mais qu'à supposer cette affirmation exacte, l'erreur d'avoir confondu un placement comportant une garantie et un placement n'en comportant pas envers des mineurs pour des fonds pupillaires caractériserait également une faute susceptible d'engager sa responsabilité et celle de la compagnie sa mandante ;
3) Sur la responsabilité de M. X... à l'égard de la compagnie AGF
Attendu que M. X... ne prétend pas avoir avisé la compagnie lors de la transmission du dossier des véritables bénéficiaires des sommes ainsi employées ; qu'il ne l'a donc pas avisée de l'irrégularité qu'il commettait, et ne l'a pas mise en mesure de réagir au caractère pupillaire des fonds placés ; que de telles fautes sont de nature à engager la responsabilité de M. X... envers la compagnie AGF pour la mauvaise exécution de son contrat ;
Que, si on se réfère à une erreur de contrat, M. X... aurait alors montré une incompétence pouvant également engager sa responsabilité à l'égard de sa mandante ;
Attendu que pour se dégager de cette responsabilité, M. X... impute des fautes à M. A..., salarié de la compagnie AGF ;
Qu'il lui reproche d'avoir investi la somme qu'il lui avait transmise sur les fonds AGF « équilibre » et AGF « dynamisme » et émis l'hypothèse qu'il ait signé le bulletin de versement ; qu'il ne s'agit que d'une hypothèse sans offre de preuve, hypothèse qui ne mérite donc pas d'examen ;
Qu'il lui reproche encore de ne pas avoir émis un avenant annulant et remplaçant le placement ;
Attendu cependant que si M. X... avait transmis un contrat de souscription Tellus, la compagnie pouvait refuser l'annulation ultérieure de ce contrat, annulation que les consorts Z... ne demandent d'ailleurs pas ;
Attendu que, même si le défunt était client de l'agence, il n'est pas établi que M. A... ait alors connu les véritables destinataires des fonds et la prudence qu'imposait le caractère pupillaire de ces fonds ; qu'il reste que M. X... avait adressé ces fonds pour être placé sur un contrat Tellus sans préciser qu'il fallait l'assortir d'une garantie ; qu'il ne prétend pas qu'un tel contrat ait comporté habituellement une telle garantie ; mais qu'il ne prétend pas non plus que les fonds AGF « équilibre » et AGF « dynamisme » aient été inhabituels dans un tel contrat ; que M. A... a donc pu employer ainsi les sommes en leur affectant la destination correspondant au courrier d'accompagnement de M. X... ;
Attendu que pour la suite, il n'est pas établi que M. A... ait eu l'obligation d'agir pour faire modifier ce contrat, et qu'en outre, l'échange de courriels avec M. Commissaire montre qu'il l'a tenté ; que M. X... ne dit rien de cet échange de courriels, où la réponse de M. Commissaire supposait un sacrifice sur ses commissions ;
Attendu en conséquence que les reproches adressés par M. X... à l'encontre de M. A... ne sont pas établis ; qu'ils n'empêchent donc pas l'action récursoire de la compagnie AGF, et n'affectent pas le lien de causalité entre les fautes qu'il a lui-même commises et le préjudice si ce préjudice est avéré au terme du contrat ;
4) Sur le dommage de Mme Y...
Attendu que le dossier ne permet pas de déterminer quelles étaient les demandes précises de Madame Y... devant le tribunal ;
Qu'il est donc nécessaire de surseoir à statuer ;
Attendu que l'apparente différence de montants des actions de la société SOPA dans l'autorisation de vente et dans le prix perçu n'est pas dans le débat ; mais qu'elle justifie un contôle accru du juge des tutelles auquel le présent arrêt sera communiqué ;
Attendu qu'eu égard à la situation des parties, il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société AGF Vie pour cette procédure d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Alençon en ce qu'il a constaté l'existence de fautes commises par M. Michel X... à l'encontre de Messieurs Louis, Philippe et Charles Z... alors représentés par Mme Y...,
Le confirme également en ce qu'il a retenu que la compagnie société AGF Vie était responsable des fautes de son agent d'assurances M. Michel X...,
Y ajoutant, déboute M. Michel X... de ses prétentions à faire juger que la responsabilité de la société AGF vie est engagée à son égard est interdit tout recours de celle-ci à son encontre en raison de faits attribués à M. Thierry A...,
Confirme le jugement en ce qu'il a sursis à statuer pour le surplus,
Condamne M. Michel X... à payer à Messieurs Charles Philippe et Louis Z..., ce dernier représenté par sa mère Mme Y... ensemble, la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour cette procédure d'appel,
Le condamne aux dépens avec application l'article 699 du code de procédure civile.
Ordonne la transmission du présent arrêt au juge des tutelles de Paris- 16e arrondissement.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
C. GALANDJ. BOYER