DT/SB
Numéro 19/1066
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 14/03/2019
Dossier : N° RG 17/01595 - N° Portalis DBVV-V-B7B-GRID
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
G... K...
C/
SAS LA CLINIQUE [...]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Janvier 2019, devant :
Madame THEATE, Président
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur G... K...
[...]
[...]
Représenté par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU
et Maître BALOUP de la SELARL CABINET MICHELET, avocat au barreau de PARIS,
INTIMEE :
SAS LA CLINIQUE [...] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, au siège de la société [...]
[...]
Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU et Maître ARANDA Christine de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de Paris
sur appel de la décision
en date du 21 AVRIL 2017
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F 15/00283
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SA COLISÉE PATRIMOINE GROUP (ci-après désignée SA COLISÉE) a pour activité principale les soins de suite et de réadaptation pour personnes âgées polypathologiques dépendantes ou à risque de dépendance.
Elle relève de la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif.
Par contrat à durée indéterminée à temps partiel du 03 avril 2000, Monsieur G... K... a été engagé par la Clinique [...] en qualité de médecin neurologue.
Par jugement du 26 mai 2014, le tribunal de commerce de Bayonne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société clinique de [...].
Le groupe COLISÉE a présenté une offre de reprise qui a été acceptée le 3 novembre 2014.
Un nouveau directeur a été recruté en la personne de M. B..., le 20 avril 2015.
Les relations se sont rapidement dégradées entre le nouveau directeur de la clinique et Monsieur G... K..., qui a été placé en arrêt maladie le 31 juillet 2015 et n'a plus jamais repris son poste.
Au terme des deux visites de reprise effectuées en juin et juillet 2016, ce salarié a été déclaré définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise.
Le salarié ayant refusé les neuf propositions de reclassement que lui avait communiquées l'employeur, il a été convoqué à se présenter, le 21 novembre 2016, à un entretien préalable à son éventuel licenciement.
La SA COLISÉE lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 novembre 2016.
Cependant et dès le 21 août 2015, Monsieur G... K... avait saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne pour obtenir l'indemnisation du harcèlement moral dont il se déclarait victime.
La tentative de conciliation ayant échoué, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement, où le demandeur a complété ses prétentions initiales d'une demande de nullité de licenciement et de dommages et intérêts subséquents.
La SA COLISÉE a conclu au débouté du salarié de l'intégralité de ses prétentions, à sa condamnation aux dépens et au versement d'une indemnité de procédure.
Par jugement du 21 avril 2017, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Bayonne, section encadrement, statuant en formation paritaire, a :
* dit que Monsieur G... K... n'a fait l'objet d'aucun acte de harcèlement au cours de sa relation de travail ;
* débouté en conséquence Monsieur G... K... de sa demande d'annulation de son licenciement et de l'ensemble des demandes indemnitaires formulées à ce titre ;
* débouté Monsieur G... K... du surplus de ses demandes ;
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné Monsieur G... K... aux entiers dépens de l'instance.
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Par déclaration transmise par voie électronique le 27 avril 2017, l'avocat de Monsieur G... K... a fait appel de ce jugement, au nom et pour le compte de son client, à qui il avait été notifié le 22 avril 2017.
**************
Dans le dernier état de ses conclusions transmises par voie dématérialisée le 07 janvier 2019, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur G... K... demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau :
* de juger qu'il a été victime de la part de son supérieur, d'agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral se caractérisant par :
- une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ;
- une altération de sa santé mentale ;
- une atteinte à son avenir professionnel au sein de la clinique [...] ;
* de prononcer la nullité de son licenciement ;
* de condamner la SAS La Clinique [...] à lui payer les sommes de :
- 200.000 € en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement ;
- 25.000 € en réparation du préjudice économique libéral lié au harcèlement ;
- 38.233,44 € à titre de préavis conformément aux dispositions de la convention collective applicable à un cadre supérieur ayant 16 ans et demi d'ancienneté ;
- 9.877,82 € à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés soit
°11.470,04 € pour 45 jours de congés payés restant dus à la date du licenciement ;
° 3.823,34 € pour les congés payés sur le préavis ;
° dont à déduire 5.415,56 € versés ;
- 33.232,03 € à titre de solde d'indemnité de licenciement, soit 89'253,36 € dus en application des dispositions de la convention collective applicable à un cadre supérieur ayant 16 ans et demi d'ancienneté dont à déduire le montant versé (56'021,33 €) ;
- 76.466,92 €, soit 12 mois de salaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
- 160.090 € de manque à gagner en ce qui concerne la retraite ;
* d'assortir le montant des condamnations de l'intérêt légal avec anatocisme ;
* de condamner la SAS La Clinique [...] au paiement d'une indemnité de procédure de 25.000 € ;
* de débouter la SAS La Clinique [...] de toutes ses demandes reconventionnelles notamment celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* de condamner la SAS La Clinique [...] aux entiers dépens.
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Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 31 décembre 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA COLISÉE demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et par voie de conséquence :
* de débouter Monsieur G... K... de l'ensemble de ses prétentions ;
* de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3000 € outre les dépens.
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L'ordonnance de clôture porte la date du 09 janvier 2019.
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MOTIFS
Sur la recevabilité des conclusions de Monsieur K... transmises par voie électronique le 09 janvier 2019 à 11h 02
Selon l'article 15 du Code de procédure civile :
'Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.'
Selon l'article 16 al. 1 du même Code :
'Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.'
L'ordonnance de clôture ayant été reportée du 06 juin 2018 au 09 janvier 2019 à 14 heures 10 (date d'ouverture de l'audience de plaidoirie) la SA COLISÉE a demandé à la cour d'écarter des débats les dernières conclusions transmises par l'appelant, par voie électronique le matin même de l'audience de plaidoirie.
Il importe cependant d'observer que ces conclusions avaient pour seul objet de répondre à une exception d'incompétence matérielle soulevée pour la première fois par la SA COLISÉE dans des conclusions transmises par voie électronique le 08 janvier 2019 à 14h33.
Dès lors et sauf à écarter des débats les dernières conclusions transmises par la SA COLISÉE, les conclusions en réponse de Monsieur K... du 9 janvier 2019 sont jugées recevables.
Sur l'exception d'incompétence de la cour pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur G... K... au titre de la perte de droits à la retraite
L'article 74 alinéa 1 du Code de procédure civile dispose :
'Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.'
En l'occurrence la SA COLISÉE soulève l'incompétence de la cour pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur K... au titre de la perte de droits à la retraite en faisant valoir que cette prétention relève de la compétence exclusive des juridictions de sécurité sociale et non des juridictions prud'homales.
Outre le caractère inopérant de cette exception devant la cour qui est juridiction d'appel des juridictions en charge du contentieux de sécurité sociale comme des juridictions prud'homales, Monsieur K... relève à juste titre que la SA COLISÉE avait conclu au fond, au débouté de l'appelant de cette demande, dans des conclusions transmises par voie électronique le 31 décembre 2018 en ces termes :
'L'indemnisation d'un préjudice ne peut avoir lieu que lorsque ce préjudice est né certain et actuel. Or force est de constater que cette soudaine demande d'un montant exorbitant au titre d'un préjudice d'une espérance d'encore 20 ans' n'est ni né ni certain ni actuel.'
La défense au fond opposée par la SA COLISÉE dans ses conclusions n° 3 transmises le 31 décembre 2018, rend irrecevable l'exception d'incompétence soulevée pour la première fois par conclusions n° 4 transmises le 08 janvier 2019.
Sur le harcèlement moral
Le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1154-1 du Code du travail, que dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'occurrence Monsieur K... énonce dans un tableau récapitulatif une série de 37 griefs fondés sur des faits ayant eu lieu entre l'arrivée de Monsieur B... le 20 avril 2015 et le 1er décembre 2016 qui peuvent être regroupés sous les rubriques suivantes :
** la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire à l'encontre du Docteur P... (procédure de licenciement disciplinaire);
* une organisation du service sans concertation : mise en place d'un nouveau système informatique ; modifications incessantes et inopinées par voie d'affichage des plannings et des consignes concernant les astreintes ;
* des reproches injustifiés liés à de prétendus retards dans :
- la transmission du formulaire d'accident de travail, et corrélativement, les déclarations tardives, par l'employeur, d'accidents du travail survenus les 24, 27 et 31 juillet 2015 ;
- la transmission de comptes rendus de sortie des patients,
* l'absence de réponse à une demande de formation en gériatrie,
* la suppression d'un bureau médical,
* la modification de ses périodes de congé,
* des revirements et refus de paiement d'heures supplémentaires,
* des tentatives de modification du contrat de travail (8 juillet 2015, 24 juillet 2015) ;
* des reproches, menaces, relatifs à l'aménagement du temps de travail,
* des erreurs répétées en matière de calcul de salaires et de primes,
* une procédure de reclassement et de licenciement délibérément irrégulière et vexatoire ;
dont il incombe à Monsieur K... de justifier de la matérialité.
A cet égard, il importe de rappeler que seul des faits concernant Monsieur K... personnellement, sont susceptibles de laisser supposer des agissements de harcèlement moral. Doit ainsi être écartée la procédure disciplinaire dirigée à l'encontre du Docteur P.... Il en va de même des décisions générales relatives à l'organisation de l'ensemble du service, qui constituent des actes de gestion du personnel, ou relatifs au fonctionnement de l'établissement qui relèvent du pouvoir de direction de l'employeur. Tel est le cas :
* de la mise en place d'un nouveau système informatique, dès lors que cette évolution technologique s'est en outre accompagnée d'une formation dispensée à l'appelant (3h30 en vue d'un familiarisation avec le nouveau logiciel) ;
* des modifications des plannings et consignes dont Monsieur K... ne saurait reprocher à la direction d'en assurer la diffusion par voie d'affichage sans expliquer en quoi ce mode de communication relèverait du harcèlement. Il ne ressort pas non plus des écritures et explications de l'appelant que les modifications critiquées le concerneraient exclusivement ou principalement ou qu'elles ne seraient pas liées à de banales contraintes de service.
Il convient également d'écarter l'absence de réponse à la demande de formation en gérontologie réclamée par Monsieur K..., pour valider cette spécialité, dans une lettre du 11 juillet 2015, qu'il analyse comme un refus de formation attentatoire à ses droits (article L 6322-1 du Code du travail) et dès lors constitutive, d'un agissement caractérisant un harcèlement moral.
La SA COLISÉE oppose qu'un délai de 15 jours seulement s'est écoulé entre le moment où Monsieur K... a notifié sa demande et celui où il a été placé en arrêt de travail pour ne plus jamais rejoindre son poste, aucun refus formel ne lui ayant été opposé. En tout état de cause l'employeur expose que ce médecin avait déjà suivi une formation sur ce thème peu de temps auparavant et que cette demande ne correspondait pas aux besoins de l'établissement.
Il n'est pas contestable que le droit individuel à la formation appartient à tous les salariés y compris ceux qui sont employés à temps partiel et que l'employeur ne peut refuser le congé sollicité à cette fin par le salarié mais seulement le différer, sous certaines conditions.
Cependant c'est par une interprétation personnelle et a posteriori que Monsieur K... affirme que l'employeur a 'refusé' sa demande au demeurant quelque peu ambiguë dans sa formulation (la lettre du 11 juillet ne permettant pas de discerner clairement si sa demande avait pour objet une 'formation' ou comme il l'affirme désormais, un 'congé formation'). En effet l'appelant ne justifie d'aucun refus explicite de l'employeur et au regard de la brièveté du délai écoulé entre la présentation de la demande et l'interruption de l'activité de Monsieur K... au sein de la clinique (moins de 20 jours), l'appelant, qui ne peut tirer profit des déclarations de Monsieur B... plusieurs mois après son arrêt de travail (pièce n° 22 de la partie intimée 'Nous n'avons pas besoin d'un autre médecin gériatre. Il aurait pu également suivre cette formation, dans le cadre de son activité libérale'), ne peut analyser ce silence comme la manifestation claire d'un refus. Dès lors les circonstances précitées (ambiguïté de la demande, brièveté du délai d'appréciation) ne permettent pas de considérer que cet élément de fait constitue un manquement de l'employeur 'laissant supposer l'existence d'un harcèlement.'
C'est également à tort que Monsieur K... se prévaut d'un ' refus d'accomplissement d'heures supplémentaires' (et plus précisément complémentaires) opposé par l'employeur au cours de la semaine du 25 au 30 juillet, et de 'revirements de l'employeur constitutifs de brimades' alors qu'il résulte des écritures et des pièces que :
* selon le contrat de travail, des heures complémentaires ne pouvaient être effectuées qu'à la demande expresse et écrite de l'employeur ;
* l'appelant ne justifie d'aucune demande de l'employeur pour la période considérée (la correspondance échangée établissant sans contestation possible que cette demande émanait de l'appelant lui-même),
* l'employeur a répondu favorablement au salarié en s'acquittant du paiement des heures litigieuses dès lors que leur justification lui en a été donnée ;
dont il résulte qu'il n'y a eu ni revirements ni refus et encore mois 'brimades'.
Enfin les transmissions prétendument tardives de déclarations d'accident du travail, ne sont ni développées ni étayées, les documents produits par Monsieur K... (trois pièces enregistrées sous n° 138) étant inexploitables car illisibles. La réalité du grief n'est donc pas établie.
Les autres éléments de fait rapportés par Monsieur K... qui vont être repris ci-dessous, reposent sur des faits matériellement établis ou non discutées. Pris dans leur ensemble ils peuvent d'autant plus laisser supposer qu'il s'agit d'agissements de harcèlement moral, qu'ils se sont produits sur une période de quelques mois seulement, et à l'occasion d'un changement de direction. Il incombe en conséquence à la SA COLISÉE de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Sur les reproches liés à de prétendus retards dans la transmission de documents
S'agissant tout d'abord du formulaire d'accident de travail du 30 juillet 2015, Monsieur K... a fait établir deux certificats médicaux datés du 31 juillet 2015, lui prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 31 août 2015 (pièce 83 et 84 de l'appelant) : l'un par le Docteur O..., l'autre pour un accident du travail survenu le 30 juillet 2015 établi par le Docteur S... qui a été remis à l'employeur le 31 juillet 2015 à 11 heures.
Par courriel du 31 juillet à 17h 57 (pièce n° 15 de l'appelant) Monsieur A... B... a écrit :
'J'accuse réception de votre arrêt de travail ce jour, vendredi 31 juillet à 11h. Il aurait été souhaitable, dans la mesure de vos possibilités, de nous informer directement ou par tout autre moyen, de votre accident de travail dès que cela s'est produit, notamment dans le courriel que vous m'avez adressé hier soir à 22h. Vous étiez d'astreinte toute cette nuit et afin de maintenir la sécurité médicale de nos patients, il aurait fallu que vous nous avertissiez, notamment l'administrateur d'astreinte, pour organiser en conséquence votre absence et assurer votre remplacement. '
Monsieur B... poursuit en expliquant l'inquiétude ressentie tout au long de la matinée, faute d'informations et alors que Monsieur K... était d'astreinte. Dans le dernier paragraphe de son courrier, il rappelle la procédure à suivre en matière de déclaration d'accident du travail, le certificat médical remis ne comportant aucune indication sur le lieu et l'heure et plus généralement sur les circonstances dans lesquelles l'accident allégué serait survenu, l'employeur demandant au salarié de lui communiquer ces informations au plus vite.
Ce courriel se termine ainsi qu'il suit :
'En vous souhaitant un prompt rétablissement.
Bien cordialement.'
Sans contester que le certificat médical du 31 juillet 2015 afférent à l'accident du travail du 30 juillet a été remis à la fin de la matinée du 31, Monsieur K... expose que l'employeur était parfaitement informé de sa situation en arguant de certificats médicaux établis les 24 et 27 juillet. Cette argumentation est cependant inopérante, non seulement parce que les certificats médicaux en cause sont antérieurs à la survenance de l'accident du travail mais aussi parce que l'employeur n'a pu en avoir connaissance dès lors qu'ils ne prescrivaient pas d'arrêts de travail.
De plus, tout salarié a l'obligation d'informer le plus rapidement possible l'employeur de ses absences, même justifiées, afin de limiter les désorganisations qu'elles peuvent occasionner. Monsieur K... n'explique pas ce qui l'a empêché d'avertir son employeur dès la survenance de l'accident du 30 juillet, alors qu'il était d'astreinte, ce qui suffit à justifier l'observation du directeur de l'établissement. Quant à la demande d'information complémentaire, elle était indispensable à la déclaration d'accident du travail que Monsieur K... reproche d'ailleurs - sans aucun élément probant - à son employeur d'avoir tardé à transmettre. Il importe en outre de relever l'expression particulièrement mesurée du 'reproche' formulé et la rédaction parfaitement neutre de ce courriel. En tout état de cause l'employeur démontre suffisamment que ce courriel est étranger à tout acte de harcèlement.
Monsieur K... évoque également le reproche qui lui a été adressé concernant le retard pris par le salarié pour transmettre les courriers de sortie des patients.
Par courriel du 24 juillet 2015 en effet, Monsieur B... lui a écrit :
'Je vous demande également de vous mettre à jour dans les courriers de sortie de vos patients, à savoir qu'à ce jour 6 de vos patients sont sortis d'hospitalisation sans courrier médicaux dont le plus ancien date du 26 juin 2015. Je vous rappelle que la législation nous impose d'envoyer le courrier médical de sortie dans un délai maximum de 8 jours.'
Il importe ici de rappeler qu'il relève du pouvoir de direction de l'employeur de faire respecter la réglementation en vigueur par les salariés placés sous ses ordres.
Or les faits rapportés, qui n'ont pas été dénoncés par Monsieur K... à réception de ce courrier, établissent le manquement de l'appelant au regard :
* des dispositions de l'article R 1112-1 du Code de la santé publique dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce ('A la fin de chaque séjour hospitalier, copie des informations concernant les éléments utiles à la continuité des soins est remise directement au patient au moment de sa sortie ou, si le patient en fait la demande, au praticien que lui-même ou la personne ayant l'autorité parentale aura désigné, dans un délai de huit jours maximum.') ;
* de la notice établie par la Haute autorité de santé relative aux documents de sortie d'hospitalisation, telle que validée le 15 octobre 2014 et particulièrement détaillée (pièce n° 28 de la SA COLISÉE).
Pour s'en défendre, Monsieur K... soutient que, dans la pratique, il était admis que la remise au patient d'une ordonnance 'contenant les éléments utiles à la continuité des soins' suffisait. Il importe d'observer que cette argumentation ne correspond en rien à la réponse de Monsieur K... dans sa lettre du 25 juillet 2015 (pièce n° 15 c de l'appelant) - qu'il ne reprend pas dans ses écritures - où il reconnaissait à la fois son obligation, et sa carence, arguant d'une surcharge de travail.
De plus, aucune pièce ne vient étayer l'existence de la 'pratique' alléguée, contraire à la réglementation sus rappelée. Il sera par ailleurs observé que la formulation employée par l'employeur élude la formulation directe d'un reproche.
Dans l'un et l'autre cas (retard dans le signalement d'un arrêt de travail et dans la transmission des courriers de sortie), l'employeur démontre que les 'rappels' effectués étaient justifiés par des éléments objectifs (la désorganisation du service, le respect de la procédure administrative) étrangers au harcèlement moral.
Sur la suppression d'un bureau médical
Il est établi que le bureau du Docteur P... que partageait Monsieur K... lorsqu'il était présent dans l'établissement, a été affecté à un autre usage (aménagement en salle de repos pour le personnel) concomitamment au départ du Docteur P... tandis que le Docteur K... se voyait attribuer une partie de l'infirmerie (séparée par un paravent) en guise de bureau.
Monsieur K... fait à juste titre valoir que cette décision, caractérise un agissement relevant du harcèlement moral dès lors que :
* ce transfert dans des locaux partagés avec deux infirmières et une aide soignante l'exposait à des nuisances que n'empêchait pas l'installation d'un paravent (bruits, allers venues, atteinte à la confidentialité) et avait un caractère dévalorisant et vexatoire ;
* en dépit de la légitimité du motif de la transformation du bureau des Docteurs K... et P... en salle de repos pour le personnel (apparemment inexistante jusque là), l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il ne disposait pas d'une solution alternative
* cette décision a été prise sans aucune concertation avec les intéressés et en particulier avec le Docteur K... seul concerné par la mesure dans la mesure où le Docteur P... qui envisageait son départ depuis le début de l'année 2015 a été licencié en juillet 2015.
Sur la modification des périodes de congé
L'appelant a déposé :
* une demande de congés le 4 juillet 2015 pour la période du 07 au 16 juillet 2015 ;
* suivie, le 7 juillet 2015, d'une demande de congés du 10 au 23 août 2015.
Un accord a pu être trouvé pour les congés du mois de juillet (décalée du 14 au 22 juillet 2015), mais pas pour ceux du mois d'août (décalés par l'employeur du 17 au 30 août). Monsieur K... considère qu'il s'agit d'une brimade non justifiée par les besoins du service.
La SA COLISÉE invoque le caractère tardif de la demande de congés et son incompatibilité avec les contraintes de service.
Il importe en effet de rappeler que l'organisation des congés payés incombe à l'employeur, qui doit pouvoir disposer d'un délai raisonnable à cette fin a fortiori en cas de maintien de l'activité et de départ en congés par roulement comme en l'espèce.
Or force est de constater tout d'abord le caractère particulièrement tardif de la demande de Monsieur K..., et malgré cela, l'accord trouvé avec l'employeur sur la période de juillet 2015, qui atteste de la bonne volonté de ce dernier.
De plus, le léger décalage de la période de congé du mois d'août, a été communiqué à Monsieur K... pour validation dans les trois jours de la demande, soit le 10 juillet 2015 (pièce n° 1 de la SA COLISÉE).
Il ressort de l'audition de Monsieur B... par l'agent enquêteur de la sécurité sociale (pièce n° 22 de la SA COLISÉE) que ce report d'une semaine était motivé par des raisons de service qui ne sont pas sérieusement remises en cause par Monsieur K..., en effet l'appelant soutient que la période litigieuse aurait pu être valablement assurée par le Docteur R..., alors même que ce médecin n'a été recruté qu'au mois d'août 2015 (pièce n° 6 de la SA COLISÉE). Or ce n'est que par lettre du 24 juillet 2015 soit 15 jours après la proposition de report d'une semaine de l'employeur et à l'issue de sa première période de congé (pièce n° 15 de l'appelant) que le salarié a informé l'employeur qu'il refusait cette modification au motif d'obligations familiales ni précisées ni justifiées. Il ne peut dans ces conditions être fait grief à la SA COLISÉE de ne pas avoir tenu compte de cette réponse tardive étant rappelé que les départs en congés s'inscrivent dans le cadre d'un roulement de personnels et d'effectif réduit, et que l'employeur ne pouvait à l'évidence modifier si tardivement les périodes de congés de collègues ayant pour leur part, communiqué leurs demandes de congé dans les délais compatibles avec l'organisation du service.
Monsieur K... a été informé dès le 28 juillet 2015 en des termes courtois et ouverts au dialogue, que la période de congé du 17 au 30 août était maintenue (pièce n° 15 E de l'appelant), ce dont l'appelant a convenu par courriel du 29 juillet sans plus faire état des 'obligations familiales' précédemment invoquées.
Sur ce point également, l'employeur justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, la décision qu'il a prise.
Sur les tentatives de modification du contrat de travail
Le 9 juillet 2015, la SA COLISÉE a proposé à Monsieur K... de signer un nouveau contrat qui :
* validait le nombre d'heures qu'il effectuait, de fait, depuis plusieurs années (70,20 heures par mois) et qui ne correspondaient pas à la durée mentionnée sur le dernier avenant signé (35,10 heures par mois) ;
* supprimait deux clauses insérées dans le précédent contrat (et son avenant) :
- l'une relative au paiement d'une 'prime exceptionnelle variable en fonction du travail supplémentaire effectué'
- l'autre relative à la totale liberté d'organisation de son temps de travail accordée à Monsieur K... dans l'avenant du 1er janvier 2007 ('compte tenu de la spécificité de sa fonction, le salarié sera libre d'organiser son horaire de travail sous la seule réserve de ne pas dépasser l'horaire hebdomadaire prévu par le présent contrat ') soit 8h10 par semaine.
Monsieur K... invoque : l'absence de légitimité d'une telle demande, les tentatives réitérées de l'employeur pour obtenir gain de cause, le refus qu'il a opposé à la modification de son contrat s'inscrivant dans un contexte de menaces et brimades (le différend relatif aux congés) et constituant le point de départ d'une intensification du harcèlement moral dont il déclare avoir été victime.
La SA COLISÉE expose que cette proposition de modification des contrats de travail relevait d'une volonté d'harmonisation de l'ensemble des contrats de travail des personnels de la clinique. Elle conteste toute pression sur Monsieur K..., et souligne que le refus du salarié de signer son nouveau contrat n'a donné lieu à aucune sanction.
Le contrat de travail comme tout contrat à exécution successive est susceptible de modification à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. Dès lors la seule proposition de modification de ce contrat présentée par l'employeur ne peut être considérée comme fautive.
En l'espèce le contrat proposé par la SA COLISÉE était d'autant moins critiquable que l'une des clauses supprimées (celle relative au versement d' une prime pour le 'travail supplémentaire effectué') pouvait prêter à confusion et laisser entendre que les heures complémentaires seraient réglées au moyen d'une prime, et que l'autre ne répondait plus aux conditions dans lesquelles le contrat avait été signé.
Le grief de Monsieur K... porte non pas sur la suppression de la prime (dont la SA COLISÉE affirme qu'il s'agissait en fait d'un oubli) mais sur la libre organisation des horaires de travail. Il ressort en effet des écritures et des pièces, qu'à compter du mois de janvier 2015 ce différend a constitué le point central de la discorde qui s'est instaurée entre Monsieur K... et la direction de la clinique.
Il est en effet établi qu'à l'origine Monsieur K... était lié à l'établissement dirigé par le Docteur C... Q... T... ([...] ) par un contrat à durée indéterminée à temps partiel comportant un horaire fixe. La clause relative à la libre organisation de ses horaires a été introduite dans son contrat de travail le 1er janvier 2007, lorsque l'établissement de [...] a été scindé en deux, Monsieur K... maintenant son activité dans les deux structures, avec une réduction corrélative de son temps de travail dans chacune d'elles (8h10 par semaine). En raison de cette dichotomie le salarié a bénéficié d'une totale liberté d'organisation de son temps de travail entre les deux établissements.
En 2012, Monsieur K... a cessé toute activité pour l'une des deux entités (celle dirigée par la société FRANCLET) et a reporté ses heures dans l'autre structure (la SCA DIEUDONNE ultérieurement reprise par la SA COLISÉE) revenant ainsi à la situation antérieure, sans que cette modification n'ait donné lieu à une rectification corrélative de son contrat de travail.
Il ne peut dès lors être reproché à l'employeur d'avoir proposé à Monsieur K... de mettre son contrat en adéquation avec les modalités effectives d'exécution du contrat de travail ni d'avoir à cette occasion envisagé la suppression de la clause de l'avenant de 2007 (libre organisation de l'horaire de travail) qui :
* d'une part ne répondait plus aux circonstances dans lesquelles elle avait été convenue ;
* d'autre part était incompatible avec une planification du temps de travail rendue nécessaire par l'organisation d'un service continu de soins et l'intégration à une équipe,
*enfin, constituait un motif de discorde permanent entre l'employeur et le salarié celui-ci invoquant systématiquement cette clause pour refuser de se soumettre au respect d'un quelconque horaire ;
les autres clauses du 'nouveau' contrat (relatives à l'ancienneté, la durée mensuelle du travail effectivement accompli, ou le salaire) ne comportant pas de modification et reprenant pour l'essentiel les dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Quant à 'l'insistance' alléguée du directeur de la clinique pour faire signer ce contrat par Monsieur K... elle n'est pas établie, la prétendue transcription d'un enregistrement - pièce n° 117 de Monsieur K... - d'une conversation ayant eu lieu entre les deux hommes étant dépourvue de valeur probante, non seulement au regard des conditions dans lesquelles cet enregistrement a été effectué mais également au regard de celles dans lesquelles sa restitution a été opérée.
Au demeurant la seule circonstance d'une discussion entre les deux hommes sur les modifications qui cristallisaient leur désaccord ne saurait caractériser une pression exercée par l'employeur sur le salarié pour le contraindre à signer une convention qui ne lui convenait pas étant établi qu'à la suite du refus notifié par Monsieur K..., de donner suite à cette proposition de modification, l'employeur n'a pas tenté de le faire changer d'avis.
L'appelant affirme que ce différend a été le facteur déclenchant du harcèlement moral qu'il a subi sans préciser les agissements qu'il aurait engendré, et alors que plusieurs de ceux dont il se plaint sont antérieurs au refus qu'il a opposé à l'employeur.
L'argumentation confuse et imprécise développée à cet égard par le salarié ne répond pas à l'obligation qui lui incombe de 'faire état' d'éléments de faits précis et identifiables.
En cet état, il y a lieu d'admettre que l'employeur démontre que la proposition de modification du contrat répondait à des motifs étrangers à tout harcèlement moral et que les pressions et représailles auxquelles le refus du salarié de l'accepter, auraient donné lieu ne reposent sur aucun élément de fait établi.
Sur les reproches injustifiés relatifs au respect des horaires de travail
Arguant de la clause de son contrat de travail lui accordant une totale liberté dans l'organisation de son horaire de travail à la condition de ne pas dépasser la durée de travail convenu, Monsieur K... a toujours refusé de se soumettre à un quelconque horaire, considérant 'qu'il suffisait que ses horaires soient compatibles avec le fonctionnement du service ' dont il se faisait juge. Ce comportement a donné lieu de la part de l'employeur à plusieurs lettres de mise en garde : 8 juillet 2015, 24 juillet 2015, 28 juillet 2015...
Pour l'appelant ces reproches réitérés et injustifiés et les menaces de sanction dont ils étaient assortis, caractérisent le harcèlement moral dont il a été victime.
Cependant et comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, la liberté de fixation des horaires dont bénéficiait Monsieur K... ne peut s'entendre, au regard de la nature de son emploi et des conditions dans lesquelles il s'exerçait, comme la faculté accordée au salarié de s'affranchir de toute contrainte, ce que sous entend la mise en demeure adressée le 25 juillet 2015 par le conseil de Monsieur K... à la SA COLISÉE 'd'annuler sans délai toutes consignes, notes de service ou planning violant' la clause litigieuse.
La SA COLISÉE expose en effet à juste titre que la nécessité de 'prévoir' les horaires du médecin chef s'impose afin de :
* permettre aux infirmières et cadre de santé de fixer, en l'absence de ce responsable, les rendez-vous des patients ;
* pouvoir organiser une permanence dès lors que l'admission de tout nouveau patient suppose qu'il soit impérativement vu par un médecin à son arrivée ;
* plus généralement de garantir, par une organisation des temps d'intervention de chaque salarié, la continuité des soins à laquelle est astreinte la clinique aussi bien au cours de la journée que de la semaine.
Il importe par ailleurs d'observer que :
* cette exigence minimale n'a jamais posé problème à Monsieur K... avant le mois de juillet 2015 alors même que ces 'consignes notes de service ou planning' sont bien antérieurs à cette date.
* en écrivant le 07 juillet 2015 'nous avons ensemble , en fonction des 6 heures de travail par semaine du Dr W..., programmé mes 15 heures de travail hebdomadaires dans une nouvelle grille horaire' Monsieur K... faisait la démonstration qu'il avait accepté le principe de ces 'plannings' ;
* les pièces produites et la correspondance échangée témoignent d'ailleurs de ce que les plannings hebdomadaires étaient établis en concertation avec Monsieur K... ;
* les reproches adressés à Monsieur K... portent sur le non-respect des horaires fixés en concertation.
Monsieur K... ne peut dans ce contexte reprocher à l'employeur de lui avoir fait grief de ne pas respecter les plannings et consignes horaires qu'il avait lui même déterminés (lettre du 24 juillet 2015, planning annoté par Monsieur K... : pièce n° 12 de la SA COLISÉE ; tableau d'astreinte de 2014 : pièce n° 19 ) ni a fortiori voir dans ces reproches la manifestation d'un harcèlement moral, en sorte que là encore, l'employeur démontre par des éléments objectifs que ses reproches étaient guidés par des préoccupations d'organisation de service et de continuité de soins, étrangers à tout harcèlement moral.
Sur les erreurs répétées en matière de calcul du salaire et des primes
Monsieur K... invoque sur ce point la suppression à compter du mois d'octobre 2015 d'une prime d'un montant de 686,02 €, ce fait étant constant et non contesté.
Il soutient que cette suppression est injustifiée au regard des dispositions de la Convention collective nationale qui garantissent le maintien du salaire en cas d'incapacité temporaire totale de travail et de la jurisprudence relative à l'exigibilité des primes dès lors qu'elles remplissent les conditions de fixité, généralité et constance.
La SA COLISÉE expose que la prime litigieuse dite de 'continuité de soins' qui était liée à l'exécution d'une tâche particulière n'était pas due dès lors que cette tâche n'était pas accomplie, que sa suppression était donc justifiée en cas d'absence du salarié.
Le contrat de travail de Monsieur K... stipule en effet le versement d'une prime de '4.500 Frs prime exceptionnelle dont le montant est variable en fonction du travail supplémentaire effectué'
De plus la Convention collective de l'hospitalisation privée pose le principe du droit au maintien de 'la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé pendant la période d'incapacité de travail' (article 84-1 de la Convention collective de l'hospitalisation privée :
'Pour les salariés non cadres et cadres, ceux-ci percevront :
- pendant 90 jours consécutifs ou non par année civile : 100 % de la rémunération nette qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé pendant la période d'incapacité de travail ;
- au-delà de 90 jours, maintien en net de 80 % de la rémunération brute sur la base de la moyenne des rémunérations des 6 derniers mois précédant la période indemnisée, et ce durant l'incapacité temporaire indemnisée par la sécurité sociale').
Par rémunération il convient d'entendre non seulement le salaire de base mais également les primes constituant des compléments de salaire telles que celle accordée au salarié par le contrat de travail.
La suppression de cette prime pendant l'arrêt de travail de M. K... n'est donc pas justifiée par l'employeur.
Il importe cependant de relever que :
* d'une part l'appelant ne critique pas les premiers juges qui ont retenu, pour écarter cet élément, que le règlement des primes était assuré par le versement des indemnités journalières calculées sur l'ensemble des éléments (dont les primes) constituant la rémunération perçue avant l'arrêt de travail et ne produit aucune pièce propre à contredire cette analyse ;
* le salarié n'a jamais signalé à l'employeur une telle anomalie dont il lui appartient, pour le motif précité, de rapporter la preuve alors même qu'il ne formule aucune demande distincte en paiement d'un solde restant dû à ce titre, dans le cadre de la présente instance - voir dispositif des dernières conclusions - ;
ces éléments de fait ajoutés à la circonstance que la suppression en cause est nécessairement postérieure à la dégradation de l'état de santé qui a déterminé les arrêts de travail du salarié, démontrent que le 'manquement' de l'employeur n'a eu aucune incidence sur l'état de santé du salarié et ne peut en conséquence s'interpréter comme un acte de harcèlement moral au sens de la loi.
S'agissant enfin des 'erreurs de calcul' des salaires, Monsieur K... n'apporte aucune précision ni argumentation, qui permettraient de les distinguer de la suppression alléguée de la prime.
Sur la procédure de reclassement prétendument irrégulière et vexatoire
Monsieur K... a été déclaré définitivement inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise au terme d'une seconde visite du médecin du travail en date du 15 juillet 2016.
L'appelant reprend devant la cour les mêmes arguments que soutenus en première instance (le médecin du travail n'a pas été avisé d'un poste disponible au sein du groupe ni des dernières propositions qui lui ont été faites ; l'absence de consultation des délégués du personnel ; le caractère inadapté à sa qualification des propositions faites par la SA COLISÉE ; un poste disponible à [...] ne lui a pas été proposé) sans critiquer le jugement qui les a rejetés pour des motifs pertinents ni préciser en quoi les éléments allégués seraient vexatoires ou révélateurs de harcèlement moral.
Il convient en premier lieu de relever que la procédure de reclassement engagée par l'employeur a débuté plus d'un an après le placement de Monsieur K... en arrêt de travail et ne peut donc être à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant motivé cet arrêt.
Surtout, le médecin du travail n'avait pas à être consulté sur une proposition de poste qui à l'évidence ne répondait pas aux capacité restantes du salarié (tel le poste de médecin dans le centre de [...] dirigé par Monsieur B...) ni les délégués du personnel sur les propositions de reclassement du salarié, le caractère professionnel de l'inaptitude n'ayant pas été retenu par le médecin du travail ni établi au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et aucune information n'ayant été communiquée à l'employeur pour établir le contraire.
Quant à l'inadéquation des neuf propositions de reclassement que Monsieur K... a refusées, elle n'est pas davantage démontrée et ne repose que sur les seules allégations de Monsieur K.... Il importe d'en relever le caractère particulièrement précis et détaillé (pièce n° 2 de la SA COLISÉE).
Ni la nature de ces propositions (postes de médecin coordonnateur) ni la manière dont elles ont été présentées n'ont un quelconque caractère vexatoire en sorte que là encore la gestion de la procédure de licenciement apparaît étrangère à tout harcèlement moral.
Dès lors si la dégradation de l'état de santé de Monsieur K... est suffisamment démontrée par les pièces médicales produites par le salarié, le seul élément de fait pour lequel l'employeur n'est pas en mesure de démontrer qu'il ne relève pas du harcèlement moral (le transfert du bureau de l'appelant dans l'infirmerie) constitue un acte isolé qui est insuffisant à établir le harcèlement moral allégué par l'appelant.
Le jugement qui a débouté Monsieur K... de ce chef de demande est en conséquence confirmé.
Sur les autres demandes financières
Monsieur K... réclame le versement d'une somme de 38.233,44 € à titre de préavis.
Cependant, et comme l'a exactement jugé le conseil de prud'hommes, aucun préavis n'est dû en cas de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle puisque le salarié est dans l'incapacité d'exécuter ce préavis. La demande est en conséquence dépourvue de fondement, et c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur K... de cette demande.
Sur le solde de congés payés
L'appelant expose qu'un solde de 45 jours de congés payés ne lui a pas été payé, auxquels s'ajoutent des congés payés sur le préavis soit une somme réclamée de 11.470,04 € dont à déduire la somme versée à ce titre 5.415,56 €.
Selon les bulletins de salaire versés aux débats au mois d'octobre 2016, le salarié disposait d'un solde global de 59,5 jours, alors que sur le mois de novembre 2016 au cours duquel le salarié a acquis au compteur 2,5 jours supplémentaires, seuls 34 ont été réglés. Ainsi le salarié est bien fondé à réclamer la régularisation de 28 jours de congés payés.
Sur la valorisation de ces congés en l'absence de tout développement ou explication dans le calcul opéré par le salarié, il convient de se référer au bulletin de salaire, lequel indique une valeur journalière de 159,28 €.
En revanche il ne peut prétendre à l'octroi d'une indemnité compensatrice de congés payés pour la période de préavis qu'il n'a pu exécuter du fait de l'inaptitude non professionnelle à occuper son emploi.
Le premier juge doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de la demande formulée à ce titre et l'employeur condamné à verser à ce dernier la somme de 4.459,84 € au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés.
Sur le rappel d'indemnité de licenciement
L'article 47 de la convention collective applicable dispose :
' Tout salarié licencié alors qu'il compte au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise à la date de son licenciement a droit, sauf faute grave, lourde ou force majeure, à une indemnité de licenciement, distincte du préavis, calculée dans les conditions ci-après :[...]
b) Cadres
Cadres comptant moins de 5 ans d'ancienneté :
- 1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction de cadre.
Cadres comptant 5 ans d'ancienneté et plus :
- 1/2 mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction de cadre jusqu'à 5 ans ;
- 1 mois de salaire pour chacune des années suivantes dans la fonction de cadre.
Le temps passé, le cas échéant, en qualité de non-cadre sera pris en compte, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, selon le barème défini au paragraphe a.
En cas d'année incomplète ces indemnités seront proratisées.
Etant précisé que le montant de l'indemnité ci-dessus ne pourra dépasser, pour les cadres, l'équivalent de 12 mois de traitement calculés dans les conditions ci-après, porté à 15 mois pour les cadres ayant plus de 15 ans d'ancienneté.
c) Salaire de référence :
Le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité est le 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse, la moyenne des 3 derniers mois, étant précisé que toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne sera prise en compte que prorata temporis.
Monsieur K... soutient qu'il devait percevoir une indemnité de licenciement représentant 14 mois de salaire, déterminée à partir de la moyenne des trois dernières rémunérations antérieures à son arrêt de travail, soit 6.372,24 €. Il réclame à ce titre un solde d'indemnité de 33.232,03 €.
La SA COLISÉE estime que le salarié a été rempli de ses droits, l'indemnité ayant été calculée à partir d'un salaire de référence de 4001,52 €, et d'une ancienneté de 16,5 années.
Il est d'abord constant que l'employeur a versé au salarié la somme de 56.021,33€ à titre d'indemnité de licenciement, l'ancienneté plus favorable calculée par l'employeur, soit 16 ans et 6 mois est également un élément acquis aux débats.
Dans la mesure où le contrat de travail a été suspendu pour maladie au cours des derniers mois précédant la rupture du contrat, il convient de se référer, pour l'appréciation du salaire de référence à la période précédant l'arrêt de travail, du 01 juillet 2014 au 30 juin 2015. Sur cette période la moyenne la plus avantageuse est celle des 3 mois, les salaires, tels qu'ils sont d'ailleurs repris à la pièce 103 produite par le salarié, correspondent à une moyenne du 01 avril 2015 au 30 juin 2015 de 6.215,65 €.
La formule de calcul conventionnelle doit dès lors se décliner comme suit :
(5 x 0,5 x 6.215,65) + (11,5 x 6215,65) = 87.019,10 €
Après déduction de l'indemnité déjà versée (56.021,33 €), la SA COLISÉE reste devoir, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 30.997,77 € au titre du solde d'indemnité de licenciement.
Sur la demande relative au calcul prévisionnel de la retraite
Cette demande n'est que le corollaire de la demande de nullité du licenciement, fondée sur le harcèlement moral. Elle suppose en tout état de cause et a minima que le licenciement ait préalablement été jugé sans cause réelle et sérieuse. Monsieur G... K... ayant été débouté de sa demande de nullité du licenciement et celui-ci apparaissant à la fois régulier et fondé sur un juste motif, la demande tendant à l'indemnisation du 'manque à gagner en ce qui concerne la retraite' de Monsieur G... K... doit également être écartée.
Sur les demandes accessoires
Chaque partie succombant partiellement, il appartient à chacune de supporter la charge de ses propres dépens. Les circonstances du litige ne justifient pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :
DÉCLARE recevables les conclusions transmises par voie électronique le 09 janvier 2019 à 11h 02 pour le compte de Monsieur G... K... ;
DÉCLARE irrecevable et REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par la SA COLISÉE relativement à la demande de dommages et intérêts de Monsieur G... K... au titre de la perte de droits à la retraite ;
CONFIRME le jugement dont appel sauf en ce qu'il a débouté Monsieur G... K... de ses demandes de complément d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de congés payés ;
ET STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS :
CONDAMNE la SA COLISÉE à payer à Monsieur G... K... les sommes suivantes :
- 30.997,77 € à titre de solde d'indemnité de licenciement ;
- 4.459,84 € à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés ;
Y AJOUTANT :
DÉBOUTE Monsieur G... K... de sa demande tendant à l'indemnisation du 'manque à gagner au titre de la retraite' ;
REJETTE les prétentions respectives fondées sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE chaque partie à supporter la charge de ses propres dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,