AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Gelfinger a confié la défense de ses intérêts à la SCP d'avocats Alquie-Vincent-Liebgott (la SCP) dans le cadre d'une instance prud'homale ; qu'un jugement l'a condamnée à payer à un ancien salarié diverses indemnités alors que son avocat ne s'était pas présenté à l'audience ; que la société Gelfinger a relevé appel, mais que, reprochant des négligences à son avocat, elle a fait choix d'un nouveau conseil auquel la SCP n'a transmis que tardivement les pièces du dossier et que l'instance d'appel a été déclarée périmée ; que la société Gelfinger a fait assigner la SCP pour voir dire que par ses négligences successives elle l'avait empêchée de faire valoir ses droits et la voir en conséquence condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre par la décision de première instance ; que l'arrêt attaqué (Pau, 5 octobre 1999), après avoir retenu la faute de la SCP, a débouté la société Gelfinger de ses demandes ;
Attendu que cette dernière fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en estimant que le préjudice de la société Gelfinger n'était pas caractérisé dès lors que cette dernière ne démontrait pas qu'elle aurait pu obtenir satisfaction en cause d'appel tout en constatant que du fait de son avocat elle n'avait pas été représentée en première instance, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher si la perte de chance ne consistait pas pour cette société dans le fait de ne pas avoir vu son dossier jugé contradictoirement, aurait privé sa décision de base légale au regard des article 1147 et 1984 et suivants du Code civil ;
2 ) qu'en estimant que la responsabilité de la SCP n'était pas engagée au titre de la péremption d'instance intervenue, dès lors que le nouvel avocat désigné par la société Gelfinger aurait pu, ayant reçu les pièces utiles deux mois avant la date de la péremption, prendre des mesures utiles pour l'éviter, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée, si la SCP, tenue à un devoir de conseil, avait informé l'avocat nouvellement désigné de l'imminence de la date de péremption de l'instance, aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1984 du Code civil ;
Mais attendu, qu'après avoir relevé que la société Gelfinger faisait valoir dans ses conclusions que, sans avoir à demander à la cour d'apprécier quelles auraient été les chances de succès de sa thèse si elle avait été soutenue, il n'en restait pas moins que son absence de défense constituait pour elle une perte de chance et, à tout le moins ne lui avait pas permis d'avoir un juste procès, la cour d'appel a exactement énoncé qu'il appartenait à cette société de démontrer qu'elle avait des chances non de voir la cour connaître de son appel mais d'obtenir satisfaction en cause d'appel ; qu'ayant souverainement constaté que cette preuve n'était pas rapportée par la société Gelfinger, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de la débouter de ses demandes à l'encontre de la SCP ; que le moyen, non fondé en sa première branche, est, par suite, inopérant en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gelfinger aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Gelfinger et la condamne à payer à la SCP Alquie, Vincent, Liebgott la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille trois.