Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 2076 du Code civil, ensemble les articles L. 342-11 et L. 342-12 du Code rural ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, le privilège ne subsiste sur le gage qu'autant que ce gage a été mis et est resté en la possession du créancier ;
Attendu que, par acte du 13 avril 1992, M. X... a constitué au profit de la société Coopérative Coopasso, dont il était l'adhérent, un warrant agricole sur sa récolte de céréales 1992 pour garantir le remboursement d'une ouverture de crédit de 255 000 francs que celle-ci lui consentait ; que l'acte stipulait que M. X... s'engageait à livrer à cette coopérative le produit de sa récolte et qu'en cas de violation de cet engagement, il serait redevable, à titre de clause pénale, d'une indemnité d'un montant égale à 15 % de la valeur de la récolte détournée ; que ce warrant a été transcrit le 17 du même mois sur un registre spécial au greffe du tribunal d'instance de Bazas ; que M. X... a utilisé l'ouverture de crédit pour commander d'avril à fin juillet 1992 des marchandises à la Société intercoopérative d'Aquitaine (SICAQ), filiale de la coopérative Coopasso ; qu'ayant vendu sa récolte de maïs à la société Cérécole " Letico ", il a signé, le 25 septembre 1992, une délégation de paiement autorisant celle-ci à régler directement, à concurrence de 300 000 francs, au Syndicat agricole Cadillac, la valeur de cette récolte ; que la société Cérécole " Letico ", qui a reçu livraison du maïs le 13 octobre 1992, a remis, le jour même, un chèque de 300 000 francs au Syndicat agricole de Cadillac ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 14 octobre 1992, les sociétés Coopasso et SICAQ ont informé le syndicat qu'elles étaient porteurs d'un warrant agricole sur la récolte de M. X... et lui ont demandé de " bloquer " le règlement ; que le Syndicat agricole de Cadillac n'ayant pas donné suite à cette lettre, son compte a été crédité le 19 du même mois du montant du chèque ; qu'en 1993, les sociétés Coopasso et SICAQ ont assigné M. X..., la société Cérécole " Letico " et le Syndicat agricole de Cadillac en paiement de deux sommes, l'une de 187 416,31 francs en principal, dont M. X... était débiteur au 17 mai 1993 envers le porteur de warrant et, l'autre, de 40 722,01 francs, au titre de la clause pénale ; qu'après la mise en redressement judiciaire de M. X..., en octobre 1993, et le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Cérécole " Letico " en 1994, l'arrêt attaqué a ordonné la disjonction de la demande formée contre cette dernière, fixé à 253 024,16 francs le montant de la créance des sociétés Coopasso et SICAQ sur M. X... et condamné le Syndicat agricole de Cadillac à payer à ces deux sociétés ladite somme ;
Attendu que pour condamner le Syndicat agricole de Cadillac à paiement envers les sociétés Coopasso et SICAQ, la cour d'appel a relevé qu'il aurait appartenu au Syndicat agricole de Cadillac, dès la réception le 14 octobre 1992 de la lettre l'informant de l'existence du warrant, de " bloquer " le règlement du chèque et de se mettre en rapport avec les porteurs de warrant ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la récolte warrantée avait été vendue à l'amiable et livrée à un tiers au mépris des droits du créancier warrantiste et alors qu'en ce cas, ce dernier ayant perdu par l'effet d'une telle vente, le gage sur le produit de la récolte que lui conférait le warrant régulièrement publié, ne pouvait reporter son droit de préférence sur le prix de vente amiable dû par l'acquéreur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant le Syndicat agricole de Cadillac à paiement, l'arrêt rendu le 29 avril 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.