Vu la requête enregistrée par télécopie le 16 février 2012 et par courrier le 20 mars 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me D...E... ; M. B...demande à la Cour :
- d'annuler le jugement n° 1003160 rendu le 16 décembre 2011 par le tribunal administratif de Toulon ;
- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 147 717,01 € au titre de rappels de salaires depuis 1999, de 17 210, 05 € au titre de la prime de précarité, de 48 344, 28 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de 120 000 € pour préjudice moral avec intérêts au taux légal ;
- de procéder à la requalification des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée ;
- de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
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Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille en date du 10 mai 2012 par laquelle la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B...a été rejetée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013,
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,
- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeE..., pour M.B... ;
1. Considérant que M. B...a été recruté par la direction des services fiscaux du Var, à compter du 18 juin 1999, dans le cadre de multiples contrats à durée déterminée, pour exercer, selon les cas, les fonctions de concierge-gardien ou agent de bureau ; que son dernier contrat expirait le 20 décembre 2003 ; que M. B...a été victime d'un accident du travail le 17 décembre 2003 ; que son dernier contrat n'a pas, à terme, été renouvelé ; que, par une lettre en date du 2 septembre 2010, M. B...a, par l'intermédiaire de son avocat, demandé le paiement de rappel d'heures qu'il aurait effectuées entre 1999 et 2003, le versement d'une prime de précarité, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat ; qu'une décision implicite de rejet est née sur cette demande ; que, par la présente requête, M. B...interjette appel du jugement en date du 16 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête de plein contentieux ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre intimé :
2. Considérant que si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soulève une fin de non-recevoir tirée de ce que M. B...n'aurait pas joint à sa requête la copie de sa demande préalable, il résulte, en tout état de cause, des pièces du dossier de première instance que ladite demande a été produite ;
Sur les conclusions tendant au rappel de traitements :
3. Considérant, d'une part, que lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis de l'intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés ;
4. Considérant, d'autre part, que le cours de la prescription peut être interrompu par une demande ou réclamation en paiement qui a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ;
5. Considérant que s'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une lettre en date du 12 mai 2005 qui s'est révélée infructueuse, M. B...a, le 17 août 2005, saisi le tribunal administratif de Nice d'un recours tendant à l'annulation de la décision en date du 25 février 2004 par laquelle la direction des services fiscaux du Var lui avait octroyé sept mois d'indemnisation au titre du chômage, ce recours portait sur une créance distincte de celle dont il demande réparation dans le cadre de la présente instance ; que, par ailleurs, si M. B...se prévaut d'une lettre en date du 3 février 2004, il se bornait par celle-ci à demander à son administration la communication de ses différents contrats sans solliciter le règlement de rappels de salaires dont il se serait estimé créancier ; que, s'il ressort des pièces du dossier et, notamment d'une lettre de l'administration fiscale en date du 28 janvier 2004 que le requérant avait, à plusieurs reprises, fait part à son administration de difficultés de compréhension s'agissant du nombre d'heures qui lui avaient été réglées, il n'est nullement établi qu'il aurait adressé à ladite administration une demande de paiement dans le délai de prescription quadriennale sus-rappelé ; qu'enfin, si M. B...se prévaut également, dans le dernier état de ses écritures, de la saisine, le 30 novembre 2008, du conseil des prud'hommes de Toulon, celle-ci, intervenue au-delà du délai de prescription quadriennale susmentionné pour les services accomplis entre 1999 et 2003 n'a pu interrompre ledit délai de prescription ; que, par suite, la demande de paiement adressée le 2 septembre 2010, au titre des rappels de salaires dus entre 1999 et 2003, était tardive, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'indemnisation de préjudices afférents à la précarité de la situation de M. B...entre 1999 et 2003 :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : "La présente directive vise à mettre en oeuvre l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)" ; qu'aux termes des stipulations de la clause 5 du même accord-cadre relative aux mesures visant à prévenir l'utilisation abusive des contrats à durée déterminée : "1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. 2. Les Etats membres après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée : a) sont considérés comme " successifs " ; b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée" ;
7. Considérant que M. B...fait valoir que la réglementation nationale applicable aux contrats qu'il a conclus avec la direction des services fiscaux du Var était contraire aux dispositions précitées de la directive du 28 juin 1999 dont le délai de transposition expirait le 10 juillet 2001 ; que, toutefois, il ne résulte pas desdites dispositions, ainsi que l'ont, à juste titre, estimé les premiers juges, que le renouvellement, à de multiples reprises, de contrats à durée déterminée serait, en lui-même sans aucune autre condition, de nature à ouvrir droit, pour l'intéressé, à une requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ; que, par ailleurs, les dispositions précitées ne s'opposent pas à ce que l'administration recoure à des contrats à durée déterminée pour des raisons objectives tenant, notamment, à l'existence de besoins saisonniers ou occasionnels ; qu'en l'occurrence, le requérant bénéficiait de contrats conclus en application du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi susvisée du 11 janvier 1984, en vertu duquel : "Les fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel sont assurées par des agents contractuels, lorsqu'elles ne peuvent être assurées par des fonctionnaires titulaires" ; qu'il n'est pas contesté que M.B..., dont les contrats visaient les dispositions précitées, assurait, pour de brèves durées, le remplacement d'agents absents ou était recruté en qualité d'auxiliaire de renfort ; qu'il n'est pas établi que M. B...aurait, en réalité, occupé un emploi correspondant à un besoin permanent ; que, par suite, la multiplicité des contrats qui lui ont été proposés n'était pas, par elle-même, fautive ;
8. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit le versement d'une "prime de précarité" aux agents publics dont le contrat, d'une durée déterminée, a atteint le terme fixé et n'est pas renouvelé ;
Sur les conclusions tendant au versement d'une indemnité de licenciement :
9. Considérant que la rupture des relations contractuelles doit s'analyser en un licenciement si elle intervient au cours du contrat ou en un refus de renouvellement du contrat si elle intervient à son terme ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...n'a pas été licencié en cours de contrat mais que l'administration a refusé de renouveler, après le 20 décembre 2003, le dernier contrat dont il bénéficiait ; que la rupture de son contrat constitue donc un refus de renouvellement à terme et non un licenciement ; qu'il suit de là que les conclusions tendant à ce que lui soit versée une indemnité de licenciement ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au versement de dommages et intérêts pour refus de renouvellement du contrat :
10. Considérant que lorsque la créance de l'agent porte sur la réparation d'une mesure illégalement prise à son encontre et qui a eu pour effet de le priver de fonctions, le fait générateur de la créance doit être rattaché non pas à l'exercice au cours duquel la décision a été prise mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée ;
11. Considérant qu'aucune décision de refus de renouvellement de contrat n'a été notifiée à M. B...; que le ministre intimé n'est, par suite, pas fondé à opposer l'exception de prescription quadriennale aux créances dont se prévaut M. B...qui trouvent leur cause dans le refus illégal de procéder au renouvellement de son contrat ;
12. Considérant que si un agent non titulaire bénéficiaire d'un contrat à durée déterminée n'a aucun droit au renouvellement de son contrat, l'administration doit néanmoins justifier de l'intérêt du service à ne pas procéder audit renouvellement ; que, dans le cadre de la présente instance, le ministre de l'économie n'a avancé aucun motif d'intérêt général qui aurait pu justifier que le dernier contrat de M. B...ne soit pas renouvelé ; que, dans ces conditions, et alors que M. B...avance sans être contredit que ledit motif résidait uniquement dans son état de santé, le non renouvellement du contrat du requérant doit être regardé comme ayant été décidé pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ; que le défaut de renouvellement de contrat de M. B...était donc fautif et de nature à engager la responsabilité de l'administration ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. B...eu égard aux conditions brutales dans lesquelles il a été mis fin à son dernier contrat, en l'évaluant à la somme de 3 000 € ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2010, date de réception de la demande indemnitaire préalable du requérant ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon, par le jugement attaqué, a refusé de faire droit aux conclusions tendant à ce que soient réparées les conséquences du refus de renouvellement de son contrat ; que ledit jugement doit, dans cette mesure, être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1003160 rendu le 16 décembre 2011 par le tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il a refusé de faire droit aux conclusions indemnitaires présentées par M. B...en réparation des préjudices causés par le refus de renouvellement de son contrat.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B...la somme de 3 000 € (trois mille euros) en réparation des préjudices causés par le refus de renouvellement de son contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2010.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 12MA007362