Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Lisieux à verser, à MmeC..., la somme de 242 930 euros et, à M. C..., la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des complications survenues à la suite de l'intervention chirurgicale subie par Mme C...dans cet établissement le 22 mai 2006.
Par un jugement n° 1600772 du 23 mars 2017 le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mai 2017 et régularisée les 29 et 30 mai 2017 Mme H... B...épouse C...et M. A...C..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 23 mars 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Lisieux à leur verser respectivement les sommes de 242 930 euros et de 10 000 euros en réparation de leurs préjudices ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lisieux une somme de 20 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il ressort de l'expertise que le centre hospitalier a commis une faute en choisissant une technique ne permettant pas une bonne visibilité opératoire et que cette faute a été à l'origine d'une lésion du nerf médian ;
- l'expert a également constaté l'absence d'information sur les risques de l'intervention, qui n'était pas impérieusement requise puisqu'un traitement médical avait été proposé par le chirurgien ;
- le centre hospitalier doit les indemniser intégralement des préjudices résultant des complications dont a été victime Mme C...car il n'y a pas lieu de tenir compte de ses prédispositions qui ont aggravé le dommage, dès lors que celui-ci ne se serait pas produit sans les fautes commises.
Par un mémoire enregistré le 8 juin 2018 le centre hospitalier de Lisieux, représenté par MeF..., demande à la cour de rejeter la requête de M. et MmeC....
Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée le 1er juin 2017 à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrot,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., née en 1955 et exerçant l'activité d'aide-soignante, a présenté à partir de 2004 des signes de compression au niveau des deux canaux carpiens et s'est vu diagnostiquer en janvier 2006, grâce à un électromyogramme, un syndrome du canal carpien bilatéral. Après une infiltration qui n'a pas donné de résultat, elle a subi le 22 mai 2006 sous anesthésie locale une intervention chirurgicale destinée à libérer le nerf médian de la main gauche. Elle a présenté par la suite un important hématome sur la face antérieure de l'avant-bras et a subi une nouvelle intervention le 27 mai 2006 qui en a permis l'évacuation. Elle a continué cependant à ressentir des douleurs, des troubles sensitifs ainsi qu'une gêne fonctionnelle et une algodystrophie, ou syndrome douloureux régional complexe, a été diagnostiquée au cours de l'été 2006. Malgré de nombreux examens, traitements et rééducations, ainsi qu'une nouvelle intervention réalisée par un chirurgien de la main au Mans le 6 août 2013, son état ne s'est pas amélioré. Elle a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er novembre 2012 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 20%.
2. Mme C...a saisi le 13 juillet 2007 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Basse-Normandie qui, par un avis rendu le 31 juillet 2008 sur la base d'une expertise réalisée par le professeur Lemerle, a rejeté sa demande au motif qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre le centre hospitalier de Lisieux et que la survenue de l'algodystrophie ne présentait pas un caractère anormal au regard de sa pathologie et de son évolution prévisible. Á sa demande, le tribunal administratif de Caen a ordonné une expertise et désigné le DrD..., qui s'est adjoint un sapiteur psychiatre. Son rapport a été déposé le 8 septembre 2014. Après avoir présenté une réclamation préalable qui a été rejetée par une décision du directeur du centre hospitalier du 16 février 2016, Mme C...et son mari ont demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier de Lisieux à leur verser respectivement les sommes de 242 930 euros et 10 000 euros en réparation de leurs préjudices. Ils relèvent appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Lisieux :
En ce qui concerne la faute médicale
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
4. Il ressort des deux expertises réalisées que l'indication opératoire était justifiée pour traiter le syndrome du canal carpien dont était atteinte MmeC..., et que l'intervention et les soins postérieurs, y compris dans le traitement des complications, ont été pratiqués dans les règles de l'art et conformément aux données de la science à l'époque. Si le Dr D...a regretté que l'intervention ait été réalisée sous anesthésie locale stricte et sans hémostase, ce qui n'apporte pas selon lui les meilleures conditions de visibilité opératoire lorsque des difficultés surviennent, il n'a pas estimé inadapté le choix ainsi fait par le chirurgien d'une technique qui, selon ses propres termes, était " bien connue et utilisée par la communauté scientifique ". En outre, si le Dr D...a également indiqué qu'il était probable que l'algodystrophie dont souffre Mme C...ait été provoquée par la lésion du nerf médian au cours de l'intervention, il s'est borné sur ce point à une supposition contredite par les constatations opérées, lors de la seconde intervention pratiquée le 27 mai 2006, par un autre chirurgien qui a relevé l'absence de lésion nerveuse macroscopiquement visible. En outre, les examens pratiqués par la suite, notamment plusieurs électromyogrammes, ont exclu l'hypothèse d'une interruption de la continuité du nerf. Enfin, l'existence de l'algodystrophie ne permet pas à elle seule de présumer l'existence d'une lésion car cette pathologie complexe n'est pas nécessairement le résultat d'une atteinte à un nerf. Dans ces conditions, et alors même que le chirurgien de la main qui est intervenu le 6 août 2013, soit plus de sept ans après l'acte en litige, a constaté la présence d'une sclérose cicatricielle massive sur 3 cm autour du nerf médian, il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier de Lisieux aurait commis dans la prise en charge de Mme C...une faute à l'origine de l'algodystrophie dont l'intéressée a été victime après l'opération du 22 mai 2006.
En ce qui concerne le défaut d'information :
5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Enfin, un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée.
6. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier régional de Lisieux a produit les fiches de consentement éclairé signées par Mme C...concernant l'anesthésie et le caractère ambulatoire de la chirurgie mais ne rapporte pas la preuve qu'il aurait donné à l'intéressée une information concernant les risques de l'intervention chirurgicale elle-même et, en particulier, la possibilité de développer une algodystrophie, risque qui se réalise pourtant pour ce type d'intervention dans environ 5% des cas. Il résulte également de l'instruction que cette intervention chirurgicale était la seule option thérapeutique envisageable pour traiter le syndrome du canal carpien dont était atteinte MmeC..., dès lors que le traitement médical qui lui avait été proposé en première intention, à savoir l'infiltration, n'avait pas donné de résultat. Cependant, cette intervention ne pouvait pas être regardée, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Lisieux, comme impérieusement requise dès lors qu'il n'y avait aucune urgence vitale à traiter cette pathologie, en dépit de la gêne et des douleurs qu'elle occasionnait pour la patiente. Dans ces conditions, le manquement de l'établissement hospitalier à son obligation d'information est établi et de nature à engager sa responsabilité.
7. Il ressort toutefois du rapport de l'expert judiciaire, éclairé par l'avis du sapiteur psychiatre, que la composante psychique était essentielle dans la pathologie de MmeC.... Celle-ci était en forte demande de soins et de réponse médicale, y compris chirurgicale, pour traiter sa pathologie, demande qui ne s'est jamais démentie en dépit du peu de bénéfice tiré des différents traitements qui lui ont été successivement proposés. Elle souhaitait avant tout être soulagée de son syndrome du canal carpien, à l'origine pour elle de douleurs importantes et de réveils nocturnes, et n'a jamais manifesté de réticence à subir des traitements médicaux y compris invasifs. Il en résulte qu'elle n'aurait pas renoncé à l'intervention qui lui était proposée, et qui était la seule option thérapeutique envisageable, si elle avait été informée du risque existant de développer une algodystrophie à la suite de cette intervention. Par suite, Mme C...n'a, dans les circonstances de l'espèce, été privée d'aucune chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. Le centre hospitalier de Lisieux n'est ainsi tenu à aucune indemnisation à ce titre.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle que soit mise à la charge du centre hospitalier de Lisieux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...B...épouseC..., à M. A... C..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et au centre hospitalier de Lisieux.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le président rapporteur
I. PerrotLe président assesseur
O. Coiffet
Le greffier
M. G...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT01541