Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 7 juillet 2014, présentés pour M. A... B..., demeurant..., par Me Lacroux-Mainguy, avocat au barreau de Paris ; M. B... C...ssdemande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1110621 du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2011 du préfet de police de Paris rejetant sa demande de naturalisation, ainsi que de la décision du 7 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant son recours hiérarchique ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de faire droit à sa demande, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;
- la décision ministérielle est entachée d'une erreur de fait ; il n'a jamais été salarié auprès du comité de bienfaisance et de secours aux palestiniens ; il n'a pas davantage déclaré souhaiter obtenir la nationalité française afin de pouvoir voyager plus aisément ;
- en rejetant sa demande au motif que le comité de bienfaisance et de secours aux palestiniens, auprès duquel il a été bénévole, est proche du Hamas, le ministre chargé des naturalisations a commis une erreur manifeste d'appréciation ; la Cour de cassation a condamné en mars 2014 une association pour diffamation à l'encontre du comité ; il est bien intégré et parle correctement la langue française ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 août 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- si la preuve des liens du comité de bienfaisance et de secours aux palestiniens avec le Hamas n'est effectivement pas rapportée de sorte que le premier motif de sa décision est erroné, il aurait, toutefois, pris la même décision en se fondant sur le second motif tiré de ce que M. B... a présenté une demande de naturalisation dans le but de pouvoir voyager plus facilement ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'une telle motivation ne ressortait pas des pièces du dossier ;
- dans le cas où ce dernier motif ne serait pas retenu, il est demandé à la cour de lui substituer celui tiré du défaut d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle de l'intéressé et du manque de sincérité de celui-ci dans les déclarations qu'il a faites dans sa demande de naturalisation ;
- pour le surplus, il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend expressément ;
Vu la décision du 30 décembre 2013 rectifiée le 12 mai 2014 par laquelle la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 20 février 2015 présenté pour M. B... qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'il développe;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2015 :
- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;
- et les observations de Me Lacroux-Mainguy, avocat de M. B... ;
1. Considérant que M. B..., réfugié d'origine palestinienne, relève appel du jugement du 1er octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2011 du préfet de police de Paris rejetant sa demande de naturalisation, ainsi que de la décision du 7 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant son recours hiérarchique ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision du 13 janvier 2011 du préfet de police :
2. Considérant que la décision du 7 juillet 2011 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté le recours introduit par M. B... à l'encontre de la décision du 13 janvier 2011 du préfet de police de Paris rejetant sa demande d'acquisition de la nationalité française s'est substituée à cette dernière ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision sont irrecevables ;
En ce qui concerne la décision ministérielle du 7 juillet 2011 :
3. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée " ;
4. Considérant que, par la décision contestée qui mentionne les dispositions du décret du 30 décembre 1993 dont il est fait application, le ministre précise qu'il a décidé de rejeter la demande de M. B... aux motifs que ce dernier est membre du comité de bienfaisance et de secours aux palestiniens, association proche du Hamas, mouvement islamique de résistance palestinienne reconnu terroriste, et qu'il a déposé une demande de naturalisation dans le but de pouvoir voyager plus facilement et non de rejoindre la communauté nationale française pour en partager les valeurs; que, ce faisant, le ministre a suffisamment motivé sa décision ;
5. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ainsi que son degré d'autonomie matérielle, apprécié au regard du caractère suffisant et durable des ressources propres lui permettant de demeurer en France ;
6. Considérant que le ministre reconnaît, en appel, dans son mémoire en défense, que le premier motif de sa décision tiré de ce que M. B... est membre du comité de bienfaisance et de secours aux palestiniens, association proche du Hamas, est entaché d'une erreur de fait ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté sa demande de naturalisation dans l'unique " but de voyager plus aisément " ; que, par suite, ce second motif est entaché d'une erreur de fait ;
7. Considérant, toutefois, que l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué, le juge peut procéder à la substitution demandée ;
8. Considérant que dans son mémoire en défense, communiqué à M. B..., le ministre invoque un autre motif tiré du défaut d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle de l'intéressé qu'il demande à la cour de substituer aux motifs initialement retenus pour rejeter la demande de l'intéressé ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. B... n'exerçait aucune activité professionnelle à la date de la décision litigieuse ; qu'il a été bénéficiaire du revenu minimum d'insertion puis du revenu de solidarité active entre le mois de novembre 2008 et le mois de mai 2010 ; que ses revenus mensuels se sont élevés pour les années 2007, 2008 et 2009 respectivement à 685 euros, 618 euros et 175 euros ; que la légalité d'une décision s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, le requérant ne peut se prévaloir de ce qu'il a déclaré une activité d'auto-entrepreneur, le 10 septembre 2013, postérieurement à la décision contestée ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il s'était fondé dès l'origine sur ce motif de nature à justifier légalement la décision litigieuse ; qu'il y a lieu, par suite, de procéder à la substitution de motifs demandée, laquelle ne prive pas M. B... d'une garantie de procédure;
10. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
11. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 mars 2015.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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