La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2011 | FRANCE | N°324927

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10 octobre 2011, 324927


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 11 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Virginio A et Mme Patricia B, agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure Anna Carvalho Da Silva, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 4 et 6 de l'arrêt n° 06VE00337-06VE00336 du 18 novembre 2008 par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, à la demande du centre hospitalier d'Eaubonne- Mon

tmorency et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 11 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Virginio A et Mme Patricia B, agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure Anna Carvalho Da Silva, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 4 et 6 de l'arrêt n° 06VE00337-06VE00336 du 18 novembre 2008 par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, à la demande du centre hospitalier d'Eaubonne- Montmorency et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise, annulé les articles 1er, 2 et 4 du jugement du 15 décembre 2005 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise condamnant le centre hospitalier d'Eaubonne- Montmorency à leur verser une rente trimestrielle de 15 000 euros à compter du 14 octobre 1999 et jusqu'à ce que Anna atteigne l'âge de 15 ans et à verser une somme de 1 329 895,70 euros au profit de la caisse d'assurance maladie du Val-d'Oise, en réparation du préjudice causé par les fautes commises lors de la naissance de leur fille mineure Anna et, d'autre part, rejeté leur demande de première instance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs demandes ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Eaubonne- Montmorency la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Blondel, avocat de M. A et de Mme B, de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal d'Eaubonne-Montmorency et de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance du Val d'Oise ;

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de M. A et de Mme B, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier intercommunal d'Eaubonne-Montmorency et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Anna Carvalho Da Silva, née le 22 septembre 1999 au centre hospitalier d'Eaubonne-Montmorency, est atteinte depuis sa naissance d'une grave infirmité motrice d'origine cérébrale ; que, par un jugement du 15 décembre 2005, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant au vu d'une expertise ordonnée en référé, a jugé le centre hospitalier responsable du fait des fautes commises lors de cette naissance et l'a condamné à en réparer les entières conséquences ; que, sur appels formés par le centre hospitalier d'Eaubonne-Montmorency et par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise, la cour administrative d'appel de Versailles a, par une décision avant dire droit du 6 novembre 2007, ordonné une seconde expertise médicale, puis, par un arrêt du 18 novembre 2008, annulé les articles 1er, 2 et 4 du jugement du 15 décembre 2005 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et rejeté les demandes présentées devant ce tribunal par les consorts A et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise ; que les consorts A se pourvoient en cassation contre cet arrêt dont la caisse primaire d'assurance maladie du Val- d'Oise demande également l'annulation ;

Sur la régularité de l'arrêt :

Considérant qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise ait demandé à avoir communication du sens des conclusions du commissaire du gouvernement avant l'audience de la cour administrative d'appel du 4 novembre 2008 ; que par suite le moyen tiré de ce que l'arrêt serait entaché d'irrégularité, faute qu'il ait été satisfait à une demande de communication des conclusions ne peut qu'être rejeté ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si l'expertise remise le 1er décembre 2003 au tribunal administratif de Cergy-Pontoise relève que l'équipe médicale aurait commis une faute en ne prenant pas, au vu de la survenance de plusieurs épisodes de ralentissement du rythme cardiaque du foetus, la décision de pratiquer une césarienne, la cour administrative d'appel de Versailles a pour sa part, aux termes d'une appréciation souveraine des pièces du dossier, estimé dans son arrêt avant dire droit du 6 novembre 2007, pour justifier qu'elle décidait d'ordonner une nouvelle expertise, que le premier rapport d'expertise ne fournissait pas d'informations suffisantes sur les ralentissements du rythme cardiaque foetal, notamment leur nombre et leur importance, que les experts n'avaient donné aucune explication à l'appui de leurs affirmations selon lesquelles le retard de l'équipe médicale à réagir aux épisodes de bradycardie dès leur apparition aurait été à l'origine des lésions cérébrales dont Anna est demeurée atteinte et qu'elle ne trouvait pas dans ce rapport d'éléments convaincants sur le lien de causalité entre le handicap dont souffre l'enfant et les circonstances de sa naissance ; que la cour, qui avait ainsi exposé les motifs pour lesquels elle estimait n'être pas éclairée par l'expertise diligentée à la demande du tribunal, pouvait, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation souverain et sans commettre d'erreur de droit, ni méconnaître les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se fonder exclusivement sur l'expertise qu'elle avait elle-même ordonnée pour se déterminer sur la responsabilité du service hospitalier ; que cette seconde expertise, si elle est nuancée et relève que la présentation par le siège de l'enfant et la suspicion d'un retard de croissance intra-utérin évoquaient une situation à haut risque nécessitant une surveillance très intensive et qu'une décision de césarienne aurait pu être prise dès 15h30, souligne également que le choix de réaliser un test au Syntocinon, destiné à mesurer la tolérance du foetus aux contractions et effectué sous la surveillance continue d'une sage-femme qui était en contact avec l'équipe médicale, était un choix acceptable d'autant que le tracé du rythme cardiaque foetal débuté à 13h40 et d'une durée de 90 minutes était normal et que selon le résultat d'une radiopelvimétrie pratiquée lors de la prise en charge de Mme B celle-ci, qui avait accouché sans difficulté d'un premier enfant par les voies naturelles, présentait un bassin vaste ; que la cour n'a, par suite, ni dénaturé les pièces du dossier ni inexactement qualifié les faits en estimant qu'en s'abstenant de pratiquer une césarienne à ce stade le service n'avait pas commis de faute ; qu'elle a pu, de même, déduire des faits qu'elle n'a pas dénaturés qu'aucune faute ne pouvait ensuite être reprochée à l'équipe médicale devant l'accouchement, dès lors que si l'enregistrement du rythme cardiaque faisait apparaître un ralentissement entre 18h09 et 18h11, le travail était alors parvenu à un stade qui permettait d'envisager un accouchement rapide et que, lorsqu'était survenue à 18h26 une bradycardie brutale et importante, la décision de pratiquer une césarienne avait été immédiatement prise et cette intervention conduite dans un délai extrêmement bref et conformément aux règles de l'art ; qu'elle n'a pas davantage dénaturé les faits en estimant que la circonstance que l'anesthésiste n'était pas habitué à la salle d'opération, n'avait eu aucune incidence sur les conditions dans lesquelles il a été procédé à cette opération ; que la cour, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments exposés en défense, a ainsi suffisamment motivé sa décision ; que, par suite, les auteurs du pourvoi et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier d'Eaubonne-Montmorency, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance, le versement à M. A et Mme B et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi présenté par M. A et Mme B et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Virginio A, à Mme Patricia B, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et au centre hospitalier d'Eaubonne-Montmorency.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 324927
Date de la décision : 10/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2011, n° 324927
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Rossi
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : LE PRADO ; BLONDEL ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:324927.20111010
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award