Vu la procédure suivante :
M. D... C...a porté plainte contre M. A... B...devant la chambre disciplinaire de première instance de Midi-Pyrénées de l'ordre des médecins. Le conseil départemental de Haute-Garonne de l'ordre des médecins s'est associé à la plainte. Par une décision du 22 mai 2012, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. B... la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pour une durée de six mois, dont trois mois assortis du sursis.
Par une décision du 10 février 2014, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté l'appel formé par M. B... contre cette décision et a précisé que la partie ferme de l'interdiction s'exécuterait à compter du 1er mai 2014.
Par une décision n° 377297 du 4 mai 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la décision de la chambre disciplinaire nationale.
Par une décision du 2 novembre 2016, la chambre disciplinaire nationale, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté l'appel formé par M. B... contre la décision de la chambre disciplinaire de première instance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier et 3 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M.B..., à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de M. C...et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins et du conseil départemental de la Haute-Garonne de l'ordre des médecins ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., médecin généraliste, a rédigé, à la demande des ayants droit de MmeE..., une " note technique " mettant en cause la qualité des soins qui lui avaient été prodigués avant son décès par M. C..., également médecin généraliste ; que M. C... a porté plainte contre M. B... devant la chambre disciplinaire de première instance de Midi-Pyrénées de l'ordre des médecins, laquelle a infligé à M. B... la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant six mois, dont trois mois assortis du sursis ; que M. B... se pourvoit en cassation contre la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins du 2 novembre 2016 qui a rejeté son appel formé contre cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 4127-28 du code de la santé publique : " La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite " ; que le premier alinéa de l'article R. 4127-56 du même code dispose, par ailleurs, que : " Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité " ; que ces obligations déontologiques s'imposent à tout médecin, y compris à celui qui est librement sollicité par un particulier en vue d'apporter son concours, par des analyses ou des conseils, dans le cadre d'un litige ou d'une expertise ; que M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a commis une erreur de droit en examinant son comportement au regard des obligations déontologiques citées ci-dessus, alors même qu'il se prévalait d'une qualité de " médecin-conseil de recours " ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimé que la " note technique " de M. B...concluait de façon affirmative à une méconnaissance des règles de l'art dans le suivi de la patiente à son domicile et à un retard de réaction du médecin traitant alors qu'il ne disposait que des documents communiqués par les ayants droit de cette patiente ; qu'en déduisant de cette appréciation que M. B...devait être regardé comme ayant délivré un rapport tendancieux en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus des articles R. 4127-38 et R. 4137-56 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;
4. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la chambre disciplinaire nationale aurait apprécié le comportement de M. B... en fonction d'informations qui ne sont apparues que postérieurement, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que l'article R. 4127-4 du code de la santé publique rappelle l'obligation qui s'impose à tout médecin de respecter le secret professionnel ; qu'aux termes du troisième alinéa du V de l'article L. 1110-4 du même code : " (...) Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès " ; qu'en estimant que les ayants droit de Mme E... n'avaient pas expressément autorisé M. B... à adresser à leur avocat son analyse du dossier médical, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ; qu'en en déduisant qu'une telle transmission, en l'absence de mandat à cette fin de la part d'une des personnes mentionnées dans les dispositions citées ci-dessus, méconnaissait l'obligation de respecter le secret médical, elle n'a pas commis d'erreur de droit ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'il appartient au juge de cassation de vérifier que la sanction retenue n'est pas hors de proportion avec la faute commise et qu'elle a pu, dès lors, être légalement prise ; qu'en l'espèce, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a pu légalement estimer que les fautes déontologiques reprochées à M. B...justifiaient, eu égard à leur gravité, la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant six mois, dont trois mois assortis du sursis, qui lui avait été infligée en première instance ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 2 novembre 2016 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté son appel formé contre la décision de la chambre disciplinaire de première instance de Midi-Pyrénées de l'ordre des médecins ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : M. B... versera à M. C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et à M. D... C....
Copie en sera adressée au conseil départemental de Haute-Garonne de l'ordre des médecins et au Conseil national de l'ordre des médecins.
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