LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 octobre 2023
Rejet
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1022 F-D
Pourvoi n° U 22-17.125
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2023
La société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 22-17.125 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (1e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [F], domicilié [Adresse 5],
2°/ à la société SMACL assurances, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à M. [Z] [Y], pris en qualité de tuteur de son fils majeur M. [U] [Y],
4°/ à Mme [J] [B], épouse [Y], prise en qualité de cotutrice de son fils majeur M. [U] [Y],
5°/ à M. [U] [Y], sous tutelle de ses parents M. [Z] [Y] et Mme [Y],
tous trois domiciliés [Adresse 2],
6°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et Garonne, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de Me Haas, avocat de M. [F] et de la société SMACL assurances, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [Z] [Y], et Mme [Y], agissant en qualité de tuteurs de M. [U] [Y] et de M. [U] [Y], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 27 mai 2021, pourvoi n° 20-12.932), le 17 octobre 2013, alors qu'il circulait au volant de son véhicule, assuré par la société Pacifica, et dépassait une file de voitures, M. [U] [Y] a été grièvement blessé dans un accident de la circulation impliquant un véhicule circulant dans le même sens, conduit par M. [F] et assuré par la société SMACL assurances.
2. Les parents de M. [Y], agissant en qualité de tuteurs de celui-ci, ont assigné M. [F] et son assureur pour obtenir réparation des préjudices subis par leur fils, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn-et-Garonne.
3. La société Pacifica est intervenue volontairement à l'instance pour obtenir le remboursement des sommes dont elle avait fait l'avance à son assuré.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
La société Pacifica fait grief à l'arrêt de limiter à 30 % le droit à indemnisation de M. [U] [Y] au titre des conséquences dommageables de l'accident survenu le 17 octobre 2013, alors :
« 1°/ que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; que la limitation de son droit à indemnisation étant proportionnelle à la gravité de sa faute et devant être appréciée en faisant abstraction du comportement des autres conducteurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la vitesse du conducteur victime était excessive par rapport à celle du conducteur impliqué ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a apprécié la faute du conducteur victime en tenant compte du comportement de l'autre conducteur impliqué et a ainsi violé l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
2°/ que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; que la faute de la victime conductrice de nature à exclure ou limiter l'indemnisation de son préjudice doit être appréciée au regard de son rôle causal dans la réalisation de son dommage et non dans la survenance de l'accident ; qu'en énonçant que « la limitation du droit à indemnisation de la victime conducteur dépend ainsi de la gravité de sa faute dans la survenance de l'accident », et en limitant le droit à indemnisation de la victime à 30 % aux motifs que « s'il est clair que la collision avec le véhicule de M. [F] est responsable de la déviation de la trajectoire du véhicule de la victime le précipitant sur un platane à gauche de la chaussée, il est non moins évident que la vitesse excessive de M. [Y] est principalement à l'origine du défaut de maîtrise de son véhicule dans la suite immédiate du choc avec le véhicule de M. [F] », la cour d'appel qui a recherché si la faute du conducteur victime avait contribué à la réalisation de l'accident, a violé l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt constate d'abord qu'à la suite de la collision entre les véhicules conduits par M. [F] et M. [U] [Y], qui était d'une intensité modérée, le véhicule conduit par ce dernier, dévié de sa trajectoire, s'est précipité contre un platane, et a été totalement détruit à l'avant.
5. Il retient ensuite que M. [U] [Y] circulait à une vitesse excessive, qui ne lui a pas permis d'éviter le choc avec le véhicule conduit par M. [F], alors que s'il avait réduit son allure et maîtrisé sa vitesse, ce qui s'imposait en cas de dépassement d'une file continue de véhicules sur une route départementale à deux voies, un simple ralentissement aurait suffi à garder la distance de sécurité et à éviter le contact.
6. Il retient encore que la vitesse excessive de M. [U] [Y] est principalement à l'origine du défaut de maîtrise de son véhicule dans la suite immédiate du choc avec le véhicule de M. [F].
7. Il en déduit que la vitesse et le défaut de maîtrise qui en est la conséquence ont joué un rôle causal non exclusif dans la survenance du dommage.
8. De ces constatations et énonciations découlant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis aux débats, la cour d'appel a pu déduire, abstraction faite du motif surabondant tenant à la vitesse du véhicule conduit par M. [F], que M. [U] [Y] avait commis une faute en relation avec son dommage, dont elle a souverainement décidé qu'elle devait limiter son droit à indemnisation à hauteur de 30 %.
9. Le moyen, qui est inopérant en sa première branche, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pacifica aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Pacifica, M. [U] [Y], M. [Z] [Y] et Mme [Y], agissant en qualité de tuteurs de M. [U] [Y], et condamne la société Pacifica à payer à M. [F] et la société SMACL assurances la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-trois.