LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a présenté un syndrome d'enfermement à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée par Jean-Bernard Y... (le chirurgien) ; qu'assisté de sa curatrice, il a demandé, avec la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse), réparation de son préjudice au chirurgien puis, après décès de celui-ci, à son assureur, la société Travelers insurance company limited (l'assureur), intervenu volontairement à l'instance d'appel ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, qui est recevable :
Vu l'article 1153 du code civil ;
Attendu, selon ce texte, que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution sont dus, sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte, à compter de la sommation de payer ou d'un acte équivalent ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir déterminé les sommes dues par l'assureur, d'une part, à la caisse, d'autre part, à M. X..., a dit que celles dues à la première porteront intérêts au taux légal à compter du 5 février 2001 et celles dues au second, à compter du 29 mars 2001, date du jugement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'assureur était intervenu volontairement à l'instance après l'appel interjeté par M. X... le 8 septembre 2010, ce dont il résultait qu'aucune demande n'avait été formée contre lui avant cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a assorti des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2001 la condamnation de la société Travelers insurance company limited à payer une certaine somme à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et en ce qu'il a assorti d'intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2001 la condamnation de la société Travelers insurance company limited à payer diverses sommes à M. X..., l'arrêt rendu le 4 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. X... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Travelers insurance company limited.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le plafond de garantie n'est pas opposable à Joseph X... et d'avoir condamné la société Travelers Insurance Company Limited à payer à Joseph X... ainsi qu'à la CPAM diverses sommes en réparation de ses préjudices sans tenir compte de ce plafond de garantie ;
AUX MOTIFS QU'il appartient à l'assureur qui invoque, à l'encontre de la victime d'un dommage et de son assuré, des clauses de limitation de garantie figurant aux conditions générales du contrat, de rapporter la preuve que ces dernières ont été portées à la connaissance du souscripteur et acceptées par lui lors de l'adhésion ; que la Compagnie d'assurances verse aux débats, en pièce 10, une copie du contrat d'assurance responsabilité civile exploitation et professionnelle à entête de François Z..., courtier en assurance, comportant en page 3 un exemplaire vierge de bulletin d'adhésion, et en page 4 un tableau dactylographié, intitulé « montant des garanties et des franchises par adhérent » ; qu'elle produit, en pièce 13, la copie d'un bulletin d'adhésion nº 98CH0210 au contrat groupe d'assurance « Responsabilité civile exploitation et professionnelle des chirurgiens ou médecins divers » nº FB/MMI-02, rempli au nom de Jean-Bernard Y..., chirurgien viscéral ; que ce document est daté du 3 décembre 1997, il est signé par le souscripteur, avec la mention manuscrite « lu et approuvé », mais pas par la compagnie, il comporte outre l'identité et la profession de l'adhérent, des renseignements sur les antécédents et les conditions d'exercice, le soussigné déclare « adhérer à compter du 1er janvier 1999 au contrat précité, souscrit par François Z..., courtier (voir tableau des garanties au verso) » ; qu'il est indiqué en « nota : l'adhésion à ce contrat emporte l'adhésion automatique à ASSPRO(Association de Prévention du Risque Opératoire) » et en « pièce jointe : 1 demande de règlement » ; que l'assureur ne justifie pas, par ce seul document dont au surplus l'original n'est pas produit, avoir remis à l'assuré, préalablement à son adhésion, les conditions générales et particulières du contrat ; qu'il n'est donc pas fondé à opposer à la victime du dommage la limitation contractuelle de garantie ;
1°) ALORS QUE, dans le cadre d'une assurance groupe de dommages, les droits du tiers victime à l'encontre de l'assureur de groupe résultant exclusivement du contrat d'assurance, ce tiers ne peut pas se prévaloir d'une éventuelle inopposabilité d'une clause de limitation de garantie à l'adhérent au motif que cette clause n'aurait pas été portée à sa connaissance au moment de l'adhésion, le manquement à l'obligation d'information du souscripteur envers l'adhérent ne pouvant être invoqué que par les parties au contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, M. X..., tiers au contrat d'assurance de groupe auquel M. Y..., assuré, avait adhéré, se prévalait de l'inopposabilité du plafond de garantie stipulé dans ce contrat en soutenant qu'il n'était pas rapporté la preuve de ce que ce plafond aurait été porté à la connaissance de l'adhérent ; que la cour d'appel a accueilli ce moyen ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que M. X... ne pouvait pas se prévaloir de l'inopposabilité prétendue du plafond de garantie stipulé au contrat d'assurance de groupe, cette exception ne pouvant être invoquée que par M. Y..., la cour d'appel a violé les articles L. 112-2, L. 112-3, L. 112-6 et L. 141-4 du code des assurances ;
2°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, le plafond de garantie stipulé au contrat d'assurance est opposable à la victime qui exerce l'action directe à l'encontre de l'assureur ; qu'il suffit à ce dernier d'établir que le plafond de garantie a été porté à la connaissance de l'assuré au moment de la souscription ou de l'adhésion au contrat d'assurance ou, à tout le moins, avant la réalisation du sinistre ; que cette connaissance peut résulter de la signature par l'assuré d'un document comportant une clause de renvoi aux limitations de garantie opposées par l'assureur ; qu'en l'espèce, la société Travelers Insurance Company faisait valoir que M. Y... avait signé un bulletin d'adhésion au contrat d'assurance de groupe n°FF/MMI-02, et que ce document renvoyait expressément aux garanties évoquées et, notamment, aux plafonds de garantie applicables puisqu'il visait un tableau de garanties au verso du bulletin d'adhésion (cf. concl., p. 11 et 12) ; que la cour d'appel a retenu que M. Y... avait signé la copie du bulletin d'adhésion n°98CH0210 au contrat groupe d'assurance « Responsabilité civile exploitation et professionnelle des chirurgiens ou médecins divers » n°FB/MMI-02 et que ce document, revêtu de la mention « lu et approuvé », visait le « tableau des garanties au verso » (cf. arrêt, p. 5 dernier § et p. 6 § 1) ; qu'elle a pourtant considéré que l'assureur ne justifiait pas, par ce seul document, avoir remis à l'assuré, préalablement à son adhésion, les conditions générales et particulières du contrat, observant en outre qu'il n'avait pas été signé par la compagnie d'assurance et qu'il n'était pas produit en original (cf. arrêt, p. 6 § 1 et 3) ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à exclure la connaissance par M. Y... du plafond de garantie stipulé au contrat d'assurance au moment de son adhésion, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y..., en signant le bulletin d'adhésion lequel renvoyait expressément au tableau des garanties, avait eu connaissance des plafonds stipulés dans ce tableau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil et des articles L. 113-1 et L. 112-6 du code des assurances.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Travelers Insurance Company Limited à payer à M. Joseph X... assisté de son curateur, diverses sommes à titre d'indemnisation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2001 et d'avoir condamné la société Travelers Insurance Company Limited à payer à la CPAM de l'Isère la somme de 195 955,94 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2001 ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande de la CPAM, la CPAM est en droit de prétendre au paiement de la somme de 695.955,94 euros au titre des : - dépenses de santé actuelles : 521 067,95 euros, - dépenses de santé futures : 137 119,39 euros, - pertes de gains professionnels : 37 768,60 euros ; dont il y a lieu de déduire la provision versée de 500.000 euros, soit un solde de 195 955,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2001 ; que, sur le point de départ des intérêts au taux légal, en application de l'article 1153-1 du code civil, les intérêts courent, en matière indemnitaire, à compter de la décision sauf si le juge n'en décide autrement ; qu'en l'occurrence, il y a lieu, eu égard à la longueur de la procédure judiciaire par suite de l'appel et du pourvoi formés par le docteur Y... de fixer le point de départ des intérêts à la date du jugement du 29 mars 2001 ;
1°) ALORS QUE la personne tenue au paiement d'une somme envers une autre ne lui en doit les intérêts qu'après avoir été sommée de payer ; que l'assureur de responsabilité n'est tenu, envers la victime qui exerce contre lui l'action directe, qu'au titre du contrat d'assurance de responsabilité ; qu'il n'est donc tenu à l'intérêt au taux légal qu'à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la société Travelers Insurance Company à verser diverses sommes à la CPAM, partiellement subrogée dans les droits de M. X... au titre de l'assurance de responsabilité à laquelle M. Y..., le responsable, avait adhéré ; qu'elle a assorti cette condamnation de l'intérêt légal, à compter du 5 février 2001 ; qu'en se prononçant ainsi, sans justifier du bien-fondé de cette date, et tandis qu'elle avait relevé que la société Travelers Insurance Company n'était intervenue volontairement à l'instance qu'après l'appel interjeté par M. X... le 8 septembre 2010 (cf. arrêt, p. 4 § 4 et 5), d'où il résultait qu'aucune demande n'avait été formée contre cet assureur avant cette date, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil ;
2°) ALORS QUE la personne tenue au paiement d'une somme envers une autre ne lui en doit les intérêts qu'après avoir été mise en demeure ; que l'assureur de responsabilité n'est tenu, envers la victime qui exerce contre lui l'action directe, qu'au titre du contrat d'assurance de responsabilité ; qu'il n'est donc tenu à l'intérêt au taux légal qu'à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné la société Travelers Insurance Company à verser diverses sommes à M. X... au titre de l'assurance de responsabilité à laquelle M. Y..., le responsable, avait adhéré ; qu'elle a assorti cette condamnation de l'intérêt légal, à compter du jugement du 29 mars 2001, par application de l'article 1153-1 du code civil ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'assureur n'est tenu à l'intérêt légal envers la victime qu'à compter de la demande de garantie qui lui est adressée et que la cour d'appel a relevé que la société Travelers Insurance Company n'était intervenue volontairement à l'instance qu'après l'appel interjeté par M. X... le 8 septembre 2010 (cf. arrêt, p. 4 § 4 et 5), d'où il résultait qu'aucune demande n'avait été formée contre cet assureur avant cette date, la cour d'appel a violé les articles 1153-1 et 1153 du code civil.