Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 du maire de Saint-Palais-sur-Mer refusant de reconnaître imputables au service ses arrêts de travail et les soins prescrits depuis le 14 juin 2017.
Par un jugement n° 1900802 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2021, Mme C..., représentée par la SCP KPL Avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 du maire de Saint-Palais-sur-Mer précité ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Palais-sur-Mer de reconnaître imputable au service sa pathologie dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de régulariser sa situation en termes de rémunération ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer la somme de 1 260 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative correspondant aux frais restant à sa charge.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse a été prise au terme d'une procédure irrégulière, la commission de réforme ayant rendu son avis dans une composition irrégulière en l'absence du médecin spécialiste prévu par l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 ;
- deux des membres de la commission n'ont pas pris part au vote ; le médecin qui a rédigé le rapport d'expertise a siégé au sein de cette commission, il avait rendu un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article 57 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2022, la commune de Saint-Palais-sur-Mer représentée par son maire en exercice et par Me Sainte Marie Pricot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... la somme de 4500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
L'aide juridictionnelle partielle (25%) a été accordée à Mme C..., par décision du 22 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Drey, représentant la commune de Saint-Palais-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a été recrutée à partir de mars 2014 comme agent contractuel et affectée au service comptabilité de la commune de Saint-Palais-sur-Mer (Charente-Maritime) puis titularisée à compter du 1er juin 2015 en qualité d'adjoint administratif. Elle a fait l'objet d'une suspension de fonctions à compter du 4 novembre 2015 puis, par arrêté du 3 mars 2016, d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an dont six mois avec sursis. L'intéressée a été affectée dans l'intérêt du service à compter du 26 septembre 2016 au secrétariat des ateliers municipaux. Elle a bénéficié de différents congés maladie pour syndrome anxio-dépressif à compter du 8 novembre 2016 puis pour une période continue de douze mois à compter du 14 juin 2017. Elle a ensuite été placée en position de congé de longue maladie à compter du 14 juin 2017. Le 20 novembre 2017 elle a demandé que soit reconnue l'imputabilité au service de sa pathologie. Par un arrêté du 24 septembre 2018, le maire de Saint-Palais-sur-Mer, après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme, a rejeté sa demande. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cet arrêté du 24 septembre 2018. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". En vertu des dispositions de l'article 3 du même arrêté, la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.
4. La requérante soutient que, lors de la séance du 31 août 2018, la commission de réforme des agents de la fonction publique territoriale, qui a rendu un avis défavorable à l'imputabilité au service de son état de santé, ne comprenait aucun médecin spécialiste des maladies mentales. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, pour apprécier l'état de santé de Mme C..., la commission disposait d'un rapport d'expertise établi le 19 juillet 2018 par le docteur B..., médecin généraliste et membre permanent de la commission de réforme, indiquant que l'intéressée souffre d'un " syndrome anxio-dépressif réactionnel à la situation conflictuelle décrite sur son lieu de travail " et que son état de santé " est en relation directe et exclusive avec l'exercice des fonctions ", ainsi que de deux certificats médicaux des 18 septembre 2017 et 16 novembre 2017, selon lesquels la requérante souffre d'un " état dépressif caractérisé secondaire à une situation difficile en lien avec le travail ". Compte tenu des éléments médicaux dont disposait la commission de réforme, la présence d'un médecin spécialiste, lors la séance au cours de laquelle a été rendu un avis défavorable par trois voix contre et une abstention, n'était pas manifestement nécessaire pour éclairer l'examen de la situation de Mme C.... Enfin, la circonstance que le docteur B... siégeait en qualité de membre permanent de la commission de réforme n'a pu en l'espèce être de nature à priver Mme C... d'une garantie dès lors que ce médecin s'était antérieurement prononcé en faveur de la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'arrêté du 4 août 2004 doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le président de la commission de réforme est désigné par le préfet qui peut choisir soit un fonctionnaire placé sous son autorité, soit une personnalité qualifiée qu'il désigne en raison de ses compétences, soit un membre élu d'une assemblée délibérante dont le personnel relève de la compétence de la commission de réforme. Dans ce cas, un président suppléant, n'appartenant pas à la même collectivité, est désigné pour le cas où serait examinée la situation d'un fonctionnaire appartenant à la collectivité dont est issu le président. Le président dirige les délibérations mais ne participe pas au vote. / Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l'administration ; 3. Deux représentants du personnel. / Chaque titulaire a deux suppléants désignés dans les conditions prévues aux articles 5 et 6 ci-dessous ". Aux termes de l'article 17 de l'arrêté dans sa version applicable : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. / Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents. / Cependant, en cas d'absence d'un praticien de médecine générale, le médecin spécialiste a voix délibérative par dérogation au 1 de l'article 3. / Les médecins visés au 1 de l'article 3 et les médecins agréés ayant reçu pouvoir en application de l'article 8 ne peuvent pas siéger avec voix délibérative lorsque la commission examine le dossier d'un agent qu'ils ont examiné à titre d'expert ou de médecin traitant. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical. / En cas d'égalité des voix, l'avis est réputé rendu. / Les avis sont communiqués aux intéressés dans les conditions fixées par la loi du 17 juillet 1978 susvisée ".
6. La requérante soutient que le vote de la commission de réforme est entaché d'irrégularité dès lors que certain de ses membres n'ont pas pris part au vote. Toutefois, il ressort du compte-rendu de la séance que quatre des membres ont pris part au vote de sorte que le quorum requis par l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 précité a été atteint. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans le cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent (...) Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie (...) ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
8. Au soutien de sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de son affection, la requérante se prévaut des conclusions du docteur B..., médecin généraliste, mandaté par la commission de réforme, lequel a estimé, ainsi qu'il a été dit précédemment, que Mme C... souffrait d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel en relation directe et exclusive avec l'exercice de ses fonctions, et de deux certificats médicaux établis par son psychiatre en septembre 2017 et novembre 2017, selon lesquels elle souffre d'un " état dépressif caractérisé secondaire à une situation difficile en lien avec le travail " et excluant un état antérieur. Toutefois, ces médecins se sont basés sur les seuls dires de Mme C... pour conclure à l'existence d'un lien entre son état de santé et ses conditions de travail. En outre, il ressort des pièces du dossier que le poste de secrétaire des ateliers municipaux, sur lequel elle a été affectée dans l'intérêt du service et dont les missions consistaient notamment à assurer l'accueil du public, la gestion de plannings, le suivi de procédures et l'exécution de travaux de bureautique, correspondait à des tâches en adéquation avec son grade. Par ailleurs, la requérante n'apporte pas d'élément probant de nature à établir la " mise au placard " dont elle s'estime victime et l'étude de poste réalisée le 14 mars 2017 par le médecin du travail a conclu à " l'absence de remarques particulières " quant à l'implantation et à l'organisation de ce poste de secrétariat. Enfin, Mme C..., qui a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires dont l'une a conduit à sa radiation des cadres, est en partie responsable de la dégradation des relations professionnelles avec son employeur. Il s'ensuit que les conditions de travail de l'intéressée ne peuvent être regardées comme étant directement à l'origine du syndrome anxio-dépressif dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et erreur d'appréciation doivent être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Palais-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera à la commune de Saint-Palais-sur-Mer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et à la commune de Saint-Palais-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2023.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX02679