LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 440 F-D
Pourvoi n° V 20-22.546
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022
La société Assainissement Bonnin Grollier (ABG), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° V 20-22.546 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Daf Trucks NV, dont le siège est [Adresse 7] [Localité 4] (Pays-Bas),
2°/ à la Société industrielle de distribution automobiles nantaise (SIDAN), dont le siège est [Adresse 6], [Localité 2],
3°/ à la société ZF Friedrichshafen AG, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 5] (Allemagne),
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société Assainissement Bonnin Grollier, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société DAF Trucks NV, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société industrielle de distribution automobiles nantaise, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société ZF Friedrichshafen AG, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 octobre 2020), le 9 octobre 2007, la société Assainissement Bonnin Grollier (la société ABG) a acquis un véhicule neuf de la société Sidan, concessionnaire français de la société Daf Trucks NV, constructeur automobile.
2. A compter du 23 décembre 2010, le véhicule a subi plusieurs pannes. A l'issue de plusieurs expertises amiables, puis d'une expertise judiciaire, ordonnée en référé le 6 novembre 2012 à la demande de la Société industrielle de distribution automobiles nantaise (Sidan) et ayant donné lieu à un dépôt de rapport le 8 octobre 2013, l'origine des pannes a été identifiée comme provenant de dysfonctionnements de la boîte de vitesses, fournie par la société ZF Friedrichshafen AG (la société ZF).
3. Le 11 mars 2014, la société ABG a assigné les sociétés Sidan et ZF sur le fondement de la garantie des vices cachés et en indemnisation de ses préjudices. La société Daf Trucks NV est intervenue volontairement à l'instance, et la société Sidan a appelé en garantie la société ZF, qui a opposé la prescription.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société ABG fait grief à l'arrêt d'accueillir la fin de non-recevoir et déclarer prescrite son action alors « que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ; qu'en l'espèce la cour d'appel a affirmé que le délai de prescription avait commencé à courir à l'encontre de l'acheteur au plus tard le 23 décembre 2010, date de la première immobilisation du camion ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance, par l'acheteur du vice caché existant sur la boîte de vitesse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale au regard de l'article 1648 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1648 du code civil :
5. Aux termes de ce texte, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
6. Pour déclarer prescrite l'action de la société ABG, après avoir constaté que l'origine des pannes n'avait été identifiée qu'à l'issue des expertises amiables et de l'expertise judiciaire, l'arrêt retient que c'est seulement la découverte du vice et non l'identification de sa cause qui fait courir le délai de prescription et que le délai a commencé à courir au plus tard à la date de la première immobilisation du véhicule, de sorte que la prescription était acquise le 23 décembre 2012.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que, dès la première immobilisation du véhicule, l'existence du vice affectant le véhicule avait été découvert, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la Société industrielle de distribution automobiles nantaise, la société Daf Trucks NV et la société ZF Friedrichshafen AG aux dépens ;
7
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux, signé par lui et Mme Tinchon, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour la société Assainissement Bonnin Grollier.
La société ABG fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir faisant droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société ZF, déclaré prescrite l'action en garantie des vices cachés engagée par la société ABG ;
Alors 1°) que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ; qu'en l'espèce la cour d'appel a affirmé que le délai de prescription avait commencé à courir à l'encontre de la société ABG au plus tard le 23 décembre 2010, date de la première immobilisation du camion ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance, par la société ABG du vice caché existant sur la boîte de vitesse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale au regard de l'article 1648 du code civil
Alors 2°) que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ; qu'en se bornant à affirmer que le délai de prescription avait commencé à courir à l'encontre de la société ABG au plus tard le 23 décembre 2010, date de la première immobilisation du camion, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce n'est pas seulement au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire que la société ABG a pu avoir connaissance du vice existant sur la boîte de vitesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du code civil.