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13/02/2025 | FRANCE | N°32500098

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 février 2025, 32500098


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 13 février 2025








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 98 F-D


Pourvoi n° Z 23-17.755








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025




La société Francelot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-17.755 contre l'arrêt rendu ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 février 2025

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 98 F-D

Pourvoi n° Z 23-17.755

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025

La société Francelot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-17.755 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [M] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

M. [E] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Francelot, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 avril 2023), par acte notarié du 7 avril 2015, stipulant un délai de livraison au plus tard au cours du treizième mois suivant la signature de ce contrat, M. [E] a acquis auprès de la société Francelot un immeuble en l'état futur d'achèvement.

2. M. [E] a assigné, après expertise, la société Francelot afin de faire fixer la date d'achèvement de l'ouvrage au 16 mars 2018 et en paiement de diverses indemnités dont des pénalités de retard.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. La société Francelot fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] des pénalités contractuelles de retard, après avoir fixé la date d'achèvement des travaux au 17 mars 2018 et d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties, alors :

« 1°/ que selon l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation, l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement est réputé achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à son utilisation, conformément à sa destination ; que la société Francelot a fait valoir que l'émission des certificats de conformité Consuel et Qualigaz, les 23 et 30 mars 2016, permettait d'établir qu'il avait été procédé aux raccordements aux réseaux de fluide, de sorte que l'immeuble était alors propre à son utilisation ; qu'en jugeant que l'immeuble n'avait pas été achevé avant la remise de ces certificats par le vendeur à l'acquéreur, le 16 mars 2018, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure l'achèvement antérieur de l'immeuble au sens de l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation ; qu'elle a ainsi violé cet article et l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

2°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait jugé que l'absence d'alimentation de l'immeuble en fluides au 6 janvier 2017 permettait d'établir que celui-ci n'était pas propre à son utilisation, elle a, en laissant sans réponse les conclusions de la société Francelot soutenant que cette absence d'alimentation était imputable au défaut d'accomplissement par M. [E] des démarches nécessaires auprès des fournisseurs de fluides, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en jugeant que le contrat de vente édictait un formalisme spécial pour voir constater l'achèvement de l'immeuble, après avoir constaté que ce contrat faisait référence en page19, relative au délai d'achèvement et de livraison, à l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation, lequel ne prévoit aucune procédure de constatation de l'achèvement de l'immeuble, la cour d'appel a violé cet article, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

4°/ que le contrat de vente prévoyait un délai de construction et d'achèvement du bien de treize mois à compter de la signature, que tout retard dans la livraison entraînera le paiement d'une somme égale à 1/3000ème du prix d'achat par jour écoulé et que l'achèvement dont il s'agit s'entend tel qu'il est établi par l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation ; qu'aucune stipulation du contrat ne lie les pénalités à la procédure de déclaration et de constat d'achèvement prévu dans le contrat ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil, méconnaissant le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

5°/ qu'en toute hypothèse, il résultait des constatations de la cour d'appel selon lesquelles le contrat prévoyait, en cas de désaccord des parties, qu'il serait procédé au constat de l'achèvement par une personne qualifiée, que la procédure de constat de l'achèvement ne constituait pas un préalable indispensable à cette constatation ; qu'en jugeant qu'il résultait du non-respect de cette procédure que l'immeuble n'avait pu être achevé avant le 16 mars 2018, la cour d'appel a violé l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

6°/ qu'enfin, dans ses conclusions d'appel, la société Francelot a fait valoir qu'elle avait procédé à des opérations de pré-livraison avec M. [E], lequel avait émis des réserves mineures et opposé notamment, alors que la livraison était possible, une déclinaison anormale de son terrain et exigé une mise en conformité avant toute livraison, mise en conformité qui était inutile ; qu'en retenant que la société Francelot ne justifie pas d'une convocation de M. [E] pour voir constater la réalité de l'achèvement de l'immeuble et pour prendre livraison du bien, conformément aux termes du contrat, sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a retenu que les certificats de conformité préalables à toute ouverture de contrats de fourniture de gaz et d'électricité avaient été remis à M. [E] le 16 mars 2018 et qu'avant cette date, l'immeuble ne pouvait pas être considéré comme étant habitable.

5. Elle a pu déduire, de ce seul motif, répondant en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, que la date du 16 mars 2018 devait être retenue comme étant celle de l'achèvement de l'ouvrage, de sorte que les pénalités de retard étaient dues jusqu'à cette date.

6. Le moyen, inopérant en ses quatre dernières branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

7. M. [E] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de diverses sommes au titre des travaux de parachèvement et de reprise des désordres listés par l'expert, alors :

« 1°/ que le vendeur d'un immeuble à construire est tenu de réparer les vices de construction et les défauts de conformité apparents dénoncés dans l'année qui suit la date du plus tardif des deux événements suivants : la réception des travaux, avec ou sans réserves, ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur ; qu'en retenant, pour écarter la demande de M. [E] tendant au paiement de la somme de 16 548 euros, correspondant aux désordres dénoncés par l'expert judiciaire, que les désordres ?devaient figurer sur les réserves du procès-verbal de réception de l'immeuble, faire l'objet d'une évaluation poste par poste et d'un compte entre les parties?, la cour d'appel, qui a confondu les règles de la vente en l'état futur d'achèvement et celles du louage d'ouvrage, a violé les articles 1642-1 et 1648 du code civil ;

2°/ que le vendeur d'un immeuble à construire est tenu de réparer les vices de construction et les défauts de conformité apparents dénoncés dans l'année qui suit la date du plus tardif des deux événements suivants : la réception des travaux, avec ou sans réserves, ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur ; qu'en écartant la demande de M. [E] tendant au paiement de la somme de 16 548 euros en réparation des désordres, cependant qu'il résultait de ses constatations que les désordres avaient été dénoncés au cours de l'expertise judiciaire, laquelle était intervenue alors que M. [E] n'avait pas encore pris possession des lieux, ce dont il résultait que les désordres constituaient des vices apparents devant être réparés par le vendeur en l'état futur d'achèvement, la cour d'appel a violé les articles 1642-1 et 1648 du code civil. »

Réponse de la cour

Recevabilité du moyen

8. La société Francelot conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que M. [E] ne s'était pas prévalu, dans ses conclusions d'appel, de la garantie des vices apparents prévue par l'article 1642-1 du code civil.

9. Cependant, dans ses conclusions d'appel, M. [E] avait sollicité la condamnation de la société Francelot à payer les travaux de parachèvement, en faisant valoir que ces travaux devaient être mis à la charge du vendeur dans le cadre de ses garanties légales.

10. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1642-1, alinéa 1er, et 1648, alinéa 2, du code civil :

11. Aux termes du premier de ces textes, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.

12. Aux termes du second, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

13. Pour rejeter la demande en paiement de M. [E], l'arrêt retient que le contrat passé entre les parties ne prévoyait pas la rétention par l'acquéreur de 5 % du prix de vente au titre de travaux inachevés et que les travaux de reprise retenus par l'expert judiciaire, portant sur des finitions à caractère non substantiel, auraient dû figurer sur les réserves du procès-verbal de réception de l'immeuble.

14. En statuant ainsi, alors que l'acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l'écoulement de ce délai d'un mois, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [E] au titre des travaux de parachèvement, l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne la société Francelot aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Francelot et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32500098
Date de la décision : 13/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 27 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 fév. 2025, pourvoi n°32500098


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:32500098
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