Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 18 février 2002 sous le n° 02MA00264, présentée pour la société des Etablissements LAGET, dont le siège social est ..., représentée par Me Soldani es qualité de mandataire ad hoc désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 13 février 2002, par la SCP d'avocats A.Roustan-M.Béridot ;
La société des Etablissements LAGET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 97-7687 en date du 20 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 1.100.000 F représentant une partie de la participation financière mise à sa charge par l'autorisation de lotir qui lui a été délivrée par le maire de Trets le 23 février 1988 ;
Classement CNIJ : 68-024-07
C
2°) de condamner la commune de Trets à lui rembourser :
- la somme de 167.693, 91 euros (1.100.000 F) avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1996 ;
- à titre subsidiaire la somme de 20.652,25 euros (135.470 F) avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 1988 et au taux légal majoré de cinq points à compter du 5 mai 1992 ;
3°) de condamner la commune de Trets à lui payer la somme de 4.500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que l'annulation par un arrêté du 5 mai 1992 du dispositif mis en place par l'arrêté du 23 février 1988 a eu pour effet de faire disparaître rétroactivement toute cause à l'encaissement des sommes mises à sa charge, lequel constitue dès lors un enrichissement sans cause qui ne peut permettre à la collectivité publique d'opposer la prescription quinquennale de l'article L.332-30 du code de l'urbanisme ;
- qu'en l'espèce la prescription n'a pas couru contre elle du fait qu'elle a été empêchée d'agir ;
- qu'aucun des arrêtés portant autorisation de lotir qui se sont succédés en l'espèce ne comporte l'indication des équipements publics propres au programme de construction en cause ;
- que le régime mis en place par la commune pour instituer une participation forfaitaire dans les zones dotées d'un plan d'aménagement d'ensemble, s'il déterminait un coût des équipements à venir, ne permettait pas d'arrêter une répartition de leur prise en charge conforme à la loi ;
- que le dernier arrêté en vigueur en date du 5 mai 1999 ne précise pas l'objet de la contribution que la commune de Trets prétend mettre à sa charge ;
- que ladite commune n'est pas fondée à soutenir que, dans le cas où la participation financière versée aurait été répercutée sur le prix de vente des lots, elle devrait se voir retirer tous droits à en réclamer le remboursement à son profit ;
- que, quand bien même les participations exigées aux termes de l'arrêté du 5 mai 1992 seraient légales, les sommes qu'elle a indûment versées s'élèveraient alors à 135.470 F ;
- que, quel que soit son montant, la répétition qui sera ordonnée devra être assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points par application des dispositions du troisième alinéa de l'article L.332-30 du code de l'urbanisme ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 16 septembre 2002, le mémoire en défense présenté par la commune de Trets ; la commune conclut au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, à ce que la Cour ordonne une expertise aux fins d'évaluation des conséquences de la création du lotissement en litige sur les équipements publics communaux ; à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 4.574 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir :
- que l'action en répétition initiée par la société requérante est prescrite en application de l'article L.332-30 du code de l'urbanisme, dès lors que le délai de cinq ans prévu par cet article était expiré lorsque la demande de remboursement a été formée ;
- que, nonobstant le fait que, à la demande de la société requérante, l'arrêté du 5 mai 1992 ait modifié le montant de la participation en litige, l'encaissement de cette dernière conserve une cause, constituée par la création du lotissement et les dispositions des articles L.332-9 et L.332 12 du code de l'urbanisme ; que le droit à répétition est exclusif de tout autre mode de réparation et notamment de l'application du principe de l'enrichissement sans cause ;
- que la société requérante ne s'est pas trouvée dans un cas d'empêchement de nature à interrompre le cours de la prescription ;
- que la société requérante n'a formé aucun recours contre la délibération du conseil municipal ayant délimité les secteurs dotés d'un programme d'aménagement d'ensemble, l'arrêté de lotir et ses arrêtés modificatifs, les ordres de versement des 15 avril 1988 et 31 juillet 1989 ;
- que ladite société n'apporte aucun élément de nature à établir que la participation mise à sa charge ne répond pas au coût des équipements réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des construction à édifier dans le secteur concerné ;
- qu'elle ne fait pas la preuve que les sommes dont elle demande le remboursement n'ont pas été directement mises à la charge des acquéreurs de lots ;
Vu, enregistrée au greffe le 3 février 2004, la note en délibéré présentée par la société des Etablissements LAGET ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2004 :
- le rapport de M. CHERRIER, premier conseiller ;
- les observations de Me ROUSTAN de la S.C.P. ROUSTAN-MARC-BERIDOT pour la Société des Etablissements LAGET représentée par son mandataire ainsi que celles de Me X... de la S.C.P. FAURE-HAMDI pour la commune de Trets ;
- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L.332-9...Les taxes ou contributions qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions du présent article sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement des taxes ou contributions ou de l'obtention des prestations indûment exigées. Les sommes à rembourser portent intérêt aux taux légal ; qu'aux termes de l'article L.332-9 du même code : Dans les secteurs du territoire de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en oeuvre du programme d'aménagement... ; que selon l'article L.332(12 : Les dispositions des articles L.332-6 et L.332-7 sont applicables dans les conditions suivantes aux lotisseurs...Peuvent être mis à la charge du lotisseur ... par l'autorisation de lotir :...d) une participation forfaitaire représentative de la participation prévue à l'article L.332(9... ;
Considérant que, par arrêté en date du 23 février 1988, le maire de Trets a autorisé la société des Etablissements LAGET a créer un lotissement dans un secteur où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par délibération du conseil municipal en date du 26 juillet 1986 ; que cet arrêté, en son article 4, mettait à la charge du lotisseur une participation financière de 2.122.010 F au titre de sa contribution à la réalisation des équipements publics ; qu'à la suite d'une demande de la société requérante portant sur la modification des tranches de travaux, un premier arrêté modificatif en date du 31 décembre 1990 a, en son article 5, annulé et remplacé l'échéancier de versement de ladite somme tel qu'il avait été fixé par le deuxième alinéa de l'article 4 susmentionné ; que, pour tenir compte d'une nouvelle demande de modification présentée par la société requérante et tendant à la réduction du périmètre du projet et sa réalisation en une seule tranche, un second arrêté modificatif en date du 5 mai 1992 a notamment annulé et remplacé l'article 5 de l'arrêté du 31 décembre 1990 par des dispositions fixant à 964.530 F le montant de la participation financière dont s'agit ; que la société des Etablissements LAGET demande la restitution de la somme de 1.100.000 F qui a été perçue par la commune de Trets en application de l'arrêté du 23 février 1988 ;
Considérant que les arrêtés modificatifs des 31 décembre 1990 et 5 mai 1992, qui au demeurant font suite aux modifications apportées par la société des Etablissements LAGET aux conditions de réalisation de son projet de lotissement, ont eu pour effet non pas de faire disparaître rétroactivement dans leur totalité les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 23 février 1988, mais seulement de faire varier les conditions de versement et le montant de la participation en litige tout en laissant subsister le principe de l'obligation imposée au lotisseur par ledit article ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette participation a depuis l'origine sa cause juridique dans les dispositions ci-dessus rappelées du code de l'urbanisme et sa répétition obéit aux règles de prescription posées par lesdites dispositions ;
Considérant qu'il est constant que le dernier versement effectué par la société requérante en exécution de l'autorisation de lotir qui lui a été accordée est intervenu le 12 octobre 1990 ; que sa demande de remboursement de la somme de 1.100.000 F n'a été formée que le 29 novembre 1996, au-delà du délai de cinq ans prévu par les dispositions précitées de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme ; qu'en se bornant à faire état des difficultés qu'elle aurait pu rencontrer dans ses rapports avec l'administration, elle ne justifie pas s'être trouvée dans l'impossibilité d'agir dans ce délai ; qu'ainsi son action en répétition est atteinte par la prescription quinquennale dont s'agit, y compris pour la fraction excédant le montant finalement fixé par l'arrêté du 5 mai 1992 ; que, par suite, elle ne peut utilement invoquer l'illégalité dont serait entachée la participation mise à sa charge ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de restitution de la somme de 1.100.000 F ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Trets, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la société des Etablissements LAGET la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société des Etablissements LAGET à payer à la commune de Trets une somme de 1.000 euros sur le fondement desdites dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société des Etablissements LAGET est rejetée.
Article 2 : La société des Etablissements LAGET paiera une somme de 1.000 euros (mille euros) à la commune de Trets sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société des Etablissements LAGET, à la commune de Trets et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Délibéré à l'issue de l'audience du 29 janvier 2004, où siégeaient :
M. ROUSTAN, président de chambre,
M. CHERRIER et Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,
assistés de Mme EJEA, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 12 février 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé signé
Marc ROUSTAN Philippe CHERRIER
Le greffier,
signé
Françoise EJEA
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier
6
N°''MA00264