Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 novembre 2013 et 19 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ...; M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 4797 du 24 septembre 2013 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, réformant la décision du 21 mai 2010 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins d'Aquitaine, l'a condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 47 967,20 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ;
3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de M.B..., à Me Foussard, avocat du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de la Gironde et à la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins que M.B..., médecin en médecine physique et réadaptation, a fait l'objet d'un contrôle de ses activités sur une période allant du 1er août 2006 au 31 juillet 2008 ; que ce contrôle a révélé que, dans sa pratique des actes de " blocs sympathiques " par injections intraveineuses, M. B...avait, en méconnaissance de la condition de réalisation associée à cet acte dans la classification commune des actes médicaux, réalisé 965 actes au-delà du maximum de six actes indiqués pour un même patient ;
2. Considérant que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins a, par une première décision du 9 mars 2011, condamné M. B...à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 47 967,20 euros au titre des faits rappelés ci-dessus qu'elle a regardés comme constitutifs d'abus d'honoraires ; que par une décision du 6 février 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cette décision pour le motif que la section des assurances sociales avait omis de rechercher si les faits poursuivis répondaient aux caractéristiques de l'abus d'honoraires ; que, statuant à nouveau par la décision du 24 septembre 2013 contre laquelle M. B...se pourvoit en cassation, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins a repris à son égard la même condamnation, en jugeant que les actes de " blocs sympathiques " pratiqués en méconnaissance de la limitation à six prévue par la classification commune des actes médicaux étaient des actes " non cotables ", assimilables à des actes surcotés ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de l'ordre des médecins sont appelées à connaître des " fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession " ; qu'aux termes de l'article L. 145-2 du même code : " Les sanctions susceptibles d'être prononcées par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou par la section spéciale des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins (...) sont : (...) 4°) Dans le cas d'abus d'honoraires, le remboursement à l'assuré du trop-perçu ou le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé ( ...) " ; que constituent des honoraires abusifs au sens de ces dispositions ceux qui sont réclamés pour un acte facturé sans avoir jamais été réalisé, pour un acte surcoté, pour un acte réalisé dans des conditions telles qu'alors même qu'il a été effectivement pratiqué, il équivaut à une absence de soins, ou encore ceux dont le montant est établi sans tact ni mesure ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale : " La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé (...) est subordonné à leur inscription sur une liste (...). L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation " ; que les conditions particulières prévues par cet article, qui peuvent le cas échéant prévoir un nombre maximum d'actes à réaliser dans le cadre d'un même traitement, sont au nombre des règles que le praticien est tenu de respecter pour que l'acte qu'il effectue soit pris en charge par l'assurance maladie ; que si leur méconnaissance est, par suite, susceptible de constituer un abus dans l'exercice de la profession médicale au sens des dispositions de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, une telle méconnaissance n'est pas, par elle-même, constitutive d'un abus d'honoraires au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 145-2 du même code ; qu'elle ne peut, notamment, être assimilée à la facturation d'un acte au-delà de son tarif légal ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le fait d'effectuer des actes de " blocs sympathiques " au-delà du nombre maximum fixé par la classification commune des actes médicaux était, en raison de ce que ces actes n'avaient pas vocation à être remboursés par l'assurance maladie, constitutifs d'un abus d'honoraires, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que M. B...est fondé à en demander l'annulation ;
6. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les faits reprochés à M. B...ne peuvent être qualifié d'abus d'honoraires au sens des dispositions de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale ; que le médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Bordeaux n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision en date du 21 mai 2010, la section des assurances sociales du conseil régional d'Aquitaine de l'ordre des médecins a refusé de regarder les faits reprochés à M. B...comme constitutifs d'abus d'honoraires ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande le médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Bordeaux au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement à M. B... de la somme de 3 000 euros au titre du même article ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 24 septembre 2013 de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins est annulée.
Article 2 : Les conclusions d'appel du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Bordeaux dirigées contre la décision du 21 mai 2010 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins d'Aquitaine en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à ce que M. B...soit condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde des sommes indûment facturées et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Bordeaux versera la somme de 3 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de la Gironde et au Conseil national de l'ordre des médecins.