Vu la procédure suivante :
Mme C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, premièrement, d'annuler la décision du 30 septembre 2019 par laquelle Pôle emploi a refusé de l'inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi, deuxièmement, d'enjoindre à Pôle emploi de l'inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi et de lui verser rétroactivement, à compter du 1er septembre 2019, les prestations d'assurance chômage auxquelles elle estime être éligible et d'assortir ce versement des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2019 et, troisièmement, de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 30 septembre 2019. Par un jugement n° 2016601 du 21 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 30 septembre 2019, enjoint à Pôle emploi de procéder au réexamen de la demande de Mme B... A... d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 23 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Pôle emploi demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de Pôle emploi et à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 30 septembre 2019, le directeur de l'agence Pôle emploi de Paris Brancion a refusé d'inscrire Mme B... A..., titulaire d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", sur la liste des demandeurs d'emploi au motif que ce titre ne figurait pas sur la liste limitative, définie à l'article R. 5221-48 du code du travail, des titres ouvrant droit à l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi. Par un jugement du 21 juin 2021, contre lequel Pôle emploi se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 30 septembre 2019, enjoint à Pôle emploi de procéder au réexamen de la demande de Mme B... A... d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi et rejeté le surplus des conclusions de Mme B... A..., tendant à ce qu'il soit enjoint à Pôle emploi de lui verser rétroactivement les prestations d'assurance chômage et à la condamnation de Pôle emploi à réparer son préjudice moral.
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B... A... :
2. L'intérêt à se pourvoir en cassation s'apprécie par rapport au dispositif de la décision juridictionnelle critiquée. Lorsque cette décision fait partiellement droit aux conclusions des parties, chacune d'elles n'est recevable à demander son annulation qu'en tant que les conclusions qu'elle avait présentées ont été rejetées ou que les conclusions de la partie adverse ont été accueillies, sauf à ce que le dispositif de la décision présente un caractère indivisible. Mme B... A... est ainsi fondée à soutenir que Pôle emploi ne justifie pas d'un intérêt pour contester l'article 4 du jugement qu'il attaque, qui rejette le surplus des conclusions qu'elle avait présentées et ne présente pas un caractère indivisible avec l'article 1er de ce jugement, qui annule la décision du 30 septembre 2019, son article 2, qui enjoint à Pôle emploi de réexaminer la demande d'inscription de Mme B... A... sur la liste des demandeurs d'emploi ou son article 3, qui met à la charge de Pôle emploi les frais de l'instance. Le pourvoi de Pôle emploi doit, dès lors, être rejeté en tant qu'il porte sur l'article 4 du jugement attaqué.
Sur le surplus des conclusions du pourvoi :
3. En premier lieu, d'une part, l'article L. 5312-1 du code du travail dispose que : " Pôle emploi est une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière qui a pour mission de : (...) 3° Procéder aux inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi, tenir celle-ci à jour dans les conditions prévues au titre Ier du livre IV de la présente partie et assurer le contrôle de la recherche d'emploi dans les conditions prévues au chapitre VI du titre II du livre IV ; (...) ". Aux termes de l'article L. 5411-1 du code du travail : " A la qualité de demandeur d'emploi toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi auprès de Pôle emploi. " Aux termes de l'article R. 5411-1 du même code : " La liste des demandeurs d'emploi est tenue par Pôle emploi. "
4. D'autre part, l'article L. 5312-12 du code du travail prévoit que : " Les litiges relatifs aux prestations dont le service est assuré par [Pôle emploi], pour le compte de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance-chômage ou de l'Etat sont soumis au régime contentieux qui leur était applicable antérieurement à la création de cette institution ". Le législateur a souhaité, par ces dispositions, que la réforme de l'organisation du service public de l'emploi opérée par la loi du 13 février 2008 visée ci-dessus, qui s'est notamment caractérisée par la substitution de Pôle emploi à l'Agence nationale pour l'emploi et aux ASSEDIC, reste sans incidence sur le régime juridique des prestations et sur la juridiction compétente pour connaître du droit aux prestations, notamment sur la compétence de la juridiction judiciaire s'agissant des prestations servies au titre du régime d'assurance-chômage.
5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 qu'un litige portant sur les mesures prises par Pôle emploi, institution nationale publique, au titre de la mission qui lui est confiée au 3° de l'article L. 5312-1 du code du travail, notamment celle, assurée par l'Agence nationale pour l'emploi avant la réforme de l'organisation du service public de l'emploi opérée par la loi du 13 février 2008, de procéder aux inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi, laquelle n'entre pas dans le champ des litiges relevant de la compétence de la juridiction judiciaire en vertu de l'article L. 5312-1 du code du travail, ressortit à la compétence de la juridiction administrative.
6. Par suite, contrairement à ce que soutient Pôle emploi, le tribunal administratif était compétent pour statuer, ainsi qu'il l'a fait sans irrégularité, sur les conclusions de la demande de Mme B... A... tendant à l'annulation de la décision du 30 septembre 2019 refusant de l'inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi et à ce qu'il soit enjoint à Pôle emploi de l'inscrire sur cette liste.
7. En second lieu, toutefois, lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne en matière d'aide ou d'action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d'emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l'article R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l'intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement. Dans le cas d'un contentieux portant sur le droit à l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi, qui relève des dispositions en faveur des travailleurs privés d'emploi, c'est au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant au cours de la période en litige que le juge doit statuer.
8. En l'espèce, après avoir jugé illégal le motif de refus d'inscription opposé par Pôle emploi à Mme B... A... dans sa décision du 30 septembre 2019, le tribunal s'est borné à annuler pour excès de pouvoir cette décision et à enjoindre à Pôle emploi de réexaminer la demande d'inscription de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement. En statuant ainsi, alors qu'il lui revenait de fixer lui-même les droits de Mme B... A... pour la période en litige ou de la renvoyer devant Pôle emploi pour qu'il procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement, le tribunal administratif a méconnu son office.
9. Il résulte de ce qui précède que Pôle emploi est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement qu'il attaque.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Pôle emploi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... A... une somme à verser à Pôle emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 21 juin 2021 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme B... A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Pôle emploi et à Mme C... B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.
Rendu le 1er mars 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Ariane Piana-Rogez
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber