Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 7 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D...A..., demeurant..., M. B...C..., demeurant ... et la société A...etC..., dont le siège est 20 impasse des Moulins à Montpellier (34080) ; M. A...et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10MA01256 du 13 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur la requête de la société Beterem Ingénierie tendant à l'annulation du jugement n° 0805628 du 5 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée solidairement avec MM. A...et C...et la société A...et C...à verser à la commune de Baillargues la somme de 287 754,52 euros en réparation du préjudice subi du fait de désordres affectant la réalisation de la résidence pour personnes âgées " Les Pins-Bessons " avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2008 et capitalisation à compter du 10 octobre 2009, en premier lieu, porté à 288 070,60 euros TTC la somme à verser à la commune de Baillargues, en deuxième lieu, condamné la société Beterem à garantir M. A..., M. C...et la société A...et C...à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à leur encontre, en troisième lieu, condamné la société Snef à garantir la société Beterem du paiement de la somme de 16 944,60 euros TTC et M.A..., M. C...et la société A...et C...du paiement de la somme de 39 537,40 euros TTC, en quatrième lieu, condamné la Socotec venant aux droits de la société AINF à garantir la société Beterem du paiement de la somme de 17 284,20 euros TTC et M.A..., M. C...et la société A...et C...du paiement de la somme de 28 807 euros TTC, en cinquième lieu, condamné la société Ascelec à garantir la société Beterem du paiement de la somme de 339,60 euros TTC, et M.A..., M. C...et la société A...et C...du paiement de la somme de 792,41 euros TTC et, en sixième lieu, rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Beterem et le surplus de l'appel provoqué de M.A..., de M. C...et de la société A...et C...et de l'appel incident de la commune de Baillargues ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Baillargues une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Dieu, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M.A..., de M. C...et de la société A...etC..., à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Baillargues, et à la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de la société Socotec ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un marché signé le 29 juin 1989, la commune de Baillargues a confié au groupement constitué par MM.A..., C...et la société A...etC..., architectes, et la société Beterem, la maîtrise d'oeuvre de la réalisation d'une résidence pour personnes âgées ; que, par un jugement du 11 juillet 2002, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement le groupement, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à réparer les désordres affectant les installations électriques, les ascenseurs et les systèmes de désenfumage et d'isolement au feu de la résidence ; que, par un arrêt du 3 mai 2006 qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a, à la demande des maîtres d'oeuvre, constaté la nullité du marché, annulé le jugement du tribunal et rejeté comme irrecevables car nouvelles en appel les conclusions de la commune de Baillargues fondées sur la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle des maîtres d'oeuvre ; que, la commune ayant engagé une nouvelle action fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle des maîtres d'oeuvre, ceux-ci se pourvoient contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 288 070,60 euros la somme qu'ils ont été condamnés solidairement, par un jugement du 5 février 2010 du tribunal administratif de Montpellier, à verser à la commune de Baillargues et a réformé ce jugement en ce qui concerne les obligations respectives des constructeurs dans le cadre de leurs appels en garantie ;
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêt devenu définitif du 3 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté comme irrecevables car nouvelles en appel les conclusions de la commune de Baillargues tendant à la mise en cause de la responsabilité quasi-délictuelle de M. A...et autres était dépourvu, sur ce point, de l'autorité de la chose jugée ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le rejet pour irrecevabilité de ces conclusions ne faisait pas obstacle à ce que la commune, alors qu'elle ne l'avait pas contesté devant le juge de cassation, saisisse le tribunal administratif de Montpellier d'une nouvelle demande tendant à la condamnation des maîtres d'oeuvre sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne peuvent, en tout état de cause, utilement soutenir que la cour administrative d'appel de Marseille aurait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en estimant que l'intervention de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 21 avril 1997 ne pouvait interrompre la prescription, les juges d'appel s'étant également fondés, pour écarter l'exception tirée de la prescription, sur une ordonnance du même juge du 2 février 1999 désignant un expert, estimant que cette décision avait interrompu le délai de la prescription de l'action en garantie décennale dont l'expiration devait en conséquence être fixée au 2 février 2009, postérieurement à la date d'enregistrement de la demande de la commune de Baillargues devant le même tribunal, le 9 octobre 2008 ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'après avoir retenu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que M. A...et autres, n'avaient pas assuré un contrôle et un suivi suffisants des travaux relatifs aux installations électriques, à la mise en oeuvre des ascenseurs et aux systèmes de désenfumage et d'isolement au feu de la résidence, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas inexactement qualifié les faits en estimant que ces manquements des maîtres d'oeuvre à leurs obligations professionnelles, qui les avaient conduits à livrer un ouvrage non conforme à sa destination pour avoir été construit en méconnaissance des règles de l'art, constituaient une faute de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir que les juges d'appel auraient méconnu la portée de leurs écritures d'appel en affirmant qu'ils ne contestaient pas ne pas avoir assuré un contrôle et un suivi suffisants des travaux, dès lors qu'ainsi qu'il résulte des termes mêmes de son arrêt, lequel est suffisamment motivé sur ce point, la cour s'est fondée, pour retenir l'existence de manquements, sur les résultats de l'instruction ;
5. Considérant toutefois, en dernier lieu, que, dans le cadre de l'examen des appels en garantie, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir fixé la responsabilité respective de l'ensemble des constructeurs d'une part (soit 70 % pour l'entreprise chargée des travaux en cause, 20 % pour le groupement de maîtrise d'oeuvre et 10 % pour la société AINF) et celle des différents membres du groupement de maîtrise d'oeuvre d'autre part (soit 70 % pour MM. A...et C...et la société A...et C...et 30 % pour la société Beterem), a fixé le montant des obligations respectives des constructeurs sans tenir compte des partages de responsabilité qu'elle avait retenus et sans s'expliquer sur les modalités de calcul de ces montants ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas mis le juge de cassation à même d'exercer son office et a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, M. A...et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur le montant des obligations respectives des constructeurs dans le cadre de leurs appels en garantie ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Baillargues qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A...et autres et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...et autres une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Baillargues en application de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Socotec venant aux droits de la société AINF tendant à ce que soit mise à la charge de M. A...et autres une somme en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 juin 2013 est annulé en tant qu'il a statué sur le montant des obligations respectives des constructeurs dans le cadre de leurs appels en garantie.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de MM. A...et C...et de la société A...et C...est rejeté.
Article 4 : MM. A...et C...et la société A...et C...verseront une somme de 3 000 euros à la commune de Baillargues en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par MM. A...et C...et la société A...et C...et par la société Socotec en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. D...A..., à M. B...C..., à la société A...etC..., à la commune de Baillargues et à la société Socotec.