LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 février 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 183 F-D
Pourvoi n° U 21-12.843
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022
L'entreprise Begetech, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 21-12.843 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de [Localité 6] (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Technimarine, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, (SMABTP) dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à M. [N] [F], domicilié [Adresse 3], succédant à M. [Z] [G], ayant lui-même succédé à M. [V] [B], pris en qualité de représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de la société Begetech et de représentant des créanciers de la société Sotop, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ au Port Autonome de [Localité 6], établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à M. [L] [K], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'entreprise Begetech, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Technimarine, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Begetech du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SMABTP, M. [F], pris en ses qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de la société Begetech et de représentant des créanciers de la société Sotop, le Port autonome de [Localité 6] et M. [K].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 6], 3 décembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 7 mars 2019, pourvois n° 17-25.993 et 17-23.332), la société Technimarine a confié à la société Begetech, assurée auprès de la SMABTP, une mission d'assistance relative à la construction d'un hangar sur un terrain occupé selon autorisation temporaire accordée par le Port autonome de [Localité 6] (le Port autonome).
3. Après révélation d'une erreur d'implantation du hangar, la société Technimarine a, après interruption des travaux, fait modifier le projet de construction.
4. La société Technimarine a, après expertise, assigné en réparation la société Begetech et le Port autonome.
5. La Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 30 mars 2017 « mais seulement en ce qu'il déclare la société Begetech entièrement responsable du défaut d'implantation du bâtiment de la société Technimarine, rejette la demande de la société Technimarine contre le Port autonome et en ce qu'il fixe le montant de la créance de la SARL Technimarine à l'encontre de l'Eurl Begetech à la somme de 13 050 000 FCP. »
6. Devant la cour d'appel de renvoi, la société Begetech a contesté le principe de sa responsabilité et l'évaluation du préjudice subi.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La société Begetech fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses prétentions et moyens tendant à contester sa responsabilité et l'évaluation du préjudice subi par la société Technimarine, alors « que la cassation atteint le chef du dispositif qui en fait l'objet sans en laisser rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que par arrêt du 7 mars 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de [Localité 6] du 30 mars 2017 en ce qu'il a déclaré la société Begetech entièrement responsable du défaut d'implantation du bâtiment de la société Technimarine et en ce qu'il a fixé le montant de la créance de cette dernière à l'encontre de la société Begetech à la somme de 13 050 090 francs pacifiques ; qu'en retenant que la société Begetech ne pouvait remettre en cause devant elle le principe et le montant de la condamnation prononcée à son encontre par l'arrêt du 30 mars 2017 quand ces chefs de cet arrêt étaient expressément inclus dans le champ de la cassation prononcée, peu important que la cassation soit intervenue sur un moyen qui ne portait pas sur l'obligation de la société Begetech mais sur les demandes dirigées contre le Port autonome, la cour d'appel a violé les articles 624, 625 et 638 du code procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 623, 624, 625, alinéas 1er et 2, et 638 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes que la cassation, dont la portée est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises de ce chef dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et ayant la faculté d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
9. Pour déclarer la société Begetech irrecevable en ses demandes, l'arrêt retient que la cassation est fondée sur la question de la responsabilité du Port autonome et que l'ensemble des autres points, dont la responsabilité de la société Begetech pour défaut d'implantation du bâtiment commandé par la société Technimarine et l'estimation du préjudice subi par celle-ci, sont définitivement jugés.
10. En statuant ainsi, alors que l'arrêt censuré ne comportait pas, dans son dispositif, un chef spécifique quant au principe de la responsabilité de la société Begetech et que la cassation des dispositions retenant l'entière responsabilité de cette société et fixant le montant de la créance de la société Technimarine contre la société Begetech avait investi la juridiction de renvoi de la connaissance des chefs du litige tranchés par ces dispositions, dans tous ses éléments de fait et de droit, comprenant tant l'étendue que le principe de responsabilité, outre la fixation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les parties irrecevables en leurs prétentions et moyens tendant à contester la responsabilité de la société Begetech et la fixation de la créance de la société Technimarine contre la société Begetech à la somme de 13 050 090 FCP, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de [Localité 6] ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de [Localité 6] autrement composée ;
Condamne la société Technimarine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Technimarine et la condamne à payer à la société Begetech la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'entreprise Begetech
La société Begetech fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée irrecevable en ses prétentions et moyens tendant à contester sa responsabilité et l'évaluation du préjudice subi par la société Technimarine ;
Alors que la cassation atteint le chef du dispositif qui en fait l'objet sans en laisser rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que par arrêt du 7 mars 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de [Localité 6] du 30 mars 2017 en ce qu'il a déclaré la société Begetech entièrement responsable du défaut d'implantation du bâtiment de la société Technimarine et en ce qu'il a fixé le montant de la créance de cette dernière à l'encontre de la société Begetech à la somme de 13 050 090 francs pacifiques ; qu'en retenant que la société Begetech ne pouvait remettre en cause devant elle le principe et le montant de la condamnation prononcée à son encontre par l'arrêt du 30 mars 2017 quand ces chefs de cet arrêt étaient expressément inclus dans le champ de la cassation prononcée, peu important que la cassation soit intervenue sur un moyen qui ne portait pas sur l'obligation de la société Begetech mais sur les demandes dirigées contre le Port autonome, la cour d'appel a violé les articles 624, 625 et 638 du code procédure civile ;