LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux demandeurs de ce qu'il se désistent du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bureau de recherches géologiques et minières de la région Est (BRGM) et contre la commune de Benfeld ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 11 décembre 1970, sur le territoire de la commune de Benfeld, un camion-citerne de la société Onatra, s'est renversé sur la chaussée et a déversé une partie de son chargement composé de milliers de litres de tétrachlorure de carbone ; qu'en septembre 1992, les analyses effectuées à l'occasion du forage d'un nouveau puits sur le territoire de la commune proche d'Ernstein ont révélé une pollution de sa nappe phréatique rendant les eaux impropres à la consommation ; que cette commune, après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert pour déterminer les causes de cette pollution, le 29 janvier 2001, avec sa régie municipale d'eau et d'électricité, a assigné en responsabilité et indemnisation la société Onatra et son assureur, la société GAN, devenue Gan eurocourtage, ainsi que le Bureau de recherches géologiques et minières de la région Est (BRGM) ; que le 28 juin 2001, la communauté de communes du pays d'Ernstein, la communauté de communes de Benfeld et environs, le syndicat intercommunal des eaux d'Erstein Nord (le SIE) et la communauté urbaine de Strasbourg (CUS) ont, à leur tour, assigné aux mêmes fins la société Onatra et son assureur ; que ces actions ont été jointes ; que le syndicat mixte Benfeld Ernstein-Strasbourg est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :
Vu l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 et les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les actions de la communauté de communes de Benfeld et environs, de la communauté de communes du Pays d'Erstein, du syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg et de la communauté urbaine de Strasbourg, l'arrêt énonce que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le sinistre était nécessairement connu dès l'origine par les personnes morales de droit public dont le périmètre de compétence géographique comprend le territoire de la commune de Benfeld, où est survenu l'accident, ou qui en sont l'émanation, de telle sorte que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la communauté de communes de Benfeld et environs et le syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg étaient prescrits à agir, l'expiration du délai intervenant pour eux en juillet 1995 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'accident de la circulation du 11 décembre 1970 avait seulement entraîné un risque de pollution des eaux souterraines, dommage qui ne s'était révélé qu'au cours d'un forage réalisé en juin 1992 à l'initiative du SIE, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés, et n'a pas satisfait aux exigences des deux derniers ;
Sur le premier moyen pris en ses quatrième et cinquième branches :
Vu l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de la CUS, faute d'intérêt, l'arrêt énonce que celle-ci n'établit pas l'existence d'un préjudice né et actuel résultant de la pollution des sols relevant de son aire de compétence ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action, et que l'existence du préjudice invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches réunies :
Vu l'article 1384, alinéa 1er du code civil ;
Attendu que pour débouter la ville d'Erstein, la régie municipale d'eau et d'électricité (usines municipales d'Erstein), la Région Alsace et le syndicat intercommunal des eaux Erstein Nord de leur demande en dommages-intérêts, l'arrêt énonce que, sans méconnaître que ce sinistre a pour origine initiale l'accident de 1970, la cour d'appel considère que cet incident n'est pas en lien de causalité direct avec la pollution détectée plus de vingt ans plus tard sur les communes d'aval et que c'est à bon droit que le premier juge a écarté la responsabilité du transporteur ; qu'en effet, il est parfaitement établi que, dès le 21 décembre 1970, le service géologique d'Alsace-Moselle, aux droits duquel vient le BRGM, a présenté un rapport au service des mines, au SRAE, à la direction départementale de l'agriculture, ainsi qu'au préfet, dans lequel la nocivité du produit, ses conséquences sur l'environnement, ses risques de diffusion dans la nappe étaient décrits clairement, le rédacteur invitant l'autorité publique à prendre diverses mesures aux fins d'apprécier le phénomène et d'en prévenir les autorités ou collectivités publiques compétentes ; qu'il est de fait qu'aucune mesure n'a été prise malgré un rappel en avril 1971, que l'événement a été « oublié » et qu'un statu quo complet a été observé sur cette question par les autorités publiques locales ou étatiques jusqu'au forage de 1992 ; qu'il en résulte que le développement de la pollution, initialement cantonnée à une surface restreinte, sur des territoires considérables en fonction des mouvements de la nappe phréatique, a pour cause unique et adéquate la carence persistante des autorités publiques compétentes pour prendre les mesures préventives et curatives qui s'imposaient ; qu'en tous les cas, cette attitude de l'administration était imprévisible et irrésistible pour l'entreprise Onatra, qui n'avait aucune prise sur l'évolution de la situation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le tétrachlorure de carbone dont la société Onatra était le gardien avait été l'instrument du dommage causé à la nappe phréatique, et que la prétendue carence des autorités administratives ne constituait pas pour le gardien un événement imprévisible et irrésistible caractérisant la force majeure, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en celles ayant déclaré recevables dans leur action " la ville d'Erstein, sa composante la régie municipale d'eau et d'électricité " UME " et la région Alsace ", l'arrêt rendu le 15 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. X..., ès qualités, et la société Gan eurocourtage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la commune d'Erstein, la régie municipale d'eau et d'électricité, usines municipales d'Erstein, la région Alsace, la communauté de communes de Benfeld et environs, le syndicat intercommunal des eaux d'Erstein Nord, la communauté urbaine de Strasbourg, la communauté de communes du Pays d'Erstein et le syndicat mixte Benfeld-Erstein Strasbourg.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevables les demandes de la communauté de communes de Benfeld et environs, de la communauté de communes du pays d'Erstein, du syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg et de la communauté urbaine de Strasbourg,
AUX MOTIFS QU'il est admis que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, en fonction du principe à valeur constitutionnelle selon lequel il n'y a pas de prescription avant la naissance de l'action ; que le sinistre était nécessairement connu dès l'origine par les personnes morales de droit public dont le périmètre de compétence géographique comprend le territoire de la commune de Benfeld, où est intervenu l'accident, ou qui en sont l'émanation, de telle sorte que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la communauté de communes de Benfeld et Environs et le syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg étaient prescrits à agir, l'expiration du délai intervenant pour elles en juillet 1995 ; que le syndicat intercommunal des eaux d'Erstein Nord est, en revanche, fondé à soutenir que le point de départ de la prescription ne remonte pour lui qu'à compter du début de juin 1992, date à laquelle la réalisation d'analyses, à l'occasion de la mise en place d'un nouveau forage, a révélé l'existence de la pollution sur son territoire d'intervention et que le délai de prescription a été utilement interrompu, en ce qui le concerne, par l'action engagée en 2001, puisque le délai n'expirait, à son égard, qu'en juin 2002, en vertu des dispositions nouvelles de l'article 2270-1 du code civil introduites par la loi du 5 juillet 1985 ; qu'un même raisonnement s'impose pour la CUS ; que, toutefois, dans la mesure où celle-ci n'établit pas l'existence d'un préjudice né et actuel résultant de la pollution des sols relevant de son aire de compétence, il y a lieu d'estimer que c'est à bon droit que le tribunal l'a estimé irrecevable en son action faute d'intérêt ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la communauté de communes de Benfeld et Environs, la communauté de communes du pays d'Erstein, le syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg et la communauté urbaine de Strasbourg sont irrecevables en leurs demandes, étant relevé que, contrairement à l'injonction que le juge de la mise en état des causes leur avait décernée le 19 décembre 2002, elles ne justifient toujours pas de leur intérêt à agir faute pour elles de fournir le moindre justificatif permettant au tribunal de définir leur rôle respectif et d'apprécier la nature et l'importance du préjudice qu'elles prétendent avoir subi ou devoir subir du fait de la pollution litigieuse, se bornant à réclamer des dommages-intérêts « in solidum » en contravention avec les règles élémentaires de la comptabilité publique ;
1° ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; que la cour d'appel a constaté que l'accident survenu le 11 décembre 1970 sur la commune de Benfeld n'avait pas eu immédiatement pour conséquence la pollution de la nappe phréatique et que le service géologique d'Alsace Moselle avait alors mis en évidence un simple « risque » de pollution à surveiller ; qu'elle a également relevé que la pollution des eaux souterraines ne s'était manifestée qu'en 1991-1992 lors du forage d'un puits sur le territoire de la commune d'Erstein ; qu'en retenant néanmoins que la prescription de l'action engagée par la communauté de communes de Benfeld et Environs, le syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg et la communauté de communes du pays d'Erstein avait commencé à courir en 1970, date du « sinistre », et non en 1992, date de la manifestation du dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
2° ALORS au surplus QUE la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter du jour où le dommage s'est manifesté à la victime qui agit en réparation ; que pour dire que la communauté de communes de Benfeld et Environs et le syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg avaient eu connaissance « dès l'origine » du sinistre dont il sollicitait réparation, la cour d'appel constate seulement que ces personnes publiques exercent leurs attributions sur le territoire de la commune de Benfeld sur lequel est survenu l'accident ; qu'en statuant ainsi, par un tel motif impropre à établir que la communauté de communes de Benfeld et Environs et le syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg avaient elles-mêmes et chacune été informées, dès 1970, de l'accident et des conséquences dommageables qui en sont résultées, la cour d'appel a violé l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
3° ALORS en toute hypothèse QU'en retenant que le sinistre était « nécessairement connu » dès l'origine par les personnes morales de droit public dont le périmètre de compétence géographique comprend le territoire de la commune de Benfeld, où est intervenu l'accident, ou qui en sont l'émanation, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4° ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; que, particulièrement, l'existence du préjudice subi par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de l'action en responsabilité mais de son succès ; qu'en déclarant irrecevable l'action en responsabilité exercée par la communauté urbaine de Strasbourg, la communauté de communes de Benfeld et Environs, la communauté de communes du pays d'Erstein et le syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg à l'encontre de la société Onatra et de son assureur, la compagnie Gan Assurances, au motif qu'elles n'aurait pas justifié de « la nature et l'importance » de leur préjudice ni, s'agissant de la communauté urbaine de Strasbourg, de « l'existence d'un préjudice né et actuel », la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
5° ALORS QUE la communauté urbaine de Strasbourg alléguait un préjudice économique résultant de sa participation au financement des travaux de pollution de la nappe phréatique de la plaine d'Alsace à hauteur de 454. 835 euros sur la période de 2003 à 2007 et démontrait avoir versé cette somme au syndicat mixte Benfeld-Erstein-Strasbourg en vue de la réalisation de ces travaux en produisant une copie des mandats de paiements émis sur cette période ; que faute d'avoir recherché, alors qu'elle y était invitée, si cette circonstance n'était pas de nature à caractériser l'intérêt à agir de la communauté urbaine de Strasbourg, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 31 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Ville d'Erstein, la Régie municipale d'eau et d'électricité (usines municipales d'Erstein), la Région Alsace et le syndicat intercommunal des eaux Erstein Nord de leur demande en dommages-intérêts
AUX MOTIFS QU'il est constant que suite à un accident de la circulation survenu en décembre 1970, un chargement de tétrachlorure convoyé par un camion de la société Onatra s'est déversé sur un terrain privé sis sur le territoire de la commune de Benfeld et que 3 à 4000 litres équivalents à environ 6 tonnes de produit n'ont pas été récupérés et se sont infiltrés dans le sol ; qu'il en résulte indubitablement quant à la pollution du terrain que la société Onatra, tant en qualité de gardienne du camion que du produit transporté, apparaît responsable des conséquences dommageables liées à cet incident initial, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté puisque son assureur a procédé à un certain nombre d'indemnisations à l'époque ; qu'il est établi, par ailleurs, par les opérations d'expertise, qu'après un temps de latence très long, cette pollution s'est manifestée en 1991-1992, sur le territoire de la commune d'Erstein au gré d'analyses de l'eau de la nappe phréatique menées à l'occasion du forage d'un puits, qui ont démontré que l'aquifère était contaminé notamment par ce produit qui s'était propagé d'amont en aval au point de rendre l'eau impropre à la consommation humaine en fonction de l'évolution des normes de potabilité ; que, sans méconnaître que ce sinistre a pour origine initiale l'accident de 1970, la cour considère que cet incident n'est pas en lien de causalité direct avec la pollution détectée plus de vingt ans plus tard sur les communes d'aval et que c'est à bon droit que le premier juge a écarté la responsabilité du transporteur ; qu'en effet, il est parfaitement établi que, dès le 21 décembre 1970, le service géologique d'Alsace Moselle, aux droits duquel vient le BRGM, a présenté un rapport au service des mines, au SRAE, à la DDA, respectivement au préfet (annexe n° 7 de Me Y...), dans lequel la nocivité du produit, ses conséquences sur l'environnement, ses risques de diffusion dans la nappe étaient décrits clairement, le rédacteur invitant l'autorité publique à prendre diverses mesures aux fins de mesurer le phénomène et d'en prévenir les autorités ou collectivités publiques compétentes ; qu'il est de fait qu'aucune mesure n'a été prise malgré un rappel en avril 1971, que l'événement a été « oublié » (paragraphe 3. 1 page 7 de la note technique n° 1 de M. Z...in annexes de Me A...) et qu'un statu quo complet a été observé sur cette question par les autorités publiques locales ou étatiques jusqu'au forage de 1992 ; qu'il est vrai que la note du SGAL indiquait que l'intervention préconisée (sondages) ne permettrait pas d'envisager une dépollution de la nappe, « aucune technique n'étant applicable », mais d'avertir les éventuels utilisateurs de la nappe en secteur pollué ; que toutefois, si cette indication a pu expliquer la passivité des autorités de l'époque sans la justifier, il n'en demeure pas moins que l'ingénieur D... estime, en page 6 de sa note (ibidem), que « la solubilité du produit, ainsi que sa nocivité, ayant été avancées, il était techniquement possible à l'époque d'envisager une récupération par pompages immédiats dans l'aquifère au droit du déversement » ; que l'expert judiciaire Z...s'en fait d'ailleurs l'écho dans les conclusions générales de son rapport, pour corroborer et renforcer ce point de vue, puisqu'il note que les préconisations du SGAL auraient dû être réalisées le plus rapidement possible, qu'elles auraient dû être suivies d'une opération de décontamination immédiate, certes délicate, mais néanmoins techniquement réalisable même à l'époque, ce qui aurait probablement évité la pollution actuelle de l'aquifère et son développement prévisible dans le sens de l'écoulement naturel de la nappe phréatique (page 245 du rapport in annexes de Me A...) ; qu'il en résulte que le développement de la pollution, initialement cantonnée à une surface restreinte, sur des territoires considérables en fonction des mouvements de la nappe phréatique, a pour cause unique et adéquate la carence persistante des autorités publiques compétentes pour prendre les mesures préventives et curatives qui s'imposaient ; qu'en tous les cas, cette attitude de l'administration était imprévisible et irrésistible pour l'entreprise Onatra, qui n'avait aucune prise sur l'évolution de la situation ; qu'il n'est pas anodin de relever, à titre d'illustration et sans en faire le fondement de la présente décision que le tribunal administratif lui-même, confirmé, il est vrai, pour un motif de procédure par la cour administrative d'appel, a repéré ces manquements pour annuler un arrêté du préfet pris le 28 mars 2000 aux fins de contraindre le transporteur à assumer les mesures de dépollution (annexes de Me B...) ; que la pollution déplorée dans la nappe phréatique n'apparaît pas la conséquence directe de l'accident initial mais celui des carences persistantes et répétées de l'autorité administrative ; que la décision entreprise mérite purement et simplement d'être confirmée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il appartient à la juridiction judiciaire de caractériser le lien causal pouvant exister entre le fait reproché à la SA Onatra et le préjudice dont les demanderesses sollicitent la réparation ; que la responsabilité n'est engagée que lorsque le dommage allégué se trouve lié à la faute ou au fait ou si cette faute a joué un rôle véritablement perturbateur, ne laissant aux autres qu'un caractère secondaire au point que le dommage en est une suite inévitable ou nécessaire ; qu'il ne peut être contesté que le CLC4 détecté en 1992 dans la nappe phréatique sur le territoire de la commune d'Erstein provient bien de la citerne du camion appartenant à la SA Onatra qui s'est couché sur la chaussée à Benfeld le 11 décembre 1970, il n'en demeure pas moins qu'à cette époque, cet accident n'avait pas eu pour conséquence le déversement direct de tétrachlorure de carbone dans la nappe phréatique mais une simple pollution du terrain appartenant aux époux C...ainsi que divers dommages causés aux personnels de secours qui étaient intervenus sur les lieux, l'ensemble de ces préjudices ayant été totalement indemnisé par le GAN ; que le procès-verbal de gendarmerie dressé le 13 décembre 1970 indiquait clairement que « étant donné la présence … d'une nappe phréatique … le tétrachlorure de carbone s'étant infiltré dans le sol le service compétent de la préfecture du Bas-Rhin a été informé » ; que le SGAL, consulté par les services publics dotés de l'autorité décisionnelle a recommandé, dès le 21 décembre 1970 et largement fait part de la nécessité de réaliser une étude, dont il a adressé le devis correspondant le 28 décembre 1970, pour laquelle il lui a été demandé de refaire une proposition fin avril 1971 à laquelle il n'a été donné aucune suite ; que les experts ont considéré qu'une telle étude aurait dû être faite le plus rapidement possible et qu'elle aurait dû être suivie d'une opération de décontamination qui était techniquement réalisable, même à l'époque, et qui aurait probablement évité la pollution actuelle et son développement prévisible dans le sens d'écoulement naturel de la nappe phréatique ; qu'il s'ensuit que la pollution constatée sur le site de la commune d'Erstein en 1992 résulte directement de la carence des autorités administratives qui avaient le pouvoir décisionnel et qui, bien qu'immédiatement informées du risque de dissémination du produit polluant dans la nappe phréatique, n'ont pris aucune mesure pour circonscrire la pollution au seul sol souillé ; que, par conséquent, cette dissémination dans la nappe phréatique, contre laquelle, ni la société Onatra, ni son assureur ne pouvaient lutter, n'était ni une conséquence inévitable, ni une suite nécessaire de l'accident de 1970 mais constitue un dommage distinct qui s'est manifesté à Erstein en 1992 ; que faute d'avoir démontré l'existence d'un lien direct et certain de causalité entre l'accident de 1970 et le préjudice dont elles réclament aujourd'hui réparation, la Ville d'Erstein, sa composante la Régie municipale d'eau et d'électricité « UME » et la Région Alsace doivent être déboutées de leurs demandes d'indemnisation ;
1° ALORS QUE la responsabilité de plein droit du gardien est engagée dès lors qu'il est établi que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que partiellement, l'instrument du dommage ; que la responsabilité du gardien d'un produit polluant est engagée dès lors qu'il est établi que ce produit a contaminé des eaux souterraines, quand bien même cette contamination ne serait que tardivement découverte et traitée ; que les juges du fond ont constaté que le produit polluant (CLC4) détecté dans la nappe phréatique sur le territoire de la commune d'Erstein en 1992 provenait du chargement (en tétrachlorure de carbone) du camion-citerne appartenant à la société Onatra, qui s'était déversé sur le sol lors d'un accident de la circulation survenu le 11 décembre 1970 à Benfeld et s'était infiltré dans le sol et les eaux souterraines ; qu'en excluant néanmoins tout lien de causalité entre cette contamination et le dommage constaté, au motif inopérant que la pollution se serait propagée dans la nappe phréatique en raison de l'absence de traitement de cette pollution dès 1970, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa premier, du code civil ;
2° ALORS QUE la responsabilité de plein droit du gardien est engagée dès lors qu'il est établi que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que partiellement, l'instrument du dommage, sauf au gardien à prouver qu'il n'a fait que subir l'action d'une cause étrangère qu'il n'a pu ni prévoir ni empêcher ; que seule peut constituer une cause étrangère un événement qui a été la cause du dommage ; que pour dire que la responsabilité de la société Onatra, gardienne du polluant ayant contaminé la nappe phréatique de la plaine d'Alsace (tétrachlorure de carbone), n'était pas engagée, la cour retient que la carence de l'administration qui a, postérieurement à l'accident du 11 décembre 1970, omis de procéder à des opérations de décontamination, était imprévisible et irrésistible ; qu'en statuant ainsi, alors que le fait que l'administration n'ait pas pris les mesures propres à éviter ou à réparer le dommage de pollution susceptible de résulter de cet accident n'est pas la cause exclusive de ce dommage, et ne peut donc exonérer la société Onatra de son obligation de réparer le dommage engendré par le produit dont elle était gardienne, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
3° ALORS subsidiairement QUE l'inaction des services de l'Etat, dûment informés de la nécessité de prendre certaines mesures, n'est pas imprévisible pour les citoyens qu'elle n'est pas non plus nécessairement irrésistible dès lors que ceux-ci peuvent agir en justice pour contraindre l'Etat à prendre les dispositions nécessaires ; qu'en affirmant que l'inaction des services administratifs compétents était par définition imprévisible et irrésistible pour la société Onatra, la cour d'appel a violé l'article 1384 al. 1er du Code civil ;
3° ALORS au surplus QUE pour dire que la pollution constatée en 1992 dans la nappe phréatique située sur la ville d'Erstein avait pour cause unique et adéquate la carence de l'administration, la cour d'appel retient que si celle-ci avait immédiatement mis en oeuvre une opération de décontamination, celle-ci aurait « probablement » évité la pollution actuelle de l'aquifère et son développement prévisible dans la nappe phréatique ; qu'en statuant par un tel motif, dont résulte qu'il n'est pas même établi que les opérations de décontamination préconisées en 1970 auraient empêché la pollution de la nappe phréatique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 al. 1er du Code civil ;