Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 octobre 2010 et 10 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Auto Impianti Marini France, dont le siège est au 2, rue du Bouloi à Paris (75001) ; la Société Auto Impianti Marini France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA01055 du 6 août 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant d'une part, à l'annulation du jugement n° 0502315 du 6 mai 2008 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Ressons-sur-Matz et de l'Etat à lui verser la somme de 732 000 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi à raison des servitudes d'éloignement instituées par le plan d'occupation des sols approuvé le 5 mars 2001 autour du site exploité par la Société Totalgaz et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Ressons-sur-Matz à lui verser cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2005 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Ressons-sur-Matz la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, enregistrée le 25 octobre 2012, la note en délibéré présentée pour la Société Auto Impianti Marini France ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la Société Auto Impianti Marini France , de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Société Totalgaz et de Me Haas, avocat de la commune de Ressons-sur-Matz ,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la Société Auto Impianti Marini France , à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Société Totalgaz et à Me Haas, avocat de la commune de Ressons-sur-Matz ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 5 mars 2001, le conseil municipal de Ressons-sur-Matz a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de cette commune ; que cette révision a notamment eu pour objet d'instituer deux zones de protection, dénommées Z1 et Z2, autour de l'installation de stockage de gaz de pétrole liquéfié exploitée par la Société Totalgaz, au sein desquelles les possibilités de construire sont interdites ou limitées en raison des risques et des dangers susceptibles d'être engendrés par cette exploitation ; que la Société Auto Impianti Marini France, qui exploite un local de 8 000 mètres carrés sur un terrain de 10 hectares environ contigü à l'installation, et dont 3,6 hectares se situent dans le périmètre de ces servitudes, a sollicité la condamnation solidaire de la commune de Ressons-sur-Matz et de l'Etat à lui verser la somme de 732 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'institution de ces servitudes ; que, par un jugement du 6 mai 2008, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que par un arrêt du 6 août 2010, contre lequel cette société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêt attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que la société Auto Impianti Marini France n'a pas soulevé devant les juges du fond le moyen tiré de la méconnaissance par l'article L.160-5 du code de l'urbanisme des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, en s'abstenant de répondre à un tel moyen, la cour n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ; que, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que, en refusant toute indemnisation à la société requérante, la cour administrative d'appel a méconnu les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, qui procèdent d'une appréciation souveraine des pièces du dossier et sont exemptes de toute dénaturation, que seule une partie de la propriété de la société requérante est comprise dans les périmètres de protection mentionnés ci-dessus et que le bâtiment qui y est édifié est situé entièrement hors de ces périmètres, que les servitudes instituées n'ont pas eu pour effet de prohiber de manière générale et absolue l'édification des constructions au sein de ces périmètres, enfin que la société requérante n'a allégué ni avoir été obligée de modifier l'usage de son terrain à la suite de la modification du plan d'occupation des sols restreignant la possibilité de construire sur celui-ci ni manifesté son intention de bâtir au cours de la période antérieure pendant laquelle son terrain était classé comme constructible ; qu'en déduisant des éléments ainsi caractérisés que, compte tenu des conditions dans lesquelles ces servitudes ont été instituées et de leur contenu ainsi que de l'objectif de sécurité publique qui s'attachait à la prévention des risques et dangers susceptibles d'être engendrés par l'activité de stockage de gaz liquéfié de la société Totalgaz, qui est soumise à autorisation au titre de la législation sur les installations classées, la Société Auto Impianti Marini France n'avait pas supporté une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec cet objectif d'intérêt général, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la Société Auto Impianti Marini France doit être rejeté ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Ressons-sur-Matz qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la Société Auto Impianti Marini France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme que demande la Société Totalgaz, qui, dès lors qu'elle n'aurait pas eu qualité, si elle n'avait pas été mise en cause pour produire des observations, pour former tierce opposition contre la présente décision, ne peut être regardée comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Société Auto Impianti Marini France la somme de 3 000 euros qui sera versée à la commune de Ressons-sur-Matz au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Auto Impianti Marini France est rejeté.
Article 2 : La société Auto Impianti Marini France versera à la commune de Ressons-sur-Matz une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Totalgaz présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société Auto Impianti Marini France, à la commune de Ressons-sur-Matz, à la Société Totalgaz et à la ministre de l'écologie, du développement durable, et de l'énergie.