Vu les procédures suivantes :
1° L'association Vivre à Grenoble et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2016 par lequel le maire de Grenoble (Isère) a délivré un permis à la société Eiffage Immobilier Centre Est pour la construction de deux immeubles à l'angle de la rue Marx Dormoy et de la rue du commandant Debelle. Par un jugement n° 1603264 du 8 février 2018, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sous le n° 419658, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 avril 2018, 9 juillet 2018 et 10 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Vivre à Grenoble demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° L'association Vivre à Grenoble et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2016 par lequel le maire de Grenoble a délivré un permis à la société Eiffage Immobilier Centre Est pour la construction d'un immeuble aux n° 20 et 20 bis de la rue Marx Dormoy. Par un jugement n° 1603265 du 8 février 2018, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sous le n° 419664, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 avril 2018, 9 juillet 2018 et 10 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Vivre à Grenoble demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de l' association Vivre à Grenoble, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Eiffage immobilier Centre Est et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la commune de Grenoble ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 mai 2019, présentée par la société Eiffage Immobilier Centre Est ;
Considérant ce qui suit :
1. Sous les nos 419658 et 419664, l'association Vivre à Grenoble se pourvoit en cassation contre deux jugements du 8 février 2018 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de deux permis de construire délivrés par le maire de Grenoble le 21 janvier 2016 à la société Eiffage immobilier Centre-Est en vue de la construction d'immeubles situés respectivement à l'angle de la rue Marx Dormoy et de la rue du commandant Debelle et au 20-20 bis, rue Marx Dormoy.
2. Ces pourvois présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.
3. L'article R. 611-1 du code de justice administrative dispose que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 611-11-1 du même code : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...)/ Lorsque (...) la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa ". L'article R. 613-2 du même code précise que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2 (...)". Enfin, l'article R. 613-3 dispose que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire, après la clôture de l'instruction, une production de l'une des parties, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction.
4. Il résulte de ces dispositions que lorsque le président de la formation de jugement prend, sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, une ordonnance fixant la clôture de l'instruction à la date de son émission, sans précision d'heure, la clôture à partir de cette date est réputée être intervenue le jour même à zéro heure. Par suite, lorsque le président de la formation de jugement procède, le même jour, à la communication d'un mémoire aux parties, il doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. S'il ne prend pas une nouvelle ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience.
5. Il ressort des pièces des dossiers de la procédure devant les juges du fond que, dans chacune des deux affaires, par un courrier du greffe du 11 janvier 2017, les parties ont été informées de ce qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, l'affaire étant en état d'être jugée, l'audience pourrait avoir lieu entre le quatrième trimestre 2017 et le premier trimestre 2018, étant précisé qu'à compter du 13 février 2017 l'instruction pourrait être close sans préavis. La clôture de l'instruction ayant été fixée, respectivement, au 6 mars 2017 sous le n° 1603264 et au 8 mars 2017 sous le n° 1603265, par une ordonnance à effet immédiat prise en application de l'article R. 613-1 du même code, sans que l'heure ne soit précisée, celle-ci est réputée être intervenue à zéro heure, respectivement les 6 mars et 8 mars 2017. Par suite, en procédant à la communication de mémoires aux parties le 6 mars 2017 sous le n° 1603264 et le 8 mars 2017 sous le n° 1603265, le président de la formation de jugement, qui a soumis ces productions au contradictoire après la clôture de l'instruction, doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Aucune nouvelle ordonnance de clôture n'ayant été prise, l'instruction s'est trouvée close trois jours francs avant le 25 janvier 2018, date de l'audience indiquée dans les avis d'audience, soit le 21 janvier 2018 à minuit. Il s'ensuit que les mémoires de l'association Vivre à Grenoble enregistrés au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2018 ont été produits avant la clôture de l'instruction. Dès lors, le tribunal administratif n'aurait pas dû viser comme " produits après la clôture de l'instruction " ces nouveaux mémoires, qu'il n'a pas analysés alors qu'ils présentaient des éléments de fait et de droit nouveaux à l'appui de moyens précédemment soulevés. En omettant de les examiner pour statuer sur les demandes qui lui étaient soumises, le tribunal administratif a entaché la procédure d'irrégularité.
6. Il résulte de ce qui précède que l'association Vivre à Grenoble est fondée à demander l'annulation des jugements qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grenoble une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Vivre à Grenoble qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les jugements du 8 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées au tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : La commune de Grenoble versera une somme de 3 000 euros à l'association Vivre à Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Grenoble et la société Eiffage Immobilier Centre-Est au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Vivre à Grenoble, à la commune de Grenoble et à la société Eiffage Immobilier Centre-Est.