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13/04/2023 | FRANCE | N°21-20272

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 avril 2023, 21-20272


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Cassation partielle

Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 279 F-B

Pourvoi n° U 21-20.272

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

1°/ Mme [Z] [N], do

miciliée [Adresse 2],

2°/ la société Bertrand Deleplanque - Anne-Florence Trotin - [Z] [N] et Julie Fauquet, société civile professionnelle, d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Cassation partielle

Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 279 F-B

Pourvoi n° U 21-20.272

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

1°/ Mme [Z] [N], domiciliée [Adresse 2],

2°/ la société Bertrand Deleplanque - Anne-Florence Trotin - [Z] [N] et Julie Fauquet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° U 21-20.272 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [P] [E], domicilié [Adresse 3], sous curatelle renforcée par jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal d'instance de Dunkerque, assisté de Mme [X] [I], mandataire judiciaire à la protection des majeurs,

2°/ à Mme [X] [I], domiciliée [Adresse 4],

3°/ à la société Sogecap, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La société Sogecap a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvois principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [N] et de la société Bertrand Deleplanque - Anne-Florence Trotin - [Z] [N] et Julie Fauquet, de la SCP Le Griel, avocat de M. [E] et de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sogecap, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 juin 2021), Mme [N] (la notaire), membre de la société civile professionnelle Deleplanque - Trotin - [N] et Fauquet (la SCP notariale), a été saisie des opérations de liquidation de la succession de [D] [W] veuve [M], décédée le 6 mars 2014.

2. M. [E], légataire universel, a reçu de l'administration fiscale une proposition de rectification au titre de trois contrats d'assurance-vie dont la de cujus l'avait désigné comme bénéficiaire.

3. Assisté de sa curatrice, Mme [I], il a assigné en responsabilité et indemnisation de son préjudice consécutif à cette rectification la notaire et la SCP notariale, qui ont assigné en garantie la société Sogecap (l'assureur).

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir la notaire et la SCP notariale de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, en ce compris les demandes accessoires et les dépens à hauteur de 50 %, alors :

« 1°/ que l'assureur, même s'il est informé du décès du souscripteur d'un contrat d'assurance-vie, n'est pas tenu d'informer le notaire chargé de la succession de l'existence de ce contrat, à défaut de demande en ce sens de la part de ce dernier dans le cadre de ses démarches en vue du règlement de la succession ; qu'en jugeant, pour condamner l'assureur à garantir le notaire à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [E], que ce professionnel de l'assurance "informé par le notaire en charge de la succession du décès de [M], s'est en toute connaissance de cause abstenu d'informer ce dernier de l'existence de contrats d'assurance-vie en même temps que de contrats de capitalisation, laissant ainsi le notaire instrumentaire, le bénéficiaire et sa curatrice dans cette ignorance pendant toute la durée du délai légal de déclaration fiscale", quand l'assureur n'avait d'autre obligation que celle de rechercher les bénéficiaires des contrats souscrits par Mme [M] et de les aviser de la stipulation effectuée à leur profit, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1240 du code civil), ensemble l'article L. 132-8 du code des assurances et l'article 292 A de l'annexe II du code général des impôts ;

2°/ qu'il indiquait dans ses conclusions d'appel qu'il avait par courriers du 6 mars adressé à l'ensemble des héritiers de Mme [M], bénéficiaires des contrats d'assurance-vie souscrits par cette dernière, un dossier complet comportant notamment la demande de règlement des capitaux-décès à compléter par le bénéficiaire, ainsi que le certificat à adresser à l'administration fiscale afin de s'acquitter des droits de succession dus, en informant les héritiers de ce qu'ils étaient bénéficiaires "d'un contrat d'assurance sur lequel des versements ont été effectués à compter du soixante-dixième anniversaire de l'assurée" ; qu'il a fait valoir qu'il résultait de la lettre adressée par l'association Ariane, chargée de la curatelle de M. [E], à l'administration fiscale pour solliciter une remise gracieuse des intérêts de retard, qu'"il n'avait pas connaissance du fait qu'il était bénéficiaire de ces contrats d'assurance-vie, puisque, du fait de sa pathologie il n'avait pas ouvert les courriers qui ont été envoyés par la Sogecap" ; qu'en se bornant à affirmer que l'assureur ne fournissait aucun justificatif des démarches effectuées pour rechercher chacun des bénéficiaires, et notamment M. [E] - seul des trois héritiers à ne pas s'être acquitté des droits de succession afférents aux contrats en cause - et qu'en particulier elle ne rapportait pas la preuve d'avoir envoyé le moindre courrier à ce dernier ou à sa curatrice les informant de sa qualité de bénéficiaire de contrats d'assurance-vie avant le 16 août 2016, quand elle avait constaté, pour débouter M. [E] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral, que ce dernier "n'avait pas ouvert les courriers que lui avait adressés la Sogecap, ainsi qu'en atteste sa curatrice dans un courrier adressé à l'administration fiscale le 10 février 2017", la cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1240 du code civil), ensemble l'article L. 132-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-8, dernier alinéa, du code des assurances et L. 292 A, alinéa 2, de l'annexe II du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 92-468 du 21 mai 1992 :

6. Il résulte du premier de ces textes que, lorsqu'il est informé du décès de l'assuré, l'assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la stipulation effectuée à son profit, et du second, qu'il est tenu, sur la demande des bénéficiaires, de leur communiquer la date de souscription de tels contrats et le montant des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré.

7. Pour condamner l'assureur à garantir partiellement le notaire chargé de la succession des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt retient, d'une part, qu'informé par ce notaire du décès de [D] [M], il s'est abstenu de porter à sa connaissance l'existence des contrats d'assurance-vie souscrits par la défunte, d'autre part, qu'il ne rapporte pas la preuve d'avoir envoyé le moindre courrier au bénéficiaire ou à sa curatrice avant le 16 août 2016, de sorte que ceux-ci, ainsi que le notaire, sont restés, pendant toute la durée du délai légal de déclaration fiscale, dans l'ignorance de ce qu'une partie des primes d'assurance était assujettie aux droits de succession.

8. En statuant ainsi, alors, d'une part, que l'assureur n'était pas tenu de porter à la connaissance du notaire, qui ne lui en avait pas fait la demande, l'existence des contrats d'assurance sur la vie souscrits par la de cujus, d'autre part, qu'il résultait de ses constatations que la curatrice de M. [E] attestait que celui-ci n'avait pas ouvert les courriers que lui avait adressés l'assureur, la cour d'appel, qui a n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sogecap à garantir Mme [N] et la SCP Deleplanque - Trotin - [N] et Fauquet de toutes les condamnations prononcées à leur encontre en ce compris les demandes accessoires et les dépens à hauteur de 50 %, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne Mme [N] et la SCP Deleplanque - Trotin - [N] et Fauquet aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [N] et la SCP Deleplanque - Trotin - [N] et Fauquet et les condamne à payer à la société Sogecap la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-20272
Date de la décision : 13/04/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Obligations de l'assureur - Exclusion - Information du notaire - Existence des contrats - Application diverses

S'il résulte des articles L. 132-8, dernier alinéa, du code des assurances et L. 292 A, alinéa 2, de l'annexe II du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 92-468 du 21 mai 1992 que, lorsqu'il est informé du décès de l'assuré, l'assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la stipulation effectuée à son profit, et qu'il est tenu, sur la demande des bénéficiaires, de leur communiquer la date de souscription de tels contrats et le montant des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré, il n'en résulte pas pour l'assureur une obligation de porter à la connaissance du notaire en charge de la succession, qui ne lui en avait pas fait la demande, l'existence des contrats d'assurance sur la vie souscrits par le de cujus


Références :

Article L. 132-8, dernier alinéa, du code des assurances

article L. 292 A, alinéa 2, de l'annexe II du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 92-468 du 21 mai 1992.

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 10 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 avr. 2023, pourvoi n°21-20272, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Le Griel, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.20272
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