LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 509 du code de procédure civile ;
Attendu que l'efficacité des jugements étrangers concernant l'état des personnes est reconnue en France, sous réserve du contrôle de leur régularité internationale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement du 18 mars 2016, le juge des enfants a ordonné une mesure d'assistance éducative à l'égard d'Y... X..., se disant né le [...] à Conakry (Guinée) et a confié celui-ci au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Vienne ; que ce placement a été prorogé par décisions des 29 juin et 4 août 2016 ; que le conseil départemental de la Vienne a sollicité la mainlevée du placement au motif que l'intéressé était, en réalité, majeur ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que le jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 6 mars 2017 par le tribunal de première instance de Conakry, disant l'intéressé né le [...] , bénéficie de la présomption posée par l'article 47 du code civil et que la force probante d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère ne peut être mise en doute, sauf à ce que la fausseté en soit établie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le conseil départemental de la Vienne contestait la régularité internationale du jugement supplétif étranger, la cour d'appel qui s'est abstenue de procéder au contrôle qui lui incombait, a violé le texte susvisé ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il ne reste plus rien à juger, M. X... étant devenu majeur, au plus tard, le [...] ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour le conseil départemental de la Vienne.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, dit qu'il y a lieu à protection d'Y... X... au titre de l'assistance éducative et confié celui-ci aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Vienne à compter de la notification de l'arrêt et jusqu'à sa majorité,
AUX MOTIFS QUE la procédure d'assistance éducative est applicable à tous les mineurs non émancipés qui se trouvent sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité, si leur santé, leur moralité, leur sécurité sont en danger ou leurs conditions d'éducation ou de leur développement physique, intellectuel et social sont gravement compromises ; qu'il appartient à la personne qui demande à bénéficier d'une protection dans le cadre de l'assistance éducative de justifier de sa minorité ; que le doute doit profiter à l'intéressé ; que s'agissant des documents produits par Y... X..., il sera rappelé qu'il découle des dispositions de l'article 47 du code civil que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usités dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu'Y... X... apporte en cause d'appel des éléments nouveaux par rapport à ceux produits en première instance ; qu'en effet, il est désormais en possession d'un jugement supplétif n° 4475 en date du 06 mars 2017 rendu par le tribunal de première instance de Conakry tenant lieu d'acte de naissance et mentionnant comme date de naissance le [...], jugement qui a été transcrit sur les registres d'état civil et il produit l'extrait du registre d'état civil attestant de cette transcription ; que ces deux documents ont été légalisés par les autorités consulaires de Guinée à Paris le 27 avril 2017 ; que cette légalisation implique qu'ils ont été vérifiés par les autorités compétentes ; qu'il n'appartient pas aux autorités françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, sauf à établir de façon indiscutable qu'il s'agirait d'un faux ; que les seules circonstances selon lesquelles le jugement supplétif aurait été rendu en méconnaissance du code civil guinéen puisqu'Y... X... est en possession d'un acte de naissance et que le requérant à l'acte semble être un tiers non autorisé, ne sont pas de nature en l'absence de mentions discordantes quant à la filiation de l'intéressé à établir le caractère frauduleux de cet acte d'état civil ; qu'il s'ensuit que le jugement supplétif et sa transcription bénéficient de la présomption posée par l'article 47 du code précité ; que par ailleurs, la cour constate que l'ambassade de Guinée à Paris a délivré au jeune Y... X... une carte d'identité consulaire qui reprend la date de naissance indiquée sur les actes d'état civil, à savoir le [...] et qui comprend en outre une photographie ; que si l'Ambassade de Guinée à Paris avait eu un doute sur l'authenticité des documents d'état civil produits à l'appui de la demande de carte d'identité consulaire, elle aurait procédé aux vérifications utiles ; que dès lors, il convient de constater que les documents d'état civil produits permettent d'établir 1'identité et la minorité du jeune Y... X... puisqu'ils mentionnent comme date de naissance le [...] ; qu'il convient donc de dire qu'il doit recevoir la protection s'attachant à sa qualité de mineur, son état d'étranger non accompagné et sa situation de danger n'étant pas contestée ; que le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions ;
1° ALORS QUE si l'efficacité est reconnue en France, hors de tout exequatur, aux jugements étrangers concernant l'état des personnes, cet effet n'a lieu que sous réserve du contrôle de leur régularité internationale ; qu'en affirmant qu'il ne lui appartenait pas de mettre en doute une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, sauf à en établir la fausseté, et que le jugement supplétif rendu le 6 mars 2017 par le tribunal de première instance de Conakry, tenant lieu d'acte de naissance de M. Y... X..., bénéficiait de la présomption posée par l'article 47 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application, et l'article 509 du code de procédure civile par refus d'application ;
2° ALORS QUE le département de la Vienne faisait expressément valoir que le jugement supplétif rendu le 6 mars 2017 par le tribunal de première instance de Conakry, tenant lieu d'acte de naissance de M. Y... X..., devait faire l'objet d'un contrôle au regard de sa régularité internationale et qu'il ne pouvait produire ses effets en France en raison de sa contrariété à l'ordre public international de procédure, dès lors que ce jugement n'était pas motivé (conclusions, pages 9 à 11) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE si l'efficacité est reconnue en France, hors de tout exequatur, aux jugements étrangers concernant l'état des personnes, cet effet n'a lieu que sous réserve du contrôle de leur régularité internationale ; que le département de la Vienne faisait valoir que le jugement supplétif rendu le 6 mars 2017 par le tribunal de première instance de Conakry, tenant lieu d'acte de naissance de M. Y... X..., avait été obtenu par fraude pour permettre à ce dernier de convaincre les autorités françaises de sa minorité, alors que celui-ci ne pouvait, en réalité, demander un jugement supplétif s'il disposait d'un acte de naissance et que le tribunal guinéen n'avait pas été saisi par une personne habilitée (pages 12 à 13) ; qu'en se bornant à constater, pour exclure toute fraude, que les mentions de ce jugement relatives à la filiation de l'intéressé n'étaient pas discordantes, sans rechercher comme elle y était invitée si les circonstances dans lesquelles le tribunal guinéen avait été saisi n'étaient pas de nature à caractériser une fraude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile.