Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 2 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL, dont le siège est 117, rue du Château des Rentiers à Paris (75636 cedex 13), représentée par son président en exercice ; la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'arrêt du 3 février 2000 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant que celle-ci a, sur l'appel formé par Mlle Lilia X..., d'une part, annulé le jugement du 27 janvier 1999 du tribunal administratif de Strasbourg en tant que celui-ci a rejeté la demande du Racing club de Strasbourg et de Mlle X... tendant à l'annulation de la décision du 31 août 1998 du bureau fédéral de la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL rejetant leur demande tendant à ce que Mlle X... soit qualifiée, au cours du championnat 1998-1999 de la Ligue féminine de basket-ball, en tant que joueuse ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, et, d'autre part, annulé cette décision ;
2°) la condamnation de Mlle X... à lui verser une somme de 17 000 F (2 591,63 euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 39 ;
Vu l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la république de Pologne, d'autre part, conclu et approuvé par la décision n° 94/743/Euratom, CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993 ;
Vu la décision C-162/00 du 29 janvier 2002 de la Cour de Justice des Communautés européennes ;
Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vidal, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL et de Me Guinard, avocat de Mlle X...,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 37 de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la république de Pologne, d'autre part, conclu et approuvé par la décision n° 93/743/Euratom, CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993 : "1. Sous réserve des conditions et modalités applicables dans chaque Etat membre : - les travailleurs de nationalité polonaise légalement employés sur le territoire d'un Etat membre ne doivent faire l'objet d'aucune discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit Etat membre ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 58 du même accord : "1. Aux fins de l'application du titre IV du présent accord, aucune disposition de ce dernier ne fait obstacle à l'application, par les parties, de leurs lois et réglementations concernant l'admission et le séjour, l'emploi, les conditions de travail, l'établissement des personnes physiques et la prestation de services, à condition que n'en soient pas réduits à néant ou compromis les avantages que retire l'une des parties d'une disposition spécifique du présent accord. ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de Justice des Communautés européennes dans sa décision susvisée du 29 janvier 2002, d'une part, que l'article 37, paragraphe 1, premier tiret, de l'accord consacre, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, une règle d'égalité de traitement qui ne nécessite aucune mesure complémentaire d'application et qui, dès lors, est susceptible de régir directement la situation des particuliers et d'être invoquée par ceux-ci devant les juridictions nationales des Etats membres de la Communauté européenne, d'autre part, que cette stipulation constitue une règle nouvelle qui s'applique immédiatement à la date d'entrée en vigueur de l'accord, soit le 1er février 1994 ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nancy n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que cette stipulation était directement applicable dans l'ordre juridique interne et qu'aucune clause de l'accord d'association n'avait pour effet d'en différer l'entrée en vigueur à une date postérieure au 1er février 1994 ;
Considérant qu'il résulte des stipulations combinées de l'article 37, paragraphe 1, premier tiret, et de l'article 58, paragraphe 1, de l'accord d'association que, si les Etats membres de la Communauté européenne ont le pouvoir d'appliquer aux travailleurs salariés de nationalité polonaise leurs règles de droit interne concernant l'admission, le séjour et l'accès au marché du travail sur leur territoire, à la condition toutefois de ne pas réduire à néant ni compromettre les avantages que la République de Pologne tire dudit accord, l'article 37, paragraphe 1, premier tiret, de l'accord d'association institue en faveur des ressortissants de la République de Pologne régulièrement admis à séjourner et à exercer un emploi salarié sur le territoire d'un Etat membre, un droit à l'égalité de traitement dans les conditions de travail de même portée que celui reconnu aux ressortissants communautaires par l'article 48, paragraphe 2, devenu l'article 39, paragraphe 2, du traité sur la Communauté européenne ; que, ainsi que l'a jugé la Cour de Justice des Communautés européennes dans la décision précitée du 29 janvier 2002, ce droit emporte l'interdiction de toute discrimination fondée directement ou indirectement sur la nationalité et susceptible d'affecter les travailleurs salariés polonais dans leurs conditions de travail ;
Considérant qu'aux termes de l'article 337, paragraphe 1, des règlements généraux de la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL, les contrats de travail conclus entre un groupement sportif et un sportif "devront être obligatoirement homologués auprès de la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL afin d'exister régulièrement et de produire valablement leurs effets" ; que ces dispositions, prises sur le fondement de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée relative à l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives, n'auraient pu avoir légalement ni pour objet ni pour effet de réglementer l'entrée et le séjour ainsi que l'accès au marché national du travail des sportifs étrangers ; qu'ainsi, en retenant que ces dispositions ne pouvaient avoir légalement pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que, en l'absence d'homologation, le sportif bénéficiaire dudit contrat puisse être regardé comme "légalement employé" au sens de l'article 37, paragraphe 1, de l'accord d'association, et que, dans ces conditions, Mlle X..., bénéficaire d'un titre de séjour régulier en qualité de travailleur salarié, devait être regardée comme "légalement employée" au sens de ces stipulations, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant que l'application aux joueuses de nationalité polonaise de l'article 8-1 du règlement sportif particulier applicable au championnat de la Ligue féminine de basket-ball, qui limite à deux le nombre des joueuses n'ayant pas la nationalité de l'un des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen autorisées à participer au championnat de ladite ligue, crée, à l'encontre de ces joueuses, une discrimination directement fondée sur leur nationalité et, par suite, contraire au principe de non-discrimination énoncé à l'article 37, paragraphe 1, de l'accord d'association ; qu'ainsi, en retenant que la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL ne pouvait, sans méconnaître ce principe, opposer à Mlle X... les dispositions de l'article 8 du règlement précité au cours du championnat de la Ligue féminine pour la saison 1998-1999, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, qui est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mlle X..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL à verser à Mlle X... une somme de 3 000 euros (19 678,71 F) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL est rejetée.
Article 2 : La FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL versera à Mlle X... une somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION FRANCAISE DE BASKET-BALL, à Mlle Lilia X... et au ministre des sports.