Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la commune de Menton, représentée par son maire ; la commune de Menton demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 114165 du 22 décembre 2011 du tribunal administratif de Nice autorisant M. Thierry A à exercer une action en justice pour le compte de la commune de Menton en vue de déposer une plainte contre personne non dénommée avec constitution de partie civile du chef de détournement de fonds publics ;
2°) de rejeter la demande d'autorisation de plaider de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Lessi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Menton et de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Menton et à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. A ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer " ; qu'il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat, saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès ;
2. Considérant que, par une décision du 22 décembre 2011, le tribunal administratif de Nice a autorisé M. A à déposer au nom de la commune de Menton, dont il est contribuable, une plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée du chef de détournement de fonds publics au titre des faits allégués dans sa demande, relatifs à l'acquisition de cigares par la commune entre 2006 et 2009 ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article R. 2132-1 du code général des collectivités territoriales que le mémoire détaillé adressé au tribunal administratif par le contribuable à l'origine de la demande d'autorisation de plaider doit être transmis à la commune ; que, toutefois, faute de contenir aucun élément nouveau relatif à l'action que M. A demandait d'exercer au nom de la commune, la pièce que ce dernier a communiquée au tribunal le 20 décembre 2011 ne pouvait être regardée comme venant compléter le mémoire détaillé présenté par lui le 2 novembre 2011 ; que, par suite, et en tout état de cause, le tribunal pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 2132-1 du code général des collectivités territoriales, s'abstenir de la communiquer à la commune ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il est constant que la commune de Menton a fait entre 2006 et 2009 l'acquisition d'environ cinq cents cigares par an pour un montant total supérieur à 22 000 euros ; qu'il résulte de l'instruction qu'un ancien collaborateur du maire, en fonction à son cabinet, a déclaré de manière circonstanciée et réitérée, que ces cigares étaient destinés à la consommation personnelle de celui-ci ; que ces déclarations ont été faites par voie de presse et reprises dans le cadre d'une instance engagée à son encontre du chef de diffamation devant le tribunal correctionnel de Paris, qui l'a d'ailleurs relaxé dans un jugement du 14 octobre 2011 au bénéfice de sa bonne foi ; que la commune n'apporte, à l'appui de son affirmation selon laquelle ces cigares étaient offerts par le maire à des invités dans le cadre de ses devoirs de représentation, aucun témoignage ou autre élément de nature à l'accréditer ; qu'ainsi, ces différents éléments, rapprochés de l'ensemble des pièces du dossier, apparaissent à ce stade de nature à faire peser un soupçon d'infraction délictuelle, dont les faits susceptibles d'être ainsi qualifiés n'étaient pas prescrits à la date à laquelle M. A a engagé la procédure d'autorisation de plaider ; qu'il suit de là que l'action envisagée ne peut être regardée comme dépourvue de toute chance de succès ; qu'elle présente par ailleurs, à supposer même les faits allégués en partie couverts par la prescription, un intérêt suffisant pour la commune ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. A, la commune de Menton n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 22 décembre 2011 du tribunal administratif de Nice ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Menton la somme de 3 000 euros demandée par M. A à ce même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la commune de Menton est rejetée.
Article 2 : La commune de Menton versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Menton et à M. Thierry A.