Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 mars 2007, présentée pour M. Frédéric X demeurant ..., par Me Peneau-Descoubes ;
M. X demande à la cour :
1° d'annuler le jugement n° 0200165, en date du 25 janvier 2007, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 609 796,07 euros en réparation des conséquences dommageables de la sclérose en plaques dont il est atteint, imputée à sa vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B ;
2° de condamner l'Etat à lui verser ladite indemnité et à supporter les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit par les premiers juges ;
3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 et la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2008 :
- le rapport de M. Pouzoulet,
- les observations de Me Peneau pour M. X,
- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X relève appel du jugement, en date du 25 janvier 2007, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 609 796,07 euros en réparation des conséquences dommageables de la sclérose en plaques dont il est atteint, imputée à sa vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B ; que la caisse nationale militaire de sécurité sociale conclut quant à elle au remboursement des prestations servies dans l'intérêt de M. X, que, dans ses dernières écritures, elle chiffre à la somme de 53 543,50 euros ;
Considérant que l'article L. 3111-4, anciennement article L. 10, du code de la santé publique dispose : « Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B (...). Tout élève ou étudiant d'un établissement préparant à l'exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est arrêtée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l'obligation d'effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies visées à l'alinéa 1er du présent article » ; qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Etat » ; qu'en l'absence même de conclusions d'expertise établissant de manière certaine un lien de causalité entre les injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle ou estudiantine et le développement de pathologies démyélinisantes, notamment la sclérose en plaques, la responsabilité de l'Etat peut être engagée, sur le fondement de ces dispositions, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé ces injections de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la maladie ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée avant sa vaccination, ainsi qu'à l'absence de tous antécédents personnels ou familiaux ;
Considérant que M. X, qui était, à l'époque des faits litigieux, élève à l'école du personnel paramédical des armées de Toulon puis infirmier militaire affecté à la base aérienne de Mont-de-Marsan, et figurait ainsi au nombre des personnes soumises à l'obligation d'immunisation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 10 du code de la santé publique, a subi à ce titre une première injection du vaccin Engérix B le 25 septembre 1992, puis trois injections de rappel les 23 octobre et 30 novembre 1992, puis le 11 février 1994 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par les premiers juges et de rapports ou attestations établis par des médecins militaires, que M. X s'est plaint à de nombreuses reprises, dans les semaines ayant suivi le dernier rappel, de violentes céphalées et d'altérations fugaces de l'acuité visuelle qui l'ont conduit à s'en ouvrir à un praticien de son entourage professionnel en juin 1994 et qui, alors inexpliquées, ont constitué de manière certaine les premiers symptômes de la sclérose en plaques dont il est atteint, alors même que cette affection n'a été dûment diagnostiquée qu'en février 1995, à l'occasion de la première hospitalisation de l'intéressé ; que ces symptômes sont apparus dans un délai compatible, au regard des observations consignées dans la littérature médicale, avec l'hypothèse d'un lien de causalité entre le vaccin en cause et le développement de pathologies démyélinisantes ; qu'il est par ailleurs constant que M. X était auparavant en parfaite santé ; que, dans ces conditions, en l'absence de tout antécédent personnel ou familial concernant ce type de maladie, comme de tout élément connu de prédisposition, et alors même que le rapport d'expertise, sans pour autant l'exclure, ne conclut pas de manière certaine à l'existence d'un lien de causalité entre les injections en cause et la sclérose en plaques développée par M. X, ce dernier est fondé à soutenir que les premiers juges ont à tort écarté ce lien de causalité, et estimé que la responsabilité de l'Etat ne pouvait dès lors être engagée sur le fondement des dispositions précitées du code de la santé publique ;
Considérant que l'expert, dont les conclusions ne sont pas contestées, évalue à 80 % l'incapacité permanente partielle de M. X, dont la mobilité et l'autonomie sont désormais très réduites, qui a perdu quasiment toute vision de l'oeil gauche et souffre de troubles sphinctériens et sexuels ; que ces handicaps privent définitivement l'intéressé de la possibilité de pratiquer les activités physiques de loisirs auxquelles il s'adonnait ; que, compte tenu de ces éléments, il sera fait une juste appréciation des troubles qu'il endure dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément susmentionné et le retentissement psychologique et affectif résultant de son invalidité, en allouant à ce titre à M. X, âgé de 25 ans lorsque le diagnostic de sclérose en plaques a été posé, une indemnité de 180 000 euros ; que le requérant endure en outre des souffrances physiques évaluées à 5 sur une échelle de 7, et un important préjudice esthétique, justifiant l'allocation d'une indemnité complémentaire de 20 000 euros ; qu'à ces sommes doit être ajoutée celle de 1 371,54 euros correspondant à la part demeurée à la charge du requérant du coût de l'acquisition d'un fauteuil roulant ; qu'il n'est en revanche pas justifié des autres dépenses alléguées ; qu'enfin, si M. X soutient qu'il subit une perte de revenus liée à l'impossibilité d'obtenir un détachement ou une mission extérieure hors de métropole, qu'il ne peut souscrire de contrat d'assurance-vie ni concevoir aucun projet nécessitant un emprunt, il n'apporte aucun élément précis de nature à établir le caractère certain de ses préjudices matériels et de ses pertes de revenu ;
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 713-1-1, L. 713-7, et L. 713-20 du code de la sécurité sociale, la caisse nationale militaire de sécurité sociale, instituée par l'article L. 713-19 du même code, n'a vocation à prendre en charge que les prestations d'assurance sociale afférentes aux accidents ou maladies réputés non imputables au service ; qu'eu égard au lien, précédemment relevé, entre la vaccination de M. X contre le virus de l'hépatite B et la sclérose en plaques qu'il a ultérieurement développée, cette dernière ne devait pas entrer dans le champ d'application desdites dispositions ; qu'il s'en suit que la caisse nationale militaire de sécurité sociale, indûment amenée à prendre en charge les frais d'hospitalisation, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques ou de transports rendus nécessaires par l'état de santé de M. X, peut valablement prétendre à leur remboursement ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par l'administration, en l'absence de toute autre affection dont M. X serait par ailleurs atteint, que l'ensemble des dépenses mentionnées sur le relevé de débours produit par ladite caisse se rapportent au traitement de la sclérose en plaques dont l'intéressé est atteint ; qu'il y a lieu, dès lors, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 53 543,50 euros, correspondant au total des prestations ainsi servies ; que la créance de la caisse doit être augmentée des intérêts au taux légal, calculés, à concurrence de 47 734,75 euros, à compter du 10 août 2006 et, pour le solde, à compter du 21 avril 2008 ; que les intérêts de la somme susmentionnée de 47 734,75 euros échus à la date du 10 août 2007 puis à chaque échéance annuelle devront être capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;
Considérant enfin que les frais de l'expertise, taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Pau du 5 juillet 2005 à la somme de 850 euros TTC, doivent être mis à la charge de l'Etat ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. X et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 0200165 du 25 janvier 2007 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X une indemnité de 201 371,54 euros et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale une somme de 53 543,50 euros, augmentée, d'une part, à concurrence de 47 734,75 euros, des intérêts au taux légal à compter du 10 août 2006 et de leur capitalisation au 10 août 2007 puis à chaque échéance annuelle, d'autre part, à concurrence de 5 808,75 euros, des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2008 ;
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Pau, d'un montant de 850 euros TTC, sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : L'Etat versera à M. X et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 07BX00661