Vu le pourvoi, enregistré le 12 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est 36, avenue du Général de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175) ; l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY02958 du 12 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement n° 1000945 du 18 octobre 2011 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il avait rejeté la demande de M. C...A...tendant à la réparation des conséquences d'une affection iatrogène, a condamné l'ONIAM à verser à l'intéressé la somme de 180 954 euros et a mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 101 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A...et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier Emile Roux ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une entorse puis d'un traumatisme au genou droit survenus les 13 octobre 1979 et 2 juillet 1981, M. A...a subi au centre hospitalier Emile Roux du Puy-en-Velay, au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et à la polyclinique de Beaulieu de nombreuses interventions chirurgicales visant à améliorer l'état fonctionnel de son genou et consistant notamment dans la pose, puis le changement, d'une prothèse totale ; que, le 24 octobre 2001, une nouvelle opération a été réalisée à la polyclinique de Beaulieu afin de retirer un fragment de la deuxième prothèse ; qu'en raison de la survenue, en juin 2003, de complications infectieuses, il a été procédé à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à deux nouveaux changements de prothèse précédés de la pose de spacers en ciment ; que, le 3 janvier 2006, M. A...a dû être amputé au niveau de la cuisse droite ; que M. et Mme A...ont recherché, à titre principal, la responsabilité du centre hospitalier Emile Roux et sollicité, à titre subsidiaire, la prise en charge de leurs préjudices par la solidarité nationale ; que, par un jugement du 18 octobre 2011, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a écarté la responsabilité du centre hospitalier et estimé que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale n'étaient pas réunies ; que, par un arrêt du 12 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Lyon, faisant partiellement droit à l'appel de M. et MmeA..., a mis à la charge de l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), le versement à M. A..., au titre de la solidarité nationale, d'une indemnité de 180 954 euros en réparation de ses préjudices, qu'elle a regardés comme imputables à une affection iatrogène ; que l'ONIAM se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret (...) apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; que l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, modifié par la loi du 30 décembre 2002, prévoit que ces dispositions s'appliquent " aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001 " ;
3. Considérant qu'après avoir relevé que l'un des experts ayant examiné M. A... estimait que la succession des interventions chirurgicales avait abouti à un " effet iatrogène global " et soulignait " la disproportion importante existant entre les lésions constatées en 1979 et 1981 et l'évolution vers l'amputation ", la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que l'affection iatrogène dont l'intéressé avait été victime, à laquelle avaient directement contribué les interventions postérieures au 5 septembre 2001, avait eu des conséquences anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentait un caractère de gravité ouvrant droit à une prise en charge de ses préjudices au titre de la solidarité nationale ; qu'en appréciant ainsi l'anormalité du dommage au regard de l'état du patient antérieur à la première intervention et des conséquences de l'ensemble des actes médicaux accomplis entre 1979 et 2006, alors que les dispositions de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 imposaient de prendre en compte son état au 5 septembre 2001 et les conséquences des actes accomplis postérieurement à cette date, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ONIAM est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 12 juillet 2012 en tant qu'il fait droit aux conclusions présentées à son encontre par M.A... ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ONIAM au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 12 juillet 2012 est annulé en tant qu'il fait droit aux conclusions présentées par M. A...à l'encontre de l'ONIAM.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'ONIAM et par M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. C...A..., à Mme B...A...et au centre hospitalier du Puy-en-Velay.
Copie en sera adressée pour information à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme.