LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 janvier 2009), que Mme X... a acquis de la société d'habitations à loyer modéré de la Guadeloupe (la société d'HLM) un appartement dans le bâtiment d'une résidence réalisée par cette société, assurée auprès de la société Acte Iard ; que se plaignant de divers désordres auprès de son vendeur qui n'avait procédé à aucune réparation, Mme X... l'a assignée afin d'obtenir la réparation de son préjudice, la société Acte Iard étant appelée en garantie par son assurée ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1641 du code civil ;
Attendu que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;
Attendu que pour déclarer prescrite l'action engagée par Mme X... plus de dix ans après la réception de l'immeuble, l ‘ arrêt retient qu'acquéreur du bien immobilier construit par la société d'HLM, maître de l'ouvrage, Mme X... se devait d'exercer l'action en garantie mise à sa disposition par l'article 1792 du code civil et non pas engager une action en réparation sur la garantie des vices cachés du droit commun de la vente ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lorsqu'une personne vend, après achèvement, un immeuble qu'elle a construit ou fait construire, l'action en garantie décennale n'est pas exclusive de l'action en garantie des vices cachés de droit commun de l'article 1641 du code civil, la cour d'appel a violé ce le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne la société d'HLM de la Guadeloupe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société d'HLM de la Guadeloupe à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société d'assurance Acte Iard et celle de la société HLM de la Guadeloupe ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action introduite par Madame X... et d'avoir en conséquence dit qu'elle sera condamnée à rembourser la somme de 22. 000 euros payée par la SA HLM de Guadeloupe en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état du 26 juin 2003 et confirmé la mise hors de cause de la société ACTE IARD,
AUX MOTIFS QU'« il est constant, au visa de son exploit introductif d'instance, que Mme X... a fondé sa demande devant le premier juge sur les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, autrement dit sur la garantie des vices cachés du droit commun de la vente ; or les conclusions du rapport expertal laissent clairement apparaître que les désordres constatés relèvent de la garantie décennale édictée par les articles 1792 et suivants du Code civil (cf. rapport d'expertise page 13) ; partant c'est justement que la SA d'HLM de la Guadeloupe, vendeur, oppose à Mme X... que les désordres allégués et constatés relèvent de cette garantie et que son action introduite plus de 10 ans après l'achèvement des travaux est irrecevable car prescrite ; que la compagnie ACTE IARD soulèvent également à juste titre ce même moyen tiré de la prescription de l'action ; que c'est encore pertinemment que la société d'HLM de la Guadeloupe excipe du fait qu'elle entre dans la catégorie des personnes relevant des dispositions de l'article 1792-1 du Code civil disposant qu'est réputée constructeur de l'ouvrage " toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire " ; qu'ainsi elle peut justement revendiquer l'application des dispositions de l'article 1792 du même code, issu de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 ayant défini un régime spécifique de responsabilité des constructeurs à raison des défauts susceptibles d'affecter une construction ; que Mme X..., acquéreur du bien immobilier " construit par la société d'HLM, maître de l'ouvrage ", se devait d'exercer l'action en garantie légale mise à sa disposition par l'article précité et non pas engager une action en réparation sur la garantie des vices cachés du droit commun de la vente ; qu'or la garantie légale de l'article 1792 du Code civil est soumise au délai de l'article 2270 du même code qui dispose que : les constructeurs d'un immeuble sont responsables de plein droit, envers l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que c'est donc justement que le jugement entrepris a décidé que : " les désordres constatés, qui compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale édictée par les articles 1792, 1792-1 et suivants du Code civil " ; que dès lors Mme Maud X... ne peut s'exonérer des prescriptions des dispositions légales ; qu'en conséquence, sur la base d'une réception intervenue le 5 mars 1990, l'engagement d'une action en référé le 19 juin 2000 (et non pas 1990 comme mentionné à la suite d'une erreur matérielle) est tardif, le délai de garantie de 10 ans, délai d'épreuve ayant un caractère préfix ; que la Cour relevant qu'il ne saurait être contesté que la réception du bâtiment C2 dans lequel se situe l'appartement vendu à Mme X... est intervenue le 5 mars 1993 lire 1990 ainsi que cela appert du document versé aux débats par la compagnie ACTE IARD ; que cette date constituant donc bien le point de départ du délai de mise en oeuvre de la garantie décennale ; qu'au demeurant il ne saurait être contesté que la société d'HLM de la Guadeloupe a bien la qualité de constructeur au sens des dispositions de l'article 1792-1 du Code civil ; qu'en effet, il n'a jamais été contesté devant le tribunal que cette société avait la qualité de maître d'ouvrage pour la construction de l'immeuble, qualité amplement rappelée dans le rapport expertal de M. Z... ; qu'en outre, cette qualité de constructeur a été expressément portée à la connaissance de Mme X... à maintes reprises dans l'acte de vente ; que la société d'HLM ayant vendu après achèvement un ouvrage qu'elle a fait construire, ce qui lui permet de revendiquer la qualité de constructeur de l'immeuble vendu au sens de l'article 1792-1 du Code civil ; que l'argumentation de Mme X... tirée de l'application de l'article 12 du nouveau code de procédure civile ne saurait pas plus résister à l'analyse tenant son caractère particulièrement obscur puisqu'on définitive il est demandé à la Cour à la fois de :
- constater que la société d'HLM est bien un constructeur, que l'action relève bien de la garantie décennale et qu'elle est donc forcément éteinte par forclusion conformément à l'article L. 111-20 du Code de la construction et de l'habitation,
- mais d'éluder les règles applicables en un tel cas, pour dire et juger que la responsabilité de cette société doit être retenue en raison des vices affectant l'appartement qu'elle a vendu à Mme X... et établis par l'expert.
A l'évidence une telle argumentation ne peut être retenue par la Cour et le jugement querellé sera en conséquence confirmé » ;
ALORS QUE le vendeur d'immeuble assimilé au constructeur et tenu à ce titre à la garantie décennale demeure tenu, en sa qualité de vendeur, aux garanties de droit commun dues au titre de la vente une fois expiré le délai de garantie décennale ; qu'en déclarant l'action de l'acquéreur fondée sur la garantie des vices cachés irrecevable au motif que les désordres invoqués relevaient de la garantie décennale de sorte que l'action introduite plus de dix ans après la réception était tardive, la Cour d'appel a violé les articles 1792 et 1792-1 du Code civil ensemble l'article 1641 du même Code ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE Madame X... faisait valoir que le vendeur de l'immeuble avait reconnu sa responsabilité au titre des dommages invoqués, procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur et diligenté une expertise aux fins de faire évaluer les travaux de reprise nécessaires et d'y procéder, de sorte que la prescription ne pouvait être acquise, ayant été interrompue par cette reconnaissance de responsabilité ; qu'en déclarant l'action introduite par Madame X... tardive, sans répondre à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.