Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 octobre 1990 et 11 février 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Demesa, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; la société Demesa demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'avis aux importateurs de certains produits mis en libre pratique dans un autre Etat membre de la Communauté économique européenne, publié au Journal officiel du 12 août 1990, selon lequel la délivrance des licences "Marché commun" concernant les sels et chlorure de potassium compris sous les rubriques tarifaires 3.104.10 00, 3.104.20.50 et 3.104.20.90 et originaires d'URSS est suspendue jusqu'au 31 décembre 1990, dans les conditions prévues par la décision de la Commission des Communautés européennes du 27 juillet 1990 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne ;
Vu le traité instituant un Conseil unique et une Commission unique ;
Vu le règlement intérieur de la Commission des communautés européennes du 23 juillet 1975 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ryziger, Bouzidi, avocat de la société Demesa et de la SCP Boré, Xavier, avocat du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 115 du traité instituant la Communauté économique européenne : "Aux fins d'assurer que l'exécution des mesures de politique commerciale prises, en conformité avec le présent traité, par tout Etat membre, ne soit empêchée par des détournements de trafic ou lorsque des disparités dans ces mesures entraînent des difficultés économiques dans un ou plusieurs Etats, la Commission recommande les méthodes par lesquelles les autres Etats membres apportent la coopération nécessaire. A défaut, elle autorise les Etats membres à prendre les mesures de protection nécessaires dont elle définit les conditions et modalités ..." ; que, par une décision du 27 juillet 1990, prise sur le fondement de cet article, la Commission des Communautés européennes a autorisé la République Française à exclure du traitement communautaire, jusqu'au 31 décembre 1990, les sels et chlorure de potassium originaires d'URSS et mis en libre pratique dans les autres Etats membres de la Communauté ; que, faisant usage de la faculté qui leur a été ainsi accordée, les autorités françaises ont, par un avis aux importateurs publié au Journal officiel du 12 août 1990, suspendu, jusqu'au 31 décembre 1990, la délivrance des licences d'importation "Marché commun" concernant les produits ci-dessus mentionnés ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et du budget, cet avis présente le caractère, non d'une simple mesure destinée à informer les importateurs intéressés de l'existence de la décision précitée de la Commission, mais d'un acte administratif faisant grief, susceptible, comme tel, de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que la société Demesa, qui justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation, fait valoir, au soutien de la requête qu'elle présente à cet effet, d'une part, que l'avis contesté émanerait d'une autorité incompétente, d'autre part, que la décision de la Commission, qu'il met en oeuvre, serait entachée d'invalidité ;
Considérant que l'avis aux importateurs publié au Journal officiel doit être regardé, bien que non signé, comme ayant pour auteur le ministre chargé du commerce extérieur ; que le moyen d'incompétence invoqué par la société Demesa ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant que la décision de la Commission du 27 juillet 1990 a été prise au nom de celle-ci par M. X..., vice-président chargé des relations extérieures ; qu'aux termes de l'article 27 du règlement intérieur de la Commission, du 23 juillet 1975 : "La Commission peut, à condition que le principe de sa responsabilité collective soit pleinement respecté, habiliter ses membres à prendre, en son nom et sous son contrôle, des mesures de gestion ou d'administration clairement définies ..." ; que, contrairement à ce que soutient la société Demesa, la décision de la Commission du 27 juillet 1990 présente le caractère d'une mesure de gestion et a pu être ainsi prise selon la procédure d'habilitation prévue par l'article 27 précité ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision serait fondée sur des renseignements et des données statistiques inexacts ; que la même décision relève, dans les motifs très détaillés dont elle est assortie, d'une part, qu'il existait, à la date à laquelle elle a été prise, des disparités entre les mesures appliquées par les Etats membres à l'importation des sels et chlorure de potassium originaires des pays tiers et, notamment, de l'URSS, et que ces disparités provoquaient des détournements de trafic, d'autre part, que de nouvelles importations indirectes de ces produits en provenance d'URSS qui viendraient s'ajouter à celles qui avaient déjà été effectuées au cours des deux années précédentes seraient de nature à aggraver les difficultés qui affectent le secteur de la production française de potasse et à compromettre la réalisation des objectifs poursuivis par les mesures de politique commerciale mises en oeuvre par le gouvernement français aux fins de limitation des importations originaires de pays tiers, y compris l'URSS ; que, pour de tels motifs, la Commission a pu faire application, en l'espèce, des stipulations de l'article 115 du traité CEE ;
Considérant qu'il n'est pas établi que la Commission aurait entendu faire usage des pouvoirs qu'elle tient de cet article à d'autres fins que celles qu'il prévoit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu, en l'absence de difficulté sérieuse quant à la validité de la décision de la Commission du 27 juillet 1990, de saisir, sur ce point, la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle en application de l'article 177 du traité instituant la Communauté européenne, que la société Demesa n'est pas fondée à demander l'annulation de l'avis aux importateurs publié au Journal Officiel du 12 août 1990 ;
Article 1er : La requête de la société Demesa est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Demesa et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.