Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le département de l'Ariège à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident survenu le 27 juin 2015.
Par un jugement n° 1906635 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Bayle-Besson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner le département de l'Ariège à lui verser une indemnité de 97 941,94 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'accident dont il a été victime le 27 juin 2015, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal capitalisés ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Ariège une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance incluant les frais d'expertise.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la responsabilité du département de l'Ariège est engagée en raison du défaut d'entretien normal de la route départementale D627, la présence de gravillons sur la chaussée et l'absence de signalétique appropriée apposée à un endroit adapté pour avertir du danger étant à l'origine de son accident ;
- il a perdu le contrôle de sa motocyclette en amorçant un virage, alors qu'il circulait à une vitesse adaptée à l'état normal qui doit habituellement être celui d'une route ouverte à la circulation et avait pris soin de prendre en considération l'humidité présente sur la chaussée le jour de l'accident ; sa conduite était adaptée à la courbe de la route ;
- ainsi, il est fondé à obtenir la condamnation du département de l'Ariège à lui verser une indemnité de 97 941,94 euros, décomposée comme suit :
* s'agissant des frais divers : 7 192,44 euros au titre des frais médicaux restés à sa charge, 1 440 euros au titre du forfait hospitalier, 3 360 euros au titre des frais de médecin-conseil, 3 860 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne ;
* s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 7 969,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, 30 000 euros au titre des souffrances endurées, 6 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux permanents : 36 120 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 21 %, 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, le département de l'Ariège, représenté par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'appelant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal, sa responsabilité n'est pas engagée dès lors que M. B... a perdu le contrôle de sa motocyclette en raison de plusieurs facteurs tenant à la présence signalée de gravillons sur la chaussée, à un temps humide ayant rendu la chaussée glissante et, enfin, à une vitesse excessive ;
- l'entretien normal de la voirie est établi par la mise en place d'une signalisation appropriée la veille de l'accident informant de la présence de gravillons sur la chaussée ;
- il ne résulte ni de l'audition des témoins de l'accident par les services de gendarmerie ni de l'enquête diligentée par ces derniers que les panneaux apposés la veille n'auraient pas été présents le jour de l'accident ;
- M. B... a commis une faute à l'origine directe de l'accident en n'adaptant pas sa conduite aux circonstances, en méconnaissance de l'article R. 413-17 du code de la route, la synthèse de l'enquête de gendarmerie mentionnant au titre des infractions susceptibles d'être relevées à son encontre la conduite d'un véhicule à une vitesse excessive au regard des circonstances - contravention de classe 4 ;
- les préjudices allégués ne sont pas établis et les sommes sollicitées en réparation de certains chefs de préjudices sont disproportionnées.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, laquelle n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 26 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 octobre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;
- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été victime d'un accident le 27 juin 2015 en circulant à bord de sa motocyclette sur la route départementale D627 sur le territoire de la commune de Montjoie-en-Couserans (Ariège). Il relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Ariège à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cet accident.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage qu'il invoque. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
3. Il résulte de l'instruction et notamment de l'enquête menée par la compagnie de gendarmerie de Saint-Girons que M. B... a été victime d'un grave accident sur la route départementale D 627 en amorçant avec sa motocyclette un virage sur une chaussée humide couverte de gravillons avant de déraper et de se déporter sur la voie opposée où circulait un véhicule qu'il a heurté. Toutefois, il résulte également de l'instruction, notamment du constat de signalisation et des photographies produites par le département de l'Ariège, que des panneaux de signalisation temporaires de type " AK 22 " signalant la présence de gravillons sur la chaussée ont été apposés le 26 juin 2015 à 15 heures, soit la veille de l'accident, aux points de repère PR 17 +790 et PR 18+490, soit à 500 mètres avant et après le lieu de l'accident, afin d'avertir les usagers de cette voie publique de la présence de gravillons. Il résulte de ce même constat de signalisation que l'un de ces panneaux temporaires a été apposé en-dessous du panneau permanent signalant la présence de virages, cette dernière circonstance étant de nature à établir que la voie en litige faisait l'objet d'une signalétique appropriée appelant les usagers à faire doublement preuve de prudence et de vigilance. Il résulte également des constatations matérielles opérées par les gendarmes que la chaussée était humide, ce qui impliquait, indépendamment de la présence de gravillons, de faire preuve d'attention supplémentaire à l'amorce du virage où s'est produit l'accident.
4. Si M. B... soutient que la seule mention contenue dans le rapport d'enquête selon laquelle la conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances et passible d'une contravention de quatrième classe était susceptible d'être relevée n'est pas de nature à établir qu'il circulait à une vive allure, il s'évince toutefois des éléments mentionnés au point précédent qu'indépendamment du caractère excessif de la vitesse de circulation, il appartenait à l'appelant d'adapter sa conduite, y compris en roulant en-dessous de la vitesse maximale autorisée, dès lors qu'il s'apprêtait à s'engager, par temps humide, dans un virage dangereux, ces seules circonstances étant, indépendamment de la présence de gravillons, de nature à réduire le coefficient d'adhérence de la chaussée et à l'exposer à un danger. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, la signalétique de la chaussée était adaptée aux risques liés à la présence de gravillons dont la présence ne constituait pas, dans les circonstances de l'espèce, un risque excédant ceux contre lesquels les usagers de la voie publique sont tenus de se prémunir en faisant preuve notamment de la prudence et de l'attention nécessaires.
5. Compte tenu de ces éléments, le département de l'Ariège, qui justifie des différentes mesures prises pour assurer la prévention des accidents sur la chaussée en litige, doit être regardé comme apportant la preuve, ainsi que cela lui incombe, que la portion de voie en litige faisait l'objet d'un entretien normal et d'une signalétique adaptée au danger que représentait la présence de gravillons. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'existence d'une faute de la victime de nature à exonérer le département intimé de sa responsabilité, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la responsabilité du département de l'Ariège n'était pas engagée en raison de l'accident survenu le 27 juin 2015.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de l'Ariège à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident survenu le 27 juin 2015.
Sur les frais liés au litige :
7. D'une part, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de l'Ariège à ce titre doivent être rejetées.
8. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Ariège, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de l'Ariège et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera au département de l'Ariège une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au département de l'Ariège et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21630