AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexté, joint les pourvois n° P 02-10.393 et Q 02-10.394 ;
Attendu que la CISE, aux droits de laquelle s'est substituée la SAUR France, est chargée par le syndicat des Eaux de la Basse-Ardèche (le syndicat) de la gestion de son service de distribution d'eau potable, dans le cadre d'une convention d'affermage du 16 mars 1982, initialement conclue avec la société Sobea ; qu'en 1997, la SAUR a assigné devant le tribunal d'instance d'Aubenas un certain nombre d'usagers, regroupés au sein de l'Association des consommateurs de la Fontaulière (ACF), aux fins de paiement des factures dont ils contestaient le montant depuis 1993, après avoir mis en cause devant le tribunal administratif de Lyon la légalité du cahier des charges et de ses avenants successifs ; que le tribunal d'instance a sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal administratif se soit prononcé sur l'exception d'illégalité soulevée devant lui ; que, par jugement du 31 mai 2000, le tribunal administratif a déclaré illégaux le cahier des charges et les avenants ; que, par les jugements du 15 juin 2001, le tribunal d'instance a considéré que cette décision n'avait eu aucune incidence sur le litige et a rejeté l'exception de nullité du contrat d'abonnement présentée par l'ACF ainsi que par deux usagers membres de cette association, MM. X... et Y... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches des pourvois qui sont identiques :
Attendu que les demandeurs aux pourvois font grief aux jugements d'avoir rejeté l'exception d'autorité de la chose jugée de la déclaration d'illégalité du contrat d'affermage et de ses avenants alors, selon le moyen :
1 / que toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, fût-elle non décidée à la suite d'un recours pour excès de pouvoir, mais d'un recours en appréciation de la légalité, s'impose au juge civil qui ne peut plus faire application du texte illégal si bien qu'en refusant à MM. X... et Y... de se prévaloir du jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon du 31 mai 2000 ayant déclaré illégaux le contrat d'affermage et les avenants successifs de celui-ci, le Tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ;
2 / que l'illégalité du contrat d'affermage et de ses avenants avait pour effet de rendre illégales les dispositions tarifaires contenues dans celui-ci de sorte qu'en estimant que la déclaration d'illégalité prononcée par le tribunal administratif de Lyon le 31 mai 2000 n'empêchait pas la société fermière de demander les redevances perçues sur les abonnés à titre d'indemnités, le Tribunal a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a jugé, à bon droit, que la déclaration d'illégalité du contrat d'affermage et de ses avenants n'avait aucune incidence sur le litige en ce que celui-ci avait pour objet l'exécution du contrat d'abonnement, contrat de droit privé juridiquement distinct, pour la période d'avril 1993 à septembre 1995 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, des pourvois qui sont également identiques :
Attendu que les demandeurs aux pourvois reprochent encore aux jugements d'avoir rejeté l'exception de nullité du contrat d'abonnement alors, selon le moyen :
1 / que la nullité d'un contrat administratif signé par une autorité incompétente est absolue de sorte qu'en estimant que le contrat signé par la société SAUR était atteint de nullité relative, le Tribunal a violé la loi des 16-24 août 1790 et l'article 1351 du Code civil ;
2 / que l'action en annulation d'un contrat entaché de nullité absolue se prescrit par trente ans de sorte qu'en adoptant la solution contraire, le Tribunal a violé l'article 2262 du Code civil ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a constaté que l'absence d'habilitation de la société fermière invoquée par les défendeurs, n'existait pas à la date de formation du contrat ;
D'où il suit que le moyen qui critique un motif surabondant des jugements, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne l'Association de consommateurs de la Fontaulière et MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société SAUR France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quatre.