Sur le moyen unique :
Vu l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que M. X..., qui se trouvait sur la chaussée d'un chemin départemental, a été heurté par une voiture automobile conduite par M. Y..., laquelle a été elle-même percutée à l'arrière par une camionnette appartenant à la société Harscoat ; que, blessé, M. X... a assigné en réparation de son préjudice M. Y..., qui a appelé en garantie cette société ; que M. X... étant décédé, ses héritiers ont repris la procédure ;
Attendu que, pour retenir à la charge de M. X... une faute inexcusable et débouter ses ayants droit de leur demande, l'arrêt retient que M. X... a traversé la chaussée et s'est maintenu sensiblement au milieu de cette voie afin d'arrêter un automobiliste et de se faire prendre à son bord pour regagner son domicile, élément qui caractérise une démarche volontaire, qu'il a ainsi agi, hors agglomération, sur une route dépourvue d'éclairage, à une heure de fréquentation importante, habillé de sombre, de nuit et par temps pluvieux, élément qui caractérise l'exceptionnelle gravité de son comportement, sans raison valable, par simple commodité, et s'est exposé par son maintien sur l'axe médian de la chaussée à un danger dont il aurait dû avoir conscience, alors qu'il venait déjà précédemment d'éviter d'être renversé par un autocar, et que son imprégnation alcoolique n'était pas telle qu'elle ait pu le priver de tout discernement ;
Qu'en l'état de ces énonciations, d'où ne résulte pas l'existence d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.MOYEN ANNEXE
MOYEN DE CASSATION :
EN CE QUE l'arrêt attaqué déboute les exposants de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE le piéton a traversé la chaussée du CD 9 et s'est maintenu au milieu de cette voie dans le but d'arrêter un automobiliste et de se faire prendre à son bord pour regagner son domicile ; qu'il a ainsi agi sur une route dépourvue d'éclairage, à une heure de fréquentation importante, habillé de sombre, de nuit et par temps pluvieux ; qu'il l'a fait sans raison valable, mais par simple commodité ; qu'il s'est exposé à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que son imprégnation alcoolique n'était pas telle qu'elle ait pu le priver de tout discernement ; que les quatre éléments caractérisant la faute inexcusable sont donc réunis ; que cette faute a été la cause exclusive de l'accident ;
ALORS QUE seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en l'espèce, au regard des constatations de l'arrêt attaqué, le comportement de la victime, qui pouvait penser être visible dans les phares des véhicules qu'elle désirait arrêter pour être prise en charge, ne constitue pas une faute d'une exceptionnelle gravité et n'est donc pas inexcusable ; que, par suite, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.