Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars 1990 et 17 juillet 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le LAND DE SARRE dont le siège est ..., représenté par son ministre pour l'environnement, la VILLE DE TREVES, représentée par son maire et le LANDKREIS de TRIER SAARBURG, dont le siège est ..., représenté par son sénateur, le docteur Richerd X... ; le LAND DE SARRE, la VILLE DE TREVES et le LANDKREIS DE TRIER SAARBURG demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite du Premier ministre rejetant leur recours gracieux du 16 août 1989 tendant à l'abrogation des décrets du 24 juin 1982 et 27 février 1984 par lesquels a été autorisée la création des tranches III et IV de la centrale nucléaire de Cattenom ;
2°) d'annuler les décrets des 24 juin 1982 et 27 février 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié relatif aux installations nucléaires ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Roue-Villeneuve, avocat du LAND DE SARRE et de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention du Land de Rhénanie-Palatinat :
Considérant que le Land de Rhénanie-Palatinat a intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur l'annulation des décisions attaquées :
Considérant que, pour demander, à la fois l'annulation des décrets des 24 juin 1982 et 27 février 1984 autorisant, en application de l'article 3 du décret susvisé du 11 décembre 1963, relatif aux installations nucléaires de base, la création des tranches III et IV de la centrale nucléaire de Cattenom et l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger ces deux décrets, les requérants soutiennent, d'une part, que ces décrets sont, dès leur origine, entachés d'excès de pouvoir et, d'autre part, que du fait de changements des circonstances de droit et de fait, ils sont, de toute façon, devenus illégaux ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les décrets des 24 juin 1982 et 27 février 1984 ont été publiés au Journal officiel de la République française, respectivement, le 26 juin 1982 et le 3 mars 1984 ; qu'ils n'ont fait l'objet d'aucun recours gracieux ou contentieux dans le délai de recours contentieux suivant leur publication et sont ainsi devenus définitifs ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de ces décrets sont tardives, et, donc, irrecevables ;
Considérant, d'autre part, que des décrets portant autorisation de création d'installations nucléaires de base n'ont pas le caractère d'actes réglementaires dont les intéressés peuvent, sur le fondement du décret du 28 novembre 1983 ou par application d'un principe de droit, demander au gouvernement après l'expiration du délai de recours, l'abrogation en raison de leur illégalité d'origine ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande que les requérants lui ont présentée le 16 août 1989 tendant à ce qu'il prononce l'abrogation de ces décrets en raison de leur illégalité d'origine, doivent être rejetées ;
Considérant, enfin, que les décrets du 24 juin 1982 et du 27 février 1984, autorisant la création des tranches III et IV de la centrale nucléaire de Cattenom, ont créé des droits au profit d'Electricité de France en sa qualité d'exploitant de ces installations ; qu'est, par suite, inopérant le moyen tiré de ce que ces décrets seraient devenus illégaux postérieurement à leur adoption en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait dont la requête soutient qu'ils résulteraient de modifications de la température et du débit de la Moselle, du ralentissement de la croissance des besoins en énergie électrique, d'une lettre adressée le 7 mars 1989 par le Premier ministre au Ministre président du LAND DE SARRE ou de décisions de la cour de justice des communautés ou d'autorités communautaires ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation ni des décrets des 24 juin 1982 et 27 février 1984, ni de la décision du Premier ministre refusant d'abroger ces décrets ;
Article 1er : L'intervention du Land de Rhénanie-Palatinat est admise.
Article 2 : La requête du LAND DE SARRE, de la VILLE DE TREVES et du LANDKREIS de TRIER-SAARBURG est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au LAND DE SARRE, à la VILLE DE TREVES, au LANDKEIS de TRIER SAARBURG, au Land de Rhénanie-Palatinat, à Electricité de France, au Premier ministre et au ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.