Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 13 avril 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Maison de retraite de CAZOULS-LES-BEZIERS dont le siège est à Cazouls-les-Béziers (34 470), place des 140 ; la Maison de retraite de Cazouls les Béziers demande au Conseil d'Etat :
1/ d'annuler le jugement en date du 19 décembre 1991 en ce que par ce jugement le tribunal administratif de Montpellier a, statuant sur la demande de M. X..., annulé la décision en date du 6 septembre 1991 par laquelle sa directrice a licencié ce dernier pour insuffisance professionnelle ;
2/ de rejeter la demande présentée par M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu le code de la santé publique et la loi du 9 janvier 1986;
Vu le décret n° 77-1289 du 22 novembre 1977 ;
Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret N° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier, de la Varde, avocat de la MAISON DE RETRAITE MEDICALISEE DE CAZOULS-LES-BEZIERS,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que M. X... occupait les fonctions de cuisinier à la maison de retraite de CAZOULS-LES-BEZIERS laquelle est un établissement public ; qu'il résulte du dossier qu'il avait la responsabilité, à ce titre, outre la confection des repas, de l'exécution du budget du secteur nutritionnel ; que dans ces conditions le contrat qui l'unissait à cette maison de retraite l'associait directement à l'exécution même du service public d'hébergement assuré par cet établissement lequel relevait des dispositions du décret n° 77-1289 du 22 novembre 1977 ; que ce contrat revêtait donc un caractère administratif; que c'est par suite à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est déclaré compétent pour connaître du litige né de la rupture dudit contrat ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il résulte du dossier que M. X... faisait preuve d'une grave et persistante négligence dans la surveillance de la péremption des produits destinés à la nourriture des pensionnaires de l'établissement et dans les soins à apporter à leur conservation ; que si ces faits ont été constatés en son absence, il n'en discute pas l'exactitude, d'ailleurs confirmée par divers témoignages ; que ces éléments, auxquels s'ajoutaient des critiques, dont il avait été averti, concernant la qualité des repas servis, étaient de nature à établir son insuffisance professionnelle ; que par suite la maison de retraite requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a estimé que les circonstances de l'espèce n'étaient pas de nature à justifier le licenciement contesté ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant les premiers juges par M. X... ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant en premier lieu que la circonstance que le contrat de M. X... n'aurait pas contenu certaines des mentions exigées par le décret du 6 février 1991, d'ailleurs entré en application postérieurement à la signature dudit contrat, et que ses bulletins de paye n'auraient pas comporté des mentions réglementaires est sans influence sur la légalité de la mesure de licenciement attaquée ;
Considérant en deuxième lieu que les dispositions de l'article L 122-14 du code du travail ne sont pas applicables aux agents publics; que le moyen tiré de leur méconnaissance doit par suite être écarté ;
Considérant en troisième lieu qu'il résulte du dossier que M. X... a, conformément aux dispositions de l'article 44 du décret du 6 février 1991, eu un entretien préalable avec l'autorité signataire du contrat, lequel s'est déroulé dans les conditions prévues audit article ; que dans ces conditions la circonstance que la convocation à cet entretien n'aurait pas été signée de cette autorité est sans influence sur la régularité de la procédure suivie ; qu'enfin aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux agents publics contractuels des établissements hospitaliers n'impose à l'autorité compétente de respecter un délai minimum entre la tenue de l'entretien susmentionné et la décision de licenciement ;
Considérant en quatrième lieu qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit que la commission administrative paritaire ou le conseil d'administration de l'établissement soient consultés sur le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent contractuel; que notamment l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986, qui ne concerne que les agents fonctionnaires, est sans application au cas des agents contractuels ;
Considérant en cinquième lieu que si la décision de licenciement notifiée à l'intéressé ne porte pas la signature de la directrice de la maison de retraite, mais celle d'un agent qui lui est hiérarchiquement subordonné, la directrice en a, sur recours formé par l'intéressé, confirmé les termes et les motifs par lettre du 16 septembre 1991 ; que par suite M. X... n'est pas fondé à soutenir que la décision de le licencier aurait été prise par une autorité incompétente ;
Considérant enfin que la circonstance que la décision attaquée n'aurait pas été transmise au préfet est en tout état de cause sans influence sur sa légalité ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant en premier lieu que la circonstance que l'intéressé a, en 1990, fait l'objet d'une notation favorable est sans influence sur la légalité de la décision prise au vu de sa manière de servir constatée en 1991 ;
Considérant en deuxième lieu que l'autorité administrative peut, même sans texte, mettre fin en raison de l'insuffisance professionnelle d'un agent au contrat passé avec lui ; que par suite la circonstance que le décret du 6 février 1991 portant dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements hospitaliers ne ferait pas état d'une telle possibilité est sans influence sur la légalité du licenciement prononcé ;
Considérant en troisième lieu que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la Maison de retraite requérante est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision prononçant le licenciement pourinsuffisance professionnelle de M. X... ;
Article 1er : Le jugement en date du 19 décembre 1991 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en ce qu'il a annulé la décision en date du 6 septembre 1991 prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. X....
Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif de Montpellier par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la maison de retraite de CAZOULS-LESBEZIERS, à M. X... et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.