Vu 1°), sous le n° 261899, le recours enregistré le 18 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, statuant avant-dire-droit sur l'appel formé par la Société des Pétroles Miroline contre le jugement du 23 mars 2000 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 dans les rôles de la commune de Honfleur, a prescrit un supplément d'instruction en vue de déterminer, en application des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, la valeur locative des installations dont la société est propriétaire ;
Vu 2°), sous le n° 273663, le recours, enregistré le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 25 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, en application des dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts, fixé à 49 657,03 euros la valeur locative au 1er janvier 1970 des installations de stockage pétrolier dont la Société des Pétroles Miroline est propriétaire à Honfleur, d'autre part, accordé à cette société une réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 à raison de ces installations, et enfin, réformé en tant qu'il était contraire à son arrêt le jugement du 23 mars 2000 du tribunal administratif de Caen rejetant la demande de la Société des Pétroles Miroline tendant à la réduction de ces impositions ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bénard, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de la Société des Pétroles Miroline,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les pourvois présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui sont dirigés contre deux arrêts par lesquels la cour administrative d'appel de Nantes a statué, avant-dire-droit puis, après supplément d'instruction, sur la requête de la Société des Pétroles Miroline tendant à l'annulation du jugement du 23 mars 2000 du tribunal administratif de Caen, ont trait au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Nantes que la Société des Pétroles Miroline exploite à Honfleur des installations de stockage de produits liquides tels que fuel, pétrole lampant, colle, engrais et mélasse, livrés puis réexpédiés par voie maritime, fluviale ou routière ; qu'au titre des années 1997 et 1998, elle a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison de l'ensemble de ces installations dans la catégorie des immobilisations industrielles, en application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation, d'une part, contre l'arrêt du 30 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a ordonné un supplément d'instruction aux fins pour le ministre de déterminer la valeur locative de ces installations par application des dispositions de l'article 1498 du même code, et d'autre part, contre l'arrêt du 25 juin 2004 par lequel la cour, mettant fin à l'instance d'appel, a accordé à la société une réduction égale, dans la limite de la réclamation préalable, à la différence entre les impositions initialement mises à sa charge et celles résultant de l'évaluation des installations en cause par application de la méthode d'évaluation directe prévue par les dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la Société des Pétroles Miroline :
Considérant, en premier lieu, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE expose, dans le pourvoi enregistré sous le n° 273663, que l'arrêt mettant fin à l'instance d'appel est entaché d'erreur de droit pour avoir jugé que la valeur locative des installations de stockage en litige devait être évaluée par application de la méthode d'appréciation directe prévue par les dispositions du 3° de l'article 1498 du code général des impôts ; qu'ainsi, la Société des Pétroles Miroline n'est pas fondée à soutenir que ce pourvoi serait irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
Considérant, en second lieu, que la Société des Pétroles Miroline ne peut utilement se prévaloir de ce que le recours enregistré sous le n° 273663 se bornerait à critiquer les motifs de l'arrêt avant-dire-droit du 30 juillet 2003 dès lors, d'une part, que le ministre s'est régulièrement pourvu en cassation contre cet arrêt, qui n'est ainsi pas devenu définitif, et d'autre part, que ces motifs constituent le fondement du dispositif de l'arrêt du 25 juin 2004 mettant fin à l'instance d'appel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la Société des Pétroles Miroline doivent être écartées ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêts attaqués :
Considérant que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies, à l'article 1496 du code général des impôts pour ce qui est des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle, à l'article 1498 en ce qui concerne tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés à l'article 1496-I et que les établissements industriels visés à l'article 1499, et à l'article 1499 s'agissant des immobilisations industrielles ; que revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;
Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nantes a estimé que faute qu'y soit exercée une activité de fabrication, de transformation ou de conditionnement, de produits ou de matières, l'établissement appartenant à la Société des Pétroles Miroline ne pouvait être regardé, quels que soient les moyens mis en oeuvre pour les besoins de son exploitation, comme revêtant un caractère industriel au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, et devait être évalué conformément aux dispositions de l'article 1498 de ce code ; qu'en statuant ainsi la cour a fait une fausse application de ces dispositions ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander pour ce motif l'annulation des arrêts attaqués ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, que la Société des Pétroles Miroline soutient que les équipements mis en oeuvre sur le site sont en tout état de cause insuffisants pour lui conférer le caractère d'un établissement industriel ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les installations de stockage appartenant à la société, dont la capacité totale atteint 270 000 mètres cubes, nécessitent la mise en oeuvre d'importants matériels de pompage et de transbordement, de générateurs et de divers autres matériels de manutention, qui jouent un rôle prépondérant dans l'exploitation du site ; qu'ainsi, l'établissement en cause présente un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, que selon la documentation administrative de base 6 C-251 du 15 décembre 1988, les établissements où sont réalisées des manipulations ou des prestations de services doivent être regardés comme des établissements industriels au sens de l'article 1499 du code général des impôts lorsque le rôle de l'outillage et de la force motrice y est prépondérant, alors même qu'ils ne constituent pas des usines ou ateliers se livrant à la transformation de matières premières ou à la fabrication et à la réparation d'objets ; que ces prescriptions ne comportent aucune interprétation formelle de l'article 1499 différente de celle énoncée précédemment ; que, par suite, la Société des Pétroles Miroline ne peut s'en prévaloir utilement sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en troisième lieu, que les installations de stockage en litige ne constituent pas des entrepôts ni des stations-service, et n'entrent donc pas dans les prévisions de la documentation administrative de base 6 C-234 du 15 décembre 1988, dont la société ne saurait ainsi utilement se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, que la Société des Pétroles Miroline n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 23 mars 2000, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui dans la présente instance n'est pas la partie perdante, la somme que demande la Société des Pétroles Miroline au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts du 30 juillet 2003 et du 25 juin 2004 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.
Article 2 : Les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties en litige sont remises à la charge de la Société des Pétroles Miroline.
Article 3 : La requête présentée par la Société des Pétroles Miroline devant la Cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Société des Pétroles Miroline devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la Société des Pétroles Miroline.