Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mars et 15 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LOGIDIS, dont le siège social est zone industrielle, route de Paris à Mondeville (14120) ; la SOCIETE LOGIDIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2000 ainsi que la décision de la commission départementale d'équipement commercial du Calvados du 26 mars 1999 autorisant la SOCIETE LOGIDIS à créer un hypermarché à Falaise (Calvados) ;
2°) statuant au fond, de rejeter la requête présentée par l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement devant la cour administrative d'appel de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;
Vu le décret n° 50-722 du 24 juin 1950 modifié ;
Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE LOGIDIS,
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision du 26 mars 1999, la commission départementale d'équipement commercial du Calvados a autorisé la SOCIETE LOGIDIS à créer un hypermarché à Falaise (Calvados) ; que, par un jugement du 20 juin 2000, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement tendant à l'annulation de cette décision ; que, par un arrêt du 9 novembre 2004, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 20 juin 2000 ainsi que la décision du 26 mars 1999 ; que la SOCIETE LOGIDIS demande l'annulation de cet arrêt ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 : La demande d'autorisation prévue à l'article L. 720-5 du code de commerce est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE LOGIDIS a produit dans sa demande d'autorisation, d'une part, une délibération du conseil municipal de la commune de Falaise du 27 janvier 1997 approuvant le projet d'urbanisme de la zone située entre Guibray et le centre ville prévoyant notamment la cession à la SOCIETE LOGIDIS de terrains d'une superficie d'environ un hectare, et d'autre part, un accord cadre signé le 28 avril 1997 entre le maire de Falaise, le président de la société coopérative agricole Orcal et elle-même, en vertu duquel, pour ce qui concerne le terrain d'assiette appartenant au domaine public de la commune de Falaise, celle-ci s'est engagée à céder un terrain de 1 ha 37 a 10 ca à prélever sur les parcelles cadastrées section AH n°s 188 et 505 ; qu'en estimant ces productions insuffisantes et en en déduisant que la SOCIETE LOGIDIS ne justifiait pas d'un titre l'autorisant à construire ou à exploiter commercialement l'immeuble à la date de la décision attaquée, la cour administrative d'appel de Nantes a fait une inexacte application des dispositions de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;
Considérant que, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Caen, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments de la demande, a suffisamment répondu aux moyens relatifs à la régularité de la composition de la commission départementale d'équipement commercial du Calvados dans sa séance du 26 mars 1999 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 27 décembre 1973, ultérieurement codifié à l'article L. 720-8 du code de commerce, devenu article L. 751-2 : I - La commission départementale d'équipement commercial est présidée par le préfet qui, sans prendre part au vote, informe la commission sur le contenu du programme national prévu à l'article L. 720-1 et sur le schéma de développement commercial mentionné à l'article L. 720-3. / II. - Dans les départements autres que Paris, elle est composée : / 1º Des trois élus suivants : / a) Le maire de la commune d'implantation ; / b) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation ; / c) Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation ; (...) dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, le maire de la commune la plus peuplée est choisi parmi les maires des communes de ladite agglomération ; / 2º Des trois personnalités suivantes : / a) Le président de la chambre de commerce et d'industrie dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / b) Le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / c) Un représentant des associations de consommateurs du département. (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 24 juin 1950 : En cas (...) d'absence ou d'empêchement d'un préfet, sans que ce dernier ait délégué l'exercice de ses fonctions dans les conditions prévues à l'article précédent, le secrétaire général de la préfecture assure l'administration du département ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de ces dispositions, le secrétaire général de la préfecture du Calvados a pu régulièrement remplacer le préfet, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas été absent ou empêché, pour assurer la présidence de la commission départementale d'équipement commercial réunie le 26 mars 1999 ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu des articles L. 2122-17 et L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, le maire peut déléguer une partie de ses fonctions à un adjoint et, en l'absence ou en cas d'empêchement de ceux-ci, à un conseiller municipal et qu'en vertu de l'article L. 2122-25 du même code, il peut désigner des membres du conseil municipal pour siéger dans des organismes extérieurs ; qu'il résulte de ces dispositions combinées avec celles citées ci-dessus que le maire de la commune d'implantation et le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement peuvent se faire représenter au sein de cette commission ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le maire de Caen a désigné, par arrêté du 19 décembre 1997 pris en application des articles L. 2122-18 et L. 2122-25 du code général des collectivités territoriales, M. A, maire-adjoint, pour le représenter à la commission départementale d'équipement commercial et, en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, Mme B, maire-adjoint ; que le maire d'Hérouville-Saint-Clair a désigné, par décision du 16 mars 1999, M. C, maire-adjoint au développement économique, pour le représenter au sein de la commission départementale d'équipement commercial réunie le 26 mars 1999 pour l'examen du projet contesté ; que ces décisions ont été transmises à la préfecture ; que, dans ces conditions, les maires de Caen et d'Hérouville-Saint-Clair étaient régulièrement représentés au sein de ladite commission ;
Sur le moyen tiré de ce que le pétitionnaire ne disposait pas d'un titre l'autorisant à construire :
Considérant que, comme il a été indiqué ci-dessus, à la suite de la délibération du conseil municipal du 27 janvier 1997 relative au projet d'urbanisme en cause, a été signé entre la commune de Falaise et la SOCIETE LOGIDIS un accord, en vertu duquel la commune s'est engagée à céder un terrain prélevé sur les parcelles cadastrées AH n°s 188 et 505 en vue de la création d'un hypermarché ; que, par suite, la demande d'autorisation de cet équipement commercial devait être regardée, contrairement à ce que soutient l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement, comme étant présentée par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire, conformément aux dispositions du décret du 18 mars 1993 ;
Sur le moyen tiré des insuffisances du dossier de présentation :
Considérant qu'aux termes du VII de l'article L. 720-8 du code de commerce, devenu article L. 752-4 : Les demandes d'autorisation sont présentées selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat... ; que si le dernier alinéa de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993 autorise le ministre chargé du commerce et de l'artisanat à préciser par arrêté en tant que de besoin les modalités de présentation de la demande, cet arrêté n'a pu avoir pour objet et ne pouvait avoir légalement pour effet d'imposer des formalités autres que celles résultant du décret du 9 mars 1993 ou qui sont nécessairement impliquées par lui ; qu'il suit de là qu'est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées le moyen tiré de ce que le pétitionnaire n'aurait pas fourni de carte faisant apparaître la localisation des commerces situés à moins de vingt minutes ou de ceux de moins de 300 m² situés à environ cinq minutes du projet, la production de ces documents n'étant pas prévue par le décret du 9 mars 1993 ;
Considérant, au demeurant, que le dossier présenté par le pétitionnaire délimite avec précision la zone de chalandise du projet, comporte l'ensemble des renseignements requis par les dispositions de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993 et notamment un recensement des commerces de moins de 300 m² situés dans la zone de chalandise, le chiffre d'affaires attendu du nouvel établissement et son impact sur l'emploi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de présentation doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de l'inexacte délimitation de la zone de chalandise :
Considérant qu'en vertu de l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973, codifié à l'article L. 720-3 du code de commerce, devenu sur ce point article L. 752-6, la commission départementale d'équipement commercial et, sur recours, la commission nationale d'équipement commercial, statuent sur les demandes d'autorisation qui leur sont soumises suivant les principes définis aux articles 1er et 4 de la même loi, en prenant en considération l'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de la zone de chalandise concernée ; qu'aux termes de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993 définissant le contenu de la demande d'autorisation de création et d'extension d'équipement commercial : Pour les projets de magasins de commerce de détail, la demande (...) est accompagnée : (...) b) des renseignements suivants : 1° Délimitation de la zone de chalandise du projet et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements généraux ; (...) 3° Equipement commercial et artisanal de la zone de chalandise, y compris les marchés accueillant des commerçants non sédentaires ; 4° Equipements commerciaux exerçant une attraction sur la zone de chalandise (...) ;
Considérant que, pour l'application de ces dispositions, la zone de chalandise de l'équipement commercial faisant l'objet d'une demande d'autorisation, qui correspond à la zone d'attraction que cet équipement est susceptible d'exercer sur la clientèle, est délimitée en tenant compte des conditions d'accès au site d'implantation du projet et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder ; que, dans un second temps, l'inventaire des équipements commerciaux ou artisanaux de la zone de chalandise ainsi délimitée est effectué en retenant l'ensemble de ceux qui relèvent du même secteur d'activité que celui du projet, y compris ceux qui sont exploités sous la même enseigne que celle sous laquelle le projet, objet de l'autorisation, a été présenté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale relative à l'extension de la surface d'un supermarché existant de 1 000 à 2 500 m² et à la création d'une galerie marchande de 570 m² à Falaise (Calvados), la SOCIETE LOGIDIS a défini une zone de chalandise correspondant à un temps de desserte de 20 minutes environ, comprenant 81 communes ; que, eu égard aux caractéristiques de l'équipement commercial projeté, l'absence de prise en compte de certaines communes situées à la limite de la zone de chalandise n'entache pas, en l'espèce, d'inexactitude la délimitation de cette zone ;
Sur le moyen tiré de la rupture de l'équilibre entre les différentes formes de commerce :
Considérant que pour l'application des dispositions combinées des articles 1er et 28 de la loi du 27 décembre 1973, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;
Considérant qu'eu égard à la densité de grandes et moyennes surfaces existantes ou autorisées, supérieure aux moyenne nationale et départementale dans la zone de chalandise, le projet litigieux est susceptible d'affecter l'équilibre entre les différentes formes de commerce ; que, toutefois, il comporte des effets positifs importants tenant notamment à l'amélioration des conditions d'achat des consommateurs, au renforcement de l'attractivité de l'agglomération falaisienne, à l'aménagement du centre ville et à la création d'emplois, sans conférer à son exploitant une position dominante qui lui permettrait d'abuser de celle-ci ; qu'il résulte du rapprochement de l'ensemble des effets que le projet est susceptible d'entraîner, que les principes posés par le législateur n'ont pas été méconnus ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'équipement commercial du Calvados du 26 mars 1999 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre, en appel, par l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement la somme de 1 500 euros demandée, à ce titre, en appel, par la SOCIETE LOGIDIS ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 9 novembre 2004 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : L'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement versera la somme de 1 500 euros à la SOCIETE LOGIDIS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LOGIDIS, à l'Union commerciale et industrielle de Falaise et de l'arrondissement, à la commission départementale d'équipement commercial du Calvados et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.